À travers ce travail photographique remarquable et les 350 km d'un parcours lumineux rythmé par le vent et les marées, Jérôme Houyvet nous invite à prendre le temps de rêver, observer, et apprécier ce très beau coin de Normandie.
365 îles à marée basse, 52 à marée haute, un marnage parmi les plus forts d'Europe. Entre lagons et rochers parsemés d'une faune et d'une flore exceptionnelles, voici Chausey, parmi les plus belles îles de la côte française, avec ses paysages dignes des archipels des mers du sud dont les couleurs et les lumières varient au rythme des marées. Dépaysement assuré pour celui qui ose s'aventurer dans ce labyrinthe naturel, à condition de savoir maitriser sa barque. Ici on ne s'improvise pas marin au long cours !
Entre ciel, terre, mer et sable, l'œil n'a plus de limites. Les spécialistes, scientifiques et écologistes, parlent de la baie des Veys comme d'un pincement de la zone côtière, où se rejoignent sur ces belles étendues quatre cours d'eau, l'Aure, la Vire, la Taute et la Douve. Première entrée mi-maritime ou mi-terrestre en Cotentin, on comprend qu'il soit difficile de ressortir indemne d'un tel choc visuel… Mirage en Cotentin
De la Baie des Veys aux plages de la liberté Immensité, espace vierge, long fil dunaire et plages infinies... De la baie des Veys aux plages du débarquement, souffle depuis toujours un air de liberté, déjà, en 1044, lorsque Guillaume le Bâtard - pas encore Conquérant - échappait aux poursuites des vicomtes du Cotentin et parvenait à se frayer un chemin vers un Bessin moins hostile, ou en 1944, lorsque les troupes américaines réussirent le débarquement qui libérait l'Europe du joug nazi. Depuis ce souffle, épique et guerrier, la baie a repris son air naturel.
Lumières marines Lumières subtiles, vivantes et éphémères, contrastes, ciels mouvants...Ils sont nombreux les peintres qui furent attirés par le spectacle des ciels du Cotentin : Antoine Guillemet, Eugène Boudin, Paul Signac, Paul Blanvillain et bien d'autres. Ce sont ces mêmes lumières qui attirent, aujourd'hui, le photographe à l'affût des changements de paysages, rythmés par les assauts du vent et des passages nuageux.
Ma cabane à... Ravenoville Un site unique, une architecture originale et pittoresque, que vous ne trouverez nulle part ailleurs dans le Cotentin. Ravenoville, sur l'une des seules côtes de l'Ouest de la France où l'on peut assister à un lever de soleil sur la mer, expose en toute modestie ses cabanes multicolores, mi-cabines, mi-maisonnettes, sous l'œil bienveillant de la Vierge Noire. Il y a un peu du Saint-Tropez du XIXe dans ce village.
La Hougue, d'une mire à l'autre On peut l'affirmer sans crainte : même au plus profond de leurs rêves d'anticipation, comme tous les architectes, Vauban et son élève Benjamin de Combes, ne pouvaient pas imaginer, en 1694, que leurs forts allaient devenir, trois siècles plus tard, le point de mire de milliers de curieux, armés de petites boîtes à clics, inversant les visées !
Barfleur, l'anglo-normande Des vagues de larmes, de joie et de colère, qui n'en finissent pas de revenir fouetter ces rochers qui ont vu le "MORA" partir fièrement, en 1066, à la conquête de l'outremer de l'époque et, en 1120, couler la "Blanche-Nef" emportant avec elle, nos princes anglo-normands. Depuis, le cœur de Barfleur, le plus anglais des ports du Cotentin, bat au rythme des allées et venues de ses célèbres visiteurs dont Victor Hugo et sa maîtresse, Juliette Drouet.
La plus haute colonne du monde On ne peut résister à donner et admirer toutes les mensurations que son génial concepteur, Charles-Félix Morice de la Rue a voulues pour ce phare : 75 mètres de haut, 12 paliers, blocs de granit du hameau de la Hougue, tonnes, 365 marches !
Un air de paradis Sans remonter jusqu'à Adam et Eve, les Romains s'y étaient installés, semant çà et là quelques sesterces pour le plus grand bonheur des archéologues ! La côte déchirée laisse le Cap Lévi s'ouvrir sur la rade de Cherbourg. Le fort, construit sous Napoléon Ier, après avoir tenu son rôle de protecteur pendant deux siècles, accueille aujourd'hui les amoureux de la mer et des lumières changeantes
Quand Louis XVI avait toute sa tête S'il est une ville qui peut s'enorgueillir de l'action de Louis XVI, c'est bien Cherbourg, entre Val de Saire et Hague, la ville aux quatre ports : militaire, commerce, pêche et plaisance. En lui donnant le nom d'une de ses rues, Cherbourg a fait preuve d'une juste fidélité et louable reconnaissance envers celui qui lança, en 1783, les travaux de la plus grande rade artificielle du monde. Elle ne s'achèvera que cent ans plus tard.
