Repères éthiques autour de la fin de vie Christian Dageville Réanimation néonatale, Hôpitaux Pédiatriques de Nice Espace Ethique Azuréen ; GEP à Nice ; GRAEP
Suicidez-vous jeune, vous profiterez de la mort Pierre Desproges Suicidez-vous jeune, vous profiterez de la mort 2 2 2
« Affaire V. Humbert » + ADMD (2002) ; 1ère commission Léonetti (2004) ; loi Leonetti (2005) ; 2ème commission Léonetti (2008) ; mission Sicard (2012) ; 3 questions au CNCE (2013) ; « affaire V Lambert » nouvelle loi en 2015 (Claeys + Léonetti) ?
Cas clinique : accepter la mort non inéluctable Marc, 68 ans, SDF, état général très médiocre Admis en réanimation pour infarctus du myocarde À son admission, fait une tachycardie ventriculaire le réanimateur doit immédiatement décider Accepter la mort du patient / débuter une réanimation ?
Cas clinique : accepter la mort non inéluctable Marina, 40 ans Noyade en eau de mer, Encéphalopathie anoxo ischémique sévère coma ; mobilité spontanée = 0 ; vie de relation = 0 IRM cérébrale à J4 : lésions ischémiques substance blanche et noyaux gris centraux avenir probable : autonomie et vie relationnelle très compromise Question de l'équipe : « A quoi sert de continuer cette réanimation ? » Interrompre les traitements qui la maintiennent en vie serait-il légitime ?
6 6
« aidez moi ; je n’en peux plus » Cas clinique : Lutter contre la souffrance au risque d’abréger la vie Ahmed, 58 ans Cancer du poumon en phase terminale Semble très gêné pour respirer ; angoissé ++ ; souffre il faudrait augmenter la morphine et associer d’autres antalgiques (au risque d’entraîner un arrêt respiratoire) « aidez moi ; je n’en peux plus » Augmenter les antalgiques pour abolir la sensation d’étouffement, au risque d’abréger sa vie, cela serait-il légitime ?
La mort … est la conséquence d’un manque de savoir-vivre Pierre Dac La mort … est la conséquence d’un manque de savoir-vivre 8 8 8
1ère partie : les 5 engagements résultant de de la loi Léonetti Accepter la mort non inéluctable ? Lutter contre la souffrance au risque d’abréger la vie ? La loi Léonetti : 5 principes
La loi Léonetti (1) Renoncer à un traitement curatif est autorisé - si le patient le demande ou - si retarder la mort = acharnement La mort est acceptée : elle survient du fait de la maladie l'obstination déraisonnable est condamnable 1er engagement : Nous ne retarderons pas votre mort contre votre volonté au-delà du raisonnable
- Cette obstination doit rester dans les limites du raisonnable 1er engagement : Nous ne retarderons pas votre mort contre votre volonté au-delà du raisonnable - Notre métier de soignant consiste à nous obstiner à repousser la mort - Cette obstination doit rester dans les limites du raisonnable Comment définir cette limite ? 3 niveaux d’interprétation Exemple : le malade cérébrolésé, en coma, dépendant de traitements de support vital L’IRM cérébrale précise les lésions lésions séquelles séquelles qualité de vie qualité de vie acceptable ou non acceptable 1er niveau d’interprétation 2ème niveau d’interprétation 3ème niveau d’interprétation
La loi Léonetti (2) Augmenter les traitements de la souffrance quelques soient les conséquences est autorisé si la souffrance du patient l’impose La mort est acceptée : elle survient du fait des traitements contre la souffrance rebelle 2ème engagement : Quoiqu’il arrive, nous ne vous laisserons pas souffrir
en fin de vie, qualité de vie > quantité de vie 2ème engagement : Quoiqu’il arrive, nous ne vous laisserons pas souffrir en fin de vie, qualité de vie > quantité de vie
La loi fait une différence essentielle entre 2 intentions : 1er engagement : Nous ne retarderons pas votre mort contre votre volonté au-delà du raisonnable 2ème engagement : Quoiqu’il arrive, nous ne vous laisserons pas souffrir La loi fait une différence essentielle entre 2 intentions : - intention de donner la mort nul n’a le droit de disposer de la vie d’autrui - intention d’accepter la mort les LAT, le TRT de la souffrance au risque d’abréger la vie sont autorisés Intention d’accepter la mort ≠ intention de donner la mort Nos intentions sont-elles toujours pures ?
