Evaluation psychiatrique et prise en charge des sujets confrontés à un évènement traumatique Dr François Ducrocq, Pr Guillaume Vaiva CUMP-SAMU 59 Clinique Universitaire de Psychiatrie & F2RSM 1
Stress et traumatisme psychique Stress : Réaction biophysiologique et psychologique d’alarme et de défense face à une agression ou une menace Trauma : déterminé par l’expérience de la mort : Rencontre manquée Caractère irreprésentable de sa propre mort Effroi/effraction Blessure psychique/réparation/cicatrisation 2
Réaction d’urgence utile et adaptative de durée brève Processus psychologique Focalisateur d’attention Mobilisateur d’énergie Incitateur à l’action Centre le sujet sur la situation dangereuse Mobilise les capacités d’éveils Inventaire des moyens de faire face Schémas appris / raisonnement déductif Soustraction au danger Décision 3 Le stress normal
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Mais : climat de tension psychique exceptionnel : 1.Cognitif : surprise, irréalité, illusion de centralité, doute, troubles fonctions supérieures … 2.Affectif : frayeur, libération émotionnelle, sentiment d’absence de secours… 3.Neurovégétatif : pâleur, sueur, striction laryngée, oppression thoracique, tachycardie, douleur abdominale, céphalée… 4.Volitionnel : sentiment d’impuissance, manque de confiance en soi… 5.Comportemental : ralentissement moteur, tremblement, dysarthrie, difficulté de contrôle… 5
Urgence 2007 Déterminé par la « rencontre avec la mort » Confrontation brutale et inattendue Conviction inébranlable et absolue « d’être mort » Rupture de l’intégrité psychique, blessure psychique Or : aucune « représentation psychique » Réel de la mort non représenté dans son inconscient Barrois : « on sait ce que c’est qu’un cadavre mais on ne sait pas ce que c’est que la mort » Donc : Absence complète d’affect Vide de la pensée → Lebigot : « désertion des mots face à un réel donc il ne devient plus possible de rendre compte » Les possibilités : ◦vaine tentative de déni ou de refoulement → conduites d’évitement ou dissociation ◦tentative vouée à l’échec d’inscription dans le psychisme → symptômes de répétition traumatique Le traumatisme psychique
Réaction de stress dépassé, inadaptative Stress trop intense, répété ou prolongé épuisement des réserves énergétiques Dépassement des capacités de contrôles émotionnels Réactions archaïques, stéréotypées, inadaptatives 4 types 7
1 – Sidération 8 « Cataplexie » de Janet Réaction de sidération : Cognitive : stupéfaction Affective : stupeur Motrice : sidération CAT : Besoin de la présence des sauveteurs Mise à l’écart/protection/anxiolyse ?
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2 – Agitation Réaction d’agitation : Incoordonnée et stérile Besoin impérieux d’agir Impulsion irréfléchie Gesticulation désordonnée Incapacité à élaborer une décision adaptée CAT : Mise à l’écart Cadrage Médication ? 11
3 – Fuite panique Soustraction brutale au danger Fuite de la zone de la catastrophe, n’importe où et n’importe comment Parfois presque adaptative : fuite du danger Parfois inadaptée voire suicidaire : reprécipitation dans le danger Danger : contagion +++ panique collective CAT : Attitude apaisante Cadrage Médication ? 12
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Séquence de gestes automatiques d’un sujet en état de choc et de désarroi Véritable automate, spontanée ou par mimétisme Échappe à la conscience, état second/bulle hypnotique Pour l’observateur extérieur : semble cohérent et adaptatif CAT : Soutien Réassurance Participation prudente aux secours 15 4 – Action automatique
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De la prise en charge à la prévention secondaire 19
20 Évènement traumatique PTSD chronique PTSD aigu État de stress aigu Détresse péritraumatique J2 1 mois3 mois Prévention secondaire Prévention tertiaire
