LE DEUIL, LES DIFFERENTES ETAPES ET ACTIONS INFIRMIERES
POURQUOI ETUDIER LE DEUIL ? Le soignant y est associé lorsqu’il soigne des personnes en fin de vie Il peut être touché dans sa vie personnelle tout en poursuivant sa tâche de soignant Il a un rôle dans la prévention du deuil pathologique
Il y a deuil à chaque fois qu’il y a perte. PERTES et DEUILS perte de sens, perte des personnes aimées, pertes liées à l’image de soi, à l’estime de soi, pertes liées à notre développement, pertes d’objets extérieurs. Il y a deuil à chaque fois qu’il y a perte.
DEFINITIONS DU DEUIL Ensemble des comportements et des conduites sociales individuelles et collectives Le deuil est situation de perte Le deuil est douleur Travail psychique consécutif à l’expérience de la perte
LE PROCESSUS DU DEUIL HABITUEL D’un point de vue affectif : attachement → arrachement → détachement → nouvel attachement D’un point de vue structurel : organisation → désorganisation → réorganisation Stabilité crise rétablissement
FACTEURS EN JEU DANS LE DEUIL Nature de la relation Personnalité Contexte socio culturel Circonstances du décès
LES ETAPES DU DEUIL 1- L’état de choc : sidération, refus de la perte laisser-aller émotionnel, recherche du disparu 2- L’état dépressif 3- Le rétablissement
L’ETAT DE CHOC : 1er temps Choc + ou – intense (relation à l’être disparu / circonstances du décès) Importance de la confrontation à la réalité de la mort Refus d’admettre la réalité et parfois crie Etat de choc physique / Réveil d’affections corporelles chroniques / Maladie Refus de tout ce qui pourrait éloigner du deuil
REACTION DES SOIGNANTS Etre calme : Si possible dans une pièce calme, la famille doit pouvoir pleurer sans se donner en spectacle. Répondre aux questions : La précision sur les circonstances du décès est importante pour faire comprendre toute la réalité. Accompagner la famille pour voir le corps, toucher et faire toucher le corps (affirme la réalité de la mort).
L’ETAT DE CHOC : 2ème temps Temps nécessaire et indispensable Place essentielle de l’entourage Temps de la colère éprouvée vis-à-vis du défunt (reproche d’abandon) Prise de conscience et acceptation, en partie, de la réalité de la perte et l’intensité de la douleur
TEMPS DES RITES rites funéraires immédiats (toilette du mort, veillée funèbre), office religieux, période de condoléances, repas familial Rites funéraires destinés à honorer les morts, consacrer la séparation avec les vivants et apaiser ceux qui restent
L’ETAT DEPRESSIF Véritable état dépressif sur plan clinique et psychologique Détachement progressif de l’objet aimé / Remémoration des souvenirs et espoirs Relation ambivalente à l’objet perdu Refus d’investir d’autres objets Rêves de rencontre, de restauration, d’acquisition / réinvestissement de nouvelles relations, nouveaux objets
ATTITUDE SOIGNANTE Veiller au sommeil, à l’appétit (médicaments en général peu utiles). Ecoute attentive sans proposer de « solutions » : par définition on ne « connaît » pas le deuil de l’autre, l’endeuillé ne veut pas être consolé, car il est inconsolable. Attitude empathique simple et réservée. Le bon effet cicatrisant du temps est intolérable à l’endeuillé.
