Jean Ferrat Les oiseaux déguisés Illustrations: Toiles de Marc Chagall Par Nanou et Stan
Tous ceux qui parlent des merveilles Leurs fables cachent des sanglots Et les couleurs de leur oreille Toujours à des plaintes pareilles Donnent leurs larmes pour de l'eau
Le peintre assis devant sa toile A-t-il jamais peint ce qu'il voit Ce qu'il voit son histoire voile Et ses ténèbres sont étoiles Comme chanter change la voix
Ce sont des oiseaux déguisés Son regard embellit les choses Ses secrets partout qu'il expose Ce sont des oiseaux déguisés Son regard embellit les choses Et les gens prennent pour des roses La douleur dont il est brisé
Ce que je fus je l'ai quitté Et les teintes d'aimer changèrent Ma vie au loin mon étrangère Ce que je fus je l'ai quitté Et les teintes d'aimer changèrent Comme roussit dans les fougères Le songe d'une nuit d'été
De rue en rue et je chantonne Un air dont lentement s'étonne Automne automne long automne Comme le cri du vitrier De rue en rue et je chantonne Un air dont lentement s'étonne Celui qui ne sait plus prier
Les oiseaux déguisés Poème de Louis Aragon Les années ont passé, Aragon est mort, le rêve communiste d’un monde meilleur s’est écroulé un soir de novembre sous les coups de pioche donnés au mur de Berlin le neuf novembre 1989… Pourtant, Ferrat, pour qui ce sera son dernier album studio, enregistre en 1995 seize nouveaux poèmes de son auteur préféré, et, c’est un nouvel enchantement, avec des hommages à Pablo Neruda, Carco, et Chagall. Musicalement déjà, Ferrat ouvre ses arrangements aux musiques du monde, et dès la première chanson, des chanteurs chiliens donnent une touche originale au refrain «Comment croire, comment croire au pas pesant des soldats» qui allège les mots terribles du poète. Aragon a raconté en vers, «ce siècle de tragédie» et je vais avouer un petit regret, j’aurais aimé que soit mis en musique un de mes poèmes préférés : «Ballade de celui qui chanta dans les supplices». Mais ne boudons pas notre plaisir, seize nouvelles madeleines et les mots d’Aragon sur la (faussement naïve) ritournelle de Jean dans un moment exceptionnel de beauté, «Carco» : « Tu meurs sans avoir vu le drame/Carco qui ne sus que chanter/Te souviens-tu de cet été/De Nice où nous nous rencontrâmes/On faisait semblant d'être heureux/Le ciel ressemblait à la mer/Même l'aurore était amère/C'était en l'an quarante-deux ». Mélange de l’insouciance revendiquée combiné au drame qui s’avance, les mots, comme toujours chez Aragon, sont forts, expressifs, violents, comme dans l’autre chanson sur Pablo Jean Ferrat Les oiseaux déguisés Poème de Louis Aragon Les années ont passé, Aragon est mort, le rêve communiste d’un monde meilleur s’est écroulé un soir de novembre sous les coups de pioche donnés au mur de Berlin le neuf novembre 1989… Pourtant, Ferrat, pour qui ce sera son dernier album studio, enregistre en 1995 seize nouveaux poèmes de son auteur préféré, et, c’est un nouvel enchantement, avec des hommages à Pablo Neruda, Carco, et Chagall. Musicalement déjà, Ferrat ouvre ses arrangements aux musiques du monde, et dès la première chanson, des chanteurs chiliens donnent une touche originale au refrain «Comment croire, comment croire au pas pesant des soldats» qui allège les mots terribles du poète. Aragon a raconté en vers, «ce siècle de tragédie» et je vais avouer un petit regret, j’aurais aimé que soit mis en musique un de mes poèmes préférés : «Ballade de celui qui chanta dans les supplices». Mais ne boudons pas notre plaisir, seize nouvelles madeleines et les mots d’Aragon sur la (faussement naïve) ritournelle de Jean dans un moment exceptionnel de beauté, «Carco» : « Tu meurs sans avoir vu le drame/Carco qui ne sus que chanter/Te souviens-tu de cet été/De Nice où nous nous rencontrâmes/On faisait semblant d'être heureux/Le ciel ressemblait à la mer/Même l'aurore était amère/C'était en l'an quarante-deux ». Mélange de l’insouciance revendiquée combiné au drame qui s’avance, les mots, comme toujours chez Aragon, sont forts, expressifs, violents, comme dans l’autre chanson sur Pablo Neruda : …../…..
Nanou et Stan le 02/04/2017 Neruda : "Pablo mon ami qu'avons-nous permis/L'ombre devant nous s'allonge s'allonge/Qu'avons-nous permis Pablo mon ami/Pablo mon ami nos songes nos songes". Ces mots graves (cette autocritique?) sont bien loin de ceux, enjoués de la chanson d’ouverture « Lorsque la musique est belle/Tous les hommes sont égaux/Et l'injustice rebelle/Paris ou Santiago». Mais c’était un autre onze septembre (1973), que l’espoir et la musique se sont arrêtés à Santiago. Et le vingt-trois septembre Neruda s’éteignait. Contraste avec la beauté d’un peintre de génie (Chagall) : "Tous les animaux et les candélabres/Le violon-coq et le bouc-bouquet/Sont du mariage/Mon peintre amer odeur d'amandes". Un regard lucide sur le temps qui passe, sur les jeunes années qui s’enfuient, sur la beauté d’une peinture, d’un paysage, d’un sentiment. Et le génie de Ferrat est là, il enveloppe les mots d’Aragon, les cisèle, les magnifie, leur donne une nouvelle vie, un nouveau souffle « J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon coeur quatre fois y battre/Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant/Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ/Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre ». Aragon et Ferrat se sont tus, mais les mots et les musiques résonneront encore longtemps dans nos cœurs. Nanou et Stan le 02/04/2017