L’obligation de sécurité

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Transcription de la présentation:

L’obligation de sécurité Rachel SAADA, avocate en droit social Alice PANNEA, juriste de droit social

L’obligation de sécurité 1 La loi du 9 avril 1989 sur l’indemnisation des accidents du travail donne aux accidents du travail un traitement de reconnaissance automatique «  dès lors que l’accident a eu lieu au temps et au lieu du travail, il y a une présomption d’imputabilité au travail » Cette reconnaissance entraine une indemnisation des salaires perdus, mais pas des préjudices personnels subis(souffrance physique et morale, préjudice esthétique, perte d’une promotion..). En contrepartie, le salarié ne peut pas poursuivre son employeur pour une faute commise concernant sa sécurité. Si le salarié souhaite que les préjudices subis par la faute de l’employeur soient réparés, il peut engager la responsabilité de ce dernier après que l’accident du travail ou la maladie professionnelle ait été reconnu comme tel par la Sécurité Sociale.

L’obligation de sécurité 2 Rappelons que pour un accident de la voie publique, les règles du Droit Commun de la responsabilité civile s’appliquent: Le droit commun de la responsabilité correspond à la responsabilité contractuelle prévue par les articles 1147 et suivants du code civil (obligation à la charge de celui qui n’a pas exécuté le contrat d’en réparer les conséquences) et à la responsabilité délictuelle prévue par les articles 1382 et suivants du code civil (obligation générale à la charge de celui qui a causé un dommage à autrui d’en réparer les conséquences). Pour le Droit de la Sécurité Sociale, il faut démontrer l’existence d’une faute inexcusable pour obtenir l’indemnisation de son préjudice personnel.

L’obligation de sécurité 3 Jusqu’en 2002, faire la preuve de la faute inexcusable de l’employeur était difficile car il fallait démontrer que le manquement à l’origine de l’A.T. était d’une exceptionnelle gravité. C’est à l’occasion des procès faits par les victimes de l’amiante que la Cour de cassation a redéfini la notion de faute inexcusable, en lui donnant une définition qui ne renvoie plus à l’exceptionnelle gravité. C’est aussi à cette occasion que la Cour de cassation invoque l’obligation de sécurité: L4121 et suivants Cette obligation est issue de textes français dispersés, d’une directive européenne de 1989 transcrite en 1991 en Droit Français, L 230-2 à l’époque, l’obligation générale de sécurité.

L’obligation de sécurité 4 PASSAGE d’une LOGIQUE d’INDEMNISATION DU RISQUE à UNE LOGIQUE DE PREVENTION PRIMAIRE: Convention de l’OIT n C 187 : I Définitions, Article 1 d) : l'expression “culture de prévention nationale en matière de sécurité et de santé” désigne une culture où le droit à un milieu de travail sûr et salubre est respecté à tous les niveaux, où le gouvernement, les employeurs et les travailleurs s'emploient activement à assurer un milieu de travail sûr et salubre au moyen d'un système de droits, de responsabilités et d'obligations définis et où le principe de prévention se voit accorder la plus haute priorité.” La sécurité et la santé au travail ne sont plus des principes mais des démarches demandées par les différentes sources internationales du droit.

L’obligation de sécurité 5 Définition empruntée au Pr VERKINDT, citée par le rapport de la Mission d’information sur le mal-être au travail et de la commission des affaires sociales du Sénat, par M. Gérard Dériot.1 “Il s’agit pour l’employeur de prévenir, de former, d’informer et de mettre en place une organisation et des moyens adaptés. Le résultat dont il est question dans la notion d’obligation de résultat n’est pas l’absence d’atteinte à la santé physique et mentale, mais l’ensemble des mesures prises (effectivement!) par l’employeur dont la rationalité, la pertinence et l’adéquation pourront être analysées et appréciées par le juge” (“Santé au travail, l’ère de la maturité”, Jurisprudence sociale Lamy, n 239, 1er septembre 2008)

L’obligation de sécurité 6 Fondement textuel : si la 2ème chambre civile de la Cour de cassation continue à fonder l’obligation de sécurité de résultat sur l’article 1147 du Code civil (responsabilité contractuelle), la chambre sociale de la même Cour se base sur l’article L.4121-1 du Code du travail : “L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.” Les termes ne sont pas choisis au hasard ! Le présent de l’indicatif, le chef d’entreprise prend, correspond à un impératif d’action. Le chef d’entreprise prend LES mesures, pas DES mesures, mais les mesures efficaces et adaptées à la situation.

