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Transcription de la présentation:

Attendez que la musique commence et cliquez pour avancer SOUVENIRS et "Mémoire involontaire" Attendez que la musique commence et cliquez pour avancer

1 - Introduction 2 - « L'autobus », un texte adapté d’une histoire d’Elena Tabakova 3 - « Mes odeurs et mes sons », un texte de Francine Lamer 4 - « Métaphysique des Tubes », un texte d’Amélie Nothomb 5 - « La mémoire involontaire », un texte de Marcel Proust: A la Recherche du Temps perdu. Du côté de chez Swann 6 - Individu et mémoire familiale un texte extrait du livre d’Anne Muxel

Introduction Une odeur d’essence mélangée à des odeurs de tabac et ma « mémoire involontaire » s’est réveillée… Lorsque j’avais 6 ans je faisais en famille tous les week-end un trajet en car pour aller du village de Grans, petit village où nous habitions à coté de Salon de Provence, à Marseille. Le soir il faisait nuit et cette odeur très particulière m’a fait revivre ces trajets nocturnes… Voici donc ci-après une petite histoire d’Elena Tabakova qui se remémore aussi un souvenir du même âge… « La fontaine de Grans »

d'une histoire d'Elena Tabakova L'autobus Un texte adapté d'une histoire d'Elena Tabakova

J’ai six ans, six ans et demi. Photo villaperla

Nous sommes, ma mère et moi, dans un autobus poussif et poussiéreux, crissant, hurlant dans les rares virages, en route de Marrakech pour la vallée de l’Ourika. Photo villaperla

C’est la nuit. Je n’ai absolument pas peur. Photo villaperla

Tous les gens autour de nous sont enturbannés ou voilés – cela ne m’effraie pas davantage. Je sais que c’est la coutume dans ce pays où nous vivons. Photo villaperla

Les cahots, le sable, la nuit, les odeurs d’essence, d’Eau de Cologne, de tabac à chiquer, à fumer m’engloutissent.

Je ne suis qu’une toute petite partie de cet autobus qui, à ce moment précis est le monde. Un monde fait de chairs inconnues, agréablement inquiétantes, excitantes avant l’heure.

Je ne vois rien d’autre que le bitume de la route devant nous, éclairé par les phares.

Nous n’avons pas lieu de nous plaindre – notre qualité d’uniques étrangères à bord nous a valu d’occuper les meilleures places, à l’avant, première rangée à droite. Le pare-brise géant devant moi me fascine, telle une baie vitrée donnant sur un océan noir.

Une petite balustrade en tube d’aluminium nous sépare des deux - trois marches devant la porte de l’autobus.

Au début, je savoure le luxe d’être privilégiée Au début, je savoure le luxe d’être privilégiée. Pensez-vous, une banquette entière de deux places, rien que pour ma mère et moi !... Je peux relever mes jambes, m’allonger presque, posant ma tête sur les genoux maternels. Une main à la douceur familière se promène sur mon visage, sur mon front, caressante, rassurante, envoûtante. Je ronronne presque, en m’endormant. Photo villaperla

Soudain la main s’immobilise sur ma joue : « Elena, Léni, ma petite âme, réveille-toi ! ». J’ouvre les yeux, je relève la tête, lourde de sommeil. Ma mère me soulève, se met à ma place, me prend sur ses genoux. Photo villaperla

Sur son siège, qu’elle vient de libérer, vient de s’installer une femme voilée. Elle me paraît vieille. A cause des traces de henné sur son visage, sur ses mains, contrastant bizarrement dans le noir sur le fond blanc de son voile blanc. Photo villaperla

Je ne comprends pas. Ma mère me chuchote à l’oreille : « Rendors-toi, ce n’est rien. C’est une maman, avec trois enfants. Elle vient de monter dans l’autobus. Il n’y avait plus de place, alors elle s’était assise sur les marches de la portière devant nous. Je te prends sur mes genoux, elle prend l’un de ses enfants sur les siens. Tu ne trouves pas que c’est mieux ? » Photos villaperla

Me voilà tout à fait réveillée Me voilà tout à fait réveillée. Je découvre en effet qu’il y a, enveloppé dans le corps à voile, à côté de nous, un enfant plus jeune que moi. - Et les deux autres ? – je murmure moi aussi. - Ils restent sur les marches. Ils ont plus de place ainsi. Photo villaperla

