« Pour comprendre ton corps d’aujourd’hui, regarde tes pensées d’hier « Pour comprendre ton corps d’aujourd’hui, regarde tes pensées d’hier. Pour comprendre ton corps de demain, regarde tes pensées d’aujourd’hui. » (Proverbe indien) Laurence Marc-Milliet Psychologue - CHU Besançon 4è Journée Franc-Comtoise de la douleur CCI du Doubs - 20 mai 2010
Même si certains matins…
Avant d’en arriver là…
Ou que le travail ne vous mène ici…
Parler de la relation… Allons-y Mademoiselle! Car voyez-vous, notre rôle EXIGE que nous refusions toute relation passionnelle avec le sujet, car elle ne ferait que nous masquer notre devoir : SOIGNER et nous détournerait de l’essentiel : LE MAL ! Pour moi, Mademoiselle, il n’y a dans ce lit qu’une maladie! Alors, ici, c’est Monsieur Pelletier! Ah bon!
Parler de la relation… N’aie pas peur, c’est un médecin très gentil. Lorsqu’il lève le sourcil gauche, il est fâché. Lorsque c’est le droit, il est surpris. Lorsqu’il se frotte les mains, il est content. C’est rare mais lorsqu’il pousse un soupir, il est très fatigué. Il vaut mieux alors ne pas le contrarier. Que nous le voulions ou non et pas toujours au niveau de notre conscience, la rencontre avec autrui produit un « effet émotionnel », fugace mais qui va dérouler un véritable cinéma intérieur. C’est plus sensible dans une 1ère rencontre: « il a une tête qui ne me revient pas », « elle a l’air sympathique ». Impression fugitive mais pas neutre Les affects sont toujours présents dans la relation, chacun peut devenir précieux ou menaçant pour l’autre .
Parler de la relation… Une personne: va vivre des sentiments, prendre des attitudes, ressentir des craintes, employer des moyens de défense avoir certains comportements comme elle les a eu dans son enfance ou sa jeunesse, avec certaines personnes de son entourage avec qui elle a vécu une relation très impliquante. C’est ce qu’on appelle le transfert, c’est un processus psychique le plus souvent inconscient.
Le Transfert Il se manifeste dans la vie quotidienne et particulièrement quand le statut ou le rôle de l’autre l’éveille : Le policier, le juge, l’examinateur rappellent souvent la sévérité paternelle, L’avocat, l’infirmier, le médecin, évoquent plutôt les soins maternels. Vous pensez pouvoir y échapper! Dans les relations amoureuses, fréquemment une grande partie de l’attachement œdipien est revécu et répété. Les affects que ns éprouvons avant, pendant ou après la rencontre renvoient à l’origine de nos 1ers liens objectaux sur le modèle desquels se construisent les liens sociaux ultérieurs. Ainsi dans la vie quotidienne, au travail, ce qui s’est structuré ds nos tous 1ers liens ne cesse de se rejouer. C’est pourquoi, la relation avec l’autre n’est pas si simple, elle est tjs médiatisée et entachée de ces vécus antérieurs qui ns ont construit. Cela génère donc souvent des malentendus ds la communication, des incompréhensions ds la relation, l’attitude de l’un semblant parfois être inadéquate, hors de propos. Nous véhiculons donc le « roman de l’institution » où nous avons vu le jour, ce qui se structure dans ce 1er lieu privé ne cesse de se répéter dans les lieux publics où ns œuvrons (errons) au fil de notre existence, répétant ce qui s’y est noué.
Le Transfert C’est la répétition d’une relation d’objet du passé à l’égard d’une personne présente. Dans la relation entre le soignant et le patient, le patient va projeter sur le soignant des situations affectives inconscientes, soit amicales (transfert +) ou hostiles (transfert - ), établies dans son enfance au contact de ses parents ou de son entourage = Il va donc s’actualiser des émotions anciennes
Le Transfert Parce que le patient transfère sur le soignant des sentiments déjà vécus (et plus ou moins latents ou même refoulés), lorsqu’il le sollicite pour obtenir de l’aide pour lui (ou sa famille), sa demande peut éveiller en lui une attitude de dépendance analogue à l’attitude de l’enfant à l’égard de ses parents et avec elle toute une complexité émotive du passé: passivité, soumission, exigences, agressivité… Le patient peut également rechercher des gratifications pulsionnelles ds la relation (d’entretien): Il peut se complaire ds la dépendance et la passivité Il peut venir pr le plaisir d’agresser comme il aurait souhaité l’avoir fait avec un frère, par exemple, pour avoir la satisfaction de dominer, d’écraser fantasmatiquement le clinicien. Le plaisir sadique devient si grand que le patient ne vient que pour cela et non pr éclaircir ses problèmes. Parfois le transfert par son intensité ou sa permanence, empêche la relation (l’entretien) de se poursuivre, pousse à la rupture ou à un passage à l’acte.
