A la découverte de Mohamed El jerroudi
Mémoire morcelée
Je vous salue Travailleurs acharnés de la terre et du feu L'oeil avale le soleil jusqu'à l'épuisement
Hommes demeurés seuls comme des blessures gravées sur la peau du temps Vous êtes les maîtres des mystères et des songes
Si je pouvais faire le tour des contrées que vous avez traversées je vous dirais que la source qui nous a enfantés a vieilli
Si je pouvais vous rencontrer loin Loin de chez nous Je vous construirais sur la paume de la main Notre Maison avec un peu d'argile Et des larmes tendres comme les yeux d'un nouveau-né
Aujourd'hui Les masques sont tombés Les bouches se moquent des chansons qui nous ont bercés Nos enfants n'ont plus de temps pour jouer Notre mémoire s'est morcelée Et nos rêves se sont évanouis Dans le vide
Mémoire... L'argile ignore l'existence des sentiers parsemés de pierres verticales Montagnes... Autrefois royaumes indomptables traînent la déchirure de l'absence
Le souvenir de notre pays natal ne nous a jamais quittés Il est suspendu aux sanglots des ruisseaux solitaires Le murmure du départ voyage dans nos têtes comme l'étoile polaire
Soif... Mémoire de l'eau Nos yeux sont transpercés de milliers de puits L'errance porte son errance de mirage en mirage
Nos visages se noient dans la cruauté des vagues Le regard se perd Les images se superposent Les mots se bousculent
Un cri... à peine audible évoque le fouet de la noyade.
Poème publié par le quotidien «’'Libération" le 23 mars 2004 à l'occasion de la journée mondiale de la poésie.. Musique : Anouar Brahem – Hulmu Rabia