HEG – HISTOIRE DE L’ENTREPRISE ET DE LA GESTION Séance introductive Cours d’HEG - Université Paris Dauphine

Organisation générale du cours 2 semestres de 14 séances de 1h30 hebdomadaire, soit 42h annuel. Division entre avant 1900 (1er semestre) et après 1900 (2nd semestre) Chaque semestre (14 séances) divisé en 7 chapitres 3h par chapitre

Organisation générale du cours Chaque semestre divisé en 7 chapitres Introduction historique Planifier Organiser Produire Evaluer Financer Vendre

Modalité d’évaluation Pondération Une présentation orale 25% Un QCM de contrôle des connaissances Lecture des études de cas +/-2 Participation Une étude de cas (Examen terminal) 50%

L’histoire et la gestion... Collaborations croisées depuis une vingtaine d’année : La gestion – en tant qu’une des sciences des organisations – peut éclairer l’historien [Fridenson P. (1989)] L’histoire peut éclairer le chercheur en gestion Eclairage : Une aide à la compréhension des phénomènes organisationnels et managériaux au sens large Mais non pas la source de solutions instrumentales de gestion des problèmes posés par ces derniers [Nikitin M. (1997)] Plusieurs manières de mobiliser l’histoire : Travaux proprement historiques Démarche pluridisciplinaire Traiter d’un même « objet » en mobilisant deux disciplines conservant chacune son propre système d’explication [Godelier E. (1998)]

Objectifs du cours Proposer une présentation des grandes fonctions de la gestion Mettre en évidence leur développement historique Apprendre à synthétiser et à problématiser à partir de documents

Ouvrages de référence CHANDLER, A.D., La main visible des managers, Economica, 1988 Cote BU Dauphine 658.4 CHA. LABARDIN P., L’essentiel de l’histoire de la gestion, Gualino, 2011 Cote BU Dauphine 658 LAB. LANDES, D.S., L’Europe technicienne, Paris, Éd. Gallimard, 1975 Cote BU Dauphine 940 LAN. POLLARD, S. The genesis of modern management, Londres, Éd. Arnold, 1965 Cote BU Dauphine G36719. RIOUX, J.P., La révolution industrielle, 1780-1880, Paris, Éd. Le Seuil, 1989 Cote BU Dauphine 902 RIO. VERLEY P., La Révolution industrielle, Paris, Folio histoire, 1997 Cote BU Dauphine 902 VER.

Plan du chapitre I. La France : « L’affirmation d’une nation » I.1. Un temps d’expérimentations politiques et succession de régimes I.2. L’affirmation de la Nation sur un territoire en voie d’unification II. L’ère de la révolution industrielle II.1. La fin du « cycle malthusien" II.2. La poussée de l’industrialisation III. La naissance du capitalisme industriel III.1. Le renouvellement des élites III.2. Du paysan à l’ouvrier III.3. Des rapports sociaux conflictuels IV. L’ébauche d’une nouvelle société IV.1. Contrastes IV.2. Le renouvellement des valeurs sociales et politiques IV.3 Quelques lois de protection des plus faibles

I. La France : « L’affirmation d’une nation »

I.1 Expérimentations politiques et succession de régimes Les dates de l’histoire politique : Avant 1789 : Monarchie absolue (Louis XVI) 1789- : Révolution (prise de la Bastille, Déclaration des Droits de l’homme…) 1789-1792 : Monarchie constitutionnelle 1793-1795 : Première République (Convention avec Terreur 93-94) 1795-1799 : Première République (Directoire) 1800-1804 : Consulat (Bonaparte) 1804-1814 : Empire Napoléonien 1814-1815 : Cent Jours 1814-1830 : Restauration (Louis XVIII puis Charles X) 1830 : Révolution de Juillet 1830-1848 : Monarchie de Juillet (Louis-Philippe) 1848 : Révolution de Février puis journées révolutionnaires de Juin 1848-1851 : Seconde République 1851 : 2 décembre, coup d’Etat du président Louis-Napoléon Bonaparte 1852-1870 : Second Empire (Napoléon III) 1871 : Commune de Paris 1870-1940 : IIIe République

I.1 Expérimentations politiques et succession de régimes Constitution de la gauche et de la droite Elle trouve ses origines durant la révolution française : Droite : Conservatrice Défense des puissants Gauche Expérimentation sociale Répartition des richesses Jusqu’aux années 1890, être de droite en France signifie être monarchiste Les partis politiques en tant qu’organisations naissent seulement après la loi de 1901