LE RETABLISSEMENT Retour vers le monde extérieur, vers de nouveaux objets Capacité de ressentir et d’exprimer des désirs Besoin de changer de cadre de vie et d’avoir de nouvelles relations sociales Disparition de l’état dépressif, atténuation de la douleur
LE RETABLISSEMENT (suite) Le travail de détachement se continue Traces de cette blessure même si le travail de deuil se termine Chaque personne humaine sort transformée après un deuil
LES VOIES D’ACCES AU DEUIL Le prédeuil : A lieu avant le deuil réel Travail de préparation à la séparation Intégration progressive des pertes liées à la maladie Mise en place de renoncements La mort est envisagée dans un avenir proche Le malade est considéré comme vivant
LES VOIES D’ACCES AU DEUIL (suite) Le deuil anticipé : Désinvestissement prématuré du patient, considéré comme déjà mort Mécanisme de défense Circonstances favorisantes : état déficitaire, maladie invalidante, rupture de communication Expose aux deuils pathologiques
SUIVI DE DEUIL : QUEL SOUTIEN ? Annoncer la vérité sans délai et sans travestissement, surtout aux enfants et aux personnes âgées, souvent tenus à l’écart Ne pas assigner au deuil un statut de maladie. Ne pas gommer toutes les manifestations Proposer de l’aide aux adultes, en apporter systématiquement aux enfants Ecouter sans juger, sans vouloir consoler
SUIVI DE DEUIL,QUEL SOUTIEN (suite) Ne pas réduire trop tôt les endeuillés à la parole mais les y conduire (temps pour parler) Conseiller, indiquer des lectures, des pistes Orienter vers un spécialiste si nécessaire Les médicaments (non systématiques) risquent d’anesthésier les émotions. L’affliction et la tristesse sont des réactions normales.
LES DEUILS COMPLIQUES S’écartent sensiblement de la normale Persistance après 6 mois de certains signes : Refus d’accepter la mort Recherche active du disparu Se languir, désirer ardemment l’autre Préoccupations constantes au sujet du disparu Incapacité à croire vraiment à la disparition Sentiments d’être toujours frappé de stupeur Pleurs incoercibles
LES DEUILS COMPLIQUES (suite) 1- Les deuils différés : Aucune réaction tangible Réalisation de la perte mais la mort reste irréelle → “ crypte ” où “ survit ” le mort La personne refuse toute aide Connotation de “ pathologie ” seulement quand la “ crypte ” entrave la poursuite d’un destin propre
LES DEUILS COMPLIQUES (suite) 2- Les deuils inhibés : La personne met un couvercle dessus Dépression masquée avec signes somatiques 3- Les deuils chroniques : Prolongation exagérée Relation de dépendance importante avec le défunt Bénéfices secondaires
LA DEPRESSION MAJEURE REACTIONNELLE Insomnie, apathie, anxiété ++, idéation suicidaire, culpabilité, hostilité, retrait, atteinte de l’estime de soi… → antidépresseurs + psychothérapie Durée : plusieurs années Travail de deuil à faire une fois la dépression éradiquée
LES DEUILS PATHOLOGIQUES 1/ Les deuils psychiatriques Deuils névrotiques Deuils psychotiques 2/ Les somatisations du deuil
LES DEUILS NEVROTIQUES Deuil obsessionnel : - La personne garde tout en elle - Reproches vis-à-vis d’elle-même et des autres - Dépression - Vie intérieure bloquée, seul souvenir : la mort - État d’inhibition Deuil hystérique : - Apparence de normalité au début : cache un déni qui dure anormalement, puis extériorisation de la souffrance - Installation progressive de la dépression, chronicisation, comportements d’autodestruction - Refus de quitter le défunt - Identification au disparu → TS, conversions hystériques
LES DEUILS PSYCHOTIQUES Deuil maniaque : Processus défensif bref (dénégation de la mort, surexcitation psychique, euphorie, versatilité de l’humeur) Accès mélancolique, risque de suicide → hospitalisation et protection juridique
LES DEUILS PSYCHOTIQUES (suite) 2. Le deuil mélancolique : dépression + culpabilité démesurée → baisse de l’estime de soi → risque de suicide majeur. Attachement fusionnel : pas de distance avec l’être aimé. 3. Le deuil délirant : Trait de personnalité existant avant. Liens très investis. Dénégation : pour le survivant, le défunt est toujours en vie.
