Évaluation des effets des psychothérapies
Plan du cours Intérêt d'évaluer les effets des psychothérapies Premières évaluations de psychanalyses La question du groupe témoin Comparaison des conditions réelles et des conditions de recherche en psychothérapie Première comparaison des effets des psychothérapies- critiques méthodologiques Développement des recherches sur les effets des psychothérapies Méthodologie de l'évaluation : critères, instruments, juges Sources de confusion dans l’interprétation des résultats des recherches Facteurs qui modulent les effets des psychothérapies et sont liés au patient Comparaison de effets de différentes méthodes de psychothérapie méthodologie, résultats et critiques Méta-analyse des effets des psychothérapies méthodologie, résultats et critiques Groupe témoin: solution proposée actuellement Facteurs corrélés aux résultats positifs Attribution des effets des psychothérapies Évaluation de la stabilisation des effets : follow up Considérations sur les effets négatifs des psychothérapies Bibliographie
Intérêt d'évaluer les effets des psychothérapies Santé publique: Protection des personnes Rentabilisation des soins Reconnaissance sociale des méthodes Scientifique : Etudier les facteurs psychologiques en jeu Développer la méthodologie de la recherche
Effets de psychanalyses Première tentative d'évaluation Effets de psychanalyses
Effets de psychanalyses Berlin O. Fenichel 592 cas (1920 – 1930) Londres E. Jones 74 cas (1926 – 1936) Chicago F. Alexander 157 cas (1932 – 1937)
Critères d’évaluation: Amélioration du symptôme Amélioration de l'activité professionnelle Amélioration du fonctionnement sexuel Diminution de l'ambivalence dans les relations Prise de conscience des conflits quotidiens Cherchez dans la toile la définition d’ambivalence selon la théorie psychanalytique et selon la psychiatrie !
Guéris ou améliorés : 68% des troubles psychosomatiques 63% des névroses 56% des troubles du caractère 48% des troubles sexuels 37% des alcooliques 25% des psychotiques
C’est quoi un groupe témoin ? Critique majeure: pas de groupe témoin ! C’est quoi un groupe témoin ? Le groupe témoin est constitué par des patients présentant des conditions de pathologie comparables à celles du groupe expérimental (celui qui va recevoir des séances de psychothérapie). Ce groupe témoin ne reçoit pas de traitement. Ainsi, on peut comparer les effets sur des sujets avec et sans traitement, pour être sûr que ces effets sont le résultat de la psychothérapie appliquée.
Groupe témoin : origine de la pratique La constitution de groupes témoins pour comparer la valeur thérapeutique d’une intervention s’est imposée à partir du modèle bio-médical des essais thérapeutiques. Pour vérifier l’efficacité d’un médicament biochimique, il faut comparer les patients traités avec un groupe-témoin de patients avec la même maladie qui ne sont pas traités. Les médecins tirent au sort pour décider quels patients seront traités. Ils donnent un placebo aux patients qui ne reçoivent pas de médicament. L’alternative serait d’apparier deux groupes de patients selon sexe, âge, symptômes, etc., ce qui demanderait de pouvoir choisir parmi des milliers de patients.
Groupe témoin : problème éthique La constitution de groupes témoins par tirage au sort pose des problèmes éthiques. D’abord, parce que l’on fait attendre des patients qui ont besoin de traitement. Ensuite, parce que être tiré au sort met le patient dans la position passive de subir le destin, quand la thérapie vise à rendre le patient actif face à sa vie. Une autre technique possible consiste à comparer les patients sous thérapie avec des patients dans une liste d’attente. Néanmoins, on a observé qu’en général les patients en liste d’attente s’améliorent avant de commencer la thérapie car ils ont cherché de l’aide quand ils étaient au pire de leur état psychologique.
Conditions réelles des psychothérapies Les patients ont plusieurs problèmes La thérapie vise le fonctionnement général (n’est pas ciblée sur trois symptômes) La durée n'est pas fixe Le patient choisit sont thérapeute Le thérapeute s'adapte aux besoins du patient
Conditions des psychothérapies dans les recherches peu de variables évaluées (3 ou 4 symptômes) la thérapie est focalisée sur les variables étudiées durée fixe le patient ne choisit pas sont thérapeute le thérapeute utilise une technique standard Notre objectif est celui d’examiner les principales difficultés dans la mise en place d’une recherche sur les effets des psychothérapies.
Première comparaison d'effets H. J. Eysenck, 1952 Compare les résultats de 24 recherches avec groupes témoins - sur les effets des psychothérapies Les Patients sont: Hospitalisés (donc assez graves) La moitié traités par des thérapies psychanalytiques Les autres traités par des thérapies éclectiques C’est quoi une « thérapie éclectique »? Cherchez sur la toile!
