The Shanghai Cooperation Organization: Maintaining Cyber Security in the Central Asia and Beyond Oleg Demidov, CSCAP Russia Bengaluru, 2011

L’Afghanistan au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai La sphère d'influence de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) s’étend désormais de l'Asie centrale à l'Asie de Sud, au Moyen-Orient et au Proche-Orient. Elle tisse des liens avec les institutions internationales et son intérêt économique, politique et géostratégique lui donne le rôle d'un acteur majeur. Avec le temps, une multitude de revendications apparaissent au sein de cette organisation, pouvant être résumées de la façon suivante : Renforcer la confiance mutuelle et le bon voisinage ; Sauvegarder la paix, la sécurité et la stabilité régionale ; Enfin, essayer de créer un nouvel ordre économique, politique et démographique.

L’OCS, pour une coopération renforcée en matière de la lutte commune contre le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme religieux L’ambition des pays adhérents à l’OCS, malgré leurs intérêts contradictoires, s'oriente officiellement vers une coopération pour la stabilité régionale et le progrès économique. L’ancien Président chinois, Hu Jintao, rappelait que le bloc visait à devenir « une forteresse de la sécurité régionale et de la stabilité et une force motrice de développement économique régional » ❶. Par cette déclaration, Hu Jintao affichait sa volonté de transformer l'OCS en un vrai acteur pour la stabilité économique et sécuritaire dans la région. Mais, en réalité, la Chine entend avec la Russie contrer les États-Unis et le monde occidental en utilisant l’OCS comme un contrepoids pour instaurer leur notoriété et limiter l’influence de l’OTAN et de l’Occident en général dans la région. Parmi les priorités de l'OCS en termes de politique de sécurité : combattre le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme religieux dans les territoires des pays membres. C’est pour cela que les Etats membres ont signé en 2001 une convention à Shanghai pour lutter contre le terrorisme et ont mis en place un réseau anti-terroriste régional en 2004 ❶ Pedroletti Brice, Le sommet de Pékin dévoile les ambitions et les limites de l’OCS, Le Monde.fr 09/06/2012.

ayant pour siège central la ville de Tachkent. Cette charte doit être mise en fonctionnement par le biais de l’échange de renseignement des services secrets des pays membres de l'OCS. En plus des six pays membres fondateurs, ❷ l'OCS regroupe actuellement cinq pays observateurs, soit la Mongolie, l’Iran, le Pakistan, l’Inde, et l’Afghanistan, et trois partenaires de dialogue, soit la Biélorussie, le Sri Lanka et la Turquie. ❷ La Chine, la Russie, le Kazakhstan, la Kirghizie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan.

L’Afghanistan, partenaire stratégique de l’OCS L’Afghanistan par sa localisation géographique a une importance primordiale pour l'OCS. C’est pour cette raison qu'il est appelé à jouer un rôle important en Asie centrale et au sein de cette organisation. D’abord, l'Afghanistan est situé au milieu des pays membres de l'OCS, ce qui lui permet d’attirer une attention particulière, notamment en matière sécuritaire et économique pour l'ensemble de région. Il est un point de passage pour le transit des biens et des marchandises des pays voisins, pour les marchés locaux et internationaux. Le territoire afghan est ainsi indispensable aux échanges commerciaux dans la région. En ce sens, Dombrowsky et Piernas montrent l’intérêt de la position géographique du pays et la commentent de la façon suivante : « Jadis, confiné au point de rencontre de trois mondes que tout séparait (l’Asie du Sud, l’espace russo-soviétique et le Proche et le Moyen-Orient), ❸ l’Afghanistan est devenu un pôle d’influence régional ». Ensuite, l’Afghanistan est lié à la majorité des pays concernés par diverses relations, comme la composition ethnique de la population frontalière, la culture et la religion, l’Histoire… ❸ Dombrowsky Patrick, Piernas Simone, Géopolitique du nouvel Afghanistan, ed. Ellipses, 2005, p.89.

