Préparé par : Gérard Battarel, Œil 9 Gestion de Projet 5- Pilotage - 1 Mesure du progrès – Interprétation des indicateurs Préparé par : Gérard Battarel, Œil 9 Pour : l’Université René Descartes Mars 2006 © Copyright 2004 Gérard Battarel - Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur
Objectifs S’initier au pilotage de projet Apprendre à définir le tableau de bord du projet Savoir évaluer l’avancement technique et financier Apprendre à interpréter les indicateurs
Rappels sur la planification Le résultat des activités de planification en début de projet consiste en : Un plan de projet global établi au mieux des connaissances du moment Un plan de projet détaillé couvant le court terme seulement
Rappels sur la planification Pla n de projet global : Destinataire principal : MOA Construit par une méthode ascendante ou descendante Plan de projet détaillé : Destinataire principal : MOE (CP) Construit par une méthode ascendante
1- Qu’est-ce que le pilotage ?
Pilotage de projet : définition Ensemble des processus et outils utilisés pour maîtriser et guider le déroulement d’un projet Contrôle : Prise en compte des objectifs Moyens d’action pour faire varier les résultats Régulation : Maintien dans des limites acceptables Analyse des écarts Projet = système complexe non totalement maîtrisable : besoin d’adaptation et d’apprentissage
Pilotage de projet Objectifs : Suivi et pilotage : Faire le point sur les réalisations en cours : Sont-elles conformes au plan? Anticiper sur la suite du projet : identifier les dérives et y apporter des corrections Suivi et pilotage : Suivi = évaluation d’un état Pilotage = actions par rapport à l’état et aux tendances constatés
Collecte d’informations Processus de pilotage Changements externes Collecte d’informations du projet Traitement des risques et des dérives Communication Décisions Mise à jour du plan Analyse des risques
Le pilotage comprend deux dimensions Pilotage du processus « objectif » du projet Focalisé sur les produits du projet et le plan de projet Pilotage des processus « subjectifs » du projet Focalisé sur les personnes Ils sont complémentaires, parfois conflictuels, et le second est le plus souvent sous-estimé
2 - Pilotage « objectif » : Contrôle du plan de projet
Cette partie traite du pilotage « objectif » Le processus de pilotage est le même dans les deux cas Les informations sur lesquelles il repose et la façon de les traiter sont différents Le pilotage subjectif relève de la gestion de ressources humaines et de la communication
Collecte d’informations du projet Les informations qui vont permettre de mesurer les progrès et leur qualité (métriques) doivent être disponibles Les métriques contribuent à évaluer les éléments de la « quadrature du chef de projet » Fonctions : mesures d’avancement (progrès technique) Temps : temps passé, reste à passer Coût : évaluation des coûts (progrès financier) Qualité : métriques spécifiques
La gestion de projet, art de l’équilibre fonctions coût qualité temps
Le difficile problème des métriques de qualité Qualité du produit vs. qualité du projet Métriques de qualité du projet : Checklist d’actions qualité Mesure de couverture de tests Peu d’organisations ont en place un système qualité imposant des métriques
Collecte d’informations du projet Responsabilité : Ne peut être la seule responsabilité du chef de projet Requiert un climat de confiance et de responsabilisation La responsabilisation suppose une allocation des tâches sans ambiguïté et une acceptation des estimations