1 - Identification des sujets a risque SUR DES ELEMENTS CLINIQUES 21
Au total : FDR cliniques Liés au sujet : sexe féminin antécédents psychiatriques niveau socio- économique bas Liés à l’événement : proximité événement menace vitale / effroi mort ou blessure grave d’un proche gravité des lésions physiques 22 Facteurs immédiats dissociation / détresse péritraumatique effroi état de stress aigu niveau de stress élevé ou prolongé après événement
L’état de stress post- traumatique 23
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25 Épidémiologie Prévalence en population générale Detroit (Breslau, 1991) : 9.2 % NCS (Kessler, 1995) : 7.8 % ESEMeD (Alonso, 2004) : 1.9 % Population exposée : Attentats : 20 à 40 % (Jehel, 2003) Catastrophes naturelles : 10 à 20 % (Katrina, Kessler 2006) AVP : 25 à 40 % (Hickling, 2002) Populations spécifiques: Vétérans : 2 à 20 % Sauveteurs : 7 à 30 %
La critériologie DSM du PTSD I - 1 critère de définition de l’événement A (2 sur 2) ◦A1 : caractérisation de l’événement ◦ « événement lesquels des individus ont pu mourir ou être gravement blessés ou ont été menacés de mort ou de grave blessures ou bien durant lesquels l’intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée » ◦A2 : réaction subjective à l’événement ◦ « la réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur » II - 3 critères cliniques : ◦B : reviviscence / intrusions / rêves / flashbacks (1 ou plus) ◦C : évitement persistant des stimuli associés / émoussement de la réactivité générale (3 ou plus) ◦D : hyperactivité neuro-végétative (2 ou plus) 26
La critériologie DSM du PTSD III - Des critères de temps et de retentissement ◦E : durée > 1 mois ◦F : retentissement social / familial / scolaire … ◦Spécifier si : Aigu : si la durée des symptômes est de moins de trois mois Chronique : si la durée des symptômes est de trois mois ou plus Survenue différée : le début des symptômes survient au moins six mois après le facteur de stress 27
Le critère B : reviviscence et répétition 1 - souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement provoquant un sentiment de détresse et comprenant des images, des pensées ou des perceptions. ◦NB. Chez les jeunes enfants peut survenir un jeu répétitif exprimant des thèmes ou des aspects du traumatisme 2 - rêves répétitifs de l’événement provoquant un sentiment de détresse. ◦NB. Chez les enfants, il peut y avoir des rêves effrayants sans contenu reconnaissable 3 - Impression ou agissements soudains « comme si » l’événement traumatique allait se reproduire (incluant le sentiment de revivre l’événement, des illusions, des hallucinations, et des épisodes dissociatifs (flash-back), y compris ceux qui surviennent au réveil ou au cours d’une intoxication spécifiques du traumatisme peuvent survenir 4 - Sentiment intense de détresse psychique lors de l’expositions à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect de l’événement traumatique en cause 5 - Réactivité physiologique lors de l’exposition à des indices internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler à un aspect de l’événement traumatique en cause 28
Le critère C : évitement des stimulus et émoussement de la réactivité générale 1 - Efforts pour éviter ◦les pensées, les sentiments ou les conversations associés au traumatisme ◦les activités, les endroits ou les gens qui éveillent des souvenirs du traumatisme 2 - Incapacité de se rappeler d’un aspect important du traumatisme 3 - Réduction nette de l’intérêt pour des activités importantes ou bien réduction de la participation à ces mêmes activités 4 - Sentiment de détachement d’autrui ou bien de devenir étranger par rapport aux autres 5 - Restriction des affects (p.ex. incapacité à éprouver des sentiments tendres) 6 - Sentiment d’avenir « bouché » (p.ex. pense ne pas pouvoir faire sa carrière, se marier, avoir des enfants ou avoir un cours normal de la vie) 29