Par sa dimension régionale en terme sécuritaire, la stabilité de l'Afghanistan est primordiale pour la région, notamment pour les pays membres de l'OCS. Le désordre politique en Afghanistan peut déstabiliser tous les pays environnants, y compris la Chine et la zone d’influence russe. En effet, vu la composition ethnique, linguistique et religieuse de l’Afghanistan, les différents segments de la population afghane tissent des liens très complexes avec les populations des pays membres de l'OCS. Par exemple, la deuxième plus grande ethnie de l’Afghanistan, les Tadjiks se trouvent en Afghanistan et au Tadjikistan voisin (ainsi qu’au Xinjiang chinois) et partagent des liens culturels, linguistiques et religieux avec les Tadjiks du Tadjikistan. Les mêmes Tadjiks

persanophones des deux pays partagent d’autre part une langue et une religion commune avec les Iraniens, même si ces derniers sont en majorité chiites. De la même manière, plus d'un million de turcophones (Ouzbeks, Turkmènes, Kirghiz) sont des citoyens afghans et partagent un héritage commun avec leurs homologues et voisins d’Asie centrale, membres de l'OCS. Enfin, plus de douze millions Pachtouns vivent dans la zone tribale pakistanaise et ils sont plus de six millions en Afghanistan. Les Pachtouns des deux pays partagent non seulement une culture, une langue, une religion, mais encore une histoire commune entre eux. Les gouvernements successifs en Afghanistan ont instrumentalisé la question de l’autonomie des Pachtouns de la zone tribale pakistanaise dans l’Histoire politique de l’Afghanistan et cette instrumentalisation a été la cause des différentes tensions entre les deux pays depuis la création du Pakistan en En cas d'une éventuelle guerre civile en Afghanistan, les populations pourraient fuir le pays et, naturellement, chaque segment de la population afghane prendrait alors la direction de l'un de ces pays pour se réfugier. Une telle situation créerait non seulement un déséquilibre démographique, mais susciterait par ailleurs d'autres problèmes, notamment sociaux et sécuritaires pour les pays d’accueil

Périls externes et internes en Afghanistan et autour Au niveau international, le principal danger venant de l’Afghanistan est lié à la production et à l’exportation de drogues. Le pays est le premier producteur mondial de pavot ; ce qui intéresse les narcotrafiquants et les bandes criminelles du monde entier. Pour évacuer la drogue d’Afghanistan vers les marchés internationaux ou la vendre sur les marchés locaux, les trafiquants utilisent les territoires de certains pays membres de l'OCS, notamment le Tadjikistan et la Kirghizie. D’autres routes de la contrebande partent également en direction du Pakistan et de l’Iran. A titre d’exemple, pour lutter contre les narcotrafiquants, l’Iran a perdu plus de dix mille soldats et officiers pendant ces dix dernières années, affirmait l'Ambassadeur de France en Afghanistan, Jean-Pierre Guihut. ❹ Les insurgés et les groupes criminels utilisent l’argent de la drogue pour déstabiliser les Etats de la région pour pouvoir prendre le pouvoir ou créer l’anarchie afin de rentabiliser leur commerce. Une lutte commune contre les narcotrafiquants est indispensable pour les membres adhérents à l’OCS ❹ Jean-Pierre Guihut, Ambassadeur de France en Afghanistan, table ronde sur l'Afghanistan, le 07 Mars 2013, à l'Assemblée Nationale.

