L’atelier de fabrication de faux papiers de Jean Stetten-Bernard

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Transcription de la présentation:

L’atelier de fabrication de faux papiers de Jean Stetten-Bernard « COMMUNIQUER POUR RESISTER » Concours national de la Résistance et de la déportation 2012-2013 L’atelier de fabrication de faux papiers de Jean Stetten-Bernard

JEAN STETTEN-BERNARD Jean Stetten-Bernard est né à Lyon le 21 mars 1913. Dessinateur avant-guerre, mobilisé en 1939, il est fait prisonnier en juin 1940. Il parvient à s’évader, et c’est au cours de cette évasion qu’il falsifie des documents français et allemands. Il s’installe à Lyon chez son oncle, un industriel lyonnais, et rencontre des militants de Témoignage chrétien, dont le père Chaillet en 1941-1942. Le mouvement clandestin chrétien fait face à des demandes croissantes de faux-papiers afin d’héberger, de camoufler et de faire évader de nombreuses personnes pourchassées. Jean Stetten-Bernard, qui prend pour pseudonyme « Articles de Pêche », met ses compétences au service de Témoignage chrétien. Il monte un premier atelier clandestin dans une annexe de l’entreprise de son oncle à Lyon. Ce premier « labo » est transféré en juin 1943 à Vourles, à quelques kilomètres de Lyon, dans une villa familiale. Jean Stetten-Bernard Fonds Jean Stetten-Bernard, Musée de la Résistance et de la déportation, Besançon

Ce premier « labo » est transféré en juin 1943 à Vourles, à quelques kilomètres de Lyon, dans une villa familiale. En août 1943, il est sollicité par le colonel Descour (« Bayard »), responsable de l’Armée Secrète pour la région R1 (grande région lyonnaise), pour fournir en faux papiers les Mouvements unis de Résistance. Son « labo » devient alors un service rattaché au BCRA (Bureau central de renseignements et d’action) et reçoit des subsides. Villa familiale à Vourles, près de Lyon Fonds Jean Stetten-Bernard, Musée de la Résistance et de la déportationn

Les ateliers de fabrication de faux papiers Au début, les moyens sont rudimentaires, comme les premiers faux cachets utilisés, qui sont taillés dans du linoléum. Mais progressivement, la demande devient telle que Jean Stetten-Bernard a recours à une production massive. Il installe son atelier de faussaire dans une cabane, à l’abri des regards. À côté de celle-ci, une cachette est creusée pour dissimuler les deux valises qui rassemblent l’ensemble des faux papiers et des outils utilisés. Au total, il fabrique plus de 100 000 faux papiers en tout genre : cartes d’identité, actes d’état civil, cartes de travail, cartes de textile, cartes de démobilisation, cartes de ravitaillement ou encore Ausweis. Il s’agit du seul atelier de faux papiers qui fonctionnera jusqu’à la Libération. Jean Stetten-Bernard dans son « labo » à Vourles Fonds Jean Stetten-Bernard, Musée de la Résistance et de la déportation

Vrai et faux cachet réalisés à la main Jean Stetten-Bernard réalise les premiers cachets à la main. Mais la demande de plus en plus forte l’oblige à changer de technique. Il utilise alors la photogravure. A partir de photographies de vrais cachets de mairies, il réalise des faux dans l’atelier d’un photograveur de Lyon, M. Rolandez. Ce dernier lui laisse carte blanche le samedi et le dimanche, le laissant disposer de tous les outils nécessaires. Et même d’une échelle au fond du jardin pour s’évader si besoin...Au total, Jean Stetten-Bernard fabriquera plus de 600 cachets différents. Fonds Jean Stetten-Bernard, Musée de la Résistance et de la déportation

Fausse carte d’identité Pour fabriquer de fausses cartes d’identité, Jean Stetten-Bernard se procure le papier en librairie. En effet, à l’époque il fallait acheter sa carte d’identité vierge puis l’emmener au commissariat de police pour la faire remplir et recevoir le tampon officiel. Ainsi, la matière première est simple à pourvoir. Ensuite, Jean Stetten-Bernard y appose un faux cachet, de la mairie souhaitée. Et enfin, il inscrit le numéro de la carte. Il suit l’ordre émis par les mairies pour que les papiers paraissent à jour. Pour les personnalités importantes, il note un véritable numéro de carte, ce qui permet de passer les premiers contrôles de police. Fonds Jean Stetten-Bernard, Musée de la Résistance et de la déportation

Tract « réponse à Roosevelt » Lorsque Jean Stetten-Bernard et sa femme arrivent à Lyon, ils intègrent rapidement un réseau de résistance. Leur premier acte est de fabriquer et de diffuser un tract. Celui-ci est une réponse au président américain Roosevelt qui avait déclaré lors d’un discours la phrase suivante : « Je me refuse à croire que le peuple français accepte de collaborer librement avec un pays qui l’écrase économiquement, moralement et politiquement ». L’idée est de montrer à Roosevelt que des Français refusent cet état des choses. L’impression du tract est faite à la main, des milliers d’exemplaires sont tirés. Ils sont ensuite mis sous enveloppe et distribués par la poste. L’effet est immédiat : des milliers de réponses affluent à l’ambassade d’Amérique, l’événement est commenté dans la presse. Dans un témoignage de 2003, Jean Stetten-Bernard conclut cet épisode en déclarant : « C’est la preuve que quand on arrive à faire quelque chose qui va dans le sens de l’Histoire, ça marche très bien ». Fonds Jean Stetten-Bernard, Musée de la Résistance et de la déportation

