Que serait Venise sans son carnaval? C'est sans doute la question que les Vénitiens ont dû se poser lorsque, sous le régime autrichien, le gouvernement décida de le supprimer de la liste des festivités, à la suite de trop nombreux abus et de licences. Ce n'est qu’en 1978 que le carnaval fut rétabli, à la grande joie des Vénitiens.
Autrefois le carnaval durait des mois! La République de Venise déclarait alors que tout était permis. Les Vénitiens, vêtus de longues capes (tabarro) et du fameux masque (la bauta), se laissaient aller à toutes les fantaisies. L'un devenant ainsi l'égal de l'autre, chacun faisait ce qu'il voulait en tout anonymat, sinon en toute impunité... C’était un bon prétexte aux joutes amoureuses... et plus d’une noble Vénitienne laissait sa vertu errer au hasard des rencontres masquées!
Comme autrefois, les cérémonies du carnaval suivent des règles précises. Puis, progressivement, l'ambiance glisse vers des fêtes moins "encadrées", dérivant facilement dans un délire plein d’exubérance et de licence! Mais quelle fête! Venise se transforme en une scène de théâtre baroque géante où tout le monde joue un rôle.
Le carnaval dure dix jours, vers la mi-février. Les touristes envahissent la ville. Ils arrivent de partout. Les hôtels sont bondés et complets, six mois avant l’événement! Les citoyens de la ville louent toutes les chambres disponibles aux touristes. Mais ça coûte très cher! Une seule solution : s’y prendre bien à l'avance et emporter beaucoup d'argent...
L’un des grands moments du carnaval est la fête étrange du «Vol de l’Ange». C’est une fête qui se déroule à midi, sur la place Saint- Marc, et qui mélange plusieurs traditions. On la surnomme d'ailleurs indifféremment, le vol de l'ange, le vol du turc ou le vol de la colombe. Cette fête commémore la victoire en 1162 du doge Vitale Michiel sur Ulric, le patriarche d'Aquilée, après une sombre histoire d'alliance renversée et de trahison...
Venise avait obtenu du pape le droit de commémorer cette victoire du doge en se faisant livrer, chaque année, par la ville vaincue, un taureau et douze porcs qui étaient proprement décapités chaque jeudi gras et dont la viande était ensuite distribuée par toute la ville. En 1420, Venise annexa purement et simplement le patriarcat d'Aquilée qui avait disputé à Venise, depuis sa fondation, la suprématie sur toute la région.
On célèbre aussi durant le carnaval la fête des douze Marie... Ceci remonte à l’an 948. Des pirates venus d'Istrie avaient enlevé douze jeunes filles! Les pirates avaient profité de la fête annuelle des fiançailles pour se mêler à la foule et, comme jadis pour les Sabines, ils avaient enlevé douze jeunes filles! Rien de moins!
La foule, stupéfaite et terrorisée, n’avait pas réagi. Seuls les fiancés des jeunes filles. furieux, s’étaient lancés à la poursuite des pirates. Il y eut une bataille acharnée. Finalement les fiancés mirent les pirates en déroute et purent libérer les jeunes filles. Pour commémorer l'événement, chaque jour anniversaire, le jour de la Purification de la Vierge, (d'où le nom de fête des douze Marie), Venise choisit douze jeunes filles pauvres et les couvre de parures.
Le défilé des douze «Marie» par toute la ville rappelle assez nos cérémonies modernes d'élections diverses de miss, avec l'aspect religieux en prime. A Venise on mélange sans scrupule religion, politique et divertissement! Pour finir, le doge en personne, accompagné de l'évêque et des douze jeunes filles élues et richement comblées de présents, se rend en bateau jusqu'à la place des Casseleri, Santa Maria Formosa, pour commémorer la libération des jeunes filles.
Le fameux masque du Carnaval s’appelle la «bauta». Dans la société corrompue et libertine de l’ancienne République de Venise, le masque constituait une couverture morale nécessaire et irremplaçable. L'adultère régnait en maître et le jeu ruinait des familles entières, obligeant parfois les nobles à demander l'aumône au coin des rues. Le masque protégeait de toutes les hontes. Les Vénitiens enfilaient le tabarro, longue cape, et ils dissimulaient leur visage derrière le masque blanc, la bautta. Ils se coiffaient d'un tricorne noir.
Au fil du temps, les déguisements ont évolué, puisant leur inspiration dans la Commedia del Arte. Aujourd'hui, à nouveau, lors du carnaval, toute la ville se transforme et c'est le plaisir de vivre qui règne. De nombreux artisans vénitiens continuent de fabriquer des masques et des costumes tels ceux d’Arlequin, Colombine, Polichinelle, Pierrot, etc. A Venise le Carnaval est une industrie!
Les costumes les plus fantaisistes voisinent les reconstitutions historiques les plus pointilleuses. Le 18° siècle est très prisé. Les petits marquis et les casanovas côtoient ainsi les Africains de comédie, les oiseaux de feu, les chattes ou les chevaux! Lunes et soleils se promènent par toute la ville, accompagnés des signes du zodiaque!
Et pour terminer, deux jolies Vénitiennes......sans leur masques! Arrivederci!
Cesarina Mazurka – Paoli Nattuci, accordéoniste Création Florian Bernard – 2004 Tous droits réservés