Et c’est pour cette raison que cette organisation a créé une cellule spéciale de lutte contre les narcotrafiquants et que l’Afghanistan, en tant que membre observateur, peut prétendre à de l'aide dans ce domaine. L’Afghanistan est d’autre part victime du terrorisme international. Ce fléau menace non seulement l’Afghanistan et la région, mais l’ensemble de la communauté internationale, dont la lutte sans relâchement est un devoir de tous. Pour pouvoir combattre efficacement le terrorisme, la collaboration de l’OTAN et de l’OCS en coordination avec les autorités afghanes est indispensable, afin que le monde se débarrasse du danger de terrorisme. Au niveau interne, les Afghans souffrent non seulement de l’insécurité, de la corruption, de l’ingérence étrangère, notamment de celle des pays voisins, du fanatisme religieux (un élément extérieur à la société afghane) et des effets de commerce du pavot, mais encore de la pauvreté, du chômage, du manque d’éducation due au défaut d’infrastructures. Afin que l’Afghanistan retrouve la paix, la stabilité et que les Afghans vivent dignement dans leur pays, la collaboration dans tous les domaines de l'OCS et de l’ensemble de la communauté internationale est capitale.

Périls externes et internes en Afghanistan et autour L'OCS et la communauté internationale doivent prendre en considération les intérêts de l’Inde, du Pakistan, de l’Iran, de la Russie, de la Chine et évidemment ceux des Etats-Unis en Afghanistan, en trouvant un consensus pour pouvoir négocier une paix durable pour l’Afghanistan et la région. Les pays adhérents à l'OCS notamment les pays voisins de l’Afghanistan, trouvent tous un intérêt commun dans ce pays : le retour de la stabilité. En effet, de la stabilité en Afghanistan dépend leur propre stabilité à long terme. Faire des efforts pour résoudre les problèmes afghans signifie s’assurer sa propre sécurité, ainsi que la sécurité des autres membres face aux menaces extérieures.

Les forces de la coalition internationale quitteront l'Afghanistan fin Après leur départ, la situation en Afghanistan se transformera, sans que personne ne puisse déjà présager de l’avenir. Pour faire face à toute éventualité, la collaboration de l'OCS et de la communauté internationale est nécessaire. Par exemple, les deux voisins de l'Afghanistan, en l’occurrence l'Iran et le Pakistan, sont souvent accusés d'être derrière les insurgés en Afghanistan. Sous la pression de l'OCS dans le cadre d'un dialogue de réconciliation nationale en Afghanistan, en aidant les Afghans à reconstruire leur avenir, il est possible de convaincre ces deux pays du changer de leur stratégie, afin que l'Afghanistan puisse retrouver au plus vite la paix.

Le rôle de l’OCS en Afghanistan après 2014 Pour aider l’Afghanistan à sortir de la spirale de la misère, des aides techniques massives dans le domaine de l’exploitation des richesses naturelles, le développement de l’agriculture, de la production d’électricité à partir de barrages ou de centrales hydro-électriques et la production de produits propres à la consommation afghane, sont nécessaires. De telles aides ne peuvent être octroyées que par la communauté internationale. L’exploitation des réserves minières et des hydrocarbures de la Caspienne pourrait donner à l’Afghanistan l’avantage d’être un acteur actif dans la région et au sein de l’OCS. C’est pour cela que la reconstitution politique et économique du pays doit lui donner un poids très positif sur toute la sphère régionale. ❺ ❺ Djalili Mohammad-Reza, Kellner Thierry, Géopolitique de la nouvelle Asie centrale, de la fin de l’URSS à l’après 11 septembre. Ed.P.U.F., P. 549

Cette importance se manifeste dans les discours des responsables politiques de l’OCS, notamment dans celui de l’ancien Président chinois. A l’occasion de la 12 ème rencontre des chefs d’États de l’OCS, tenue à Pékin le 6 et le 7 juin 2012, Hu Jintao a montré l’importance que son pays donnait à la question afghane. Lors de son discours, Hu Jintao a donné le sens aux promesses faites par son pays à Hamid Karzai, et la qualifiait d’une « aide sincère et désintéressée de la Chine ». Il justifiait cette action par le fait que « l’Afghanistan est entré aujourd’hui dans une période critique de transition… Et l’OCS sera une forteresse de sécurité et de stabilité et une force motrice du développement économique et régional ». Ses déclarations ont été prononcées à la suite de la signature d’un accord de partenariat stratégique selon lequel la Chine s’engageait à construire des infrastructures et à fournir à son voisin 18 millions d’Euros comme aide en ❻ ❻ Pedroletti Brice, Op. Cit.

