Histoire de l’URSS 1917-1991
4.2 - La mise sur pied de l’URSS et la constitution de 1923-24. 30 décembre 1922 : naissance de l’URSS (RSFSR, Ukraine, Bélarus et Transcaucasie) Lénine favorise un État fédéral plutôt qu’un État centralisé. Processus de fédération sur deux axes : au sein de la RSFSR et entre la RSFSR et les autres républiques
Les armoiries des républiques de l’URSS
Au sein de la RSFSR : entre 1918 et 1922, création d’une multitude de républiques autonomes (nationales) L’autre axe est plus complexe : d’abord des ententes bilatérales avec la RSFSR. Mais cela est trop complexe pour Lénine. Staline propose que la RSFSR « absorbe » les autres républiques, Lénine s’y oppose. On opte pour l’État fédéral. Une nouvelle constitution est adoptée en 1924 pour l’ensemble du territoire.
- Elle comprend le droit des républiques à la sécession, de même que la possibilité d’ajouter de nouvelles républiques (ce qui sera le cas dans les années 30). Larges pouvoirs au centre : défense, relations étrangères, transport, sécurité intérieure, etc. 3 organes : 1 - Congrès des soviets; 2- Comité exécutif central (soviet des nationalités + soviet de l’Union). Réunis 3 fois par année, il nomme les membres du Sovnarkom; 3 commissariats de l’Union (pour les compétences fédérales) En bref : État fédéral fort, et qui deviendra de plus en plus centralisé. Pour le moment, l’État et le parti sont théoriquement deux choses distinctes.
5 - La mort de Lénine et la lutte pour le pouvoir. 1918 : Fanny Kaplan ouvre le feu sur Lénine, le blessant à la tête. 1922 : première attaque de congestion cérébrale, qui le laisse partiellement paralysée. 1923 : troisième attaque, qui le laisse paralysé et l’éloigne des affaires de l’État jusqu’à sa mort. 1924 : quatrième et dernière attaque.
Mais jusqu’à la fin, il réfléchit à l’État, au parti et à ses objectifs. Décembre 1922 : rédaction du « testament », dans lequel il critique ses collaborateurs. Surtout Staline. Il ressort que Lénine préférait l’idée d’une direction collective plutôt que celle d’un « remplaçant » Il propose certaines idées pour contrer le bureaucratisme et suggère de démettre Staline de ses fonctions de Secrétaire général.
C’est autour de la question de la NEP que se jouera la succession. Trotski passe à l’offensive, attaque d’abord Staline (1923), puis Kamenev et Zinoviev (1924). Condamné, il quitte ses fonctions de Commissaire à la guerre. Il est disqualifié. Staline se tourne alors contre Zinoviev et Kamenev, lesquels sont accusés de fractionnisme, perdent leurs fonctions et sont remplacés par des fidèles de Staline Octobre 1927 : exclusion de l’opposition unifiée, victoire de Staline. Mais il n’est pas encore tout puissant.
Les successeurs
6 – Staline - Né à Gori en 1879. - Poursuit des études religieuses jusqu’en mai 1899, alors qu’il quitte le séminaire pour se consacrer à la révolution. Entre 1902 et 1913, il sera arrêté à 8 reprises, envoyé 7 fois en camp, d’où il s’évadera 6 fois. Se range du côté de Lénine en 1902. Il ne participe pas au coup d’État, qu’il désapprouve.
Staline (1879-1953)
1919 : il devient membre du Politburo, président de la Commission de contrôle, ce qui le désigne au poste de secrétaire général lors de sa création en 1922. Cela lui donne la haute main sur les nominations : à chaque défaite de ses opposants, il les remplace par des hommes à lui (les petites cartes). Totalement inconnu de la population et méprisé par ses camarades, c’est par la ruse qu’il se hissera au sommet.
Il se posera d’abord en rassembleur, en homme modéré cherchant à ménager tout le monde. Il se rendra ainsi « indispensable » aux différentes factions. Dès la mort de Lénine, il s’empare de sa mémoire, se pose en continuateur de son œuvre, en grand théoricien, et organise un culte à sa mémoire, ce que le principal intéressé aurait désapprouvé…
1 – Relations étrangères (1917-1928) Troisième cours : Relations étrangères et société, culture et arts préstaliniens (1917-1928) La révolution stalinienne (1928-1939) 1 – Relations étrangères (1917-1928) 2 – Société, culture et arts (1917-1928) 3 – L’abandon de la NEP et la victoire de Staline 4 – Le Grand Tournant 5 – Le système politique stalinien
1 – Relations étrangères Jusqu’en octobre 1917, le gouvernement russe entretenait des relations avec 31 États. En 1918, le gouvernement russe n’a de relation qu’avec l’Allemagne. Premiers actes internationaux de la RSFSR : le traité de Brest-Litovsk ; les traités de paix avec les anciennes composantes de l’empire (Lituanie, Pologne, Finlande, etc.) Au début de 1921, il entretient des relations avec la Turquie, la Perse, la Mongolie et l’Afghanistan.
