Séance 4 Poésie et description Un poème comme un tableau Support : Le Dormeur du val de Arthur Rimbaud
La versification 14 vers LE DORMEUR DU VAL C'est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent; où le soleil de la montagne fière, Luit; c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme: Nature, berce‑le chaudement : il a froid. Les parfums ne font plus frissonner sa narine; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. 14 vers 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 1 2 3
La versification Les strophes 2 quatrains 2 tercets LE DORMEUR DU VAL C'est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent; où le soleil de la montagne fière, Luit; c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme: Nature, berce‑le chaudement : il a froid. Les parfums ne font plus frissonner sa narine; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. Les strophes 1 2 3 4 2 quatrains 1 2 3 4 1 2 3 2 tercets 1 2 3
Bilan Ce poème compte 14 vers répartis sur deux quatrains et deux tercets : c’est un sonnet. Essayons de voir si ce sonnet est régulier. Pour ce, il faut examiner la métrique (il doit être écrit en alexandrins) et les rimes.
Les vers suivants de Racine et Corneille contiennent douze syllabes. La scansion L’unité de base de la poésie française est la syllabe. Pour compter le nombre de syllabes que contient un vers, il faut le scander, c’est-à-dire le lire en séparant clairement les syllabes qui le composent. Les vers suivants de Racine et Corneille contiennent douze syllabes. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon coeur À vain cre sans pé ril on tri om phe gloire
Le calcul des syllabes celle du « e » muet ; celle de la diphtongue. Autrefois, tous les sons de la langue française étaient prononcés, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Aussi pour calculer les syllabes, il convient de connaître deux règles particulières : celle du « e » muet ; celle de la diphtongue.
La règle du « e » muet
La règle de la diphtongue On appelle diphtongue deux sons (2 ou 3 voyelles) qui se suivent à l’intérieur d’un mot (exemples : luire, adieu). Ces sons peuvent être prononcés en une ou deux émissions de la voix ( Nuit ou Nu/it ) et compteront selon le cas pour une ou deux syllabes au sein du vers. On appelle synérèse une diphtongue prononcée en une seule émission de voix. On appelle diérèse une diphtongue prononcée en deux émissions de voix. Notez : c’est le nombre total de syllabes du vers qui indique si la diphtongue doit être lue comme une synérèse ou une diérèse. Par exemple, le vers suivant de Baudelaire contient douze syllabes : Va/ te/ pu/ri/fi/er/ dans/ l'air/ su/pé/ri/eur (« pu/ri/fi/er » et « su/pé/ri/eur » doivent être lus comme des diérèses pour les besoins de la métrique.)
La versification La métrique LE DORMEUR DU VAL C'est| un| trou| de| ver|dure| où| chante| u|ne| ri|vière Ac|cro|chant| fol|le|ment| aux| her|bes| des| hail|lons D'ar|gent|; où| le| so|leil| de| la| mon|ta|gne| fière, Luit|; c'est| un| pe|tit| val| qui| mous|se| de| ra|yons. Un| sol|dat| jeu|ne| bouche| ou|ver|te|, tê|te| nue, Et| la| nu|que| bai|gnant| dans| le| frais| cres|son| bleu, Dort|; il| est| é|ten|du| dans| l'her|be|, sous| la| nue, Pâ|le| dans| son| lit| vert| où| la| lu|miè|re| pleut. Les| pieds| dans| les| glaï|euls|, il| dort|. Sou|ri|ant| comme Sou|ri|rait| un| en|fant| ma|lade|, il| fait| un| somme: Na|tu|re|, ber|ce|‑le| chau|de|ment| : il| a| froid. Les| par|fums| ne| font| plus| fris|son|ner| sa| na|rine; Il| dort| dans| le| so|leil|, la| main| sur| sa| poi|trine Tran|quille|. Il| a| deux| trous| rou|ges| au| cô|té| droit. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 La métrique
Synérèse et diérèse synérèse diérèse 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 C'est| un| trou| de| ver|dure| où| chante| u|ne| ri|vière synérèse 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Les| pieds| dans| les| glaï|euls|, il| dort|. Sou|ri|ant| comme diérèse
Césure et hémistiche Césure Hémistiche 1 Hémistiche 2 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 C'est| un| trou| de| ver|dure|| où| chante| u|ne| ri|vière Césure Hémistiche 1 Hémistiche 2 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 Pâ|le| dans| son| lit| vert|| où| la| lu|miè|re| pleut Césure Hémistiche 1 Hémistiche 2
