Les grands et fiers bateaux sont devenus squelettes. Ils sont couchés sur le flanc, comme les grands poissons las de combattre et résignés à leur sort. Leur quille est enlisée dans le sable. Ils restent immobiles, exposés à la rigueur des éléments, attendant l’heure ultime où ils ne seront plus qu’un amas de débris couleur de rouille.
Parfois quand la mer se déchaîne et que les nuages trop lourds descendent jusqu’à la crête des eaux, les vieux bateaux semblent se réveiller et sortir de leur torpeur, prêts à grimper sur les flots... Mais non, ce n’est qu’une illusion créée par la grisaille et la tourmente...
Les vieux bateaux éventrés, gisant sur les rivages isolés, se rappellent-ils leurs farouches embardées sur les mers en furie? Ont-ils souvenance de l’époque où leurs carènes solides pouvaient affronter la rigueur des éléments?
Il fut un temps, jadis, où ces assemblages de vieilles planches envahies par les mousses humides avaient la solidité du chêne et pouvaient affronter la mer déchaînée. Hélas, les vieux bateaux sont devenus vieux, très vieux, aussi vieux que leurs capitaines...
Les vieux bateaux pourraient raconter de belles histoires, celles des sorties de pêche en haute mer, des jeux d’esquive sur les vagues mugissantes, des explorations côtières, mais aussi des naufrages, parfois...
Chaque fois qu’un vieux bateau abandonné meurt et que ses débris disparaissent parmi les galets, les épaves et les sables des rivages, un vieux pêcheur disparaît aussi, quelque part, dans une retraite discrète, à l’abri des regards...
Il n’y a pas de cimetière pour les vieux bateaux abandonnés; ou plutôt leur cimetière, c’est l’immensité des rivages alors que leurs débris sont emportés par les ressacs de toutes les mers du monde.
Ebb Tide – Stanley Black Création Florian Bernard – 2004 Tous droits réservés