Les Québécois ont-ils perdu la foi?
Les Québécois ont-ils perdu la foi? Plan du cours Introduction : La sécularisation accélérée de la société québécoise 1. Religion et foi 1.1 Qu’est-ce que la religion? 1.2 L’indifférence religieuse et la foi 2. Une foi sans institution? Conclusion: Foi en Dieu, foi en l’homme
Introduction La sécularisation accélérée de la société québécoise
L’évolution de la pratique religieuse au Québec depuis 1965
Le déclin accéléré du catholicisme au Québec 3 grandes questions Comment expliquer qu’une religion aussi ancrée que pouvait l’être le catholicisme au Québec ait perdu en l’espace d’une dizaine d’années la majeure partie de son influence sociale, culturelle et politique? Si les Québécois ont abandonné aussi rapidement la religion catholique, n’y a-t-il pas lieu alors de s’interroger sur la profondeur de la foi qui habitait nos très catholiques ancêtres? À la lumière du très faible taux de pratique religieuse des Québécois d’aujourd’hui, peut-on conclure que ceux-ci sont devenus religieusement indifférents?
Religion et foi 1.1 Qu’est-ce que la religion?
Trois sens du mot « religion » « La religion est le fait de se soucier d’une certaine nature supérieure à l’homme qu’on appelle divine et de lui rendre un culte » (Cicéron) La religion est l’art d’établir des liens, verticalement entre Dieu et les hommes, horizontalement entre les hommes qui partagent une même croyance. La religion est « une affaire de confiance ». Être religieux, c’est donner foi à la parole d’un autre.
Du sacré au religieux… L’invention du terme latin religio correspond à une spécialisation de la religion; elle signifie que tout n’est plus sacré dans la société; elle témoigne déjà d’un certain désenchantement du monde, d’une sortie de la religion primitive, celle des sociétés archaïques.
L’apparition du terme Religion implique que tout n’est plus sacré dans la société
La « religion » des sociétés archaïques Socialité = Sacralité Le monde est enchanté. Les dieux ne sont pas transcendants au monde; ils sont présents ici et maintenant
Les religions monothéistes Dieu La religion spécifiée Transcendance PROFANE SACRÉ
La religion dans nos sociétés libérales Sphère privée (opinions) Supplément d’âme RELIGION SOCIÉTÉ sécularisée Sphère publique (économie, travail, etc.)
Religion et foi 1.2 L’indifférence religieuse et la foi
La foi est d’abord une question Si, avant d’être une réponse, la foi est avant tout une question sur le destin de la personne, sur la finitude humaine, sur la possibilité d’un salut, c’est-à-dire d’un avenir en dépit de toutes les limites, alors je ne pense pas qu’il y ait personne d’indifférent. Fernand Dumont
L’homme, cet animal croyant Est-il possible de tracer une ligne de démarcation qui séparerait avec rigueur croyants et incroyants? Rien, à mon sens, ne serait plus illusoire. Il n’y a pas la croyance d’un côté et son absence de l’autre; la croyance est constitutive de l’existence, au même titre que la raison et le langage. Fernand Dumont, Une foi partagée, 1996
La transcendance sans nom « Le courage premier, n’est-ce pas d’affronter cette transcendance et les interrogations qui s’ensuivent ? » D’où venons-nous? Qui sommes-nous? Où allons-nous?
Deux types d’incroyance… Incroyance de suffisance = l’athéisme Incroyance spirituelle = l’agnosticisme Comte-Sponville Luc Ferry
J’ai dû limiter le savoir pour faire une place à la croyance. Emmanuel Kant
2. Une foi sans institution
Qu’est-ce que le christianisme? C’est l’émancipation de l’individu par une transcendance personnelle, et l’union d’individus-hors-du-monde en une communauté qui marche sur la terre mais a son cœur dans le ciel. Louis Dumont, Essais sur l’individualisme
Qui est le Dieu chrétien? Ce ne peut être que dans la volonté de faire l’histoire avec autrui, et en vue de la communauté, que Dieu paraît. Fernand Dumont, Une foi partagée
L’Église catholique Une communauté ou une organisation?
On ne change pas les conscience comme on déplace les bureaucraties… Il se pourrait que, au moment où elle semble disparaître, la culture que l’Église nous a façonnée au cours des temps nous laisse dans un tel état de dénuement et de désarroi, avec des cicatrices si profondes, qu’il soit indispensable, depuis que le pouvoir ecclésiastique s’est desserré, de voir les choses avec plus d’acuité que dans les polémiques passionnées d’hier. Fernand Dumont, Raisons communes.
Le prix de la fin de la religion au Québec… Par la création d’un climat d’ensemble [d’une culture] plus que par la formulation de mesures de répression précises, l’Église au Québec est responsable du retard de la maturation psychologique et morale qui, au lieu de se faire progressivement au cours des siècles passés, se réalise actuellement sous forme d’explosion, de cataclysme en l’espace de quelques lustres : l’équilibre intérieur des individus en est le prix. Colette Moreux, Fin d’une religion?, 1969
La première génération posttraditionnelle Les jeunes d’aujourd’hui seraient « la première génération posttraditionnelle, la première qui se trouve prise dans une situation d’incertitude structurelle », sans « le recours compensatoire à la croyance dans la continuité du monde dont elle affronte la complexité ». Danièle Hervieux-Léger, La Religion pour mémoire, 1993
Un christianisme hors de l’Église Vie privée Croyances Valeurs Recherche d’une foi partagée Vie collective Christianisme dans l’Église, sous l’emprise du pouvoir romain Un christianisme hors de l’Église
Une foi sans institution? Le diagnostic de Fernand Dumont Nous vivons au Québec, comme ailleurs, une dissociation entre l’Église et l’Évangile de Jésus. Il y aurait aujourd’hui un christianisme dans l’Église et un christianisme hors de l’Église. Le christianisme est peut-être en train de se reconstruire par le bas.
De la misère comme transcendance Le pauvre doit être le remords vivant de nos velléités démocratiques satisfaites à bon compte. Le pauvre, c’est le non-citoyen : « C’est l’insignifiant qui n’a pas de pouvoir économique, qui fait partie d’une race méprisée, culturellement marginalisée. Le pauvre est toujours présent à des statistiques, mais il n’a pas de nom ». Dans la présence de l’in-signifiant est stigmatisée l’absence du sens dans nos sociétés; paradoxalement, la transcendance est proclamée de la manière la plus vive par la misère. Fernand Dumont, Raisons communes, 1995.
Foi en Dieu, foi en l’homme Dieu s’éloigne; l’homme aussi se défait. Désormais toute preuve de l’existence de Dieu sera solidaire des preuves de l’existence de l’homme. La distance est de plus en plus réduite entre nos engagements pour la restauration d’un visage de l’humanité et le regard que certains d’entre nous portent encore furtivement sur le Témoin d’une tâtonnante recherche Fernand Dumont, Une foi partagée, 1996