L’obligation de sécurité 7 Ces mesures comprennent : Des actions de prévention des risques professionnels; Des actions d'information et de formation ; La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement

L’obligation de sécurité 8 On demande au chef d’entreprise de mettre en place une prévention primaire, d’empêcher le risque d’advenir. La prévention primaire: Ensemble des actes destinés à diminuer l'incidence d'un risque, donc à réduire l'apparition des nouveaux cas. En agissant en amont, cette prévention empêche l'apparition de la maladie. La prévention secondaire : Ensemble d'actes destinés à diminuer la prévalence d'un risque, donc à réduire sa durée d'évolution. La prévention tertiaire : Ensemble des actes destinés à diminuer la prévalence des maladies ou accidents, donc à réduire les invalidités fonctionnelles. Agit en aval du risque afin de limiter ou de diminuer ses conséquences. A ce stade de prévention, les professionnels s'occupent du traitement de la personne et de sa réinsertion professionnelle et sociale

L’obligation de sécurité 9 L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu'il est défini à l'article L. 1152-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs

L’obligation de sécurité 10 L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. A la suite de cette évaluation, l'employeur met en œuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement. Article L 4121-4 Lorsqu'il confie des tâches à un travailleur, l'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, prend en considération les capacités de l'intéressé à mettre en œuvre les précautions nécessaires pour la santé et la sécurité.

L’obligation de sécurité 11 La conscience du risque doit passer par le Document Unique qui permet à la fois d’évaluer les risques et d’en prendre conscience. Ou lorsqu’il y a eu une alerte: alerte du CHSCT est consignée par écrit dans un registre spécial: lors de la survenance d’un risque postérieur à une alerte, il y a une présomption irréfragable (qui n’est pas susceptible de preuve contraire) de faute inexcusable. Comme l’employeur a été informé du risque, il est donc présumé avoir eu conscience du danger. Le DU doit être un document vivant

L’obligation de sécurité 12 Article L 4121-5 Lorsque dans un même lieu de travail les travailleurs de plusieurs entreprises sont présents, les employeurs coopèrent à la mise en œuvre des dispositions relatives à la santé et à la sécurité au travail. Document unique: réglementation La rédaction du document unique est obligatoire depuis le 5 novembre 2001. Article R. 4121-1 du code du travail (ancien article: R 230-1) : «L'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3. Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement.»

L’obligation de sécurité 12 (suite) Objectifs du document unique: Améliorer la santé au travail, en diminuant les accidents du travail, les maladies professionnelles. Améliorer les conditions de travail. L’inventaire des risques est réalisé par l’employeur dans chaque unité de travail : en observant les tâches réelles, en recueillant l’avis des salariés. il est conseillé d’organiser des réunions au sein de chaque unité de travail, afin de repérer les situations à risque, en analysant les accidents du travail pour repérer les situations à risque. Dans cette perspective, l’obligation d’évaluation des risques et de sa formalisation dans le document unique est in fine une aide et non pas une contrainte supplémentaire. Un juge appréciera de retrouver la trace de l’évaluation et des mesures de prévention mises en œuvre dans l’entreprise.  L’employeur réalise l'évaluation des risques, la gravité de chaque risque, sa probabilité de survenue afin de pouvoir définir les risques les plus importants, pour les traiter en priorité.  Rédaction du document unique Seuls doivent figurer les risques effectivement présents dans l’entreprise. Le document peut-être rédigé sur papier, ou tout support numérique : Cdrom, …