I.2 L’affirmation de la Nation sur un territoire en voie d’unification La population française en augmentation : Révolution : 28 millions d’habitants 1914 : 40 millions d’habitants Immigration belge, suisse et polonaise Diffusion de l’instruction Une école par localité de + de 500 hab (loi Guizot 1833) Loi Ferry (1881-82): école laïque, gratuite et obligatoire Développement de l’enseignement technique, agricole professionnel Harmonisation du territoire et expansion: Les douanes intérieures et les péages entre villes et provinces sont massivement supprimés Harmonisation des poids et mesures  système métrique Organisation de la monnaie  franc germinal, création de la banque de France en 1800 Un nouveau système fiscal, fondé sur l’égalité des contribuables, voit le jour. Les révolutionnaires imposent le français comme langue nationale Structuration de l’administration avec les préfets Déplacement des frontières métropolitaines Expansion coloniale Nouvelle géographie économique pour la France Bouleversement de l’espace juridique, sous la révolution puis l’empire Abolition des privilèges Le Code civil, dit code Napoléon unifie le droit. Il affirme l’égalité des citoyens devant la loi, garantit la propriété privée et place la famille sous l’autorité du père. Le code du commerce est promulgué en 1807.

II. L’ère de la révolution industrielle

2.1. Les progrès agricoles, et fin du cycle malthusien En France, modernisation de l’agriculture entre le 18ème et 19ème, selon les régions Abandon progressif des jachères et donc extension des surfaces cultivées Clôture des champs Complémentarité élevage et agriculture Disparition de la multi-activité Proto-industrie Désenclavement des campagnes etc. Apparition de cultures à haut rendement nutritionnel (pommes de terres) ou spéculatives (betteraves à sucre) et gains de productivité incontestables. Développement d’une réflexion sur l’agriculture Diffusion d’écrits Développement des fermes-écoles (école d’agriculture de Grignon créée en 1826) Développement des comices agricoles, des foires et des marchés Rôle du développement de l’enseignement (loi Guizot, puis Ferry)

2.2 Poussée de l’industrialisation Même si les taux paraissent faibles comparés à la Grande- Bretagne, ils témoignent de changements irréversibles. Source. Patrick Verley, La première révolution industrielle, Paris, Armand Colin, Histoire 128, 2e édition, 2006, p. 11. France Grande-Bretagne 1820-1840 + 1,8% + 3,7 1840-1860 + 2,1% + 3,1 1860-1880 + 1,2% + 2,6%

2.3. industrialisation et Evolution de la population active

2.4 Nouveaux paradigmes, innovations et émergence de la science De multiples innovations : Anglaises, au départ dans le textile, puis développement tous azimuts Innovations commerciales : coopératives de ventes, appellation avec les « marques commerciales » (loi de 1924) Innovations de procédé (ex. bateaux à vapeur plutôt qu’à voile) Invention du « laboratoire » (lieu de pratiques d’innovation) Engouement pour les sciences et techniques et foi dans le progrès (rationalisation) Ex. médecine (découverte des microbes par Pasteur, perfectionnement des pratiques médicales type stérilisation, vaccination, etc.) Ex. techniques – du charbon à l’électricité, développement des moteurs à explosion et de la chimie, etc. En parallèle : séparation de la religion et de l’Etat (laïcisation) Loi sur la propriété industrielle et les brevets de 1844.

2.4 Nouveaux paradigmes, innovations et émergence de la science Quelques grandes inventions : 1709 – Abraham Darby réussit la première coulée de fonte au coke 1710-12 – Première machine à vapeur de Newcomen 1733 – La navette volante de John Kay 1769 – Watt dépose le premier brevet améliorant la machine à vapeur 1785 – Claude Louis Berthollet découvre les propriétés décolorantes du chlore 1810 – Philippe de Girard invente la machine à filer le lin 1818 – L’Américaine Lane invente la moissonneuse-batteuse 1815 – Robert Stephenson construit la première locomotive 1924 – Roberts met au point le métier à filer automatique 1832 – Frédéric Sauvage invente l’hélice marine 1839 – Daguerre invente la daguerréotypie (photographie) 1839 – François Bourdon et James Nasmyth mettent au point le marteau-pilon 1855 – Sainte-Claire Deville fabrique de l’aluminium 1856 – Perkin synthétique le premier colorant chimique 1860 – Jean-Joseph Etienne Lenoir réalise un moteur à gaz à combustion interne 1869 – Zénobe Gramme construit la première dynamo Source : Patrick Verley, La première révolution industrielle, Paris, Armand Colin, Histoire 128, Seconde édition 2006, p. 17.

