Logique et raisonnement scientifique Qu’est-ce que la logique?
La logique comme théorie de la vérité Mais… qu’est-ce que la vérité?
Différentes conceptions de la « vérité » La vérité – correspondance Aristote : « dire de ce qui est que cela n’est pas, ou de ce qui n’est pas que cela est, est faux, et dire que ce qui est est et de ce qui n’est pas que cela n’est pas est vrai » (Métaphysique, 7) alors le vrai : un rapport à l’être? qu’apporte le « vrai» à « ce qui est »? quelle différence entre dire « p » et dire « p est vrai »? s’il y a une différence, alors pourquoi pas « « p est vrai » est vrai » et ainsi de suite…
Différentes conceptions de la « vérité » La vérité – correspondance (suite) Frege : « un accord ne peut être total que si les choses en accord coïncident, donc ne sont pas de nature différente […] or, c’est ce qu’on ne peut pas avoir si l’on définit la vérité comme l’accord d’une représentation et de quelque chose de réel. Il est essentiel que l’objet réel et la représentation soient différents ». La notion de vérité est indéfinissable et primitive On ne peut pas aller plus loin que: « p est vrai » si et seulement si p
Quelques illustrations Que la représentation et la chose représentée doivent être différentes : Le billet de banque est « vrai » s’il est superposable à un autre billet de banque (censé être « vrai »), mais il n’est pas superposable à un stock d’or La carte et le territoire (A. Korzybski) : pour être de plus en plus précise et « correspondre » parfaitement à la région qu’elle décrit, la « carte » finit par être aussi grande que le territoire et… n’est plus alors une carte!
Différentes conceptions de la « vérité » La vérité – correspondance (suite) Pourtant, Wittgenstein (tractatus logico-philosophicus): 2.1 – nous nous faisons des tableaux des faits. 2.11 – le tableau représente le fait dans l’espace logique, l’existence et la non-existence des états de choses. 2.12 – le tableau est une transposition de la réalité. 2.13 – Aux objets correspondent dans le tableau les éléments du tableau. 2.14 – Le tableau réside dans le fait que ses éléments ont des rapports déterminés les uns avec les autres. 2.15 – le fait que les éléments du tableau ont des rapports déterminés les uns avec les autres tient à ce que les choses se comportent de la même manière les uns avec les autres. Cette connexion des éléments du tableau, nous la nommerons sa structure, et la possibilité de sa structure la forme de la représentation.
Différentes conceptions de la « vérité » Wittgenstein (suite) 4.01 - La proposition est une image de la réalité. 4.022 – La proposition montre son sens. La proposition montre ce qu’il en est, quand elle est vraie. 4.12 – La proposition peut représenter la réalité tout entière mais elle ne peut représenter ce qu’elle doit avoir en commun avec la réalité pour pouvoir la représenter : la forme logique. Pour pouvoir représenter la forme logique, nous devrions pouvoir nous situer avec la proposition à l’extérieur de la logique, c’est-à-dire à l’extérieur du monde.
Michel-Ange dans les plis de la peau de St Barthélémy Une illustration la fresque du Jugement Dernier, de Michel-Ange (chapelle Sixtine) Voulant peindre l’universalité des êtres, M-A doit se représenter lui-même, mais sous une forme… inattendue, soulignant l’impossibilité de représenter l’acte même de représenter.
Le Tractatus (suite) Idée que la logique sert surtout à faire un tableau « du monde », à représenter tout ce qui est représentable (dicible), mais qu’il y a des choses non représentables, par exemple justement… ce qui permet à la logique de représenter d’où la fin du Tractatus : 7. ce dont on ne peut parler, il faut le taire.
Le Tractatus (suite) correspondance = isomorphisme structural Mais… Il y a plusieurs manières de projeter une structure (nos propositions et leurs éléments) sur un fragment de réalité Thèse de l’indétermination de la traduction (et inscrutabilité de la référence) (Quine)
Une logique propositionnelle 4-21 – la proposition la plus simple, la proposition élémentaire, affirme l’existence d’un état de choses 4.26 – La spécification de toutes les propositions élémentaires vraies décrit intégralement le monde. 4.3 – Les possibilités de vérité des propositions élémentaires signifient les possibilités de l’existence et de la non-existence des états de choses 5 – La proposition est une fonction de vérité des propositions élémentaires
Différentes conceptions de la vérité - 2 Théorie de la vérité – cohérence Vers un accord de nos jugements et représentations entre eux (plutôt qu’avec un extérieur) les propositions doivent passer un test de cohérence (par exemple, cohérence = non contradiction, thèse soutenue par les formalistes en mathématiques) théorie trop laxiste?
