La première guerre punique
Lorsque, pour la première fois, ils entreprirent de faire faire à leurs troupes la traversée jusqu’à Messine, non seulement ils ne disposaient pas de navires cataphractes, mais ils n’avaient même aucun vaisseau long… Ils empruntèrent aux Tarentins, aux Locriens et aux Napolitains des pentécontères et des trières, avec lesquelles ils firent hardiment passer le détroit à leurs hommes. C’est en cette occasion que les Carthaginois, ayant pris la mer pour les attaquer, perdirent un de leurs navires cataphractes qui, s’étant élancé avec trop d’impétuosité sur l’ennemi, s’échoua et tomba aux mains des Romains et c’est de ce navire que ces derniers se servirent comme modèle pour la construction de toute leur flotte… Ainsi, pendant que les hommes chargés de construire ces navires s’affairaient sur les chantiers, d’autres constituaient des équipages et entraînaient à terre les recrues au maniement des rames selon la méthode suivante. Sur des bancs de rameurs disposés au sol, ils rangeaient les matelots dans l’ordre même où ils devaient se trouver à bord des navires et plaçaient au milieu d’eux un maître d’équipage. Ils les habituaient ainsi à se rejeter tous ensemble en arrière en ramenant leurs mains vers eux, puis à se redresser pour se pencher ensuite en avant, en lançant leurs bras devant eux. Ils devaient commencer et terminer ces mouvements au commandement du maître d’équipage. Polybe, Histoire, I, 20 et 21
Les deux nations ressemblaient à deux coqs de bonne race engagés dans un combat acharné. Souvent, lorsque ces volatiles, épuisés, ont perdu l’usage de leurs ailes, ils continuent, à force de volonté, à tenir et à se battre, jusqu’au moment, où étant restés malgré eux accrochés l’un à l’autre, ils en viennent à échanger au corps à corps des coups mortels. C’est alors que l’on voit enfin l’un des deux s’effondrer. Ainsi, Romains et Carthaginois, épuisés maintenant par par les efforts que leur avaient imposés ces combats ininterrompus, finirent par se sentir à bout de force. Les dépenses qu’ils avaient faites et les charges qui pesaient sur eux depuis si longtemps les avaient affaiblis et brisés. Polybe, Histoire, I, 58
…Ayant alors appris que l’ennemi saccageait les côtes de Mylai, C. Duilius avança sur lui avec tous ses navires. Quand ils le virent s’approcher, les Carthaginois, ravis et débordants d’ardeur, prirent la mer avec 130 vaisseaux. Ils n’avaient que mépris pour l’inexpérience des Romains. Ils se mirent à avancer tous ensemble droit sur l’ennemi, sans même se donner la peine de prendre la formation de combat, comme s’ils se jetaient sur une proie toute offerte… En approchant, les Carthaginois aperçurent les corbeaux dressés vers le ciel sur les proues de chacun des navires ennemis et furent passablement déconcertés devant ces machines qui leur étaient inconnues. Pourtant, comme ils avaient décidé une fois pour toutes que leurs adversaires n’étaient pas à craindre, ils lancèrent hardiment contre eux leur avant-garde. Mais à chaque abordage, les deux navires opposés restaient accrochés l’un à l’autre par ces engins et les Romains s’avançaient aussitôt sur la passerelle pour aller engager le combat sur le pont de vaisseau assaillant. Ainsi, les Carthaginois se faisaient tuer, ou bien, épouvantés par ce qui leur arrivait, se rendaient, car ils voyaient que, finalement l’affaire prenait tout l’air d’un combat sur terre. Polybe, Histoire, I, 23
Une liburne romaine, première guerre Punique, 260 av.JC.
A la nouvelle de cette défaite inattendue, les Carthaginois, qui, pour ce qui était de l’ardeur combative et de la volonté de vaincre, étaient encore disposés à continuer la lutte, se trouvèrent, à la réflexion, fort embarrassés. Ils ne pouvaient plus désormais ravitailler leurs troupes de Sicile, puisque l’ennemi était maître de la mer, et si, d’autre part, ils avaient abandonné ces troupes à leur sort, ce qui aurait été une sorte de trahison à leur égard, avec quels soldats, avec quels généraux auraient-ils fait la guerre? C’est pourquoi ils envoyèrent sans tarder un émissaire à Hamilcar Barca pour s’en remettre à lui du soin de régler le conflit. Polybe, Histoire, I, 60