Ils ont échappé aux massacres de Boko Haram tempsreel.nouvelobs.com
Ali et Adama, 13 et 15 ans, font partie des rescapés de l'enfer qui ont fui les massacres de Boko Haram et se sont réfugiés au Tchad. "Nous sommes arrivés ensemble au camp de Dar Es Salam. Nous n'avons aucune nouvelle de nos familles. Sont-ils morts ou vivants ? On ne sait pas", déclarent-ils à l'envoyée spéciale de "l'Obs" Natacha Tatu, dont le témoignage est à lire dans notre making of. Portraits de quelques uns de ces échoués.
Moussa Zarha, 60 ans, avec sa femme Mara Tidjé. "Nous étions 13 hommes dans la concession (groupe de cases collées les unes aux autres, NDLR). Un homme est entré et nous a dit de sortir. J'ai demandé à pouvoir m'habiller. Quand je suis sorti, tous les hommes étaient à plat ventre. L'un d'entre eux était barbu. Ils lui ont dit de rentrer chez lui, puis ils ont arrosé tout le monde à coup de mitraillettes. J'ai été touché à la cuisse, mais j'ai fait le mort. Quand ils sont partis, j'ai réussi à ramper jusqu'à la rive et à embarquer dans une pirogue."
Fatima Awal portant la petite Hinda Déby, le premier bébé né dans ce camp de réfugiés de Dar Es Salam, qui a reçu le nom de la première dame tchadienne.
Abdoulaye Youssouf, pêcheur, 25 ans. "Ils sont arrivés à Baga le 3 janvier, très lourdement armés : ils venaient d'attaquer la base militaire ; les soldats ont tout abandonné. Ils tiraient sans distinction sur tout le monde : les femmes, les vieillards, les enfants... Mon frère est mort. Un pêcheur qui essayait de se défendre a été déchiqueté. On est montés dans une pirogue. Ils nous ont poursuivis jusque dans la rivière. Je n'ai pas de nouvelles de mes trois enfants ni de ma femme. Ils ont tout brûlé dans mon village. On a navigué durant trois jours jusqu'au Tchad. Une femme a accouché pendant la traversée. Elle a eu un petit garçon."
Falmata Abdou (à gauche sur la photo), 30 ans, 6 enfants. "On est d'un village frontalier de Fotocol, au Cameroun. On les voyait de l'autre côté de la rivière. Quand on a entendu les coups de fusils, on est montés dans un bus et on est tous partis à N'Djamena. Le gouvernement a décidé de nous rapatrier ici."
Shahim Babakouri, ancien fonctionnaire du ministère de l'Éducation nationale. "Les Boko Haram ont attaqué mon village le 25 août dernier. On a marché une dizaine de kilomètres jusqu'au Cameroun puis on a gagné N'Djamena en camion. On était une quarantaine dont une dizaine d'enfants. On a trouvé refuge dans des familles d'accueil. Il y a 10 jours, le gouvernement tchadien a fait des rafles à N'Djamena, et rapatrié tous les Nigérians dans ce camp. Nous avons demandé à rencontrer l'ambassadeur du Nigeria mais personne ne nous a répondu. Notre gouvernement nous a complètement abandonnés."
Meira Drissa, 40 ans. "Je viens de Maiduguri (grande ville dans la région du Borno). J'étais au marché de Baga quand les Boko Haram ont attaqué. Il y a eu des centaines de morts. Tout le monde s'est mis courir, j'ai fui avec les autres et je me suis retrouvée au Tchad. Je n'ai aucune nouvelle de mes enfants. Je veux rentrer chez moi pour les retrouver ; je n'ai pas peur. Mais je n'ai pas d'argent pour faire le voyage."
Aicha Oussmane, 40 ans. "Je me suis échappée avec ma fille Aicha. Halaba, c'est la fille de la voisine, dont je m'occupe depuis qu'elle est née. Sa mère est morte en couches, je ne sais pas où est son père. Il est sans doute mort dans l'attaque. Je suis seule, ici, avec ces deux enfants. Je ne sais pas ce que je vais devenir."
Abdoulaye Said, 50 ans. "Je viens de la ville de Doro, à la frontière nigériane. Quand les Boko Haram ont attaqué, le gouvernement avait interdit toute circulation en ville, même à dos d'âne. Il n'y avait aucun mouvement. Ils ont débarqué avec des camions. Ils ont enlevé des dizaines d'enfants. J'en ai perdu 10, mon frère aussi. De très petits enfants. Je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas où ils sont ni ce qu'ils vont en faire. J'ai perdu espoir de les retrouver."
Mohamat Kabitr Boukar, chef traditionnel. "Ils ont attaqué mon village vers 5h30 du matin, avec beaucoup d'équipement. Certains combattants n'ont pas plus de 11 ou 12 ans. Je ne sais pas ce qu'ils leur donnent, mais ils leur lavent le cerveau. Ils enlèvent les filles à partir de 10 ans, pour les donner aux combattants. J'étais à la mosquée quand ils sont arrivés dans mon quartier. Ils ont tué ma petite fille de 8 ans. J'ai réussi à m'enfuir avec deux de mes femmes et trois enfants."
Vu sur Diaporamapps.com Voir aussi Voyagepps.com