Abbé Pierre Les sans-abri L’appel du 04 février 1954 Par Nanou et Stan
« Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée…
Chaque nuit, ils sont plus de 2 000 recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. Devant tant d’horreur, les cités d’urgence, ce n’est même plus assez urgent !
Écoutez-moi : en trois heures, deux premiers centres de dépannage viennent de se créer : l’un sous la tente au pied du Panthéon, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève ; l’autre à Courbevoie. Ils regorgent déjà, il faut en ouvrir partout.
Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait une couverture, paille, soupe, et où l’on lise sous ce titre Centre fraternel de dépannage, ces simples mots : « Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on t'aime ».
La météo annonce un mois de gelées terribles La météo annonce un mois de gelées terribles. Tant que dure l’hiver, que ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure.
Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l’âme commune de la France. Grâce à vous aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l’asphalte ou les quais de Paris. Merci!
Contexte historique Le 4 janvier 1954, l'ancien maquisard Henri Grouès, surnommé l'abbé Pierre, publie une lettre ouverte dans Le Figaro où il raconte comment un bébé était mort de froid dans la nuit, au moment où le gouvernement refusait d'accorder des crédits pour la construction de cités d'urgence. Alors que les rigueurs de l'hiver 1954 ne cessaient de s'accentuer, l'abbé Pierre multiplie les appels, notamment sur les ondes de radio Luxembourg, en faveur des sans-logis et des déshérités. Avec la communauté d'Emmaüs qu'il a fondée à Neuilly-Plaisance, il organise une grande campagne de collecte de vêtements et de nourriture et appelle les Français à une "insurrection de la bonté". Cette campagne de l'abbé Pierre déclencha un formidable mouvement d'opinion et fit du fondateur d'Emmaüs un personnage particulièrement populaire. Elle rappelle également que les inégalités sociales restaient particulièrement importantes au début des années cinquante, malgré les débuts de la croissance économique, et que la crise du logement léguée par la guerre n'était pas encore complètement résolue C'est l'hiver, thermomètre à -15 et la Marne gelée aux portes de Paris, l'hiver terrible, l'hiver tragique et dans cet hiver, des hommes qui dorment sur les bouches du métro. On avait oublié que ça existe, l'hiver, pour les sans-logis, c'est pour s'en souvenir qu'il faut voir «la Pomponnette», la cité de l'Abbé Pierre. Ce village de roulottes et de cabanes où des gens vivent parce qu'une cabane à courant d'air où l'on casse la glace le matin, c'est quand même un toit. C'est là que l'autre jour un nouveau-né est mort de froid et c'est dans cette roulotte qu'hier par -10, un autre enfant est né. On saura maintenant que ça existe, même l'hiver, les sans-logis. C'est pour cela que l'Abbé Pierre a appelé tous ceux qui ont un toit, à l'aider à sauver du froid de la longue nuit d'hiver, ceux qui n'en ont pas. Et il a eu du monde a son rendez-vous du Panthéon. Dès le soir, les paquets de couvertures, de vêtements affluaient et ce ne sont pas seulement des riches qui ont donné quelque chose. Et la nuit, l'Abbé Pierre et ses compagnons, s'en sont allés ramasser tous ceux qui dans les rues traînent jusqu'au matin, parce qu'il n'a pas de maison. Rue de la Montagne Sainte-Geneviève, une tente de toile sera leur abri. Abri précaire mais abri tout de même. Sans l'Abbé Pierre, il n'y en aurait pas ! Chaque nuit, a t-il dit, ils sont plus de 2000, recroquevillés sous le gel, à la rue, sans toit, sans pain, plus d'un, presque nus. On n'y avait pas pensé ! Il a fallu ce fou d'Abbé Pierre pour nous en faire souvenir ! Mais maintenant, il ne faut plus l'oublier. …../…..
Type de média : Date de diffusion : Source : Personnalité(s) : Vidéo - Actualités filmées Date de diffusion : 04 février 1954 Source : Les Actualités Françaises (Collection: Les Actualités Françaises ) Personnalité(s) : Abbé Pierre (né Henri Grouès) Thèmes : •Economie et société > Période (Economie et société) > 6 - Les Trente Glorieuses •Economie et société > Société > Urbanisme > Logement •Economie et société > Vie sociale > Inégalité sociale > Exclusion Lieux : •Europe > France > Ile-de-France > Paris Nanou et Stan le 12/04/2017