L’obligation de sécurité 13  Mise à jour du document unique: Au moins tous les ans, et lors de tout changement dans les procédés de travail.  Mise à disposition du Document unique: Le décret n° 2008-1347 du 17 décembre 2008 relatif à l'information et à la formation des travailleurs sur les risques a modifié l'article R. 4121-4 du code du travail. Le document unique d'évaluation des risques est tenu à la disposition : des travailleurs ; des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou des instances qui en tiennent lieu ; des délégués du personnel ; du médecin du travail ; des agents de l'inspection du travail ; des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale ; des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l'article L. 4643-1 ; des inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l'article L. 1333-17 du code de la santé publique et des agents mentionnés à l'article L. 1333-18 du même code, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, pour les installations et activités dont ils ont respectivement

Exemples de risques Exemple pour le risque physique: Installer des garde corps sur un échaffaudage pour empêcher les chutes Exemple pour le risque mental: Surveiller et évaluer régulièrement la charge de travail du salarié (quantité, horaire, intensité, rythme..) pour empêcher le Burn-out, l’Etat de stress aigu, les troubles cognitifs, ect…

L’employeur ne doit pas rester dans une logique assurantielle , sous-traiter ou sous- évaluer ces risques. Ils découlent souvent de l’organisation du travail. Depuis les arrêts “amiante” de février 2002, la faute inexcusable de l’employeur est définie comme étant le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, lorsqu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Cette définition a été consacrée par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation.

Aux côtés de l’employeur pour cette prévention primaire, le salarié ! OBLIGATION DE SÉCURITÉ DU SALARIÉ L’article 13 de la directive-cadre de 1989 dispose : “Il incombe à chaque travailleur de prendre soin, selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail, conformément à sa formation et aux instructions de son employeur”. Cette obligation est devenu l'article L. 4122-1 du code du travail. chapitre 2 intitulé "Obligations des travailleurs” du titre 2 de la quatrième partie du Code du travail. "Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur ou le chef d'établissement, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises qui y sont assujetties, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celle des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail". La Cour de cassation juge que le manquement du salarié à son obligation de sécurité l'expose à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, y compris pour faute grave.

Exemples de risques Le salarié du BTP qui ne met pas son casque, ses gants, son harnais, peut être licencié pour faute grave. L’employeur n’est pas pour autant exonéré de son obligation de sécurité ! Sa responsabilité sera donc encourue en cas de survenance d’un accident, quand bien même celui-ci aurait été provoqué par une faute du salarié

Une réelle prévention primaire nécessite de réaliser des fiches de poste à partir du travail réel, pas du travail théorique. La loi prévoit que Les accords collectifs de travail autorisant le recours à des conventions de forfaits (Loi AUBRY) prévoient un entretien d ‘évaluation sur la charge de travail.

La prévention secondaire Le chef d’entreprise doit s’appuyer sur les indicateurs. Il les trouve: Dans les services de santé au travail Dans le cadre général du travail

INDICATEURS D’ALERTE DANS LES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL Augmentation du nombre de visites Augmentation des urgences Augmentation des indicateurs de santé négatifs (TMS, troubles cardio-vasculaires) Augmentation des plaintes de souffrance psychologique dans le cadre des consultations

INDICATEURS D’ALERTE DANS LE CADRE GÉNÉRAL DU TRAVAIL Actes de violence Tentatives de suicide Augmentation des accidents de travail Taux de rotation du personnel

INDICATEURS ORGANISATIONNELS Taux d’absentéisme Départ en maternité / en formation Départ en retraite anticipée Demande de mobilité, mutation, changement de service

LA PREVENTION TERTIAIRE La prise en charge des salariés en A.T. ou M.P. existe mais il faut rappeller que même avec un service de santé au travail, des psychologues du travail, un observatoire du stress, une ligne verte, ect.. Le chef d’entreprise n’est pas exonéré de son obligation de sécurité de résultat qui vise à empêcher le risque de se réaliser.

