La pédagogie différenciée : Séverine Pasticcio d’après Philippe Meirieu
Le paradoxe de l’éducation: Un système qui assigne - de manière obligatoire - des individus, dans des espaces et des temps contraints, sur des sujets imposés, pour qu’ils mettent en œuvre leur liberté d’apprendre.
Introduction : La pédagogie différenciée est une réalité plus ancienne que la classe homogène… A travers le compagnonnage, les formes de regroupement au Moyen-Age, « l’arbre à palabres » en Afrique… A travers les premières expériences de la modernité pédagogique : Pestalozzi et les orphelins de Stans. La pédagogie différenciée reste une réalité avant d’être une prescription : toute pédagogie est différenciée et le problème est qu ’elle le soit lucidement sans faire jouer massivement la complicité socio-affective.
Pourquoi parler de différenciation? La problématique s’origine dans le système scolaire traditionnel, où à partir des années 60.70, les professeurs se sont trouvés à devoir enseigner un même programme dans des classes très hétérogènes. Différence de niveau scolaire et d’origines sociales L’Institut national de recherche pédagogique et des courants pédagogiques ont donc cherchés des innovations pour dépasser ces difficultés avec Louis Legrand, André De Peretti, Philippe Meirieu qui privilégiaient l’acquisition des méthodes par les élèves ainsi que la prise en compte des difficultés liées à l’apprentissage de contenus de savoirs particuliers. (le pôle savoir du triangle didactique s’est peu à peu imposé par la suite).
"La différenciation pédagogique". Il s'agit d'une méthodologie d'enseignement qui, pour s'adapter à des groupes hétérogènes d'élèves et pour prendre en compte les différences d'apprentissage entre élèves, diversifie et multiplie la gestion des apprentissages à trois niveaux : par des contenus différents ; par des structures, des groupements d'élèves divers; par des itinéraires d'apprentissage ou processus variés. Il s'agit par la mise en place de structures, de situations, d'outils variés, de contenus différents de créer une dynamique qui permette de gérer de façon différenciée les apprentissages de chacun.
La différenciation pédagogique Consiste à organiser l’intervention de manière à permettre à chaque apprenant d’apprendre dans les conditions qui lui conviennent le mieux. C’est mettre en place des dispositifs de traitement des difficultés des apprenants pour atteindre des objectifs d’enseignement (éducatifs) Il ne s’agit pas de différentier des objectifs mais de permettre à tous les apprenants d’atteindre les mêmes objectifs par des voies différentes.
1) Les prémices de la pédagogie différenciée : l’individualisation Dès 1905, à l ’école de Dalton aux Etats-Unis, Miss Parkhust supprime les classes et met en place un travail par fiches individuelles à partir de tests initiaux. Les élèves progressent chacun à leur vitesse dans chaque discipline avec des enseignants à leur disposition comme « personnes-ressources ».
Que penser d ’un tel système ? Avantages Inconvénients
En 1908, premier bilan de l ’école de Dalton : Avantages Rationalisation de l ’instruction par le découpage minutieux des progressions et la richesse de la documentation. Développement du sens de l ’organisation des élèves. Mobilisation des élèves sur les tâches (l ’élève sait ce qu ’il vient faire à l ’école). Inconvénients Fixation excessive sur le programme qui devient l ’obsession. Taylorisation du travail et perte du sens global des activités. Développement des attitudes de divination au détriment des comportements de réflexion.
En 1908, premier bilan de l ’école de Dalton (suite) : Avantages Amélioration des rapports entre enseignants et élèves. Diminution de la perte de temps et optimisation des ressources scolaires (suppression du redoublement). Adaptation des cursus aux besoins et aux rythmes de chacun. Inconvénients Manque de contacts entre les personnes. Privilège abusif de l ’écrit. Sélection implicite des élèves adaptés à cette méthode. Danger d ’enfermement de chacun dans ce qui est considéré comme sa « personnalité ».
2) Les apports psychologiques permettant d ’enrichir la conception de l’individualisation : Les « styles cognitifs » de Witkin, Huteau Le style cognitif est la façon propre à chacun de percevoir, d'évoquer, de mémoriser et donc de comprendre l'information perçue à travers les différentes modalités sensorielles qui sont à sa disposition face à une connaissance nouvelle. Les « profils pédagogiques » de Binet, Charcot, La Garanderie (auditifs, visuels, kinesthésiques). De La Garanderie a fondé sa recherche sur l'observation des processus mentaux. Traitant les renseignements recueillis auprès de ceux qui réussissent, il a découvert que chacun utilise des méthodes de travail assez stables. Il a discerné des familles d'enseignés... et d'enseignants en fonction des types d'images mentales utilisées par celui qui apprend et réfléchit. La notion de « stratégie d ’apprentissage » en fonction des consignes qui permettent à l’individu d’autonomiser ses apprentissages.
Qu'en est-il des différences attribuées aux élèves ? La question des différences entre élèves est diversement appréciée selon les auteurs et les acteurs : bons/moyens/faibles en mathématiques ou en français dans le dispositif dit des groupes de niveau-matière, auditifs/visuels pour A. de La garanderie, inductif/déductif, besoin de guidage ou d'indépendance, réflexif/impulsif, impliqué/détaché, etc.(3, 4)
Au total… « Il n ’y a pas deux apprenants qui apprennent de la même manière. » (R. Burns)
3) Les deux courants théoriques de la pédagogie différenciée : Le diagnostic a priori : il est nécessaire de connaître les besoins exacts de l ’élève avant d ’agir. L’invention régulée : les propositions pédagogiques différenciées permettent d ’identifier ce qui convient aux élèves et l ’observation de leurs effets permet de réguler celles-ci.
