Histoire de la Russie : des origines à la révolution Deuxième cours : Les principautés autonomes. La domination mongole et lituanienne. L’ascension de la Moscovie (1132-1530)
5 – Société et économie 5.1 – Société : Les classes possédantes : Prince, boyards et clergé. Avant le congrès de 1097, le prince n’est que propriétaire temporaire des terres sur lesquelles il règne. Ses revenus proviennent d’une redevance de ses serfs (obrok et barchtchina), de même des taxes qu’il perçoit sur le commerce. Les boyards (les nobles) vivent à l’origine des salaires versés par les princes, mais avec le temps, ils seront payés en territoire et certains deviendront plus riches que certains princes. Ils sont soumis à l’impôt
Le clergé : subsiste grâce aux terres offertes par les princes Le clergé : subsiste grâce aux terres offertes par les princes. Ces terres sont inaliénables et appartiennent à la communauté. Des serfs y travaillent aussi. Il n’est pas soumis à l’impôt. La classe possédée : Deux grandes catégories de dépendance : la dépendance à la terre et la dépendance personnelle. Dans le premier cas, le paysan loue au seigneur la terre et lui verse une redevance. S’il s’avère incapable de s’en acquitter, il tombe dans la seconde catégorie.
Enfin, on compte une faible proportion d’habitants appartenant aux « classes libres », artisans et commerçants. Ils sont plus nombreux au nord, ou le commerce est florissant, et peu au sud, dont l’économie s’appuie surtout sur l’agriculture. Ils sont bien sûr soumis à l’impôt.
Débats chez les historiens : économie agricole ou mixte ? En fait, variable selon les régions Le sud essentiellement agricole Le nord surtout commerçant Le nord-centre, à vocation mixte. Le commerce est peut-être à l’origine de la fondation de l’État, les Varègues ayant désiré établir leur contrôle sur l’axe allant de la Baltique à Byzance.
6 – Religion et culture 6.1 – Religion On sait peu des choses des religions animistes d’avant la conversion. Si on accepte la théorie normane, on peut supposer que la panthéon des Slaves de l’est avait au moins quelques points communs avec celui des Varègues. Péroun, dieu suprême du panthéon slave, est ainsi assimilé à Thor, chez la Varègues.
En outre, il est peu probable que les pratiques religieuses aient été identiques sur l’ensemble du territoire. C’est dans ce contexte de fragmentation que se pose le problème de la conversion. Afin d’unifier un territoire éclaté, Volodimer envisage en 980 l’adoption d’une religion d’État. Ayant été incapable d’unifier les croyances des différentes régions, il opte finalement pour le christianisme byzantin.
Pour différentes raisons : - Proximité de l’empire - Liens commerciaux entre les deux États. - Liens politiques et dynastiques. - Puissance de l’empire byzantin à l’époque. Afin que le baptême devienne une alliance et non une soumission, Volodimer s’empare de la Crimée et exige en retour d’épouser la sœur de l’empereur, ce qui nécessite donc sa conversion.
Trois conséquences majeures à ce baptême : Unification et consolidation du pouvoir de Kiev. Permis l’entrée des arts et de la culture sur le territoire Lança la Rous dans le « concert des nations civilisés »
6.2 – Culture Avant la christianisation, domination de la tradition orale. Après le baptême, se mettent à fleurir l’architecture (suivant le modèle byzantin), de même que la peinture et la littérature, à l’époque presque exclusivement religieux. Une exception, les biélines, sortes de récits épiques, issus de la tradition orale, mis en forme grâce au développement de l’écriture.
Plan de cours 1 – Les États successeurs de la Rous 2 – Le joug mongol. 3 – Le royaume lithuanien 4 – Le début de la réunification 5 – Le règne d’Ivan III le Grand (1462-1505) 6 – Le règne de Vassili III (1505-1533)
La Rous à l’époque des Apanages
1- Les États successeurs de la Rous 1.1 – Le modèle souzdalien Modèle autocratique, où le prince dispose de l’ensemble du pouvoir C’est lui qui s’imposera à terme sur tout le territoire Comprend certaines des plus vieilles villes de Russie (celles de l’anneau d’or)
3 princes importants y régneront avant l’arrivée des Mongols. - Iouri Dolgorouki (1125-1157), fondateur de Moscou et vainqueur de Kiev. - Andreï Bogouliobski (1157-1176), son fils, est le premier véritable despote de la lignée. Il met Kiev à sac en 1169. - Vsévolod la Grande Nichée (1176-1212), père d’une nombreuse progéniture, qui va peupler les trônes de la principauté.
3 axes de la politique étrangère de la principauté : 1 – Pacification de l’est, en direction des Bulgares de la Volga 2 – Lutte contre Kiev pour le titre de Grand prince 3 – Lutte contre Novgorod, compétiteur de la Souzdalie pour la conquête des terres de l’est.