Le Transfert La situation de l’entretien clinique favorise particulièrement l’apparition d’attitudes transférentielles. En effet le clinicien est disponible pour l’autre, il l’écoute avec une neutralité bienveillante et l’accepte tel qu’il est . Les conditions également sont favorables à la rencontre – lieu clos, le temps, protégé du monde extérieur – ces facteurs permettent la régression et l’apparition rapide du transfert.
Le Transfert Les sentiments, les émotions remontés à la surface peuvent alors être travaillés par la personne. En thérapie, elle peut les reconnaître et les revivre autrement. Il est possible de les analyser (grâce à la relation transférentielle) ds laquelle le patient ne se sent pas en danger, du moins en général lorsque le transfert est plutôt positif. En effet, puisque ds le transfert le patient sait faire jouer au psy le rôle des figures parentales (celles-ci ayant été aimées et craintes, le transfert sera toujours ambivalent).
Le Transfert Positif Celui où la relation aimante pour un parent de l’enfance se répète et prend le soignant comme substitut. Dans la relation, le soignant dispose d’une forme d’autorité emprunte de bienveillance et pourra être l’objet d’un transfert intense de la part du patient, (ce dernier projettera alors plus ou moins inconsciemment, la représentation imagée d’un parent aimant). Il pourra ressentir un amour plus ou moins fort pour le soignant. Le transfert se majore ds la relation thérapeutique (c’est un phénomène normal qui se résout au cours de la thérapie), il est même efficace (ds le travail thérapeutique) pr que la personne en demande d’aide puisse s’identifier à celui à qui il parle afin de prendre une certaine distance / à ses problèmes, pour qu’il puisse s’observer lui-même, pour comprendre ses attitudes, ses comportements et ses émotions.
Le Transfert Négatif Il est basé sur toutes les formes de la haine. T’inkiéte pas toubib ! La douleur c’est 93% psychologique !! Écoutez ce n’est pas raisonnable ! Vous allez encore faire une poussée ! … hostilité, colère, esprit critique systématique, peur du jugement, du rejet voire même de la persécution Il est nuisible quand il est non exprimé et non surmonté (car il empêche l’authenticité ds la relation), l’approfondissement et la communication restent impossibles. Certaines personnes par masochisme (cf. les douloureux chroniques – ex: patient qui n’arrive pas à changer de médecin traitant et qui à chaque rdv auprès de moi me fait part de son insatisfaction) vont accentuer ou faire durer la relation pénible: - soit pour revivre une relation douloureuse de l’enfance parce qu’elle avait été fortement investie, - soit par autopunition pour rester fixer ds leur souffrance L’hostilité quand elle n’est pas formulée, peut prendre différentes formes, parfois se traduire par un passage à l’acte (certaines exigences, absences, retards, bruits ds la salle d’attente…). Par son attitude, le patient se comporte parfois de façon à revivre un Oe malheureux ds le transfert en cherchant à se faire rejeter par le soignant. Ces comportements sont l’expression de l’ambivalence ds le transfert, il est important de ne pas y répondre directement en renvoyant les choses sur un mode agressif ou de jugement (cf. le patient qui entre de manière impromptue ds le bureau). mais de pouvoir le reprendre ds la relation transférentielle (le patient par ex, a pu souffrir ds la petite enfance de survenues intempestives de l’adulte forçant voire violant son intimité). Dans le cadre de la thérapie: les entretiens peuvent aller jusqu’à fixer la névrose si le psy ne déclare pas qu’il ressent l’attitude négative de l’interlocuteur pour lui permettre d’en prendre conscience. Il est indispensable que le transfert négatif s’exprime et s’analyse afin que le patient puisse percevoir que l’expression d’une hostilité qui a toujours été contenue n’est pas mortifère, le clinicien est tjs en vie et continue à le recevoir, il sera alors possible d’élaborer et de maîtriser cette agressivité.
