Déglaciation du Québec Partie B : Morphologie des sédiments Coupe dans une petite moraine terminale (L. Halfway, Yukon)
Les sédiments glaciogéniques Est glaciogénique (glace – gène) tout sédiment qui est engendré par l’action des glaciers. On divise les sédiments glaciogéniques en trois groupes : Les sédiments glaciaires déposés par la glace du glacier elle-même. Les sédiments fluvioglaciaires déposés dans le lit des cours d’eau qui drainent l’eau de fonte du glacier. Les sédiments glaciolacustres déposés dans les lacs situés au front du glacier, les lacs proglaciaires.
Adaptation d’une figure de Géopanorama de Fort Fraser, CGC et RNC : http://sts.gsc.nrcan.gc.ca/geoscape/fortfraser_main_fr.asp
Sédiments glaciolacustres en bord de route à Johnson’s Crossing, Yukon Sédiments glaciolacustres en bord de route à Johnson’s Crossing, Yukon. Cette argile stratifiée a été déposée dans le fond d’un lac glaciaire.
Le till Le mot till est synonyme de sédiments glaciaires, c’est-à-dire déposés directement par la glace sans remaniement par les eaux de fonte. Le till est un mélange de débris allant de la farine de roche aux blocs, débris non triés et déposés en vrac sans stratification apparente. La partie fine du dépôt, argile, silt et sable, constitue la matrice du till. En géologie, on appelle diamicton des débris rocheux non triés et non stratifiés composés de particules dont la taille varie sur une large gamme. On utilise ce terme sans s’occuper de l’origine des débris. On peut donc définir le till comme un diamicton glaciaire.
Du point de vue de l’hydrogéologie, on distingue le till de fond qui est généralement imperméable et le till d’ablation qui est généralement perméable. Pendant qu’un glacier recouvre une région, le till de fond est déjà présent sous lui. Le glacier dépose à certains endroits une partie de ses débris d’abrasion et de débitage. Le till de fond est compacté par le poids du glacier et il a une porosité très faible parce que son tri est étalé : tout espace entre deux particules d’une taille donnée est donc occupé par des particules plus petites. Le till d’ablation, lui, n’existe pas encore. Il sera constitué, quand la glace viendra à disparaître, par les débris se trouvant dans le glacier et sur le glacier. Le till d’ablation n’est pas compacté et la partie très fine a généralement été emportée par l’eau de fonte. Sa matrice est donc surtout faite de sable, ce qui le rend poreux.
Till d’ablation pierreux Futur till d’ablation Glace en mouvement Substratum rocheux Till de fond Le glacier Sólheimajökull d’Islande recule depuis 1995 et couvre le sol de till d’ablation.
Question Le barrage Robert-Bourassa (anciennement LG-2) à la baie de James est fait de roche. Son cœur est formé de till de fond prélevé sur place ; ce cœur est entouré de sable et de gravier, et le tout est recouvert de blocs. Pouvez-vous expliquer, en dehors de la question du prix, pourquoi le cœur est en till de fond ? Hydro-Québec : http://www.hydroquebec.com/visitez/visite_virtuelle/barrage.html Réponse : Le barrage doit laisser fuir le moins d’eau possible. On façonne donc son cœur avec le till de fond parce que c’est un matériau imperméable.
La couleur, la texture et la composition du till varie beaucoup d’un endroit à l’autre en fonction de la nature de la roche qui se trouvait sous le glacier (till de fond) ou le long du trajet suivi par la glace (till d’ablation). Voici deux tills différents. Notez que, parce qu’il n’y a pas eu de transport par l’eau, les pierres d’un till n’ont pas une forme arrondie.
Question Cette photo prise sur le bord de la mer (Cape Breton) permet de voir différents dépôts. Identifiez la couche de till. Quels sont vos critères d’identification ? Réponse : On doit chercher des débris rocheux non triés (le gravier de la plage au bas de l’image est trié) et non stratifiés (le sable sous le till est stratifié).