QUELQUES ARRETS Dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de l'article L4121 du code du travail durant l'exécution du contrat de travail: “attendu que l'employeur est tenu à l'égard de son personnel d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs; qu'il lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de ne pas respecter cette obligation ; Et attendu qu'après avoir relevé que l'employeur n'avait pas veillé, entre 1999 et 2001, à faire subir les examens médicaux annuels obligatoires, la cour d'appel a constaté, d'une part qu'il avait placé la salariée, présentant des signes apparents de décompensation anxio-dépressive, dans une situation difficile en lui demandant d'effectuer, en plus de ses tâches et dans un climat social tendu, la comptabilité dégradée d'une autre association avec des suspicions de malversation et qu'il en était résulté une angoisse professionnelle accrue avec troubles, d'autre part que les relations de la salariée avec son supérieur avaient aggravé la pathologie de celle-ci ; qu'ayant ainsi caractérisé l'existence de mesures ayant eu pour objet ou pour effet de compromettre la santé de la salariée, la cour d'appel a, sans se fonder sur une présomption, fait une exacte application des dispositions de l'article L. 230-2, I , II et III, alinéa 3, devenu les articles L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 4121-4 du code du travail ;Que le moyen n'est pas fondé ;” (Soc. 24 juin 2009, Association pour les inadaptés de la région ouest de Paris c/Mme M., pourvois n° 07-41.911, 08-41.050 )

La victime d'un harcèlement moral peut-elle demander la réparation de son préjudice à son collègue ou supérieur hiérarchique harceleur ? Peut-elle aussi agir contre l'employeur, alors que celui-ci ne s'est pas rendu coupable de harcèlement et n'a pas commis de faute ? La Chambre sociale de la Cour de cassation a répondu positivement à ces deux questions par un arrêt remarqué du 21 juin 2006 (3). 3 Cass. soc., 21 juin 2006, pourvoi n° 05-43914 et sq., Bull. civ. 2006, V, n° 223, p. 212.Page 13 sur 23 – Responsabilité personnelle du salarié harceleur. La Cour a décidé, en effet, qu'il résulte de ces règles spécifiques aux relations de travail au sein de l'entreprise que sont l'interdiction du harcèlement moral (C. trav., art. L.122-49, al. 1 devenu art. L. 1152-1), l'obligation pour l'employeur de prendre les mesures nécessaires à la prévention des risques professionnels liés au harcèlement moral (art. L.230-2 II, g) devenu art. L.4121-2, 7) du même code), l'obligation faite au salarié de prendre soin de la sécurité et des la santé des personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail (art. L. 230-3 devenu art. L.4122-1), que celui-ci engage sa responsabilité personnelle à l'égard de ses subordonnés. – Responsabilité sans faute de l'employeur. La Chambre a relevé, sur ce point, que l'employeur étant tenu envers ses salariés, en application des articles L. 122-49, L. 122-51 et L. 230-2 du Code du travail interprété à la lumière de la directive CE 89/391 du 12 juin 1989, d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en matière de harcèlement moral, “l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité” (4)

Violences (physiques) commises sur le lieu de travail La solution est encore plus nette dans l’arrêt suivant, rendu en matière de violences (physiques) commises sur le lieu de travail : l’employeur manque à son obligation de sécurité de résultat quand de telles violences se réalisent. Il importe peu que l’employeur ait pris des mesures en vue de les faire cesser. Attendu, ensuite, que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales , exercées par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements ; (Soc. 3 février 2010, Mme V. c/ société les hôtels de Paris, pourvoi n° 08-40144, arrêt FP-P+B+R, Bulletin 2010, V, n° 30)

Absence consécutive au harcèlement moral dont a été victime le salarié Licenciement: - L’employeur ne peut licencier un salarié en raison d’une absence prolongée pour maladie ou accident troublant le fonctionnement de l’entreprise lorsque cette absence est consécutive au harcèlement moral dont a été victime le salarié. Qu'en statuant ainsi, alors que l'absence prolongée du salarié était la conséquence du harcèlement moral dont il avait été l'objet, ce qui excluait la possibilité pour l'employeur de se prévaloir de la perturbation que son absence prolongée avait causé au fonctionnement de l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé les textes susvisés ; (Soc. 11 octobre 2006, M. P. contre société Cora, pourvoi n° 04-48314, Bull. 2006, V, n° 301, p. 287 ) - Légitimité du licenciement du salarié harceleur qui refuse de se soumettre à une mutation dans le même secteur géographique, constitutive non d’une modification de son contrat de travail mais des conditions de travail. (Soc,13juin 2007, pourvoi n°06-41.368)