Périodicité de la collecte : Pilotage : quand ? Périodicité de la collecte : Dépend du projet et de sa dynamique Deux mesures successives doivent donner des résultats différents Points de contrôle obligés : Planifiés : jalons, fins de phase Dépendants des circonstances : liés à des changements non anticipés
Avancement d’un tâche L’avancement peut être mesuré selon 3 modes : Durée Charge Coût (évaluation financière) L’avancement se compose de deux mesures : Ce qui a été engagé (consommé) Ce qui reste à engager L’avancement technique est orienté « délais » pour les tâches contraintes par le temps, orienté « ressources » pour les tâches contraintes par la charge
Métriques d’avancement (1) Les métriques reposent sur la décomposition structurée du projet en tâches Avancement piloté par la durée : Seules les tâches du chemin critique comptent pour une mesure d’avancement technique Temps passé : temps écoulé depuis le démarrage de la tâche Reste à passer : temps estimé entre la mesure et la fin de la tâche
Métriques d’avancement (2) Avancement piloté par la charge : Toutes les tâches comptent : on agrège les avancements de chacune des tâches, en affectant à chacune un poids égal à sa charge planifiée Pour une tâche, on détermine : Le consommé Le reste à passer (ou à consommer) Le reste à passer est estimé en termes de charge pour chaque tâche
Métriques d’avancement (3) Méthodes simplifiées : ces méthodes évitent le côté subjectif du reste à passer (syndrome 90%) Si le reste à passer ne peut pas être évalué, on peut avoir recours à des métriques simplifiées : 0-100 : toute tâche terminée est considérée à 100% ; sinon à 0% 0-50-100 : toute tâche terminée est à 100%, toute tâche commencée et non terminée est à 50% Marchent bien si la découpe en tâches est suffisamment précise (granularité inférieure à la période de mesure)
Métriques : niveau tâche Exemple : La tâche A était estimée à 10 jours, 30 homme x jour (h x j) Au bout de 4 jours, et 8 h x j consommés on estime qu’il faudra 24 h x j et 6 jours pour la terminer (avec une équipe renforcée) Avancement technique mesuré = consommé / (consommé + reste à faire) Durée : (4 / 10) 40% Charge : (8 / 32) 25%
Métriques : niveau projet Exemple :
Exemple : méthode simplifiée Charge totale du projet : planifiée = 70 Charge totale du projet : estimée = 70 Avancement technique 0-100 = 10 / 70= 14%
Exemple : méthode simplifiée Charge totale du projet : planifiée = 70 Charge totale du projet : estimée = 70 Avancement technique 0-50-100 = (10+6+4+6)/ 70= 37%
Exemple : base temps écoulé Temps passé = 8 Temps restant à passer (chemin critique inchangé)= 11 Avancement chemin critique : 8 / (8+11)= 42%
Exemple : base charge consommée Charge restant à consommer : 50 Avancement en charge : 22 / (22+50)= 31%
Quel indicateur choisir ? En résumé, sur l’exemple : Méthode 0-100 14% Méthode 0-50-100 37% Méthode base temps 42% Méthode base charge : 31% Deux questions : Lequel croire ? Le projet est-il a) en retard, b) hors budget ?
Vers des indicateurs plus significatifs du progrès Les métriques de base constituent des informations intéressantes, mais pas des métriques significatives Indicateurs de coût Le chef de projet n’a pas toujours accès aux informations financières du projet L’aspect financier est pourtant essentiel Quand les informations financières ne sont pas accessibles ou contrôlables, on assimilera le coût à la charge
Indicateurs de progrès (1) On distingue trois types de coûts, considérés entre date de démarrage et date d’avancement : Coût budgété du travail planifié (CBTP) : c’est le coût du travail qui aurait été effectué si le projet se déroulait conformément au plan - BCWS Coût budgété du travail effectué (CBTE, ou mérité) : c’est le coût qui avait été planifié pour le travail qui a été effectué jusqu’à présent - BCWP Coût réel du travail effectué (CRTE, ou encouru) : c’est le coût calculé à partir des données d’avancement - ACWP