Le Contre -Transfert Ensemble des réactions éprouvées par le soignant dans la relation: ce qui le touche, l’émeut, l’énerve, l’agace, le déséquilibre. Double fonction «Un étranger est venu me voir, il m’a donné de mes nouvelles. », André Breton Comme vous l’avez, je pense, déjà compris, les soignants ne font pas l’économie de devoir s’adapter aux patients. Ce phénomène est très complexe car il renseigne le soignant sur lui-même mais aussi sur son patient. En effet il y a de grandes chances pr que ce que le patient fait éprouver au soignant, il le fasse aussi éprouver à d’autres personnes (cf. La lassitude l’énervement,…cf: Me M). Les patients savent faire ressentir à autrui ce qu’ils ressentent eux-mêmes, le soignant au lieu d’en être dérouté, peut s’en servir. Le CT est indispensable à connaître et à utiliser avec discernement, il fait progresser ds la connaissance de soi et de l’autre Prendre conscience de ses défenses induit parfois le soignant à vivre cette situation comme une menace susceptible de l’affaiblir, de le déstabiliser et de le mettre nu face à son patient (une bonne défense est celle qui permet à l’individu de se défendre correctement en face de ses ressentis. Elle doit être suffisamment solide pr le protéger er suffisamment souple pr le faire évoluer). Et pour citer Jacques Lacan, ds la relation à l’autre, « il faut se laisser prendre et savoir se déprendre. » Transfert et CT sont constamment liés et le lieu de la rencontre (bureau en institution chambre d’hôpital, cabinet en libéral), son aménagement vont colorer la relation.
Le Transfert sur l’Institution une image protectrice le soignant perçu comme représentant de l’institution Quand l’entretien se passe dans un cadre institutionnel, les transferts par rapport à l’institution peuvent venir accentuer ou complexifier la relation entre les deux interlocuteurs: L’institution représentant une image protectrice, certains patients ne peuvent s’exprimer que ds ce cadre rassurant et protecteur, ils investissent l’institution comme l’enfant sa mère (cf. pr Anzieu, « le groupe est par essence féminin et maternel ». Ils ont besoin de cette sécurité maternante pr réussir à s’exprimer et pr certains ils en sont si dépendants qu’ils investissent le lieu au-delà de la relation au soignant (cf. ce patient qui ne peut pas changer de médecin traitant, par ailleurs ne s’imagine pouvoir être entendu ailleurs qu’à l’hôpital sa vie y étant associée depuis la tte petite enfance du fait de sa pathologie). Dans le cadre institutionnel, un patient ne peut venir également que pour exprimer son agressivité à l’égard de cette institution (cf. à la consultation de la douleur). Le soignant peut être perçu consciemment ou inconsciemment comme le représentant de l’organisation qu’il incarne (ds sa personne), il est alors celui qui cause le risque de perte d’identité, c’est pourquoi il va être agressé par le patient, il est alors important (en particulier) ds la relation thérapeutique d’être à l’écoute de l’hostilité. Vous imaginez bien que l’apparence du soignant (mais aussi du patient), ses manières, sa façon de s’exprimer, son âge, son sexe …vont avoir un effet sur la relation.