Les sonnets dits réguliers Le sonnet italien Rimes finales embrassées Le sonnet français Rimes finales croisées Premier quatrain a b Second quatrain Premier tercet c d Second tercet e
La versification Les rimes La disposition LE DORMEUR DU VAL C'est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent; où le soleil de la montagne fière, Luit; c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme: Nature, berce‑le chaudement : il a froid. Les parfums ne font plus frissonner sa narine; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. LE DORMEUR DU VAL C'est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent; où le soleil de la montagne fière, Luit; c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme: Nature, berce‑le chaudement : il a froid. Les parfums ne font plus frissonner sa narine; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. Les rimes La disposition a b a b c d c d e e f g g f
Comparons les schémas Premier quatrain a b Deuxième quatrain c d Le sonnet italien Rimes finales embrassées Le sonnet français Rimes finales croisées Le Dormeur du val Premier quatrain a b Deuxième quatrain c d Premier tercet e f Deuxième tercet g
La versification Rimes croisées Rimes plates Rimes embrassées LE DORMEUR DU VAL C'est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent; où le soleil de la montagne fière, Luit; c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme: Nature, berce‑le chaudement : il a froid. Les parfums ne font plus frissonner sa narine; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. Rimes croisées Les rimes La disposition a b a b c d c d Rimes plates e e Rimes embrassées f g g f
Bilan Les vers comptent 12 syllabes (ce sont des alexandrins). Certains ont une césure classique (6/6). Pour le schéma rimique, la disposition est la suivante : abab, cdcd, eef, ggf Ce n’est donc pas un sonnet classique car les deux premiers quatrains ne sont pas en abba, abba et leurs rimes ne sont de plus pas identiques.
La versification La richesse des rimes r r s s s r r LE DORMEUR DU VAL C'est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent; où le soleil de la montagne fière, Luit; c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme: Nature, berce‑le chaudement : il a froid. Les parfums ne font plus frissonner sa narine; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. La richesse des rimes 3 sons : riches 2 sons : suffisantes 1 son : pauvre r r s s s r r
La versification Les rimes La nature masculine féminine LE DORMEUR DU VAL C'est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent; où le soleil de la montagne fière, Luit; c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme: Nature, berce‑le chaudement : il a froid. Les parfums ne font plus frissonner sa narine; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. Les rimes La nature masculine féminine f m f m f m f m f f m f f m
La versification Les enjambements Rejet Contre-rejet LE DORMEUR DU VAL C'est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent ; où le soleil de la montagne fière, Luit ; c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme: Nature, berce‑le chaudement : il a froid. Les parfums ne font plus frissonner sa narine; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. Les enjambements Rejet Contre-rejet
La versification Le rythme LE DORMEUR DU VAL C'est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent ; où le soleil de la montagne fière, Luit ; c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme Nature, berce‑le chaudement : il a froid. Les parfums ne font plus frissonner sa narine Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. Le rythme
Bilan Rimbaud malmène la prosodie classique en ne respectant pas les règles du sonnet et en déstructurant l’unité du vers. On trouve ainsi beaucoup d’enjambements, rejets et contre rejet, qui créent une musicalité et une diction particulières. Ces enjambements sont autant d’indices qui vont nous mener « en cascade » vers le vers de chute ; vers qui dit par euphémisme la mort du soldat que le titre augurait déjà sous le couvert du jeu de mots.