On fait comme si le projet avait avancé selon le plan au temps t CBTP On fait comme si le projet avait avancé selon le plan au temps t Mesure de la charge acquise par tâche : Tâche finie : = charge planifiée Tâche non commencée : = 0 Tâche à x% : acquis = x% * charge planifiée Calcul du x% : indicateur de progrès théorique d’une tâche (vu plus haut)
CBTP : exemple Le plan de projet indique que la tâche T a démarré à 35 jours et doit se finir à 45 jours et que sa charge est de 20 personnes * jours On fait une mesure à 40 jours : l’avancement théorique (ressources constantes sur la durée de la tâche) est de : 50% La charge théorique acquise est de : 20 * 50% = 10
On se base sur l’avancement mesuré au temps t : CBTE On se base sur l’avancement mesuré au temps t : Mesure de la charge acquise par tâche : Tâche finie : = charge planifiée Tâche non commencée : = 0 Tâche à x% : charge planifiée * indicateur de progrès
CBTE : exemple Le plan de projet indique que la tâche T a démarré à 35 jours et doit se finir à 45 jours et que sa charge est de 20 personnes * jours On fait une mesure à 40 jours : L’avancement mesuré est de 60% La charge mesurée acquise est de : 20 * 60% = 12
Indicateurs de progrès (2) Variation de coût (VC) : VC = CBTE – CRTE différence entre la valeur nominale du travail effectué et sa valeur réelle ; elle mesure la dérive en coût. VC >0 si en dessous du budget Variation de schedule (VS) : VS = CBTE – CBTP différence entre la valeur nominale du travail effectué et celle du travail planifié, elle mesure la dérive en temps. VS>0 si en avance sur le plan (parfois définie comme CBTP-CRTE)
Indicateurs de progrès (2) Il est pratique de ramener les indicateurs à des % : TVC = VC / CBTE ; TVS = VS / CBTP On utilise aussi les index de performance : Index de performance de coût IPC = CBTE / CRTE il donne une mesure du taux de productivité et sert à prédire le coût du projet Index de performance de temps IPT = CBTE / CBTP il donne une mesure du taux d’efficacité et sert à prédire la date de fin du projet Ex : IPT = 0,9 : dépassement de 10% en temps
Autres indicateurs de progrès L’analyse de tendance (histogrammes) est aussi intéressante que l’analyse des indicateurs Dans certaines phases du projet, on aura recours à d’autres indicateurs Exemple : En phase d’analyse : % de cas d’usage dont la définition est approuvée En phase de test : % des tests exécutés et % des tests exécutés avec succès
Retour à l’exemple (1) On se place à T+8 : d’après le plan, T1 est finie, T21 à 25% et T22 à 0, 25 ou 33%. Les coûts sont assimilés aux charges CBTP = 30+3+3 = 36 CRTE = 22 Pour calculer CBTE, il faut tenir compte du degré d’avancement des tâches en cours : on peut utiliser 50% par défaut ou tenir compte du reste à faire : consommé / (consommé + reste à faire)
Retour à l’exemple (2) CBTP = 36 CRTE = 22 CBTE = 21,2 (10+12*0,33+8*0,40+12*0,33) VC = -0,8 (21,2-22) ; TVC = -4% VS = -20,5 (15,5-36) ; TVS = -57% IPC = 0,96 (21,2/22) ; IPT = 0,59 (21,2/36)
Interprétation des indicateurs VC<0 VC>0 VS<0 Le projet est en retard et déjà en dépassement de budget : c’est le plus mauvais cas. Il faut faire quelque chose Le projet est en retard, mais n’a pas consommé ce qui était prévu : si le temps est critique, il faut allouer des ressources supplémentaires VS>0 Le projet est en avance, et a consommé plus que prévu : comparer TVS et TVC ; attention à la surchauffe Le projet est en avance, et a consommé moins que prévu au plan : bravo !
