Le vieil homme est parti tôt, ce matin, dès la levée du jour, en direction des champs. Il a pris son bâton de marche et sa besace, puis il a emprunté le petit chemin pierreux qui contourne sa maison. Le vieil homme a disparu derrière les bosquets de verdure. Sa démarche lente, mais assurée, l'a conduit vers son paradis...

Après une heure de marche, alors que le soleil vif avait chassé les dernières ombres de l'aube, le vieil homme a levé les yeux vers les nuages, puis il s'est épongé le front. La journée serait torride, mais qu'importe! Il est demeuré un bon moment à admirer la course gracieuse des nuages au-dessus de sa tête.

Déjà, les champs étaient animés de vie et de mouvement. D'innombrables insectes avaient quitté leurs refuges humides de la nuit et remplissaient l'atmosphère du bruit incessant de leurs ailes sans cesse en mouvement. Une araignée vérifiait la solidité de sa nouvelle toile, tissée entre nuit et jour...

Haut perché sur une branche d'un jeune peuplier, un pinson fauve appelait une consoeur aux voltiges de l'amour. Un sourire effleura les lèvres du vieil homme. Le temps des jeunes amours était bien loin en arrière.

Mais dans le pré inondé de clarté, les clochettes légères des campanules s'agitaient doucement sous la caresse de la brise. Le vieil homme pensa que c'était sûrement pour annoncer l'union d'un couple de pinsons fauves et l'arrivée d'une prochaine couvée d'oisillons piailleurs et affamés.

En haut du grand pré, les vaches broutaient doucement la dernière éclosion de mil doré et de trèfle odorant. Le vieil homme s'arrêta un moment pour les observer, mais aussi pour se reposer un peu avant d'entreprendre sa montée vers le trécarré. Il alluma sa pipe et fit beaucoup de fumée pour chasser un nuage de moustiques...

Tout près, dans la mare aux jonquilles, les grenouilles s'étaient mises dans la tête de présenter un concert bruyant. Même la grande sauterelle vert et or s'était posée sur une feuille d'ortie, immobile, semblant prendre intérêt à tout ce boucan des batraciens! Le vieil homme pensa qu'il n'est certes pas besoin d'aller au grand théâtre de la ville pour entendre une symphonie pastorale.

Et puis, aux premières loges, il y avait de si jolies admiratrices; Jacinthe, Véronique, Pâquerette, Violette, et la douce Marguerite qui avait une larme à l'œil!

Le vieil homme avait repris sa marche, en direction du petit bois qui séparait les champs de diverses cultures. Il était assuré d'y trouver un peu de fraîcheur parmi les grandes fougères, les mousses et les champignons.

Au zénith, le soleil plongeait ses rayons ardents sur les champs. Même les fleurs les plus timides, telles les fragiles boutons d'or et les vergerettes allongeaient leurs têtes en direction de cette bienfaisante source de lumière.

Le vieil homme s'était aventuré dans le grand champ d'orge et de blé. La moisson était si haute et féconde que la tête des gerbes de blé lui arrivait jusqu'à la poitrine. Il songea avec bonheur à tout le froment qu'on pourrait bientôt en tirer et au bon pain doré qui remplirait la huche.

Mais l'heure était déjà au retour. Au loin, par- delà les coteaux et les vallons, les cloches de la petite église sonnaient l'angélus du soir. Depuis le haut du pré, les vaches avaient déjà commencé leur marche vers les basses terres pour la traite du soir.

Le vieil homme regagna la vieille maison...

Mais vous l'avez bien deviné; cette vieille maison n'existe plus. Elle s'est écroulée il y a plusieurs années... Et le vieil homme lui-même n'existe plus, sauf dans mes souvenirs. Car le vieil homme, ce fut mon père, l'un des derniers seigneurs de la terre.

G.F.Handel – Pastorale Mixage audio: F.Bernard Texte et création Florian Bernard Tous droits réservés – 2005

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