Conclusion de H. J. Eysenck : " ... deux tiers des patients névrotiques s'améliorent quel que soit leur traitement, et qu'ils soient traités ou non." Critiques faites à l'étude de H. J. Eysenck Les patients des recherches comparées par H.J. Eysenck ont été évalués selon des critères différents (chaque recherche établit ses critères) et avec des Instruments différentes (chaque recherche définit ses Instruments). On ne peut pas comparer des oranges avec des pommes! (voir les Instruments dans le Module 1)
Développement des Recherches sur les effets des psychothérapies Entre 1960 et 1980, beaucoup de recherches ont été conduites pour évaluer les effets des psychothérapies. Malgré les efforts pour contourner les critiques méthodologiques, deux difficultés restaient la plupart du temps: les thérapeutes qui acceptaient de faire évaluer le résultat de leur travail étaient des jeunes professionnels sans expérience, et les patients étaient, en réalité, des étudiants recrutés parmi des volontaires qui espéraient se faire soigner gratuitement. Aussi, ces étudiants ne présentaient pas des symptômes vraiment graves.
Méthodologie de l'évaluation des effets des psychothérapies Que mesurer ? 2. Avec quoi? 3. Par qui? Critères Instruments Juges
Quels effets faut-il cibler? Diminution de la souffrance? Critères d'évaluation des effets positifs difficultés rencontrées: Quels effets faut-il cibler? Diminution de la souffrance? Comment mesurer la souffrance subjective?
utilisés pour l'évaluation des effets Les instruments utilisés pour l'évaluation des effets sont-ils suffisamment sensibles aux changements? Il n’est pas facile de trouver des instruments (tests, échelles, questionnaires, inventaires,…) qui puissent être appliqués dans un intervalle de temps pas trop long (de quelques semaines à quelques mois), et qui soient suffisamment précis pour permettre d’objectiver les effets attribués à la psychothérapie.
Chaque approche théorique fait appel à des instruments spécifiques, par exemple: Théorie psychanalytique: Entretien Tests projectifs: Rorschach et T.A.T Théorie cognitive: Test des croyances irrationnelles Test des pensées automatiques. Théorie comportementale: Test des comportements d’évitement Il est donc pratiquement impossible de comparer les résultats de deux recherches qui ont employé des instruments différents.
Échelle santé - maladie (ESM) utilisée dans certaines Institutions Psychiatriques Autonomie 0 10 Gravité des symptômes 0 10 Degré de souffrance 0 10 Réactions de l'entourage 0 10 Capacité de travail 0 10 Pauvreté/richesse d'intérêts 0 10 Pauvreté/richesse vie relationnelle 0 10 L. Luborsky, 1975 Clinician's judgements of mental health : specimen case descriptions and forms for the Health-Sickness rating scale, Bull Menninger clinic 39 : 448-480
Une autre difficulté dans l’évaluation des effets: la plupart des tests donne des résultats chiffrés, avec l’avantage de permettre des calculs statistiques. Mais nous sommes alors en train de transformer de phénomènes qualitatifs en données chiffrées. La moyenne des résultats obtenus peut occulter de très bons résultats de certains patients équilibrés par des mauvais résultats d'autres patients : moyenne constante, haute variance Il arrive aussi que des résultats quantitatifs significatifs masquent une signification clinique mineure. Par exemple: échelle de schizophrénie au MMPI.
Le Thérapeute? QUI est capable d'évaluer les effets? Conflit d’intérêts: comment admettre que son travail est inefficace?
Corrélation des évaluations réalisées par les thérapeute avec celles réalisées par leurs patients: Garfield et al., 1971 .44 Sloane et al., 1975 .21 Horenstein et al., 1973 .10 Sachant que la corrélation positive idéale est de .90, on voit que thérapeutes et patients ne sont pas d’accord!
Le Patient? Un juge extérieur? Est-ce que le patient peut être objectif en évaluant son propre progrès? Un juge extérieur? Par exemple: superviseur du thérapeute proches du patient expert indépendant L’évaluation réalisée par un juge extérieur présente une meilleure corrélation avec l'appréciation des patients.
des sources de confusion dans l'interprétation des résultats il peut y avoir aussi des sources de confusion dans l'interprétation des résultats Aggravation temporaire Déplacement du symptôme Modification de l’environnement
Facteurs qui modulent les effets et qui dépendent du patient (ni du thérapeute ni de la méthode ) Gravité des troubles Ancienneté des troubles Motivation pour se soigner Force du Moi (ce concept sera étudié dans le module 7) Estime de soi Capacité d'insight (voir définition http://fr.wikipedia.org) Capacité à s’exprimer verbalement Qualité de l'environnement (thérapeutique ou pathogénique) Degré d'investissement relationnel Degré de satisfaction personnelle et relationnelle Le thérapeute va essayer d’améliorer certains de ces facteurs, mais son travail est limité par les capacités constitutionnelles du patient.