C’est le patient qui décide La loi Léonetti (3) 3ème engagement : patient adulte responsable Nous ne déciderons pas à votre place Si le patient adulte peut exprimer sa volonté C’est le patient qui décide Si le patient, adulte, est incapable d’exprimer sa volonté Si le patient est mineur 1- réflexion avec les proches 2- réflexion avec l’équipe 3- c’est le médecin responsable qui décide les directives anticipées la personne de confiance la famille les parents 3ème engagement : mineur - patient hors d’état d’exprimer sa volonté Nous réfléchirons avec d'autres
Comment le patient est-il informé ? 3ème engagement : patient adulte responsable Nous ne déciderons pas à votre place Si le patient adulte peut exprimer sa volonté C’est le patient qui décide Comment le patient est-il informé ? Est-il libre de sa décision ? (face au pouvoir médical)
Alliance parents – soignants autour de l ’enfant Si le patient, adulte, est incapable d’exprimer sa volonté Si le patient est mineur 1- réflexion avec les proches 2- réflexion avec l’équipe 3- c’est le médecin responsable qui décide les directives anticipées la personne de confiance la famille les parents 3ème engagement : mineur - patient hors d’état d’exprimer sa volonté Nous réfléchirons avec d'autres Alliance parents – soignants autour de l ’enfant Implication des proches (famille ; personne de confiance) dans la décision Place des directives anticipées La collégialité suppose un minimum de démocratie dans le service
Renoncement aux soins curatifs Soins palliatifs obligatoires La loi Léonetti (4) Renoncement aux soins curatifs Soins palliatifs obligatoires 4ème engagement : Nous ne vous abandonnerons pas, nous vous accompagnerons Soins palliatifs = deux objectifs : - le confort du patient, malgré sa maladie - le soutien des proches
la question de l’arrêt de la nutrition et hydratation artificielle 4ème engagement : Nous ne vous abandonnerons pas, nous vous accompagnerons la question de l’arrêt de la nutrition et hydratation artificielle soutien des proches : comment ? Jusqu’où ? concept de « soins palliatifs » / concept de « soins de support »
5ème engagement : Nous ne ferons rien en secret La loi Léonetti (5) Rien ne doit être clandestin - tout doit être dit au patient ; à sa famille - tout doit être écrit dans le dossier 5ème engagement : Nous ne ferons rien en secret
4ème engagement : Nous ne ferons rien en secret Tout écrire de ce qui est fait Tout dire ?
22 22 22
2ème partie : la loi Léonetti en pratique Voir rapport Sicard
2ème partie : la loi Léonetti en pratique Penser solidairement la fin de vie RAPPORT A FRANCOIS HOLLANDE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE COMMISSION DE REFLEXION SUR LA FIN DE VIE EN FRANCE 18 décembre 2012
2ème partie : la loi Léonetti en pratique Rapport Sicard : Des plaintes / de la peur les médecins se désintéressent de la fin de vie
2ème partie : la loi Léonetti en pratique Rapport Sicard : La loi Léonetti mal appliquée "Nous ne retarderons pas votre mort contre votre volonté / au-delà du raisonnable" trop d'acharnement "Quoiqu’il arrive, nous ne vous laisserons pas souffrir" trop de souffrance mal calmée en fin de vie "Nous ne vous abandonnerons pas, nous vous accompagnerons" soins palliatifs déficients "Nous ne déciderons pas à votre place / Nous réfléchirons avec d'autres" pas assez d’information ; pas assez d’écoute ; pas assez de collégialité "Nous ne ferons rien en secret" peur des décisions clandestines
Pierre Desproges La mort, ce sont les droits de l’homme qui s’effacent devant les droits de l’asticot 27 27 27
3ème partie : la question de l’agonie et de la sédation - interdiction de donner la mort obligation d’accompagner le mourant et de soutenir ses proches sédation profonde ? Sédation continue ? sédation approfondie ? sédation en phase terminale ? sédation terminale ?