Cachette du « labo » à Vourles Au départ, Jean Stetten-Bernard installe son atelier de faussaire à l’intérieur de la maison de son oncle à Vourles, dans laquelle il vit depuis que son domicile lyonnais est réquisitionné par les Allemands. Mais très vite, il s’aperçoit que cette situation est trop dangereuse. C’est pour cela qu’il construit une cabane dans le parc, derrière la maison. Il y travaille pendant son temps libre, en soirée, pendant les week-ends et même parfois la nuit quand l’urgence l’exige. Une fois les faux-papiers réalisés, ils les rassemblent dans deux valises qu’il dissimule dans une cachette creusée dans un remblai de terre, juste à côté de la cabane. Fermé par une trappe, l’endroit devient invisible une fois la terre et les feuilles remises en place. Fonds Jean Stetten-Bernard, Musée de la Résistance et de la déportation

Cachette du « labo » à Vourles Au départ, Jean Stetten-Bernard installe son atelier de faussaire à l’intérieur de la maison de son oncle à Vourles, dans laquelle il vit depuis que son domicile lyonnais est réquisitionné par les Allemands. Mais très vite, il s’aperçoit que cette situation est trop dangereuse. C’est pour cela qu’il construit une cabane dans le parc, derrière la maison. Il y travaille pendant son temps libre, en soirée, pendant les week-ends et même parfois la nuit quand l’urgence l’exige. Une fois les faux-papiers réalisés, ils les rassemblent dans deux valises qu’il dissimule dans une cachette creusée dans un remblai de terre, juste à côté de la cabane. Fermé par une trappe, l’endroit devient invisible une fois la terre et les feuilles remises en place. Fonds Jean Stetten-Bernard, Musée de la Résistance et de la déportation

Les précautions prises Lorsque Jean Stetten-Bernard rentre chez lui le soir, il passe toujours par une porte dérobée derrière la maison. Pas question de rentrer par la porte principale, trop dangereux. Il met au point un code avec sa famille : si un fil de fer est accroché à la poignée, c’est que la voie est sûre. Si le fil est absent, il doit repartir au plus vite et se cacher. Pendant toute l’Occupation, l’atelier de Jean Stetten-Bernard ne sera jamais découvert. Fonds Jean Stetten-Bernard, Musée de la Résistance et de la déportation

Des cartes d’alimentation La trame de fond est minutieusement réalisée à la main par Jean Stetten-Bernard. Il fait ensuite des clichés de cette trame et les fait imprimer. Ces fausses cartes permettent de fournir des tickets de rationnement. Ici sont présentées les deux versions : la carte authentique, et la fausse carte « TC », c’est à dire Témoignage chrétien. Fonds Jean Stetten-Bernard, Musée de la Résistance et de la déportation

Les trousses d’urgence Fonds Jean Stetten-Bernard, Musée de la Résistance et de la déportation Les trousses d’urgence Le principe de ces trousses d’urgence est simple : à partir d’un cachet basique exploitable pour n’importe quel lieu, une personne non spécialiste peut réaliser rapidement des faux-papiers. Jean Stetten-Bernard fournit par exemple une de ces trousses à Monseigneur Saliège, l’archevêque de Toulouse.

Une activité dangereuse Jean Stetten-Bernard cache son activité de résistance grâce à une couverture : il travaille la journée pour le journal Vaillance, journal vichyste lyonnais pour lequel il réalise la mise en page. Il diffuse ses faux-papiers grâce à l’intermédiaire d’agents de liaison. Pourtant, il lui arrive parfois de livrer lui-même ses productions. Voici un extrait de son témoignage relatant les risques encourus. Témoignage de Jean Stetten-Bernard, Fonds Jean Stetten-Bernard, Musée de la Résistance et de la déportation, Besançon « Un autre jour, j’étais à bicyclette, j’apportais tout le courrier sur mon porte-bagages, des cartes d’identité et tout ce que je livrais de faux-papiers. Je me fais arrêter par la Milice au milieu de la rue. Le gars me demande où je vais. Je réponds que je vais à mon travail :  - « C’est où ? » - « C’est à Vaillance, place Bellecour » - « Ah bon ! Qu’est-ce que vous avez là ? » - « J’ai le numéro de la semaine prochaine, la mise en page...Vous voulez que je vous montre ? » Et je me prépare à lui ouvrir. Je crois que c’est ce qui m’a sauvé, lui demander s’il voulait voir. Il me répond « Non, allez ». Quand je suis remonté sur ma bicyclette, j’ai éclaté en sanglots et je tremblais comme une feuille ».

Sources et bibliographie Documents et archives du musée de la Résistance et de la déportation de Besançon, notamment : Fonds Jean Stetten-Bernard BEDARIDA (Renée), Les Armes de l’Esprit. Témoignage chrétien (1941-1944), Editions ouvrières, 1977 Un dossier préparé par le service éducatif du musée de la Résistance et de la déportation de Besançon