Et voilà que se produit mon premier miracle, imprévisible et inoubliable. Un vrai miracle. Main contre main. Peau contre peau. Sans le vouloir, j’ai tendu ma main dans laquelle est venue se poser, tout aussi naturellement, une autre main, plus petite que la mienne, plus chaude aussi, presque brûlante. Photo krissyorange

Nous voyageons ainsi, le pouls battant de l’enfant invisible dans la paume de ma main – jusqu’à l’arrivée. Ce fut mon premier rêve éveillé. Ceux qui ne croient pas aux miracles, les provoquent. Photo mouseonmeds

un texte de Francine Lamer Mes odeurs et mes sons un texte de Francine Lamer

J’ai gardé en mémoire certains moments de mon enfance uniquement par les sons et les odeurs. Ils me reviennent en pensées… l’odeur de la cave à Comblain-au-Pont ; cette odeur de charbon mêlée d’humidité… Le vieux sapin de Noël qui traînait par terre… J’ai le souvenir des bouteilles alignées au moment où ma sœur Micheline allait faire sa communion…

L’odeur du grenier, là où j’ai passé mon enfance à jouer bien souvent seule… une odeur de poussière et cette chaleur étouffante en été qui me faisait redescendre toute en sueur… Je vois encore les petites particules de poussière danser à la lumière de la fenêtre du toit.

Ah… les odeurs de la bonne cuisine que faisait ma grand-mère Ah… les odeurs de la bonne cuisine que faisait ma grand-mère ! Sa soupe à la tomate… son poulet… sa compote… Le rôti qui cuisait le samedi soir pour le dimanche… J’avais le droit de goûter si il était cuit ! Ma grand-mère me donnait un petit morceau. Je sais aujourd’hui que c’était à la fois un plaisir pour elle de voir mes yeux gourmands et une satisfaction qu’elle avait de bien faire son repas. L’odeur du thé au tilleul en hiver, qui réchauffait sur le coin du poêle. Photo Alexandru-Simionesei

Je me souviens de l’odeur du maïs dans le coffre de couleur rouge… j’aimais y plonger les mains, l’odeur du tourteau que l’on donnait aux vaches… l’odeur du foin en été quand j’accompagnais mon oncle et ma grand-mère au moment de la fenaison… le goût du café qui venait tout droit du thermo… du café noir… Photo coolpif

En été j’accompagnais mon oncle, il allait traire les vaches sur « Pet cou ». J’attendais avec impatience le moment de boire du lait « dchaud moudou » dans le couvercle de la cruche… du lait un peu chaud… et mousseux… Photo indra2010

et l’odeur des tartes !!!!! Que de souvenirs quand mon oncle faisait des tartes… je m’en mettais plein les yeux, pleins le nez… et plein la bouche… Photo celedreen

En été, il était habituel de sentir l’odeur d’un feu… ça et là dans les jardins… Photo Boccacino

Qui ne se souvient pas de l’odeur de l’encre à l’école… quand la maîtresse venait avec sa grande bouteille pour remplir nos encriers… l’odeur de l’éponge mouillée qui traînait dans le seau…

Quel délice de sentir vers 12 heures, l’odeur des pommes de terre pétées que l’on mettait cuire sur le poêle en pierre de l’école… Le son de la cloche tinte encore dans mes oreilles d’enfant…

Et puis il y avait toutes les odeurs de la nature… l’odeur de la pluie après l’orage… l’odeur de la menthe sauvage, du persil… et de la petite branche de céleri que ma grand-mère mettait pour cuire ses pommes de terre… Photo minouche_32

l’odeur de la terre et des feuilles mortes à l’automne… j’adorais faire des gros tas de feuilles devant chez moi et puis je sautais dedans… Photo Petits morceaux

il y avait aussi l’odeur du vieux garage sur la route d’Aywaille, là où j’allais faire réparer mon vélo. Photo guillaumeseverin

Le chant des oiseaux à l’aube, me rappelle toujours mes examens quand je me levais très tôt pour étudier… (bof !) il me rappelle aussi le jour où nous partions en excursion scolaire… je dormais mal tellement j’étais contente de partir et bien souvent nous devions nous lever très tôt… je tremblais de froid… Photo mithraphoto

