CI 380 Sociologie du cinéma Séance N°9 Mardi 3 mai 2005
Résumé de lépisode précédent 3.4. Le public produit par la stratification sociale 3.5. Le public structuré par des configurations culturelles A. Les différences culturelles des jeunes: 6 modèles B. Les « gender studies » 3.6. Le public défini par les interactions sociales 3.7. Le public façonné par des situations symboliques
4. Deux publics particuliers
Les critiques Apparaît au milieu des années dix Premiers critiques: – Louis Delluc – Emile Vuillermoz – Lucien Wahl et Léon Wahl – Léon Moussinac
Avant la critique: Les chroniques de la presse corporative, une publicité à peine déguisée Des jugements, proprement artistiques, à linstar de ce qui se faisait dans la littérature, les arts plastiques ou la musique. Avec la critique:
Désormais, ces articles sont indépendants de lindustrie cinématographique.
Une critique de la critique
Les objectifs du livre Exposer six critères de jugement dun film. Le but est damener à la lumière des critères afin de lutter contre lidéologie de lévidence
« Le refus de tout objectivisme et la répugnance à trancher en faveur de quelque objet que ce soit avalisent un système inégalitaire, sinon oppressif ; ils conduisent à laisser la critique et les musées –le monde de lart, qui ne donne jamais ses critères – opérer une hiérarchisation mystérieuse »
La dissimulation des critères de jugement renforce les inégalités en les naturalisant Leur mise à jour démocratise laccès à lart en leur restituant leur dimension sociale et historique
Quest-ce quun bon film? Les six critères du jugement de goût : 1 Le succès 2.La technique 3 Lédification (le « bon exemple ») 4 Lémotion 5 Loriginalité 6 La cohérence
Les deux critères de « lexercice sauvage de la critique » un film a du succès Il est une réussite technique
Deux ont plutôt les faveurs des « tribus dexperts » il est original il est cohérent
Deux autres sont utilisés par tous il est édifiant Il est émouvant
Une critique unanime: Hasard ou détermination sociale? Le succès d' In the Mood for Love entre relativisme et objectivisme
Les quatre critères «professionnels» de jugement
A. L'originalite. Le film nous fait voir ce que les autres dissimulent et deviner ce que les autres d'ordinaire exhibent
Des exemples « Il nous fait ressentir plus qu'il ne nous fait voir... il travaille dans le non- dit » ( Charlie Hebdo). « Le vrai film est hors champ » (Libération). On y entend «raconter ce qu'habituellement on ne montre pas» (Studio).
Son style, également, est donné comme original, soit par lui-même - le réalisateur est « un grand créateur de formes contemporain » (Le Monde) plus simplement, « un génie » (Les lnrockuptibles)
B. Une cohérence… « Le style du film est flamboyant. Wong Kar- wai est un habile metteur en scene » (Le Canard enchaine) « au sommet de sa virtuosité plastique» (Télérama) «stylisme impeccable» et virtuosité » (La Tribune Desfossés) « un film d'une grâce extrême» (L'Express) « virtuose » (Le Point) «unique comme tous les films parfaits » (Le Nouvel Observateur) « ciselé d'images d'une sophistication légère et d'une beaute parfaite» (Les Echos).
… qui refuse le formalisme il est au service de l'intrigue - il y a donc une cohérence fond-forme: c'est du « grand art impressionniste » (Le Figaro) le jeu des ralentis «n'a rien de gratuit» (La Croix) « une émotion qui ne saurait se réduire à une expérience esthétique » naissant de corps «magnifiés au ralenti » (Positif).
C. Lémotion « On en sort un peu ivre et assez déchiré» (Charlie Hebdo) «Une merveille démotion et de pure beauté... superbe et bouleversant » (La Croix) «enivrant... bouleversant... Nous sommes les spectateurs émerveillés de ce rêve cathartique » (Les inrockuptibles) «terriblement sensuel» (Le Journal du dimanche). «sublime... incomparable ivresse» (Libération). «Sensuel et élégant» (Marianne).
Des «instants de lyrisme pur » et une musique « poignante » (Le Point) Une «bouleversante histoire d'amour» dont le réalisateur «parvient littéralement à nous envouter, et même à nous faire pleurer» (Studio) « Ton élégiaque » (Cahiers du cinéma) « Mélodrame » (Positif) « Mélancolique enchantement» (Marianne
D. Le critère «édifiant» Plus rarement utilisé: Le Canard enchaîné, en qualifiant le réalisateur de « lucide observateur des caractères et des sentiments », laisse entendre que l'on peut apprendre, par ce film, des choses intéressantes sur les moeurs en général.
Les cinéphiles
Quand est apparue la cinéphilie? Quand le cinéma advient au rang dart Quand le réalisateur devient un « auteur, cest-à-dire un artiste à part entière » Nathalie Heinich, « Aux origines de la cinéphilie: les étapes de la perception esthétique » in Politique des auteurs et théories du cinéma sous la direction de Jean-Pierre ESQUENAZI LHarmattan 2002 pages 9 à 38
Que fait le cinéphile? Il ne se contente plus dapprécier le STYLE et le THÈME Il REPLACE lauteur dans la série des auteurs Le film dans lhistoire du cinéma
Quelle est la conséquence? Il cesse dêtre un divertissement populaire Il devient un objet de culture… … voire de culte
À la question : "quest-ce quun cinéphile ? 44% des français répondent "quelquun qui sait beaucoup de choses sur le cinéma » 28% "quelquun qui aime beaucoup le cinéma" 11% "quelquun qui va souvent au cinéma. » Jean-Michel GUY, La Culture cinématographique des Français, la Documentation française, Paris 2000 p. 111
Les trois motivations du cinéphile A. Une stratégie de compensation –qui permet d'oublier les conditions de vie réelles (Rousseau l'a ecrit en 1758, c'est sa pauvreté même qui force le pauvre d'aller aux spectacles)
B. Une stratégie d'intégration: –suivre les modes et les tendances permet de se sentir dans le coup, non sur la touche ; C. Une stratégie de substitution: –le spectateur qui a le sentiment d'exercer une profession au-dessous de ce qu'il était en mesure d'espérer répare cette injustice en pratiquant la cinéphilie assidue comme principale raison dêtre et de vivre; ce public observe une predilection pour les genres marginaux.
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