Les éléments à prendre en compte dans la relation la mimique le regard la gestuelle, les postures la communication tactile l’espace les manifestations neurovégétatives le silence La relation doit prendre en compte le discours mais aussi l’ensemble des réactions du patient ainsi que celles du soignant à un moment donné ds un environnement donné car tous ces éléments renseignent sur le vécu émotionnel du patient comme du soignant: - mimique: moyen de communication le + archaïque, le 1er a être utilisé de façon intentionnelle (avec la voix et le cri), cf.la relation entre BB et son entourage, exprime les affects et les émotions - Le regard joue un rôle important ds la réciprocité de la communication (« lever les yeux, regarder ds les yeux, soutenir le regard, fuir le regard, détourner les yeux », ces expressions connotent l’établissement, l’évitement, la rupture de la communication et les degrés de son intensité). Le regard semble particulièrement adapté à assurer l’établissement et le maintien du contact avec l’autre (lorsque je regarde l’autre qui me regarde, je sais qu’il me voit et que la communication est établie entre nous). - La gestuelle indique les intentions d’accueil, de rapprochement ou de rejet et de menace. Les messages émis par les différentes parties du corps peuvent être contradictoires et exprimer , du reste, les sentiments complexes ou ambivalents du sujet. Par ex, ds la relation, il est important d’être attentif à la manière dont les personnes st assises, sont-elles installées ou pas. Par ailleurs, certains gestes démentent parfois l’expression verbale. - Chez l’adulte le contact tactile est le vecteur privilégié des échanges affectueux, intimes mais aussi des rapports agressifs. - La manière d’utiliser l’espace a un sens l’espace que patient/soignant aménage autour d’eux, les distances établies avec l’autre sont porteuses d’informations et de messages. Espace personnel = distance minima qu’un individu tolère de la part d’un autre, elle varie en fonction de nombreux facteurs (âge, sexe, milieu socioculturel…). Les études ont montré que la délimitation du territoire est importante chez l’animal (limites svt précisées par un marquage olfactif). Ces cpts territoriaux (svt Ict) existent aussi chez l’homme, ns ns approprions constamment des territoires (bureau, chaise, lit…) et ns supportons mal que d’autres les occupent. Ns annexons aussi provisoirement des espaces sur lesquels ns n’avons pas de droits précis (place ds le train marquée en laissant un journal..). - Manifs neurovégétatives: modes d’expression non intentionnels et svt inconsciente de nos émotions (rougeurs, pâleurs, sudation, pleurs, rires…). Elles ont valeur de message pr celui qui les observe . - On peut aussi ajouter un certain nbre d’actes automatiques et svt inconscients (tics, suçotement, grattage, toux…). - Le silence n’est pas forcément défensif ou agressif, il peut s’agir aussi d’un moment essentiel de réflexion.
Les éléments à prendre en compte dans la relation Le corps du patient comme celui du soignant (messager des émois, transmetteur des émotions: colère, peur, stress…) sont impliqués ds la relation (nous ne sommes pas qu’un pur esprit). Toute une série de messages non verbaux sont perçus de part et d’autre. Les affects que le patient suscite en nous peuvent se traduire ds notre corps (tension musculaire, mal de tête, envie de dormir…ex: « vous en êtes où de vos problèmes de sommeil ? »m’a renseigné ce jour là sur mon degré de fatigue et sur l’effet que me produisait ce patient). Il est important d’y être attentif afin de saisir ce qui se passe nous et ds la relation à l’autre la fatigue, le malaise, l’angoisse,… que ns pouvons ressentir ds la relation ont un sens: valeur diagnostique du côté du patient mais aussi être indicateur de notre vécu émotionnel (parfois de notre fatigue professionnelle, de notre besoin de prendre de la distance voire du repos). Pour appréhender au mieux son patient, il est important que le soignant sache apprécier sa propre subjectivité, ses désirs et ses limites. Il ne fait pas l’économie de devoir s’adapter psychiquement. Etre soignant c’est donc certes acquérir des outils mais aussi travailler avec qui on est Comme vs pouvez le constater et comme je l’espère mon propos aura pu vs l’indiquer loin d’être fortuite la relation que ns engageons avec l’autre est importante, a un sens et peut nous emmener loin si l’on ne prend pas assez soin de repérer tt ce qui peut s’y jouer. Ainsi être à l’écoute de nos ressentis émotionnels, corporels, accepter nos émotions, leur donner un sens, accepter nos limites, les travailler et en faire qqchose, au lieu de ns entraver ds le travail ns aide à progresser ds la relation singulière et à avancer professionnellement.
« Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. », Marcel Proust L’acceptation de ses émotions, ressentis et de ses limites permet au soignant d’entrer dans une communication plus fluide, dans une relation plus vraie avec le malade, l’entourage mais aussi ses collègues et participe d’un mieux-être au travail.
En guise de conclusion… « Si soigner, c’est aider à vivre, et respecter la personne soignée, ses valeurs, ce qu’elle est, ceux qui soignent doivent aussi vivre au plein sens du terme, vivre en respectant pour eux-mêmes leurs droits, leurs valeurs, avoir une qualité de vie personnelle, qui va contribuer à la qualité des soins qu’ils vont offrir. » Rosette Poletti
Les illustrations du manuel d’Aline Mauranges - Stress, souffrance et violence en milieu hospitalier, de Bruno Fortin, Dupuis, l’association Sparadrap … m’ont aidé à élaborer ce travail