III. naissance du capitalisme industriel

3.1. Renouvellement des élites Les nouvelles élites : L’élite traditionnelle : noblesse (héritiers) et clergé La nouvelle élite : industrielle et commerciale, souvent familiale Valeurs : promotion sociale, méritocratie, travail et épargne « Mélange » des anciennes et nouvelles élites (mariages pour avoir un « titre » et un « passé ») Un nouveau groupe : les entrepreneurs Hétérogène (le petit patron et le capitaine d’industrie) « Mélange » des nouvelles élites (accroissement des capitaux par le jeu des dots) et transmission héréditaire => dynasties Ex. De Wendel (sidérurgie lorraine), Moët (champagne), Schlumberger (commerce colonial à Marseille)

3.2 Développement du capitalisme industriel Financer le capitalisme industriel... Fortunes familiales et autofinancement Puis banques : prêts (ou achat d’actions) Développement des réseaux bancaires (succursales régionales, etc.) Développement d’un système de gestion des risques limités aux apports de capitaux : Avant : responsabilité illimitée (limite l’investissement) et contrôle de l’Etat (autorise les créations de sociétés) SA (lois de 1807, 1863 et 1867) Développement de la Bourse : Mais très risqué (spéculation et scandales financiers de la fin du XIXe) Report des rentiers sur les investissements d’Etat (français ou étranger, type emprunts russes...)

3.3 Du paysan à l’ouvrier Naissance des « ouvriers » comme groupe professionnel : Cf. 2.3 Contrôle social et conditions de travail : De l’atelier (familial) à l’usine, un encadrement plus strict de l’espace-temps (au travers du règlement intérieur et du livret ouvrier) Une forme de domination : confiscation du livret ouvrier et prêt patronal Des journées de travail longues, des machines ou procédés dangereux, une usure physique du fait de positions pénibles, etc. Le rapport Villermé (1840) Des lois peu efficaces (ce sont les lois sur l’instruction obligatoire qui auront le plus d’effets sur l’interdiction du travail des enfants)

« 16 à 18 heures debout chaque jour, dont 13 au moins dans une pièce fermée, sans presque changer de place ni d’attitude. Ce n’est plus là un travail, une tâche, c’est une torture ; et on l’inflige à des enfants de 6 à 8 ans, mal nourris, mal vêtus, obligés de parcourir dès 5h du matin la longue distance qui les sépare de leurs ateliers et qui achève de les épuiser le soir au retour de ces mêmes ateliers. Comment ses infortunés, qui peuvent à peine goûter quelques instants de sommeil, résisteraient-ils à tant de misère et fatigue ? C’est, n’en doutons pas, ce long supplice de tous les jours qui ruine principalement leur santé dans les filatures de coton et plus encore à Mulhouse et à Thann qu’ailleurs, à cause des conditions dans lesquels ils vivent ». Louis René Villermé, Discours sur la durée trop longue au travail des enfants, 2 mai 1837, archives départementales du Haut-Rhin, Colmar

3.3 Du paysan à l’ouvrier Organisation progressive du « prolétariat » : Absence de possibilité de se grouper (Loi le Chapelier, 1791) Organisation progressive : Mutuelles (aide en cas de maladie, accident ou naissance, contre cotisation – sorte d’assurance) Coopératives (économie dite sociale : une voix par homme, liberté d’adhésion, répartition des bénéfices entre sociétaires) Plus de 800 000 sociétaires en 1914 Emergence d’un « capitalisme social » : La théorie du socialisme utopique de Charles Fourrier L’expérience du familistère de Guise de Jean-Baptiste André Godin (jusqu’en 1968) Les formes de catholicisme social Le « paternalisme » Les syndicats : En 1864, première « libération » du droit à se syndiquer Loi Waldeck-Rousseau autorisant la création des syndicats (1884) Prolifération des syndicats Regroupements autour de mots d’ordre plus ou moins politiques Ex. CGT – mouvance révolutionnaire

3.4 Des rapports sociaux conflictuels En France la répression ouvrière est corrélée à l’Histoire du pays. À ses débuts, au XIXème siècle, la répression revêt son visage le plus dure. 1830 - 1848 : La monarchie de Juillet 1831 : grève des Canuts (première vague de violentes répression) 1848 : 22 au 25 février seconde révolution française de 1848 1848 : 22 au 26 juin, journées de Juin (deuxième vague de violentes répressions) 1871 : 18 mars – 28 mai, La Commune de Paris (troisième vague de violentes répressions)