1.2 – Le républicanisme novgorodien Fondé au VIIIe siècle par des Slaves et des Estes. Le mouton noir de la Rous : sa puissance et son éloignement l’opposent souvent à Kiev En 1126, les Novgorodiens chassent leur prince et nomment un posadnik pour le remplacer. En 1136, ils chassent un autre de leur prince, Vsévolod En 1156, ils choissent eux même leur évêque.
- Ville puissante et riche, mais dépendante des importations alimentaires. Sauf exception, le prince de Novgorod n’a que peu de pouvoir. Le Vetche dirige la ville. Chaque division administrative (il y en a cinq) a son propre vetche. Il faut en ajouter un autre pour l’ensemble de la ville.
1.3- Le modèle aristocratique de Galicie-Volhynie Dans ce troisième cas, ce sont les boyards qui dominent, même si le prince est également puissant. C’est le prince Roman (1197-1205) qui unifiera les deux principautés. À l’abri des nomades des steppes, elle est cependant souvent menacée par les Polonais et les Hongrois.
1.4 – Quelques autres principautés : Kiev : après le sac de Bogoulioubski et la perte de son statut de capitale, elle perd beaucoup de son importance. C’est le modèle aristocratique qui y domine. Smolensk : version molle de l’autocratie souzdalienne, grâce à la présence de marchands. Indépendante jusqu’au XVe siècle. Polotsk : rivale de Novgorod, les marchands y sont puissants. Rapidement absorbée par l’expansion lituanienne.
2 – Le joug mongol 2.1 – L’arrivée de la Horde 31 mai 1223 : bataille de la Kalka, où une avant-garde mongole massacre une coalition de princes russes et polovtsiens. Les Mongols repartent. Ils reviennent en 1237, pour longtemps. À la tête de 60 000 hommes, Batu dévaste les territoires russes, en commençant par l’est.
2.2 – Brève histoire de l’empire mongol En 1196, Temudjine (1155-1227) est « élu » roi des Mongols sous le nom de Gengis Khan. Il unifie les populations nomades de la steppe. En 1207, il lance ses armées contre la Chine. Beijing tombe en 1215. En 1227, Gengis Khan décède, ce qui donne un coup d’arrêt aux conquêtes. Son fils Ogudaï lui succède. En 1235 débute une nouvelle vague de conquête. Batu se voit confier la tache de conquérir les territoires à l’ouest de la Volga.
À partir de 1261, la direction de Kubelaï est contestée À partir de 1261, la direction de Kubelaï est contestée. Ce dernier fonde la dynastie Yuan en Chine et en s’emparant de Hangzou en 1279, il réunifie celle-ci. Après deux défaites contre le Japon et une contre Java, Kubelaï s’éteint en 1294, provoquant ainsi une dislocation de l’empire. Les querelles internes et l’apparition de Timour vont peu à peu venir à bout de l’empire. En 1502, le Khan de Crimée porte le coup de grâce à Saraï.
2.3 – Le fonctionnement de l’empire mongol Capitale : Karakorum Superficie maximale : 35 millions de kilomètres carrés. En 1227, le territoire est divisé en oulous. Celui de Djotchi s’étend sur les terres russes. Cet oulous est à son tour divisé en trois : la horde bleue, la horde blanche et la horde d’or. C’est cette dernière division qui correspond aux territoires habités par les Russes. La capitale est Saraï.
Partage de l’empire mongol
- Deux éléments constituent le fondement du système administratif de l’empire : le tribut et le yarlik. À partir de 1255, le système se formalise et c’est alors qu’apparaît le système fiscal. Le yarlik est une charte octroyée par le khan, qui permet au prince de continuer à gouverner. À partir de 1259, cela lui permet aussi de percevoir les impôts au nom du khan. Les Mongols ne changent rien au système en place. Ils autorisent l’orthodoxie et permettent même aux prêtres de convertir des Mongols.
2.4 – Grandes étapes des relations russo-mongoles. Deux grandes périodes : celle de la soumission et celle de la collaboration. Jusqu’en 1380, sauf exceptions, les princes russes sont dans une position difficile face aux khans, assujettis totalement à la pratique du yarlik. Avec la victoire de la bataille du Don en 1380, les choses changent et les princes russes peuvent davantage parler d’égal à égal avec les khans.
3 – Le royaume lituanien 3.1 – Historique - Les Lituaniens, tribu balte, s’installent sur les rives de la Baltique au Ve siècle. - D’abord nomades, l’apparition des Portes-Glaives va les pousser à la sédentarisation - À partir du grand-duc Guédémine (1315-1341) la Lituanie commence son expansion sur les terres roussènes. Vilnius devient sa capitale.
Le grand-duché de Lituanie
3.2 – La tentative lituanienne d’unification des terres russes Le titre officiel du chef de la Lituanie est « Grand duc des Lituaniens, des Samogitiens et des Russes ». À la mort de Guédémine, le territoire de la Lituanie englobe la quasi-totalité des terres occidentales de la Rous. En 1358, Olgerd décide que toutes les terres de la Rous doivent appartenir à son sceptre, ce qui marque le début de son opposition à Moscou, qui prétend faire de même.