Le critère D : hyperréactivité neurovégétative ◦Difficultés d’endormissement ou sommeil interrompu ◦Irritabilité ou accès de colère ◦Difficultés de concentration ◦Hypervigilance ◦Réactions de sursaut exagérées 30
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L’approche pharmacologique 32
33 Traiter ? Pourquoi traiter ? ◦Trouble repérable ◦Trouble handicapant Souffrance individuelle Retentissement global ◦Fréquemment comorbide ◦Suicidogène ◦Tend à chronicisation ◦Favorise accès aux prises en charge psychologiques Qui traiter et quand ? ◦Trouble constitué ◦Repérage trace traumatique ◦Après 1 mois (ré)apparition symptômes Persistance symptômes ◦Y compris après temps de latence Comment traiter ? ◦Molécule sûre ◦Molécule efficace ◦Molécule bien tolérée
34 Quels sont les buts ? Réduire les symptômes cibles Réduire les symptômes associés Réduire la comorbidité Réduire : ◦L’impact du trauma ◦Les complications du trauma ◦Le handicap lié au trauma Contrôler les réactions biologiques et physiologiques du stress Aider le patient à : ◦Inscrire le trauma dans sa trajectoire de vie ◦Contrôler son impulsivité ◦Rétablir son inscription sociale Favoriser l’accès aux soins
35 Systématiser une approche médicamenteuse non ciblée ◦En ne respectant pas les stratégies spontanées d’adaptation / d’élaboration ◦En faisant croire que la molécule va « gommer le trauma de la mémoire » ◦En laissant le patient interpréter la prescription comme un « échec à faire face » pour lui ◦Sans information pédagogique au patient / entourage Ne pas associer une démarche psychologique ◦Psychothérapie ? Ne pas reconnaître le vécu subjectif ◦Banaliser ou dédramatiser « sauvagement » « il ne s’est rien passé », « il faut tourner la page » … ◦Brandir la menace du psychotrope … Systématiser une prescription sur l’existence d’un événement et non pas sur l’existence d’un symptôme, syndrome ou trouble ◦« pilule de l’oubli », « pilule du deuil » … Traiter trop tôt, traiter trop tard ou arrêter trop tôt Quels sont les pièges ?
36 Les psychothérapies Commence dès le premier contact pédagogie, alliance thérapeutique … Basées sur l’abréaction Modèle psychanalytique Verbalisation de l’événement traumatique afin d’en revivre l’expérience émotionnelle dans une visée cathartique Préventif et curatif Psychothérapies d’inspiration analytique brèves ◦Limité dans le temps ◦Focalisé sur l’événement TCC ◦Exposition et restructuration EMDR © ◦Exposition en imagination ◦Poursuite des yeux > extinction Hypnose ◦Réduction des symptômes ◦Traitement des souvenirs
37 Les médicaments : historique et état des lieux 1988 : 2 études ouvertes 1994 : 3 études contrôlées 2000 : 12 études contrôlées (5 molécules) 2000 : première indication FDA (sertraline) 2005 : ◦> 100 études ◦15 molécules ◦9 classes thérapeutiques Antidépresseurs Antipsychotiques Anticonvulsivants ◦Conférences de consensus ◦Revues de littérature Travaux ◦Méthodologiquement valides ◦Répliqués ◦Populations larges ◦2 sexes ◦Types d’événements variés ◦Suffisamment de recul Travaux ◦Qui prennent en compte la comorbidité et son influence ◦Qui prennent en compte le retentissement global, la qualité de vie ◦Qui étudient la rechute / récidive
38 IMAO Phénelzine broforamine Tricycliques : Désipramine Amitryptiline Imipramine Antagoniste α-1 Prazozine Inositol Antipsychotiques Rispéridone Olanzapine Sérotoninergiques Fluoxétine Paroxétine Sertraline Biaminergiques Venlafaxine Nefazodone Trazodone Anticonvulsivants Lamotrigine Ouvert : topiramate, valproate, gabapentin, lithium … (Ducrocq, 2002)
39 En pratique : le consensus Traiter rapidement (1 mois) Traiter en première intention Traiter en posologie et temps suffisants Paroxétine : 20 à 40 mg/j Sertraline : 50 à 150 mg / j ◦Phase de stabilisation = 2 à 3 mois ◦Phase d’entretien = 12 mois ◦Phase d’interruption = ? Tenir compte de la comorbidité Prudence traitements associés (BZD)