Rationalité et métacognition Benoit Hardy-Vallée Groupe AIRE vendredi 19 novembre 2004 Résumé de Proust, 2005; Rationality and metacognition in non-human animals
Rationalité(s) Désirs Décision/Action des moyens des fins Des croyances Croyances justifiées, logiquement structurées, statistiquement induites des faits Maximisation de l’utilité Efficience dans la réalisation des désirs Consistance des décisions et actions On peut être exceptionaliste ou continuiste à propos d’un mais pas nécessairement des autres
2 types de continuismes quant à la rationalité Approche interprétive : –chercher des équivalents animaux des propriétés des agents rationnels humains Stratégie (top-down) Bermudez, Hurley) Approche architecturale: –chercher l’émergence évolutionniste de la rationalité Stratégie bottom-up (Sober, Proust, Godfrey-Smith, Sterleny) –MAIS: Incompatibilité ontologique des approches
L’approche interprétive comme extension de la psychologie ordinaire (PO) PO : croyances-désirs qui justifient et explique les actions rationnelles –Un agent rationnel est capable de donner des raisons Version forte : toute explication de l’action intentionnelle fait appel à un niveau d’explication personnel, les autres entités ne sont pas mentales –Ex : l’idéal constitutif de rationalité (Davidson & cie) –Toute attribution d’intentionnalité se fait en référence à une théorie a de l’agent rationnel –La rationalité animale serait aussi alors étudiée d’un point de vue interprétif, ou métareprésentationnel Version faible : la PP est une approximation, partiellement correcte des processus subpersonnels
Problème ontologique : les entités postulées par la PO, bien qu’instrumentales pour l’interprétation n’ont pas d’efficience causale –Critique faible : On interprète l’esprit de l’autre en « simulant » –Critique forte : Les processus conscients seraient épiphénoménaux
Arguments 1- si la PP n’est pas pertinente pour comprendre la rationalité humaine, elle ne l’est pas, a fortiori, pour la rationalité animale. 2- si la PP a évolué chez les primates et hominidés, alors ce serait un biais “primatomorphique” –« what we need to understand is not ho projecting human rationality helps us reconstruct how it is like to be a non- human agent. It is, rather, how far back in phylogeny the concept of rationality can be properly applied, and if and what it should be generalized if so applicable” (Proust 2005)
Donc, il faut abandonner la recherche de la possibilité de justifier ses actions, de la perspective personnelle, etc. Adopter la conception architecturale, et rechercher les propriétés cognitives développées chez les animaux. Thèse : –les animaux rationnels sont des animaux capables de contrôle cognitif de leur viabilité –la métacognition est une forme de contrôle de la viabilité d’un système (actions épistémique) La métacognition sous-tend, mais est indépendante de, la métareprésentation. on peut donc être rationnel sans manipuler de métareprésentations. –Plusieurs animaux (autres que l’homme) ont des stratégies métacognitives –Donc plusieurs animaux (autres que l’homme) sont rationnels
La viabilité (Aubin) Tout système dynamique a un noyau de viabilité –Un sous-ensemble d’états où ses paramètres vitaux sont minimalement satisfait et qui permet au système de se maintenir dans le temps. –Pour s’y maintenir, le système fait face à des contraintes de viabilité :les stratégies de contrôle possibles sont relatives au « chemin » parcouru. Dépendance au chemin –2 types de variables: états: phénotypes, biens économiques, comportement individuels, états sensori- moteurs régulons: génotypes, prix, codes culturels, concepts –acteurs : métabolismes biochimiques, agents économiques, individus, cogniseurs –L’action est la réalisation du contrôle –La rationalité =df : propriété des systèmes viables cognitivement contrôlés
Le système viable la variation dans le temps est fonction de la configuration du système à un temps t déterminant les variables d’états et de régulons les contrôles actifs au temps t doit appartenir à la classe des contrôles possibles dans cet état. Principe d’inertie : –tant que la viabilité du système n’est pas menacée, on ne change pas les paramètres de contrôles. En situation de crise, ou bien le système devient non-viable, ou des régulations flexibles apparaissent. Il y donc plusieurs types de contrôles possibles
La flexibilité, nécessaire à la viabilité Pour rester viable, un système doit être, lorsque l’environnement l’exige, aussi flexible que nécessaire –Il peut être viable de rester inflexible dans un environnement où cette stratégie est profitable. –La viabilité dépend donc de la nature du contrôle et de l’environnement.
Le coût de la flexibilité la flexibilité a un coût : certaines erreurs sont plus dommageables que d’autres, selon le contexte –percevoir un signal de X alors qu’il n’y a pas de signal de X (faux positif) –ne pas percevoir un signal de X alors qu’il y en a un (faux négatif) le contrôle rationnel consistera alors à ajuster le critère de décision selon les motivations –minimiser le coût des erreurs ou maximiser le profit; être « aventurieux » ou « conservateur », selon que le but visé est la reproduction, la chasse, etc.