3.4 Des rapports sociaux conflictuels L’usine, le « bagne » : Autorisation de la grève en 1864 De plus en plus fréquentes et longues ; tous les secteurs (vignerons, BTP, Postiers, etc.) ; souvent réprimée par les pouvoirs publics Multiples révoltes Ex. la révolte des canuts (Lyon) – 9000 ouvriers révoltés contre la non-application d’un tarif minimum négocié avec les patrons (1831, 1834) – échec et répression (reprise de la ville par les militaires, condamnations et expulsions, etc.) Diverses modalités de résistance Arrêt de travail, bris de machine (localisé et disparaît durant le 2nd Empire), violences de rue et émeutes, etc. Les syndicalismes : CGT fondée en 1895 révolutionnaire Syndicalisme chrétien (syndicalisme des employés de commerce et de l’industrie dans la suite de Rerum Novarum) Syndicalisme jaune après grève de 1899-1900 chez Schneider Syndicalisme anarchiste

3.4 Des rapports sociaux conflictuels Une législation surtout favorable aux employeurs 1791 : Les décrets d’Allarde posent le principe de la liberté du travail selon lequel "chaque homme est libre de travailler là où il le désire, et chaque employeur libre d’embaucher qui lui plaît grâce à la conclusion d’un contrat dont le contenu est librement déterminé par les intéressés." Ils suppriment les corporations. Les lois Le Chapelier : interdiction des coalitions et les corporations, par extension les grèves et les syndicats. La loi favorise toujours l'employeur, toute revendication est écrasée par l'armée). 1803 : Loi sur la réglementation du travail dans les manufactures et les ateliers Création du livret ouvrier, sorte de passeport sans lequel l'ouvrier ne peut ni quitter son emploi, ni être employé, permettant à la police et aux employeurs de connaître la situation exacte de chaque ouvrier. Tout ouvrier voyageant sans son livret est réputé vagabond et condamné comme tel. Le livret ouvrier est un véritable moyen de soumission. Car, lors d'un litige, l'employeur est cru sur parole, tandis que le salarié doit donner des preuves écrites de sa bonne foi. 1804 : Code civil. L’article 1781 stipule qu’en cas de litige sur le salaire, la parole du maître l’emporte sur celle de l’ouvrier devant les tribunaux (aboli en 1866)

IV. Ebauche d’une nouvelle société

4.1 Le progrès des techniques La science améliore le quotidien : L’éclairage au gaz à Paris en 1829, le télégraphe électrique en 1844, le timbre introduit en 1849, développement du téléphone marqué par la formation d’une association des abonnés en 1905 Révolution des transports Mondialisation (canal du Suez, 1859 et 1869); réseau ferré (liaison Paris, St Germain), automobiles (taxis automobiles apparaissent en 1894 à Paris), généralisation de la bicyclette (premier tour de France en 1903)

4.2 renouvellement des valeurs sociales et politiques Réaménagement urbain Paris est une des seules grandes villes qui continuent de se développer, densité de 1000 hab par hectare grands projets de rénovation (comte de Rambuteau), nouveaux axes (Champs Elysées), on plante des arbres, réseaux d’égout, …, loi d’expropriation pour intérêt public Nouvelles valeurs politiques : Socialisme (Marx & Engels), mouvements révolutionnaires, nationalistes, anarchistes (Proudhon), xénophobes et antisémites (affaire Dreyfus)… Régime démocratique encore critiqué Modification du rôle de l’Etat Avant : guerrier et dispendieux Après : assure la confiance et l’unité Structuration de l’administration (les fonctionnaires apparaissent en 1830) Organisation du système bancaire Organisation « hygiéniste » des hôpitaux Instruction et scolarisation Droit du travail Politiques d’assistance

4.3 Quelques lois de protection des plus faibles : 1841 – Interdiction du travail des enfants de moins de 8 ans 1874 – Interdiction du travail des enfants de moins de 12 ans 1892 – Réglementation du travail des femmes 1853 – Loi sur les Prudhommes 1874 – Création de l’Inspection travail 1874 – Réglementation du travail des mineurs 1874 – Interdiction de l’embauche des enfants de moins de 10 ans 1890 – Suppression du livret ouvrier. 1883-1892 – Création d’un corps d’inspecteurs surveillant la durée du travail 1892 – Interdiction de l’embauche des enfants de moins de 13 ans 1892 – Limitation de la journée de travail à 10 heures pour els jeunes de moins de 18 ans et 11 heures pour les femmes 1898 – Indemnisation des accidents du travail 1900 – Limitation de la journée de travail à 10 heures pour les seuls ateliers employant des hommes, des femmes et des jeunes 1906 – Repos hebdomadaire 1913 – Repos des femmes en couches