Les sédiments fluvioglaciaires Les sédiments déposés dans le lit des cours d’eau de fonte sont juxtaglaciaires (juxta = à côté) s’ils s’accumulent au contact de la glace et proglaciaires (pro = en avant) s’ils s’accumulent en aval du glacier. Plaine d’épandage Rivière sous la glace Photo ci-dessus de Ben Laabs : http://www.geology.wisc.edu/~qlab/iceland/iceland2000.html
Plaine d’épandage Les dépôts proglaciaires prennent la forme de deltas, de cônes d’alluvions, de terrasses et de plaines alluviales. On appelle les plaines alluviales proglaciaires plaines d’épandage ou sandur (le terme islandais). Sandur en Islande glacier
Photo Ólafur Ingólfsson http://www.hi.is/~oi/solheimajokull_photos.htm On nomme « épandage » le type de dépôt associé aux plaines du même nom. C’est un dépôt plat ou en terrasse, perméable, fait de strates parallèles bien visibles de gravier arrondi, de sable et de silt. Photo Ólafur Ingólfsson http://www.hi.is/~oi/solheimajokull_photos.htm
Question Voici une plaine d’épandage dans les Rocheuses. De quel type est le cours d’eau venant du glacier (situé à l’extérieur de la photo à droite) ? Réponse : C’est un cours d’eau à chenaux tressés. C’est typique des plaines d’épandage parce que le volume des sédiments est gros et que ceux-ci tendent à bloquer l’écoulement de l’eau.
Les kettles De gros blocs de glace se détachent régulièrement d’un glacier en recul et se font enfouir partiellement ou entièrement dans les sédiments fluvioglaciaires (delta, plaine d’épandage, etc.). Quand ces blocs enterrés viennent à fondre, ils laissent dans les sédiments des dépressions, les kettles. Ces dépressions contiennent souvent de petits lacs. Kettles dans un delta Photo de Lynda Dredge, CGC, RNC, Paysages canadiens
Voici un exemple de formation de kettles. Adaptation d’un exemple du U.S. Geological Survey : http://pubs.usgs.gov/gip/capecod/fig9.html
Kettle du Vermont. L’auto est sur les sédiments dans lesquels le bloc de glace a fondu.
Kames et eskers L’eau de fonte d’un glacier peut accumuler des sédiments au contact de la glace (= juxtaglaciaires) à trois endroits : Dans un creux à la surface du glacier ou dans le glacier. Entre le glacier et une paroi rocheuse. Dans le lit d’un cours d’eau circulant sous, dans ou à la surface du glacier. Quand le glacier vient à se retirer, ces dépôts de sable et de gravier tombent et glissent sur le sol pour former respectivement : Une butte aux pentes raides : un kame (mot écossais). Un dépôt plat, appuyé sur une paroi, se terminant par un talus en forte pente : une terrasse de kame. Un cordon sinueux plus ou moins continu : un esker (mot irlandais).
Trois eskers Photos de Lynda Dredge, CGC, RNC, Paysages canadiens
Voici 2 kames de bord de route, au Yukon (haut) et dans la vallée de la Matapédia. Il s’agit de sable grossier et de gravier, l’absence de particules fines indiquant un transport par l’eau, qui a délavé les sédiments. Ce kame est éventré du côté des poteaux car il sert de source de granulats
Terrasse de kame Ancienne surface de contact avec le glacier Photo Kennedy et Bond http://www.geology.gov.yk.ca/publications/yeg/yeg03/10_kennedy.pdf
Question Le professeur Steven Dutch, de l’université du Wisconsin, a reporté sur une carte la position des gravières de sa région (http://www.uwgb.edu/dutchs/geolwisc/geostops/poundesk.htm). Que pouvez-vous conclure de leur répartition ? Réponse : Les gravières tracent une ligne sinueuse dans le paysage. Elles exploitent toutes le gravier au cœur d’un esker.