Le diagnostic a priori: L ’invention régulée : Identification préalable de la « nature de l ’individu ». Utilisation de typologies classificatrices (Cf. Adolphe Ferrière : Vers une classification astrologique des types psychologiques). Recherche de l ’utilisation optimale de chacun : « The right man at the right place. » L ’invention régulée : Propositions pédagogiques diversifiées (en fonction de la palette méthodologique de l ’enseignant). Regroupements provisoires en fonction des besoins identifiées à un moment donné. Observation des résultats et des blocages, remédiations éventuelles.
Dispositif de pédagogie différentiée L’éducateur repère: Un objectif à atteindre pour l’ensemble du groupe Choisit une grille d’analyse des difficultés des apprenants Élabore des « stratégies pédagogiques » en fonctions de ces difficultés Organise sur les activités en regroupant les apprenants par types de stratégies
3 Différencier les propositions pédagogiques : De manière successive ou simultanée... …de telle façon que chaque élève trouve, à un moment où à un autre, une « prise » sur le savoir enseigné. … de telle façon que l ’on puisse réfléchir sur l ’adéquation du moyen à l ’objectif ...
En variant… les modes de regroupement, les supports techniques, les exemples, les démarches (inductive, déductive, expérimentale…), le degré de guidage, la gestion du temps, les manières de donner du sens à l ’apprentissage (anticipation évaluative, pédagogie du projet, situations-problèmes…).
Comment adapter les stratégies aux "profils" des élèves ? En faisant varier certaines caractéristiques du dispositif pédagogique et éducatif: type de support (texte, image, schéma,...), de matériel, nombre, nature et ordre des questions posées, travail individuel ou en groupe, expérimentation libre ou guidée, etc. Après de Peretti, beaucoup d'auteurs ont souligné que la différenciation n'était pas forcément simultanée, mais qu'elle pouvait également être successive : deux stratégies sont proposées successivement à la classe pour deux tâches analogues.
Conclusion : pour différencier la pédagogie, il faut stabiliser le cadre... Formuler clairement les objectifs collectifs. Avoir un suivi individuel. Aider à la construction des règles du « vivre ensemble ». La socialisation
Récapitulons La différenciation pédagogique Consiste à organiser l’intervention de manière à permettre à chaque apprenant d’apprendre dans les conditions qui lui conviennent le mieux. C’est mettre en place des dispositifs de traitement des difficultés des apprenants pour atteindre des objectifs d’enseignement (éducatifs) Il ne s’agit pas de différentier des objectifs mais de permettre à tous les apprenants d’atteindre les mêmes objectifs par des voies différentes.
Les caractéristiques des élèves/apprenants? Les ouvrages sur la différenciation proposent des questionnaires ou des entretiens à mener avec les élèves sur leurs méthodes de travail. L'observation de leur comportement, l'analyse des questions qu'ils posent, de leurs erreurs, des demandes d'aides qu'ils formulent, constituent d'autres indices de leurs difficultés. Les contraintes temporelles qui pèsent sur l'enseignement et ce que nous avons dit précédemment des grilles d'analyse montrent les limites de ces investigations, mais l'instauration de ce questionnement entre le professeur et l'élève sur les modalités d'accès au savoir peut être très utile.
En conclusion Les réflexions et les pratiques rapidement décrites ici ont produit une grande variété de situations pédagogiques à la disposition des enseignants, de la plus complexe (plusieurs groupes d'élèves travaillant en même temps dans des conditions différentes), à la plus simple en apparence (recommencer l'explication d'une notion mal comprise en changeant de méthode). La pédagogie différenciée part de la nécessité d'une formation générale de base de même niveau pour l'ensemble de la nation et pose le principe de l'éducabilité de tous les élèves. Elle répond à ce défi en termes de gestion des différences entre les élèves. En conséquence, elle soulève le problème de la nature des différences à prendre en compte au sein de la population scolaire pour construire des situations d'apprentissage. La question est de savoir jusqu'où cette perspective peut-elle négliger des variables d'ordre didactique, c'est-à-dire spécifiques des contenus enseignés et de leur transmission? Elle ne peut pas non plus s'envisager sans référence aux pratiques d'évaluation. Dans les trente dernières années, on est passé du constat de l'égalité d'accès de tous les élèves à l'enseignement à la nécessité d'optimiser leurs chances de réussite, d'où l'interrogation sur la nature des difficultés rencontrées et la recherche de solutions adaptées. C'est le sens du fameux passage de la loi d'orientation "l'élève est au centre du système". Ceci est également probant pour le secteur de l’éducation spécialisé au regard de la loi 2002.2 précisant le droit des usagers
Meirieu: « l’envers du tableau ». p 270 « Au cœur du pédagogique, il y a toujours, en effet, un double projet: inculquer des connaissances et éveiller une liberté, intégrer à une société ou à un groupe et permettre de s’en émanciper, instrumenter les intelligences et interpeller les consciences, évaluer les résultats que l’on obtient en termes de conformité à des critères tout en sachant que la véritable réussite se joue finalement ailleurs, en termes de désobéissance et de rupture ».
bibliographie (1). Legrand, L. (1995). Les différenciations de la pédagogie, P.U.F. (2) Peretti, A. de (1987). Pour une école plurielle, Paris : Larousse. (3) Meirieu, P. (1987) Apprendre, oui mais ... comment ?. E.S.F. (4) Peretti, A. de (1991). Organiser des formations, Paris : Hachette. (5) Astolfi, J.P. (1992). L'école pour apprendre, E.S.F. (6) Cahiers Pédagogiques (1997) Différencier la pédagogie, plusieurs éditions. Meirieu (7) Przesmycki, H. (1991). Pédagogie différenciée, Paris : Hachette éducation