Le discours de l’ancien Président chinois trouve son explication dans les rapports économiques que son pays entretien avec l’Afghanistan, car l'Empire du milieu a une frontière commune avec l'Afghanistan. Il est certain que les chinois vont profiter de l’occasion du départ des Occidentaux pour imposer leur notoriété économique en Afghanistan. Mais, cette notoriété est déjà en marche, puisqu’il existe plusieurs accords économiques entre les pays. Ainsi : C’est un groupe chinois qui exploite les mines de cuivre d’Aynak dans la province de Logar (investissement de trois milliards de Dollars). La compagnie nationale de pétrole de la Chine (China National Petroleum Corporation CNPC) a obtenu les droits d’exploitation de gisements pétroliers et de gaz dans les provinces de Sari Pul et de Fayrab. Enfin, le commerce entre Kaboul et Pékin a été multiplié par plus de dix depuis dix ans. ❼ ❼ Michel Colomé, Quand la Chine s’intéresse à l’Afghanistan, le Point.fr 14/08/2012.

Les forces de l’OTAN vont donc quitter l’Afghanistan dès 2014 et l’OCS est appelée à jouer un rôle essentiel dans la stabilité de la région. Mais, des perspectives d’influence envers l’Afghanistan d’après 2014 commencent à se dessiner notamment de la part de pays comme le Pakistan, l’Iran et l’Inde. Le Sommet du 7-8 juin 2012 de l'OCS a permis aux dirigeants chinois et russes d'afficher leurs convergences sur beaucoup de sujets. Ce sommet était en réalité un signe de volonté de se tourner vers les pays émergents et de présenter l'OCS comme un contrepoids à l'hégémonie américano-occidentale dans la région, notamment en Afghanistan. Ainsi, en 2007, lors du Sommet des chefs d’Etat de l’OCS à Bichkek, Vladimir Poutine et Hamid Karzai ont appelé les membres de l’organisation à donner plus d’importance à la question afghane. Aussi, en juin 2008, lors des réunions des diplomates, orientalistes et experts de la question afghane, les participants ont dressé le constat d’échec de l’OTAN et ont demandé à ce que l’OCS prenne la relève et s’intéresse à l’Afghanistan. ❽ Cependant, pour que l’importance accordée à l’Afghanistan soit effective, la volonté politique des pays membres et la coopération mutuelle doivent se coordonner. Mais, cette volonté, même si elle est exprimée verbalement dans les différents discours, semble aujourd’hui absente, puisque plusieurs obstacles bloquent toute union de vues au sein de l’OCS et poussent les pays membres à hésiter sur le cas afghan pour plusieurs raisons : ❽ Vielmini Fabrizio, Les perspectives de l’OCS en Afghanistan, in revue Regards Sur l’Est, 17/07/2008.

La stabilité politique est considérée comme étant une question interne à l’Afghanistan et, en se basant sur la notion de souveraineté, les pays membres s’interdisent de se mêler à la question interne du pays. La question de la drogue et du pavot semble difficile à résoudre, même si plusieurs solutions ont été mises en avant par les pays membres de l’OCS. En ce sens, de nombreux exposés de l’OCS ont montré que la situation à la frontière tadjiko-afghane mobilise l’attention des représentants des Etats post-soviétiques, en raison du trafic en constante augmentation, et la qualifient de situation préoccupante. ❾ Enfin, la question de la frontière pakistano-afghane n’est toujours pas résolue. L’Afghanistan n’a jamais reconnu la ligne Durand, qui scinde en deux la zone pachtoune, comme frontière entre les deux États ; ce qui continuera d’être l’objet de tensions à l’avenir, si aucune décision n’est prise au niveau international, en concertation avec les parties concernées. ❾ Vielmini, Op. Cit.

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