Indicateurs financiers Le coût d’une tâche se compose D’un coût fixe (ex: achat de matériel) D’un coût de ressources La planification des tâches conduit à planifier les dépenses du projet et à les mettre en relation avec les financements (cash flow) L’évaluation de l’avancement financier se fait comme pour les charges Il faut une méthode d’allocation des coûts fixes : en début, en fin, ou réparti sur la tâche ou l’activité
Mesure du progrès financier Coût des ressources : Si les ressources sont allouées à temps plein au projet et facturées comme telles, le coût des ressources ne croît pas de manière linéaire : les temps morts sont également facturés Les heures supplémentaires peuvent être facturées à un taux différent Souvent on fait porter au coût unitaire d’une ressource les coûts indirects liés à son fonctionnement (coût de l’espace, des fournitures, de l’énergie, des ordinateurs et des communications) : coût chargé
Mesure du progrès financier Plan de financement (cash flow) Met en évidence les recettes et les dépenses en fonction du temps Exemple :
Mesure du progrès financier
Plan de financement 33 000 29 000 23 820 14 000 10 000 6 000 S1 S2 S3
Le tableau de bord Tableau de suivi du projet Instrument de pilotage et de communication Ne contient que les informations nécessaires Indicateurs sélectionnés Courbes de tendance Tableau de suivi individuel Repose sur les relevés de temps (compte rendu d’activité) Utilisé pour le calcul de la performance individuelle: Coefficient d’utilisation Un = temps passé / temps prévu sur la période n : comparer à la disponibilité planifiée Rn = reste à faire en fin de période n ; Tn = temps passé Avancement sur la période = An = Rn-1 – Rn Vitesse d’avancement = An / Tn
Tableau de suivi individuel Période : 3 Ressource : Pierre Charge R2 T3 R3 A3 Vitesse Tâche T1 12 10 6 5 0,8 Tâche T2 8 4 3 1 Total 20 14 9 0,89
Tableau de suivi de projet Charge CRTE CBTP CBTE Date de la mesure Temps CBTP = CBTE = CRTE = IPC = IPT = CBTE/CRTE CBTE/CBTP
3- Pilotage « objectif » Traitement des dérives
Principes Le chef de projet est responsable de l’identification des dérives, de l’analyse qui en est faite, du type de réponse à apporter et de sa mise en œuvre Quelques principes : Distinguer traitement interne et externe au projet Analyser les causes Distinguer circonstanciel et structurel (les courbes de tendance aident)
Traitement des dérives circonstancielles Dérive circonstancielle : Récupérable (ne met pas durablement les jalons ni le budget en péril) Exemple : occurrence d’un risque gérable dont la responsabilité incombe au projet Traiter en interne Conséquences : Définition d’un plan d’action Si l’impact est suffisant, répercussion sur le plan de projet détaillé interne
Traitement des dérives circonstancielles Exemples : Indisponibilité temporaire d’un équipier Report d’une réunion de travail avec la MOA Sous-estimation d’une tâche
Traitement des dérives structurelles Dérive structurelle : Irréversible (rend caduques les dates de jalons ou le budget) Exemple : indisponibilité répétée d’un équipier MOA, dérive croissante des indicateurs de progrès Traitement avec la MOA Conséquences : Analyse de causalité Plan d’action Révision du plan de projet (appliquer le processus de planification) Elles sont en principe évitées par une bonne gestion des risques
Traitement des dérives structurelles Le traitement des dérives structurelles est un processus lourd, parfois difficile Il vaut mieux y avoir recours moins souvent : Buffériser les dérives (dans une certaine limite) Coupler avec la gestion de risques et de changement de périmètre Les dérives structurelles sont des pathologies : elles ne guérissent pas d’elles-mêmes et ont une tendance naturelle à l’aggravation
Causes type de dérives Elles dépendent éminemment des circonstances Elles peuvent porter sur : L’équipe : mobilisation, cohérence, énergie, mauvaise définition ou distribution des responsabilités, manque de ressources, mauvaise communication L’environnement de travail (outils insuffisants) Un ou plusieurs membres de l’équipe : démotivation, absence, manque de qualification Le projet tel qu’il a été planifié : estimations optimistes, tâches oubliées, dépendances oubliées ou optimistes Les acteurs externes au projet : manque de disponibilité des utilisateurs, remise en cause de choix, du périmètre Le chef de projet Etc.
Comment traiter ? Plan d’action Action Statut Responsable Date de résolution
Réactions typiques aux dérives : les mauvaises bonnes idées Tâche en retard : Ajouter des ressources Augmenter les cadences au-delà du raisonnable Projet en retard : Jouer sur les dépendances Grignoter sur les tests et autres tâches non « directement productives » Changement de périmètre Accepter pour faire plaisir à la MOA
Réduction de la durée d’un plan Augmenter le nombre de ressources Introduire un délai négatif dans les dépendances Investir Revoir la méthodologie Tenter de réduire la durée conduit à revoir tout le processus de planification (lourd), et se traduit par une augmentation des coûts et/ou des risques
Ce qu’il faut retenir Le pilotage pourrait facilement consommer toute l’énergie d’un chef de projet : il ne faut pas devenir victime des indicateurs Les indicateurs ne disent pas tous la même chose : il faut en choisir un petit nombre L’usage (et la gestion des risques) apprennent à distinguer les pathologies graves des bobos