Printemps 1922 : Conférence de Gênes Printemps 1922 : Conférence de Gênes. Première apparition du gouvernement soviétique à l’international. Les Occidentaux lui réclament 18,5 milliards de roubles-or. Lénine réclame 39 milliards… 16 avril 1922 : signature du traité de Rapallo entre l’Allemagne et l’URSS. Entre 1924 et 1925, l’URSS est reconnue par de nombreux pays, dont le Royaume-Uni, la France, la Chine et l’Autriche. 1933 : les États-Unis reconnaissent le gouvernement soviétique Mise en veilleuse du Kominterm à partir de 1926
2 - Société, culture et arts 2.1 - Lutte contre l’analphabétisme et mise en place du système d’éducation Décembre 1919 : adoption d’un décret obligeant toute personne entre 8 et 50 ans à apprendre à lire, écrire et compter. 1920 : mise sur pied d’un Commissariat du peuple pour la liquidation de l’analphabétisme. En 1926, 5 millions d’analphabètes adultes ont appris à lire et à écrire.
Dès l’automne 1918, le régime s’emploie à réformer le système d’éducation. Interdiction aux églises de se mêler d’éducation et création d’un système totalement laïc, suivant les principes de gratuité et d’universalité. Création de « rabfak », « universités » techniques. Création du Komsomol et des Pionniers, afin d’embrigader la jeunesse. Pour combattre le phalocratisme et favoriser l’insertion sociale des femmes, création du « jenotdel ».
Fréquentation des rabfaks
2.2 – Les églises : Athées, les bolcheviques dirigent un pays très religieux : pas de religion d’État mais dans la constitution de 1918, la liberté de culte est octroyée à tous, pour toutes les religions. Parallèlement, le régime déclare la « guerre aux préjugés religieux » : arrestations, déportations, saisis de biens, etc. Un schisme créé « l’Église vivante », proche des bolcheviques et opposée à la hiérarchie traditionnelle. Envers l’Islam et les autres religions, le gouvernement est plus mesuré, afin de ne pas braquer les minorités.
2.3 – Arts et culture Les réactions du milieu artistique à la révolution d’Octobre sont diverses. Plusieurs quittent, craignant pour leur vie et pour leur liberté de création (Bounine, Ivanov, Balmont, Prokoviev, Rachmaninov, etc.) D’autres restent au pays mais, opposants, le paieront de leur vie : le poète Goumilov est assassiné, Nicolaï Berdiaev est exilé. Un troisième groupe, s’opposant plus discrètement au régime, va aussi rester au pays et subir de multiples vexations à partir des années 30 (Pendant la NEP, la censure leur permettra d’exister). C’est le cas d’Akhmatova et de Boulgakov
Un quatrième groupe, sans appuyer inconditionnellement le régime, le regarde d’abord favorablement. Ce sont les « compagnons de route », dont fait partie par exemple Alexandre Blok. Enfin, dernière tendance, celle des probolcheviques, qui vont fonder le « proletkult », visant à construire culturellement l’homme devant vivre dans la société communiste. Certains grands noms en font partie : Eisenstein, Meyerhold, Babel, Essenine, et Maïakovski.
Membres du proletkult
3 – L’abandon de la NEP et la victoire de Staline 3.1 – Les faits En 1927, la « crise des ciseaux réapparaît » On lance une grande campagne de réquisition Pour résoudre la crise, Staline reprend l’argumentaire de Trotski en 1924, qu’il avait condamné.
Alors qu’il était de son côté en 1924 contre Trotski, Staline s’oppose alors à Boukharine, dernier des membres du Parti à pouvoir s’opposer à lui. L’un et l’autre soutiennent la nécessité d’accélérer l’industrialisation, mais les méthodes diffèrent. Pour Boukharine, il faut renforcer la NEP, pour Staline, il faut collectiviser les terres. Un Plénum du CC en 1928 apporte son soutien à Staline. Boukharine est exclu du CC, qui ne compte plus que des fidèles de Staline.