Flexibilités et environnements Transparents : indices fiables, les indices peuvent être codés ou facilement appris, information peu coûteuse Translucide : indices peu fiables, plus difficiles à apprendre, information coûteuse –D’où la nécessité, pour maintenir la viabilité, d’être capable de manipuler des propriétés informationnelles de l’environnement poser des actions épistémiques
L’action épistémique « épistémique » : finalité (et non moyen) de l’action Une action dont le but est de manipuler la qualité informationnelle de l’environnement : le rendre plus transparent ou plus opaque. Buts : vise un état (ou disposition) épistémique (chez soi ou un autre) 2 moyens –Physique : Opacité : envoyer de l’encre, comportement aléatoire (stratégies mixtes) Transparence : construction de niches écologique –Doxastique (moins coûteux): Opacité : envoyer des signaux trompeurs Transparence : métacognition (manipuler ses propres états doxastique ou motivationnel)
Reformulation en termes de théorie du contrôle : Action : activer une boucle de contrôle Croyance : modèle interne d’une évolution possible vers un but Désir : motivation ou émotion favorisant la sélection d’une boucle de contrôle.
Capacités sélecitonnées par des pressions évolutionnistes Brouiller l’environnement Restaurer la tranparence Ratio signal/bruit Traque multi-indicielle (plurimodale) Détection des buts Attention conjointe Tromperie tactique
Évolution des actions épistémiques comportementales (ex : inspection de prédateur) Métacognitives : sécuriser le contrôle informationnel interne et externe (ex : simulation mentale)
Métacognition régulation métacognitive selon 1. monitoring –une relation de la cognition à la métacognition (le niveau « objet » informe le niveau « méta ») 2. contrôle –relation inverse, le méta-niveau modifie la cognition L’auto-régulation du comportement (contrôle) est basé sur les jugements relatifs à ses propres connaissances (monitoring).
Nelson & Narens, 1990).
Indépendance métacognition- métareprésentation On peut poser des actions épistémiques sans se les représenter comme telles (ex : masquer ses intentions) Prédiction mentaliste (métareprésentations) vs prédiction non-mentaliste (métacognition)
Ce que la métacognition présuppose –accès à de l’information sur ses propres états épistémiques –utilise cette information pour agir Il y a donc réflexivité du processus –Auto-réflexivité : représentation de soi –Réflexitivé mentale : avoir des représentations de représentations mentale –Réflexivité du processus : contrôle sur le véhicule du processus, non le contenu Il n’est pas nécessaire que l’incertitude soit comprise, interprétée : on peut imaginer une réponse inhibitrice à un comportement lorsque l’incertitude détectée dépasse un certain niveau
Est-ce rationnel ? La réflexivité du processus est aussi présente et importante chez l’humain Si la rationalité est la viabilité sécurisée cognitivement, la cognition est une condition nécessaire, mais la conscience ne l’est pas. La rationalité humaine : ajout à la rationalité métacognitive implicite –Capacités linguistiques, sociales, etc. –Auto-réflexivité : représentation de soi à travers le temps –Réflexitivé mentale : métareprésentations
Et la *%#&$ de normativité ? Position standard : la rationalité est normative –Norme : ce qui doit être le cas Ex : logique, théorie de la décision, des jeux, éthique, etc. Philo du langage : les concepts sont normatifs (« règles des jeux de langage ») –Idéalisation instrumentale dans la prédiction, non révisable par les faits Anticipation normative VS cognitive (Luhman, Dumouchel) Position téléofonctionaliste : –La normativité est donnée par la fonction propre des traits biologique Ex : fonction propre de la main : préhension ; fonction propre du concept de CHAT : détecter/représenter/référer aux chats
Et la *%#&$ de normativité ? Critique : –La fonction n’est pas une propriété ontologique, n’est pas causalement efficiente – La norme appartient à l’épistémologie, non à l’ontologie
Et la *%#&$ de normativité ? Argument de la méreprésentation (misrepresenting) –Une représentation à comme fonction propre de représenter X ssi il y a un sens à dire que la représentation puisse être erronée (prendre Y pour X). –La représentation est évaluable (vrai-faux) –Suppose une capacité de calibration des modèles internes – forme de réflexivité du processus
–Normativité faible : le système « doit » adopter les moyens développer au cours de son interaction en fonction du feedback et du but attendu. Des contraintes sont objectives et indépendantes du système (ratio signal/bruit; objectivité des objets; intégration multi- modale, trouver le « bord » du noyau de viabilité) etc.) La viabilté est une propriété objective du système –Rationalité explicite, interprétative : Survient lorsque la reconnaissance de l’erreur devient explicitement réflexive et publiquement évaluable Métareprésentation : redescription des capacité métacognitives.