comparaison des effets obtenus par des méthodes différentes Sloane et al., 1975 90 patients (dont 30 dans groupe témoin) évalués en entretien par 3 psychiatres indépendants (+ MMPI et 2 inventaires de personnalité) selon 3 symptômes-cible : phobies, anxiété, troubles de la personnalité MMPI: Minnesota Multifactorial Personality Inventory (allez chercher sur la toile! )
Résultat: amélioration des TROIS groupes, 30 patients en psychothérapie psychanalytique comparés à patients en psychothérapie comportementale 30 patients dans le groupe témoin 10 patients pour chaque thérapeute niveaux d'expérience des thérapeutes contrôlé 4 mois d'intervention nouvelle évaluation des effets sur les 3 symptômes-cible Résultat: amélioration des TROIS groupes, mais plus marquée chez les patients traités Donc, les effets des méthodes est équivalent en situation de recherche.
méta - analyse synthèse des effets évalués par diverses recherches sélectionnées selon : taille de l'échantillon diagnostic des patients traités méthodes de traitement utilisés durée de la thérapie cadre instruments d'évaluation des résultats niveau d'expérience des thérapeutes Toutes les recherches font appel à un groupe témoin. Donc, ces recherches sont effectivement comparables.
Smith, Glass et Miller, 1980 475 recherches comparées effets calculés (3 ou 4 dans chaque recherche) Corrélation moyenne: 0,85 Donc, effets équivalents pour toutes méthodes thérapeutiques dans des conditions de recherche La méta-analyse a permit d'identifier les indications de chaque méthode.
critiques des méta-analyses Patients très jeunes (en général, des étudiants) Phobies sur-représentées Résultats évalués par les thérapeutes Les recherches publiées sont sélectionnées (toujours les meilleurs résultats)
3 facteurs corrélés aux résultats positifs Qualité de la relation thérapeutique (plus sur l’Alliance thérapeutique: module 9) Force du Moi (plus sur la Force du Moi: module 7) Qualité de la motivation (définition de Motivation sur le site http://fr.wikipedia.org )
Attribution des effets des psychothérapies 65% dépend des caractéristiques du patient (voir les facteurs qui dépendent du patient) 25% dépend des caractéristiques du thérapeute 10% dépend des méthodes thérapeutiques M. J. Lambert et al., 1986 The effectiveness of psychotherapy, in Handbook of psychotherapy and behavior change, Garfield and Bergin, editors New York, Wiley
solution proposée actuellement Groupe témoin : solution proposée actuellement Technique de la ligne de base T0 : évaluation initial T 0 T 1 T 2 T 3 Jan Fév Mars Avril Mai Juin Juil Aoû T1 : Début de la thérapie. L’évaluation à T1 montre peu ou pas de différence par rapport à T0. . T2 : Les différences dans l’évaluation par rapport à T1 sont considérées comme des effets de la thérapie T3 : L’évaluation doit montrer que les résultats sont stabilisés après l'arrêt de la thérapie Les patients sont comparés à eux-mêmes!
stabilisation des résultats (follow up) Guérin et al. 1991, préconise d'étudier les effets au-delà de trois ans après terminaison de la thérapie. En général, les chercheurs se contentent de suivre la stabilisation des résultats quelques mois après la fin de la thérapie.
Considérations sur les effets négatifs des psychothérapies Toute méthode qui produit des changements positifs, peut en produire de négatifs. Il est aussi difficile d’évaluer les résultats négatifs que les résultats positifs. Tous les changements négatifs ne sont pas nécessairement dus à la psychothérapie. Quand des résultats négatifs arrivent, les thérapeutes ont du mal à se remettre en cause. En général les résultats négatifs sont attribués au patient. Il arrive néanmoins que des plaintes contre les thérapeutes soient déposées auprès des Comités d’Ethique.
Si vous voulez savoir plus sur la possibilité de résultats négatifs, lisez Masud Khan, exemple illustre Revue Française de Psychanalyse, 2003, vol.3 Bibliothèque de l’Institut de Psychologie 71 Av Edouard Vaillant 92100 Boulogne-Billancourt
Bibliographie Cottraux J. 1988. Problèmes posés par l'évaluation des psychothérapies, Psychologie médicale 20 (2) : 199-206. Gérin P. et Dazord A., 1992. Recherches cliniques "planifiées" sur les psychothérapies. Paris, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM). Gérin P., Dazord A. et Sali A., 1991. Psychothérapies et changement. Paris, PUF. Ionescu S., 1998. L'évaluation des psychothérapies in Psychothérapies T. Nathan, A. Blanchet, S. Ionescu et N. Zajde. Paris, Odile Jacob. Rappard E., 1996. Évaluation des psychothérapies in Psychanalyse et Psychothérapies D. Widlöcher et A. Braconnier. Paris, Flammarion. Sinelnikoff N., 1993. Les psychothérapies, inventaire critique. Paris, ESF éditeur.