Quand Victoria "entrait en mer" par Landemer On ne se lasse pas de citer les "people" (qu'ils n'étaient pas encore) "entrés en Hague" par Landemer : Claude Monet, Boris Vian, Edith Piaf et son Marcel, Françoise Sagan, Jacques Prévert et la très célèbre Reine Victoria. Au retour d'un séjour à Nice, elle a la malchance de connaître un jour de tempête qui empêcha son bateau d'appareiller vers sa fidèle Albion. Elle en profita pour visiter Landemer et Gréville.
Entre légendes et certitudes Et s'il fallait choisir... d'une mer à l'autre, entre le Saint-Martin guadeloupéen et celui d'Omonville-La-Rogue. Notre anse Saint-Martin a aussi ses légendes et ses certitudes. Légende de l'origine de la Verte-Roque, rocher qu'un taureau sauvage, échappant à la fureur des flots, fit tomber dans la mer, légende d'une ancienne forêt si proche que les pêcheurs y accrochent encore leurs filets.
Le plus grand des petits ports Huit petits ares soit 800 m2, voilà la superficie de Port Racine, autrement dit un pré, un champ ou tout juste de quoi planter un pavillon de corsaire ! Pêcheurs et plaisanciers cohabitent dans ce "pré carré" réputé pour être "le plus petit port de France".
La Petite Irlande À la fin de la dernière ère glaciaire, seuls quelques milles marins séparent Aurigny, Burhou, les Casquets, les Ortac du vieux continent. Il y a ans, la fonte des glaces entraîna la formation de la mer de la Manche, isolant çà et là les îles qui deviendront bien plus tard anglo-normandes. Au fil des siècles, les hommes ont façonné celle que l'on nomme parfois "La petite Irlande".
Le Culeron ou la beauté au mètre carré Il est un sentier qui mène au bout du monde dans un endroit magique et sauvage : l'anse de Culeron, appelée également "Anse du Cul-Rond". Ici, les paysages portent les marques des périodes glaciaires et interglaciaires. Passionnés de géologie, la baie d'Ecalgrain est le site incontournable où la beauté se compte au mètre carré.
Sur la falaise, un arc-en-ciel terrestre De bas en haut, toutes les couleurs se mélangent en strates successives : le vert de la mer, l'ocre du sable, le gris clair des galets, le rose éclatant des bruyères, l'or flamboyant des ajoncs, le vert des enclos emmurés jusqu'au ciel, bleu-blanc-gris. Un véritable arc-en-ciel qui refuserait de s'étirer... Chaque baie a son vallon et chaque vallon a sa lande, quasi virginale.
La mer de sable La mer de sable, c'est ainsi que les habitants de la Hague, Vauvillais, Bivillais et Siouvillais, appelaient les dunes de Biville qui s'étalent sur dix kilomètres, en forme de croissant. Après avoir longtemps servi de terrain de manœuvres aux militaires, elles viennent d'être rendues à la vie civile. C'est cette même mer de sable que l'on retrouve dans le film de Claude Miller "La Petite Voleuse" avec Charlotte Gainsbourg.
Aquarelle ou photographie ? L'estran de Surtainville s'ouvre en permanence aux chasseurs d'images, peintres du dimanche, amateurs ou professionnels s'y côtoient sans complexes. Est-ce la beauté de ce rivage qui fit s'échouer là un bateau dont la proue représentait sainte Ergoueffe ? Les Surtainvillais, bons samaritains, lui érigèrent une chapelle au bord de la mer. Après dix siècles de bons et loyaux services mais aussi de misères, les vestiges de la chapelle retrouvent une nouvelle vie.
Portbail et "La planche de Jersey" Ce havre séparé par la digue et le pont aux treize arches mène tout droit vers l'un des plus beaux clochers fortifiés de la région. Cette église Notre-Dame, du XIe siècle, dont la tour carrée a longtemps servi de poste de guet et d'amer, est devenue désormais un haut lieu culturel. Passez le pont et rejoignez la plage. Peut-être retrouverez-vous le chemin de "la planche de Jersey ", dont la légende au Moyen Âge prétendait que l'on pouvait rejoindre l'île par basse mer. Ce n'est pas un hasard si ce charmant village de la côte ouest est considéré comme l'un des plus beaux points de vue de la Côte des Isles.