- Finalement, Jagellon , fils d’Olgerd, choisira le catholicisme, et à terme, la Lituanie s’unira à la Pologne - Dès lors, les Russes de Lituanie vont se tourner vers Moscou pour assurer leur défense, rendant inévitable la victoire de cette dernière.
4 – Le début de la réunification 4.1 – Les grandes étapes du développement de la Moscovie - Étape préliminaire : formation de la principauté et début des annexions sous Daniel, fils d’Alexandre Nevski - Seconde étape : lutte pour la prédominance entre Moscou et Tver, qui correspond aux règnes de Iouri (fils de Daniel) et surtout d’Ivan premier Kalita.
Troisième étape : reprise des annexions et développement du territoire sous Vassili I et II. Quatrième étape : fin du rassemblement et annexion des dernières principautés, correspondant aux règne d’Ivan III et de Vassili III. Cinq méthodes d’accroissement du territoire : rachat, intimidation militaire, manœuvre diplomatique, contrats et établissement de villes le long de la Volga.
Croissance de la principauté de Moscou
4.2 – Pourquoi Moscou ? Diverses explications sont possibles : Géographie : au milieu des autres principautés et de forêt, Moscou est protégée. Économie : Carrefour de routes commerciales
- Politique : Stabilité de la lignée dynastique - Politique : Stabilité de la lignée dynastique. Système successoral efficace et politique de collaboration avec la Horde. Religion : à partir de la seconde étape, l’église orthodoxe russe prend fait et cause pour la Moscovie. En 1328, le métropolite s’installe à Moscou. Prestige : vers la fin du processus, Moscou est devenue si puissante que la population des autres principautés voit en elle le siège du pouvoir légitime.
4.3 – Le rôle de l’église Avec la disparition de l’État central, l’Église orthodoxe russe demeure le seul facteur de rassemblement des Russes. Ce rôle particulier, allié à l’influence byzantine, fera en sorte de mettre en place en Moscovie un système théocratique, où les pouvoirs spirituel et temporel sont liés. Quelques noms : Sérapion (1230-1270), Saint-Serge de Radonèje (1321-1391), le métropolite Alexis (1354-1378) et Andreï Roublev
4.4 – La vie sociale et économique, du XIIIe au XVe siècle. Peu de traces écrites, donc peu d’informations. Néanmoins certains changements surviennent. D’abord, liquidation des communes paysannes, absorbées par les princes et les féodaux. Ensuite, développement de l’autonomie des boyards, qui s’opposent de plus en plus souvent aux princes.
Troisièmement, transformation du rôle des boyards, qui délaissent de plus en plus les fonctions militaires pour occuper des postes de cours. Et surtout, quatrièmement, détérioration de la condition paysanne. Le seul droit qu’ils avaient, le droit au départ, est sévèrement réglementé par le soudiebnik de 1497.
5 – Le règne d’Ivan III le Grand (1462-1505) 5.1 – L’expansion C’est à partir d’Ivan III que le prestige remplace souvent les armes dans la politique d’expansion de la Moscovie. Novgorod est annexé en 1478, après que les notables de la ville aient conclu une entente avec les Polonais. La population accueille le grand prince de Moscou.
En 1485, même chose pour la ville de Tver En 1485, même chose pour la ville de Tver. Michel ne pourra même pas s’opposer car ses soldats acclameront le prince moscovite. Il en sera de même, avec des nuances, pour les dernières principautés irrédentes : Iaroslav (1463), Perm (1472) et Rostov (1474)
5.2 – La construction de l’absolutisme En 1462, Ivan doit partager son pouvoir avec les membres de sa famille, qui règnent sur d’autres territoires. Il va s’employer à s’affranchir de cette situation. Le Soudiebnik (1497) est élaboré en ce sens. Deux grands objectifs : se rallier la noblesse, tout en la contrôlant.
5.3 – La querelles des thésaurisateurs. - Commence par l’hérésie des « judaïsants », née à Novgorod, qui prône le rejet de la vie monastique et le refus de la hiérarchie, entres autres. Sans les soutenir, Ivan fait d’abord preuve de sympathie à l’endroit des hérétiques. - Mais en 1491, un Concile condamne l’hérésie. Joseph de Volok devient le grand pourfendeur des judaïsant, Nil de la Sora, son défenseur. - En gros, le premier croit que l’Église doit être riche pour accomplir ses œuvres, le second, que toute richesse corrompt l’âme.
- Un problème extérieur va pousser Ivan à condamner les non thésaurisateurs, lui qui d’abord leur était favorable, désireux qu’il était de séculariser les biens de l’Église.
6 – Le règne de Vassili III (1505-1533) - La prime à l’aîné jouant, Vassili hérite de la totalité du royaume de son père en 1505. En récupérant Pskov (1510) Riazan (1520) et d’autres encore, il parachève l’œuvre de ses ancêtres. Sur le plan intérieur, son règne est associé à la théorie de la 3e Rome de Philotée, première évocation de la vocation messianique de Moscou.