On aurait le même résultat en reportant sur une carte les nombreuses gravières et sablières de l’esker Windsor, qui longe la rivière Saint-François près de Sherbrooke. Nouvelle diapo
Les sédiments glaciolacustres Ce sont des dépôts de sable, de silt et d’argile qui se forment dans le fond des lacs glaciaires. Ils peuvent reposer sur le roc, sur le till ou sur des sédiments fluvioglaciaires. Les sédiments glaciolacustres montrent souvent une périodicité qui résulte de variations cycliques dans le volume et la nature des sédiments. On parle alors de rythmites. On parle de varves (rayé en suédois) quand la périodicité prend la forme d’une succession de doubles couches : couche pâle épaisse de silt ou de sable fin, couche sombre mince d’argile. Les varves résultent des conditions de sédimentation différentes en été (fonte rapide, sédiments grossiers, eau agitée) et en hiver (fonte qui cesse, lac couvert de glace et calme, boue qui se dépose). On date certains événements en comptant les doublets (1 doublet = 1 année).
Varves : la partie pâle de chaque doublet est faite de silt ou de sable fin, et elle a été déposée en été ; la partie sombre est faite d’argile et de matière organique, et elle a été déposée en hiver. Falaise proche de Toronto Photo de Bruce F. Molnia, USGS http://pubs.usgs.gov/of/2004/1216/tz/tz.html
Exemple de rythmites dans le parc du Mont-Tremblant le long de la rivière du Diable. Lits d’argile clairs et foncés Sable
Les moraines Nous avons déjà parlé de moraine à deux occasions. D’abord, lors de l’étude de l’action géologique des glaciers, nous avons décrit les cordons de débris transportés sur un glacier de vallée (moraine médiane par exemple) ou abandonnés par lui (moraine frontale par exemple). Ensuite, nous avons évoqué les grandes moraines de récession qui permettent de suivre sur le terrain la fonte progressive d’un inlandsis. Nous pouvons ajouter qu’elles sont composées de till surtout et de sédiments fluvioglaciaires. La diapositive suivante montre le paysage bosselé des moraines de récession d’Oak Ridge (au nord de Toronto) et de Saint-Narcisse (centre du Québec) laissées par l’inlandsis laurentidien.
Oak Ridge Moraine de Saint-Narcisse
Plus généralement, on appelle moraine toute forme de terrain façonnée dans le till par un glacier ou un inlandsis. La photo suivante montre une moraine sans forme particulière. Voici quelques exemples de moraines ayant des formes plus caractéristiques. Il faut souvent des photos aériennes et la présence d’eau pour bien voir ces structures. Nous n’étudierons pas la façon, souvent encore mal comprise, dont la glace façonne ainsi les sédiments glaciaires.
Photo Per Möller, http://www.geol.lu.se/personal/PRM/shome.html Moraine de Rogen (un lac suédois) ou côtelée, puisque le terrain ressemble à une cage thoracique Photo Per Möller, http://www.geol.lu.se/personal/PRM/shome.html sens d’écoulement de la glace
Autre exemple de moraine de Rogen. Photo de Lynda Dredge, RNC.
Moraine de De Geer (un géologue suédois) ou en planche à laver Moraine de De Geer (un géologue suédois) ou en planche à laver. Il s’agit de petites crêtes étroites, parallèles au front d’un glacier en retrait. Deux photos de Pierre Bédard, http://www.unites.uqam.ca/terre/glaciaire/sct_glcr_moraine_mineure.html Ajout des flèches
Champ de drumlins. Un drumlin a une forme en dos de cuillère dont le gros bout est du côté amont de l’écoulement glaciaire. écoulement glaciaire Photo Paysages canadiens, Ressources naturelles Canada.
Haut : petit drumlin devant un glacier d’Islande qui recule. Bas : grand drumlin au sud du lac Ontario ( état de New York). Écoulement
Question Cette photo montre un bord de mer en Nouvelle-Écosse. Dans quel sens la glace s’écoulait-elle autrefois sur cette partie de la Nouvelle-Écosse ? Réponse : On voit un drumlin qui nous indique que la glace se déplaçait de gauche à droite, puisque son gros bout est à gauche. Photo : RNC, CGC