Je ne supporte plus, s’écria la grammaire
L’usage que l’on fait de mon vocabulaire.
Je sens l’impérieux sentiment de rejet
Quand j’entends malmener le verbe et le sujet.
La télé en fournit le meilleur des exemples.
Le bon ton, la rigueur ont déserté le temple.
On use sans pudeur des mots crus et vulgaires.
De cette mode là, je ne me flatte guère.
Sans parler des journaux, de ce langage écrit
Qui me fait m’indigner et pousser les hauts cris.
Vois comment sont traités mes pauvres participes.
On en a, c’est flagrant, oublié les principes.
Quant à mon orthographe, ô chère méconnue,
Elle est mon grand souci, ma quête continue.
Te parlerai-je enfin de ma conjugaison,
De mon plus-que-parfait, de la négation,
Laquelle a disparu du langage parlé,
Qu’on ne prononce plus. Mais jusqu’où vont aller
Ce manque de savoir, cette carence extrême,
Qui me rendent souvent importune à moi- même?
Qui saura partager mes craintes mes émois?
Quand pourrai-je à nouveau être fière de moi?
De l’école voisine, un rire s’envolait.
Le cœur lourd de chagrin, la grammaire pleurait.