Séance 6 : Se réinsérer socialement pour témoigner.
Une réinsertion difficile mais nécessaire : familiale, scolaire, professionnelle... http://www.dailymotion.com/vi deo/xd1zg4_apres-les-camps-la- vie-1_webcam Visionner quelques extraits du documentaire, « Après les camps, la vie... ». Noter quelques éléments ou réflexions qui illustrent le retour difficile à la vie sociale d’après- guerre pour les déportés, surtout pour les déportés raciaux : « Comment vit-on quand on est libre ? »
http://www.cercleshoah.org/spip.php?art icle341 Les plus jeunes ont parfois entrepris de longues études malgré l’interruption de leur scolarité pendant plusieurs années. Albert Bigielman dit sa reconnaissance à ses maîtres de l’école publique : ils se sont « tout particulièrement occupés de moi, essayant de me faire rattraper les cours que j’avais manqués depuis le 4 février 1944. J’aimais l’école et j’y allais très volontiers. J’ai passé le certificat d’étude qui ne m’a laissé aucun souvenir. Je suis entré en apprentissage en 1948. » Le récit d’Henri Borlant est très édifiant :
Je suis rentré au mois d’avril 1945, je n’avais pas encore 18 ans Je suis rentré au mois d’avril 1945, je n’avais pas encore 18 ans. Après quelques mois dans une maison de repos, à la rentrée des classes, mon camarade de déportation, le docteur Désiré Hafner m’a dit : "Henri, tu devrais essayer de passer ton bac !" Pour cela il fallait s’inscrire dans un lycée. J’habitais le XIIIe arrondissement de Paris, j’ai donc commencé par les lycées de la rive gauche, avec des lettres de recommandation où on disait que j’avais perdu mon père, que j’avais vécu la déportation, bref qu’il fallait m’aider. Mais les proviseurs qui me recevaient me donnaient toujours la même réponse : "On ne peut pas vous prendre parce que vous avez 18 ans. Il faudrait vous faire entrer en 6e et même en 6e vous n’avez pas le niveau." Ce qui était vrai puisque j’avais quitté l’école à la communale avec mon certificat d’étude mais j’étais resté pendant trois ans sans lire et sans écrire [dans les camps]. Ca peut paraître curieux parce qu’on voit rarement un enfant quitter l’école primaire et rester trois années sans lire et sans écrire, mais sans lire du tout. Je ne me suis pas découragé. J’avais dans l’idée que, après Auschwitz, rien ne serait difficile, par rapport à ce que j’avais vécu mais tout le monde me reconduisait de la même façon. Un jour, celui qui me conseillait m’a dit :"Au lieu de courir dans les lycées, tu vas rester dans le XIIIe, il y a un Cours Complémentaire (école primaire supérieure), rue du Moulin des Prés, et là le directeur, c’était un collabo, on l’a à l’œil. Sûrement qu’il tremble de peur et c’est lui que tu vas aller voir." Alors re-lettre de recommandation et lui m’accueille bien : "Je vais vous prendre, mais compte tenu de votre âge, vous allez être avec les grands de 3e’’. Et j’ai démarré mon secondaire en classe de 3e, sans avoir fait ni 6e, ni 5e, ni 4e, à la rentrée 1945. J’ai découvert la littérature, j’ai découvert la poésie, le théâtre. J’ai découvert ça avec une espèce de bonheur et de gourmandise. Je me suis donc inscrit à la rentrée 1945 à ce Cours Complémentaire et j’ai passé mon brevet en 1946. (Henri a finalement réussi à passer son baccalauréat et à faire des études de médecine.) Témoignage d’Henri Borlant, sur la reprise de sa scolarité au retour de sa déportation. Comment se fait la reprise de la scolarité ? Est-ce difficile ? Avec quelle réussite pour notre témoin ?
Au retour, le besoin de raconter : Selon le témoignage de Robert Antelme, qu’est-ce qui rend le témoignage particulièrement difficile au lendemain de la guerre ? Relevez quelques exemples de récits publiés : quelle remarque faire sur les dates de publication ? http://www.cercleshoah.org/spip.php?article340 Raconter dès que cela semble possible se heurte très vite à l’incapacité d’entendre de la part des interlocuteurs. Robert Antelme explique ce mur qui se dresse de suite : [Devant le spectacle des déportés] il n’y a pas grand-chose à leur dire, pensent peut-être les soldats [américains]. On les a libérés. On est leurs muscles et leurs fusils. Mais on n’a rien à dire. C’est effroyable, oui, vraiment, ces Allemands sont plus que barbares ! Frightful, yes, frightful ! Oui, vraiment, effroyable. Quand le soldat dit cela à haute voix, il y en a qui essayent de lui raconter des choses. Le soldat, d’abord écoute, puis les types ne s’arrêtent plus : ils racontent, ils racontent, et bientôt le soldat n’écoute plus. Certains hochent la tête et sourient à peine en regardant le soldat, de sorte que le soldat pourrait croire qu’ils le méprisent un peu. C’est que l’ignorance du soldat apparaît, immense. Et au détenu sa propre expérience se révèle pour la première fois, comme détachée de lui, en bloc. Devant le soldat, il sent déjà surgir en lui, sous cette réserve, le sentiment qu’il est en proie désormais à une sorte de connaissance infinie, intransmissible. […] Les histoires que les types racontent sont toutes vraies. Mais il faut beaucoup d’artifice pour faire passer une parcelle de vérité, et, dans ces histoires, il n’y a pas cet artifice qui a raison de la nécessaire incrédulité. Ici, il faudrait tout croire, mais la vérité peut être plus lassante à entendre qu’une fabulation