Une illustration de la théorie de la cohérence En mathématiques, l’idée propre au formalisme que, pour admettre l’existence de quelque chose, il suffit que cette existence n’entraîne pas d’incohérence (de contradiction) Exemple : on admet l’existence d’ensembles infinis (N, Z, Q, R, …) – au sens de l’infini actuel d’Aristote -
Formalisme et intuitionnisme Intuitionnisme (Brouwer) : on n’admet l’existence d’un objet mathématique que si on en possède un mode de construction Exemple : cas de la phrase Il existe ici quelqu’un tel que, si lui ou elle comprend la logique, alors tout le monde comprend la logique! Intuitionnisme : cette phrase doit pouvoir être vraie ou fausse Formalisme : elle est toujours vraie! (c’est une tautologie)
Un raisonnement « formaliste » Il existe ici quelqu’un tel que, si lui ou elle comprend la logique, alors tout le monde comprend la logique! Supposons que Charlotte me dise qu’elle comprend la logique. Je demande si tous les autres comprennent la logique. Si tout le monde me dit « oui »: c’est ok, la phrase est vraie. Si quelqu’un me dit: « non », par exemple Olivier, alors je mets Olivier à la place de Charlotte. La phrase « Olivier comprend la logique » étant fausse, la phrase « si Olivier comprend la logique alors tout le monde comprend la logique » est vraie, donc la phrase « il existe quelqu’un etc. » est vraie.
Différentes conceptions de la vérité - 3 Théorie pragmatiste de la vérité les idées vraies sont celles… qui réussissent le mieux! C. S. Pierce : croire que p est vrai, c’est être disposé à certaine action le vrai est ce qui est utile cognitivement (par exemple, une idée peut être plus riche d’implications intéressantes qu’une autre) Théorie voisine : le vérificationnisme une théorie est vraie si on peut la « vérifier » (voir plus loin) Objection : plusieurs théories différentes peuvent entraîner les mêmes prédictions, ou être également « vérifiées » (ex: théorie corpusculaire vs théorie ondulatoire). Problème de la sous-détermination des théories par les données empiriques.
Une théorie du raisonnement? Exemple : effort des médiévaux pour rechercher des formes d’argumentation correctes…. Est-ce que le raisonnement suivant est « correct »? dû à Anselme de Cantorbury (1033 – 1129)
L’argument ontologique [l’] insensé <celui qui dit que Dieu n’est pas>, quand il entend cela même que je dis : "quelque chose de tel que rien ne se peut penser de plus grand", comprend ce qu'il entend, et ce qu'il comprend est dans son intellect, même s'il ne comprend pas que ce quelque chose est. Donc l'insensé aussi, il lui faut convenir qu'il y a bien dans l'intellect quelque chose de tel que rien ne se peut penser de plus grand, puisqu'il comprend ce qu'il entend, et que tout ce qui est compris est dans l'intellect.
Et il est bien certain que ce qui est tel que rien ne se peut penser de plus grand ne peut être seulement dans l'intellect. Car si c'est seulement dans l'intellect, on peut penser que ce soit aussi dans la réalité, ce qui est plus grand. Si donc ce qui est tel que rien ne peut se penser de plus grand est seulement dans l'intellect, cela même qui est tel que rien ne se peut penser de plus grand est tel qu'on peut penser quelque chose de plus grand ; mais cela est à coup sûr impossible. Il est donc hors de doute qu'il existe quelque chose de tel que rien ne se peut penser de plus grand, et cela tant dans l'intellect que dans la réalité.
Logique comme « théorie du raisonnement » J. Stuart Mill (1806-1873): les lois de la logique sont « tirées de l’expérience » Kant : Recourir à la psychologie aussi absurde que tirer la morale de la vie. Il ne s'agit pas des règles contingentes (comment nous pensons) mais des règles nécessaires qui doivent être tirées de l'usage nécessaire de l'entendement que sans aucune psychologie on trouve en soi la Logique ne peut être définie que postérieurement à la position de ces facultés, bien qu'elle prétende les diriger S’en remet à l’intuition transcendantale
objections de Frege Frege: il (Kant) veut s’aider de l’intuition de doigts ou de points, en quoi il risque de donner un aspect empirique à ces propositions, à l’encontre de ce qu’il pense. Car l’intuition de 37 863 doigts n’est certainement pas une intuition pure Si la vérité de telles propositions n’éclate pas immédiatement, comment seraient-elles comprises autrement que par une preuve ? (autrement dit: l’intuition est insuffisante, il faut la suppléer par des preuves)
Husserl (1859 – 1938) Antipsychologisme mathesis universalis Logique formelle et logique transcendantale Opération logique en tant qu’acte subjectif (conscience transcendantale) Une « philosophie de la Conscience »
Différentes conceptions de la vérité - 4 La vérité « stratégique » ou « communicationnelle » celle que l’on construit au cours du débat « libre » (J. Habermas) idée que de toutes façons, le réel n’est pas atteignable (en tout cas directement) on ajoute au réel des constructions (thèse constructionniste)