LES SOMATISATIONS DU DEUIL Deuil = circonstance déclenchant la pathologie somatique non manifestée jusqu’alors : - Pathologie cardio-vasculaire - Troubles digestifs : ulcères… - Crises d’asthme, - Affaiblissement immunitaire.
ELEMENTS FAVORISANT LE DEUIL PATHOLOGIQUE Mauvais soutien social, ATCD psychiatriques (dépression), Mort inattendue, Pertes nombreuses ou autres stress, Dépendance psychologique importante, Mort d’un enfant.
LE DEUIL DE L’ENFANT L’enfant appréhende la mort à 5 ans En a une définition assez précise à 9 ans La notion d’irréversibilité est plus tardive Chez le tout petit, le deuil peut entraîner une régression Chez l’enfant plus grand, le deuil est proche de celui de l’adulte
LE DEUIL DE L’ENFANT ATTITUDES DU SOIGNANT Ne pas se substituer à la famille Déculpabiliser l’enfant : il n’est pas responsable de la mort Dire qu’on va s’occuper de lui, qu’on continuera à aimer le disparu dans notre cœur et que jamais on ne l’oubliera Parler du chagrin, reparler du disparu Savoir la vérité, lui dire que ni lui ni ceux qui restent ne sont pas en danger de mort.
LE DEUIL DES SOIGNANTS Facteurs de risque Intimité et longueur des soins Jeunesse des patients (identification) Sentiment d’auto-reproche Fatigue Répétition des deuils Problèmes au travail Problèmes personnels = « burn out »
ROLE INFIRMIER auprès de la FAMILLE de la personne en fin de vie Histoire de la maladie, vécu du malade → mieux comprendre les proches But : aider les familles à gérer leurs sentiments à prendre leurs propres décisions Le rôle de la famille est essentiel et demeure un soutien primordial pour la personne en fin de vie Il est important d’avoir pour les soignants, au début de la prise en charge d’un accompagnement, non seulement l’histoire de la maladie mais aussi le vécu de la personne malade, pour mieux comprendre les difficultés et réactions des proches. Le but des interventions infirmières est d’aider les familles à gérer leurs sentiments, à prendre leurs propres décisions et à les réajuster, car leur rôle est essentiel et demeure un soutien primordial pour la personne en fin de vie.
ROLE INFIRMIER auprès de la FAMILLE de la personne en fin de vie (suite) L’observation et l’écoute : perception que les membres ont d’eux-mêmes et de la situation → comprendre les difficultés, aider à réajuster les attitudes L’information : évolution de la maladie, soins, traitements = repères essentiels pour l’entourage. Un interlocuteur privilégié dans l’entourage. Apaiser les tensions. Renforcer les liens existants. Le rôle de l’infirmière se situe à plusieurs niveaux: L’observation et l’écoute : l’infirmière doit porter toute son attention sur les faits qui gravitent autour de la perception que les membres ont eux-mêmes et de la situation qu’ils vivent. Sa disponibilité à observer et à écouter l’amènent à comprendre les difficultés et à les aider à réajuster leurs attitudes. L’information et les renseignements sur l’évolution de la maladie, sur les soins et les traitements, restent des repères essentiels pour l’entourage. En relai du médecin, les soignants utiliseront un vocabulaire adapté et accessible en s’assurant de la bonne compréhension (ex : reformulation). Il est intéressant d’avoir un interlocuteur privilégié , une personne ressource, qui dans certaines situations peut être un ami. C’est à cette personne qu’il sera plus facile de donner des informations régulières sans pour autant évincer les autres, chacun ayant besoin d’explications. Dans certains cas il sera indispensable de réunir tous les proches, même les enfants, pour clarifier la situation, apaiser les tensions et renforcer les liens existants.