3.2 – La NEP dans l’histoire soviétique Deux points de vue : Pour la soviétologie, elle devait être abandonnée parce qu’en contradiction avec la base idéologique du régime et parvenue à ses limites. Pour les historiens russes contemporains, elle n’a été abandonnée que parce que cela répondait aux impératifs politiques de Staline, dont l’éviction de son dernier adversaire.
4 – Le grand tournant 4.1 – Les premiers plans quiquennaux Leur élaboration est confiée au GOSPLAN, qui en fixe les principes : 1 – liquidation de l’arriération technique et industrielle du pays. 2 – Établissement de l’indépendance économique du pays. 3 – Mise sur pied d’une puissante industrie de l’armement 4 – Mise sur pied d’une industrie lourde, préalable à la création d’une industrie légère
Le premier plan, 1928-1932, est élaboré sous deux variantes : de base et optimale. Même cette dernière ne satisfait pas Staline, qui en exigera l’amélioration. Les objectifs démesurés du plan réclament des mesures radicales : centralisation totale, « pompage » (exportations) des ressources agricoles (la famine de 1931), vente (dilapidation) du patrimoine culturel et religieux du pays.
Les résultats ne sont pas à la hauteur des « attentes », malgré des progrès spectaculaires : la production industrielle lourde est multipliée par trois, celle de la machinerie par quatre, de grands complexes industriels et énergétiques sont construits. Les objectifs du second plan (1933-1937) ne seront pas non plus atteints mais l’essentiel est fait : le pays, d’agricole, est devenu en dix ans une puissance industrielle, la deuxième au monde derrière les États-Unis.
Résultats du premier plan quinquennal
4.2 – Collectivisation et dékoulakisation À la différence des autres pays, le processus de rationalisation agricole s’effectue en URSS simultanément à celui d’industrialisation, au lieu de le précéder. La NEP est officiellement abandonnée en 1929 lors de la parution d’un article de Staline intitulé « L’année du grand tournant », dans lequel il annonce la réforme de l’agriculture par 1- la collectivisation des terres et 2- la liquidation des koulaks.
Molotov élabore un plan de liquidation Molotov élabore un plan de liquidation. Il divise les koulaks en trois groupes : 1 – les plus dangereux (60 000 familles) devant être arrêtés et déportés 2 – d’autres, jugés peu loyaux (150 000 familles) devant subir le même sort. 3 – Les autres, jugés loyaux envers le régime, doivent être déportés dans des zones où la collectivisation n’est pas prévue. Leurs terres sont saisies.
Mais beaucoup de paysans pauvres, au lieu d’entrer dans les fermes collectives, font front commun avec les koulaks. Les objectifs sont fixés par le centre, en pourcentage, pour chacune des régions. Les critères de définition du « koulak » sont très vagues (5 à 7% des paysans sont des koulaks). Entre 1929 et 1933, 9 millions de personnes seront déportées dans les régions éloignées.
À terme, 100% des terres doivent êtres collectivisées. Les paysans refusant de rejoindre un kolkhoze sont avertis que leur attitude fait d’eux des ennemis du pouvoir soviétique. L’opposition est très forte en Ukraine, au Caucase et en Asie centrale. L’opération entraîne la désorganisation complète du secteur agricole : la moitié du cheptel disparaît, la production s’effondre, une gigantesque famine sévit de 1931 à 1932 en Ukraine et sur la Volga.
- En 1930, craignant la catastrophe, Staline veut freiner le processus, mais il se poursuit : en 1931, 60% des terres sont collectivisées, en 1934, 75%. En résumé : Effondrement de la production agricole Déstabilisation de la société paysanne. Mais le but est atteint, à un coût exorbitant : financer l’industrialisation du pays
Collectivisation et dékoulakisation
Pourcentages de paysans en kolkhozes
Résultats de la collectivisation
5 – Le système politique stalinien 5.1 – Le parti C’est le noyau du système. À partir de 1929 commence la fusion de l’État et du parti. Exemple : les nominations ne sont plus du ressort du gouvernement mais du Politburo. Le gouvernement ne fait qu’appliquer les directives du parti. Les symboles du parti deviennent ceux de l’État : le drapeau rouge et l’Internationale
Parallèlement, le Parti devient plus monolithique : si la discussion était possible sous Lénine, à l’époque de Staline, surtout après le début des purges, elle devient très risquée. L’État major politique du pays est alors composé des 10 à 15 membres du Politburo et accessoirement, des 100 membres du Comité Central. C’est la règle de cooptation qui domine le système de nomination. Les instances inférieures ne font plus que « constater » les décisions du sommet.