"Une partie de plaisir" De la couronne des îles de la Manche, la Normandie a fort heureusement sauvé, en 1204 lors de la séparation avec l'Angleterre, son plus beau joyau qui, par chance, appartenait au Mont-Saint-Michel. On dit aussi que l?archipel de Chausey ne présentait, à cette époque, que peu d'intérêt ! Peut-être aussi, le fair-play anglais commençait-il à poindre ? À peine mille ans plus tard, les habitants de Chausey ont trouvé la bonne devise : "on ne choisit pas de devenir Chausiais, c'est Chausey qui sélectionne ceux qui resteront un jour, une semaine, un siècle". Le cinéaste Claude Chabrol y séjourna le temps de tourner, en 1974, les images de l'un de ses films préférés, "Une partie de plaisir". Quel plus beau décor et quelle plus belle lumière pour ce réalisateur de la nouvelle vague.
Une flèche de sable doré L'estuaire de la Vanlée aime à se cacher derrière une longue flèche de sable doré que les "locaux" appellent le bout du monde. Site exceptionnel classé depuis 1988, le havre de la Vanlée est un refuge naturel où se mélangent le sable, le fleuve et la mer sous forme d'immenses méandres de couleurs.
Vaine pâture Les moines de l'abbaye du Mont-Saint-Michel ont bien fait les choses en faisant don, en 1238, du droit de " vaine pâture" aux habitants de la côte, de Donville à Bricqueville-sur-Mer. Ce droit, après quelques modifications d'usages locaux, est toujours en vigueur et plus de 1200 moutons profitent ainsi des herbus de la Vanlée. Mieux encore, ce mouton de pré-salé est devenu une référence internationale - le Grévin - avec une A.O.C. (Appellation d'Origine Contrôlée). On ne peut qu'être émerveillé devant ce parc naturel où les bergeries se fondent dans les dunes.
Patrie des terres-neuvas Tous les ports ont une âme, une atmosphère. Granville, non seulement, n'échappe pas à la règle mais la cultive. Les Anglais venus "guerroyer" pendant plus de "Cent Ans" n'ont pas fait que saccager. Granville leur doit son essor avec la construction en 1439 d'une première forteresse au sommet de sa falaise, pointée vers le Mont-Saint-Michel ! Depuis, les Granvillais ont toujours su tirer parti de leurs fortunes de mer. Les souvenirs des frégates, des morutiers, des bisquines, et des terre-neuvas sont ancrés dans la mémoire de cette ville au caractère bien " trempé " et à l'âme corsaire. Ce n'est pas un hasard si le Marité, superbe trois-mâts goélette, dernier terre-neuvier français, y a trouvé son port d'attache.
Sauvé des sables La baie du Mont-Saint-Michel ne s'embarrasse pas de limites, bretonnes ou normandes, malouines ou granvillaises, elle est "LA" Baie, avec ses légendes, son histoire, ses richesses et sa beauté qui en font l?une des plus belles baies au monde ! Chaque année près de 2,5 millions de visiteurs du monde entier viennent admirer "la merveille de l'Occident" inscrite depuis 1979 au Patrimoine mondial de l'UNESCO et menacée d'un ensablement naturel que la main de l'homme n'a fait qu'accentuer au fil des siècles. C'est dans cette baie que s'achève cette balade photographique, au pied de ce joyau de l'architecture médiévale où chacun, du pèlerin au photographe, vient chercher sa lumière.
Lumières marines du Cotentin Après une découverte aérienne dans son précédent ouvrage " Vol au-dessus du littoral du Cotentin ", le photographe Jérôme Houyvet a décidé de partir explorer, cette fois à pied, les sentiers du littoral et ses lumières envoûtantes. De la Baie des Veys au Mont-Saint-Michel, en passant par le Val de Saire, la Hague et les havres de la côte Ouest, son regard s'est fixé sur l'extraordinaire diversité des côtes du Cotentin. Tempêtes, phares, ports, embruns, brumes et lumières marines sont les guides de cette randonnée entre petites criques, falaises, havres et plages. Plus qu'une balade, c'est une redécouverte en profondeur du littoral de la presqu'île du Cotentin, une mise en lumière de petits coins de paradis pour le bonheur de tous. À travers ce travail photographique remarquable et les 350 km d'un parcours lumineux rythmé par le vent et les marées, Jérôme Houyvet nous invite à prendre le temps de rêver, observer, et apprécier ce très beau coin de Normandie. Cette balade en image démontre le caractère unique des côtes de la Manche, certainement l'un des plus beaux départements du littoral français. Retrouvez ces images dans le livre " LUMIÈRES MARINES DU COTENTIN " Big Red One Éditions Du 2 mai au 28 septembre 2014, une exposition présentera plus de 50 photographies issues du livre au Manoir du Tourp (Omonville-la-Rogue, Cap de la Hague).
Photos : © JÉRÔME HOUYVET / Illustration musicale : "Sans titre", Babord Amures