ROLE INFIRMIER auprès de la FAMILLE de la personne en fin de vie (suite) Soutien, aide et encouragement à trouver une relation adaptée. Participation aux soins : aide à la mobilisation, à la prise des repas, soins du visage… - Dans les derniers instants, la présence de l’infirmière peut être rassurante pour certains, pour d’autres, sa discrétion sera appréciée. Le soutien, l’aide et l’encouragement auprès de l’entourage à trouver une relation adaptée, c’est-à-dire à trouver les formules ou les gestes qui lui permettront de mieux aider et communiquer avec leur parent malade. La participation aux soins est un lien intéressant dans cette démarche. Si certains le font spontanément, d’autres n’osent pas. L’infirmière peut leur apprendre certains gestes ou les faire participer à certains soins : aide à la mobilisation, aide à l’installation et prise des repas, soins du visage, soins de bouche… La présence de l’infirmière dans les derniers instants est rassurante pour certaines familles ; pour d’autres, sa discrétion sera appréciée. Il arrive que la personne en fin de vie décède sans que les proches soient présents. Ces derniers ressentent beaucoup de regrets. Il est donc important de leur expliquer que c’était peut-être mieux ainsi pour elle, que le lien était trop fort.
ROLE INFIRMIER auprès des PERSONNES ENDEUILLEES Avant le décès : aborder l’éventualité de la mort et les questions matérielles. Les préparer afin d’anticiper leur réaction. Leur proposer de rester la nuit. . Au moment du décès : il arrive que le patient décède sans que les proches soient présents (→regrets). Expliquer que c’était peut-être mieux ainsi pour lui, que le lien était trop fort. Il s’inscrit naturellement dans la continuité de la relation de soutien qui s’est instaurée dès le début de la prise en charge du patient, soit au domicile soit en institution. Avant le décès, il est important que la famille puisse aborder l’éventualité de la mort et les questions matérielles qui en découlent sans se culpabiliser ni trouver cela indécent. Les soignants sont parfois à l’origine de ces questions que les proches n’osent pas toujours aborder par pudeur. Au moment du décès il arrive que la personne en fin de vie décède sans que les proches soient présents. Ces derniers ressentent beaucoup de regrets. Il est donc important de leur expliquer que c’était peut-être mieux ainsi pour elle, que le lien était trop fort.
ROLE INFIRMIER auprès des PERSONNES ENDEUILLEES (suite) Après de décès : - Rencontre possible avec un membre de l’équipe soignante (USP, oncologie, USLD) - Rencontres avec d’autres familles endeuillées - Suivi de deuil avec un psychologue → Aider l’autre à identifier sa propre souffrance → Evaluer la qualité du travail psychique, la capacité à réinvestir une vie affective et sociale. Les heures qui suivent le décès sont surtout occupées à prévenir les amis et à organiser les obsèques. L’organisation et le respect de ce rituel funéraire (inauguré par la toilette mortuaire) sont une des conditions indispensables au processus de deuil. Le rôle des soignants est ici prépondérant. Souvent après le décès, la famille ne se manisfeste plus auprès de l’équipe soignante. Dans certains services (USP, long-séjour, oncologie), il est possible pour les proches de rencontrer soit un membre de l’équipe, soit de participer à des rencontres avec d’autres familles endeuillées. Ce « suivi de deuil » permet d’évaluer avec la personne endeuillée la qualité du travail psychique et sa capacité à réinvestir une vie affective et sociale. Devant la persistance d’un état dépressif, des troubles somatiques ou des modifications du comportement pouvant évoquer un deuil compliqué ou pathologique, il faut proposer à la personne de consulter son médecin traitant ou de rencontrer un psychologue ou un psychiatre. Si le deuil n’est pas une maladie, il peut le devenir. Notre rôle est d’aider l’autre à identifier sa propre souffrance.
CONCLUSION Le deuil est une étape indispensable qui demande parfois à être accompagnée comme toutes les étapes douloureuses mais dynamiques de la vie humaine.