Organigramme du Parti
5.2 – Idéologisation À partir du milieu des années 30, le marxisme-léninisme devient l’idéologie officielle de l’État soviétique. C’est aux médias que revient la tâche de mobiliser la population en fonction de l’idéologie. Le marxisme-léninisme envahit toutes les disciplines scientifiques, y compris les sciences exactes (le cas de Lyssenko)
Il n’y a alors plus de place pour d’autres idéologies : la guerre est déclarée aux églises. Autre manifestation de cette idéologisation : les mouvements de travailleurs (comme le stakhanovisme) quelquefois réels, plus souvent téléguidés du sommet. Enfin, le culte de la personnalité : il devient obligatoire de citer Lénine (et éventuellement Staline) à toutes les sauces.
5.3 – L’embrigadement Autre élément fondamental du système stalinien : la mise en caserne de toute la société. Commencée dans les années 20 avec le Komsomol, cette militarisation sociale atteint tous les domaines, avec la multiplication des Unions : Union des écrivains, des compositeurs, des journalistes, etc, ayant pour vocation d’assurer l’orthodoxie des opinions des membres.
5.4 – La répression L’élément le plus spectaculaire et souvent le moins compréhensible du régime. Elle se développe de façon progressive, à partir de la fin des années 20, pour atteindre son paroxysme en 1937. Orientée initialement vers les opposants à Staline, elle finira par toucher tout le monde. 1928 : « procès des 50 » - 50 ingénieurs sont accusés de sabotage (pour expliquer les ratés du plan)
- 1930-1931 : procès des mencheviques et des SR. 1934 : assassinat de Sergueï Kirov, qui lance véritablement la machine : création des « troïkas » devant rendre des jugements, sans appel, en 10 jours. Iagoda prend le contrôle de la GUÉPÉOU, pour être ensuite remplacé en 1936 par Ejov. 1936 : premier grand procès spectacle (contre le bloc trotsko-zinoviéviste)
1937 : second grand procès stalinien, mettant en accusation d’autres vieux bolcheviques. 1938 : troisième et dernier procès, contre les droitistes : Boukharine, Rykov et … Iagoda… Les procès jouent un rôle « idéologique » et « pédagogique » : ils servent à expliquer les difficultés quotidiennes, à faire peur, mais aussi à justifier la militarisation de la société car les ennemis sont partout…
Mais il y a plus grave et moins spectaculaire, car les purges se développent en cercles concentriques, depuis le parti, et toute la population se trouve menacée. Pour ceux qui échappent à la mort, il y a les camps, dirigés par le GOULAG, qui n’ont pas qu’une fonction carcérale mais sont intégrés au système de production du pays. C’est le NKVD, successeur de la GUÉPÉOU, qui est en charge du GOULAG. Les principaux lieux de relégation sont les îles Solovki et la Kolyma. L’armée est touchée en 1937 et la purge s’abat sur toute la hiérarchie militaire : 40 000 officiers de l’armée sont purgés en 1937-1938.
La répression dans l’armée
Pourquoi ces purges ? Différentes hypothèses : Éliminer les vieux bolcheviques, potentiellement dangereux pour Staline (pour son passé plus que pour son avenir) Menace plus ou moins directe contre le pouvoir de Staline Renouveler le personnel administratif Pédagogie sanglante Zèle des chefs du NKVD Paranoïa de Staline
Les chiffres : Selon les sources, très variables Les estimations les plus faibles sont de l’ordre de 1 million (peu probable); les plus fortes parlent de 14 millions. La vérité se situe sans doute autour des 10 millions.
Résultat des répressions
5.5 – La constitution stalinienne Staline théorise son système dans sa constitution de 1936. Véritable constitution-spectacle, elle proclame l’achèvement de la construction du socialisme et de la démocratie en URSS. Nettement plus conservatrice que celle de 1922, elle biffe plusieurs des dispositions révolutionnaires de celle-ci, comme le droit à l’avortement.
La famille y fait un retour en force, après avoir été condamnée comme un vestige de la société bourgeoise : instauration de récompense pour les familles modèles (médailles de maternité) En bref, on y établit que la révolution est terminée et que le conservatisme social doit de nouveau dominer