Les chansons aussi nous replongent instantanément dans notre passé… ou une ambiance familiale… « cigarette, whisky et p’tites pépées » une chanson que chantait Annie Cordy… un jour où maman nous préparait un bon croque monsieur à la viande…

Et l’odeur de l’encens à l’église Et l’odeur de l’encens à l’église ! cette odeur qui me rendait malade… j’étais obligée de sortir… Photo Al Hopkins

Il y avait aussi l’odeur de mes vêtements quand je rentrais à Comblain au Pont de mes longues vacances d’été à Xhoris… Mes sœurs me disaient « tu sens la vache »…

Il y eut plus tard l’odeur de la librairie Halbart où j’ai travaillé à la facturation pendant deux ans… cette odeur de livres quand j’entrais dans le magasin…et aussi l’odeur insupportable du savon vert qu’utilisait la femme d’ouvrages pour nettoyer… cette odeur me prenait à la gorge… Photo Raffael DON GIOVANNI

plus tard, il y eut l’odeur de mes bébés… cette belle odeur douce et sensuelle que je retrouve aujourd’hui avec mon petit fils… que de souvenirs liés aux odeurs !!!! la petite fanfan s’en souvient encore très fort !!!! Photo villaperla

Métaphysique des Tubes un texte d’Amélie Nothomb Photo Roland Chervet

A l’âge de deux ans, j’étais sortie de ma torpeur, pour découvrir que la vie était une vallée de larmes où l’on mangeait des carottes bouillies avec du jambon. J’avais dû avoir le sentiment de m’être fait avoir. A quoi bon se tuer à naître si ce n’est pour connaître le plaisir ? Les adultes ont accès à mille sortes de voluptés, mais pour les enfançons, il n’y a que la gourmandise qui puisse ouvrir les portes de la délectation. Photo villaperla

La grand-mère m’avait rempli la bouche de sucre : soudain, l’animal furieux avait appris qu’il y avait une justification à tant d’ennui, que le corps et l’esprit servaient à exulter et qu’il ne fallait donc pas en vouloir ni à l’univers entier ni à soi-même d’être là. Le plaisir profita de l’occasion pour nommer son instrument : il l’appela moi – et c’est un nom que j’ai conservé. (…) Photo villaperla

En me donnant une identité, le chocolat blanc m’avait aussi fourni une mémoire : depuis février 1970, je me souviens de tout. A quoi bon se rappeler ce qui n’est pas lié au plaisir ? Le souvenir est l’un des alliés les plus indispensable de la volupté. Une affirmation aussi énorme – « je me souviens de tout » - n’a aucune chance d’être crue par quiconque. Cela n’a pas d’importance. S’agissant d’un énoncé aussi invérifiable, je vois moins que jamais l’intérêt d’être crédible. Photo villaperla

Certes, je ne me rappelle pas les soucis de mes parents, leurs conversations avec leurs amis, etc. Mais je n’ai rien oublié de ce qui en valait la peine : le vert du lac où j’ai appris à nager, l’odeur du jardin, le goût de l’alcool de prune testé en cachette et autres découvertes intellectuelles. Photo villaperla

Avant le chocolat blanc, je ne me souviens de rien : je dois me fier au témoignage de mes proches, réinterprétés par mes soins. Après, mes informations sont de première main : la main même qui écrit. Je devins le genre d’enfant dont rêvent les parents : à la fois sage et éveillée, silencieuse et présente, drôle et réfléchie, enthousiaste et métaphysique, obéissante et autonome. Photo villaperla

Pourtant, ma grand-mère et ses sucreries ne restèrent au Japon qu’un mois : mais ce fut suffisant. La notion de plaisir m’avait rendue opérationnelle. Mon père et ma mère étaient soulagés : après avoir eu un légume pendant deux années puis une bête enragée pendant six mois, ils avaient enfin quelque chose de plus ou moins normal. On commença par m’appeler par un prénom. Photo villaperla

La mémoire involontaire un texte de Marcel Proust A la Recherche du Temps perdu Du côté de chez Swann

(…) un jour d'hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. II m'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplissant d'une essence précieuse : ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elle était moi. J'avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D'où avait pu me venir cette puissante joie ?