3ème partie : la question de l’agonie et de la sédation position du problème : Une sédation terminale* pourrait-elle être parfois légitime - légale ? * sédation terminale = sédation approfondie dans l’intention d’accélérer la survenue de la mort du patient, en réponse à la demande de sa famille Situation précise : personne hors d’état d’exprimer sa volonté ; maladie au stade terminal ou LAT mort inéluctable ; il est en agonie ; antalgie et sédation conventionnelles aucun signe de souffrance ; famille au près d’elle demande d’accélérer la survenue de la mort
Encéphalopathie anoxo ischémique sévère ; Marina, 40 ans Noyade en eau de mer, Encéphalopathie anoxo ischémique sévère ; coma ; mobilité spontanée = 0 ; vie de relation = 0 IRM cérébrale à J4 : lésions ischémiques substance blanche et noyaux gris centraux avenir probable : autonomie et vie relationnelle très compromise Question de l'équipe : « A quoi sert cette réanimation ? » Interrompre les traitements qui la maintiennent en vie serait-il légitime ? Équipe de soin + famille : oui Arrêt de la nutrition/hydratation artificielle
Pourquoi les proches font-ils une telle demande Pourquoi les proches font-ils une telle demande ? les deux temps de l’agonie prolongée premier temps = agonie nécessaire ; deuxième temps = « l’agonie prolongée au-delà du supportable » 5 repères cliniques de l’agonie prolongée au-delà du supportable : La perte de sens « à quoi tout cela sert-il ? » L’émergence de vœux de mort « combien de temps cela va-t-il durer ; on ne peut rien faire ? » L’épuisement physique et psychique « je n’en peux plus, je n’ai plus la force de continuer ! » Le dépérissement de la relation au mourant « elle n’est plus là ; seul reste son corps » ± l’aggravation de la dégradation corporelle (arrêt de nutrition – hydratation)
Deux prises de position (1) Le rapport de la mission SICARD (décembre 2012) Conclusion (page 96) : «… la commission souligne avec force…le danger de franchir la barrière d’un interdit.… » Recommandations (page 93) : Il serait cruel de « laisser mourir »… (la personne) sans lui apporter la possibilité d’un geste accompli par un médecin, accélérant la survenue de la mort. »
Deux prises de position (2) L’avis 121 du CCNE (juillet 2013) Avant-propos (page 2) : «…la loi actuelle… opère une distinction essentielle… entre "laisser mourir" et "faire mourir" … » Arrêt de nutrition chez le nouveau-né (page 36) : « …dans ces situations… il est souhaitable que la loi soit interprétée avec humanité afin que, grâce à la manière de mener la sédation, le temps de l’agonie ne se prolonge pas au-delà du raisonnable… » Sédation continue (page 39) : « …il est évident que, en phase avancée / terminale… … le strict respect de la loi ne doit pas conduire à des situations plus douloureuses et plus violentes que son non-respect … »
Je préfère le vin d’ici à l’au-delà ! Francis Blanche 34 34 34
Discussion : serait-il légitime d’accélérer parfois la survenue de la mort ? • Condition nécessaire : les modalités de son élaboration : - demande des proches + collégialité consensus explicite. - refus du secret inscription dans le dossier médical. • Définition des soins palliatifs : accompagnement du patient + soutien des proches • Augmenter la sédation pour accélérer la survenue de la mort (sédation terminale) ≠ pratiquer une injection létale pour provoquer la mort (euthanasie) - pas de maîtrise complète du temps - acte moins violent - personne en agonie • Acte moins violent que certains arrêt de TRT (ex : « débrancher » le patient)
Illégal acte de nature euthanasique Discussion : accélérer la survenue de la mort, est-ce nécessairement une transgression de la loi ? Commission Sicard ± conforme à l’esprit de la loi CCNE avis 121 pas respect strict de la loi – interprétation avec humanité J. Léonetti (Libération 28/04/2014) conforme à l’esprit de la loi Intention d’accélérer la survenue de la mort Renforcement de la sédation Illégal acte de nature euthanasique illégal Intention de donner la mort Injection létale légal Intention de laisser la mort advenir - Limitation et arrêt de traitement - Traitement de la souffrance au risque d’abréger la vie
DE ALAIN CLAEYS ET JEAN LEONETTI PROPOSITION DE LOI DE ALAIN CLAEYS ET JEAN LEONETTI Droit à la sédation profonde et continue pour le patient présentant une affection grave et incurable, en fin de vie si patient le demande si patient incapable d’exprimer sa volonté : en cas d’arrêt des traitements de support vital Intention = provoquer une altération profonde et continue de la vigilance Ambiguïté de l’intention ?
38
4ème partie : Les directives anticipées Cette procédure est très peu utilisée par les personnes malades très peu prise en compte par les médecins Réforme proposée à 2 niveaux : faire des directives anticipées un document usuel contraindre les médecins à les respecter ou à justifier leur non respect
Conclusions • Lois sur la fin de vie : Protection nécessaire pour les personnes malades + guide approprié et juste pour les soignants mais ne permettent pas d’affronter toutes les situations. l’application stricte de la loi peut engendrer de l’inhumanité • La loi n’est pas le tout de l’éthique. • Ethique de responsabilité / éthique de conviction (Max Weber). • S’intéresser à la question de la mort fait partie du métier de médecin. • Consulter les proches, recueillir l’avis de l’autorité parentale : quel est le poids de l’opinion des accompagnants naturels face à l’opinion du médecin (face au pouvoir médical ) ? = enjeu démocratique
Conclusions Et n’allez pas confondre et l’effet et la cause, La mort est délivrance, … Le temps c’est le tic tac monstrueux de la montre, La mort c’est l’infini dans son éternité. « Ne chantez pas la mort » Léo Ferré / Jean-Roger Caussimon