Je sentais qu'elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu'elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D'où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l'appréhender ? Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m'apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m'arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n'est pas en lui, mais en moi. [...] Arrivera-t-il jusqu'à la surface de ma claire conscience, ce souvenir, l'instant ancien que l'attraction d'un instant identique est venue de si loin solliciter, émouvoir, soulever tout au fond de moi ? Je ne sais. Maintenant je ne sens plus rien, il est arrêté, redescendu peut-être ; qui sait s'il remontera jamais de sa nuit ? Dix fois il me faut recommencer, me pencher vers lui. Et chaque fois la lâcheté qui nous détourne de toute tâche difficile, de toute oeuvre importante, m'a conseillé de laisser cela, de boire mon thé en pensant simplement à mes ennuis d'aujourd'hui, à mes désirs de demain qui se laissent remâcher sans peine.

Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir.

Individu et mémoire familiale un texte extrait du livre d'Anne Muxel

Une odeur, un bruit, et tout le décor passé peut être retrouvé Une odeur, un bruit, et tout le décor passé peut être retrouvé. Cette mémoire submerge comme la vague. Elle échappe à la raison, à l'intention, à toute reconstruction. Elle retrouve une sorte de vécu à l'état brut, fait des sensations éprouvées dans le passé. Une mémoire reviviscente, encore vive, vivante en soi. Mémoire intacte, porteuse des émotions d'alors. C'est une " mémoire involontaire " ainsi désignée par Marcel Proust qu'il oppose à la mémoire stérile de l'intelligence qui ne peut rien conserver du passé.

" C'est pourquoi la meilleure part de notre mémoire est hors de nous, dans un souffle pluvieux, dans l'odeur de renfermé d'une chambre ou dans l'odeur d'une première flambée, partout où nous retrouvons de nous-mêmes ce que notre intelligence n'en ayant pas l'emploi, avait dédaigné, la dernière réserve du passé, la meilleure, celle qui, quand toutes nos larmes semblent taries, sait nous faire pleurer encore. Hors de nous? En nous pour mieux dire, mais dérobée à notre propre regard, dans un oubli plus ou moins prolongé. C'est grâce à cet oubli seul que nous pouvons de temps à autre retrouver l'être que nous fûmes, nous placer vis-à-vis des choses comme cet être l'était, souffrir à nouveau, parce que nous ne sommes plus nous, mais lui, et qu'il aimait ce qui nous est maintenant indifférents". Marcel Proust : À l'ombre des jeunes filles en fleur

Cette mémoire vraie ne peut être au premier abord que cachée Cette mémoire vraie ne peut être au premier abord que cachée. L'oubli, bien plus que dans d'autres formes de mémoire, est ici le maître d'oeuvre. C'est de l'oubli et de l'incertitude de retrouver la piste induite par les sensations éprouvées que la mémoire involontaire tire sa force et sa vérité. Celle-ci peut revenir comme elle peut rester enfouie. Le déclenchement au souvenir reste aléatoire, " il dépend du hasard que nous le rencontrions avant de mourir, ou que nous ne le rencontrions pas". Mémoire-loterie. Mais cette mémoire, lorsqu'elle surgit, lorsqu'elle peut être perçue et décryptée, dit le vrai. Elle fonctionne comme une sorte d'inconscient de la mémoire. Ainsi les sens permettent-ils de faire surgir comme d'une boîte de Pandore des souvenirs, les bons et les mauvais, des bonheurs et des blessures, des traumatismes. On respire. On entend. Et on est là, à nouveau. On retrouve, on veut garder, on peut vouloir s'en échapper.

Les sens donnent aux souvenirs leur âme....

Musique: extrait du 2ème mouvement Larghetto du Concerto pour piano et orchestre n°27 de Mozart Direction Christian Zacharias Daniel, La Roche-Posay le 30/05/2010 danielvillaperla@gmail.com Ce diaporama littéraire numéro 71 est strictement privé (je n’ai pas de site, donc si vous souhaitez recevoir un de mes précédents diaporamas littéraires envoyez moi un @mail). Tous mes diaporamas sont à usage non commercial