Refus d’exécution de tâche par le salarié Privation de cause réelle et sérieuse du licenciement: Refus d’exécution de tâche par le salarié: Tel a été le cas, pour une préparatrice en pharmacie dont le licenciement a été prononcé pour refus de réaliser des préparations de produits de chimiothérapie impliquant la manipulation de substances cystostatiques, alors que la salariée avait été affectée à des travaux l'exposant à un agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction, sans avoir fait l'objet d'unexamen préalable par le médecin du travail ni s'être vu délivrer une fiche d'aptitude attestant qu'elle ne présentait pas de contre-indication médicale à ces travaux. En effet "ne constitue pas une faute le refus du salarié d'effectuer une tâche àl'accomplissement de laquelle il ne peut être affecté dès lors que l'employeur n'a pas exécuté les obligations mises à sa charge pour assurer la protection de la santé au travail". (Cass.soc. 18 décembre 2007, pourvoi n° 06-43801, arrêt n° 2730 FS-P+B, Bull. 2007, V, n° 212). - Licenciement pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement d’un salarié dont l’inaptitude physique résulte d'agissements fautifs de l'employeur (Soc., 13décembre 2007, pourvoi n° 06-45.818).

Pénétration de l’obligation de sécurité de résultat dans la sphère de l‘organisation de l'entreprise et des relations collectives de travail L'obligation est passée du domaine des relations individuelles de travail à celui des relations collectives, limitant ainsi le pouvoir de direction de l’employeur dans l'organisation du travail au sein de l'entreprise. A) Définition du harcèlement moral : méthodes de gestion et d’organisation de l’entreprise Les méthodes de gestion sont susceptibles de caractériser un harcèlement moral: attendu que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; Et attendu que la cour d'appel a relevé que le directeur de l'établissement soumettait les salariés à une pression continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre-ordres dans l'intention de diviser l'équipe se traduisant, en ce qui concerne M. M, par sa mise à l'écart, un mépris affiché à son égard, une absence de dialogue caractérisée par une communication par l'intermédiaire d'un tableau, et ayant entraîné un état très dépressif ; qu'ayant constaté que ces agissement répétés portaient atteinte aux droits et à la dignité du salarié et altéraient sa santé, elle a ainsi caractérisé un harcèlement moral, quand bien même l'employeur aurait pu prendre des dispositions en vue de le faire cesser ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; (Soc. 10 novembre 2009, Association vacances loisirs c/ M. M., pourvoi n° 07-45.321, arrêt FS-P+B)

SUSPENSION JUDICAIRE D’ UNE ORGANISATION DU TRAVAIL PATHOGENE Arrêt SNECMA Par son arrêt “Snecma” du 5 mars 2008, en effet, la Cour de cassation décide que si une organisation du travail est de nature à compromettre la santé et la sécurité, sa mise en oeuvre doit être suspendue par les juge du fond. Il s’agissait de la mise en place, dans un établissement classé “Seveso”, d’une nouvelle organisation du travail de maintenance et de surveillance par équipes et sans interruption, malgré l’avis négatif du CHSCT et du comité d’établissement, alors que, selon les constatations de la cour d’appel, la nouvelle organisation réduisait le nombre des salariés assurant le service de jour et entraînait l'isolement du technicien chargé d'assurer seul la surveillance et la maintenance de jour, début de service et en fin de journée, ainsi que pendant la période estivale et à l'occasion des interventions, cet isolement augmentant les risques liés au travail dans la centrale, que le dispositif d'assistance mis en place était insuffisant pour garantir la sécurité des salariés. Mais attendu que l'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation dsécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs ; qu'il lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés Et attendu que, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des élément de preuve qui lui étaient soumis et sans dénaturation, la cour d'appel a constaté qu la nouvelle organisation mise en place par l'employeur en février 2005 réduisait le nombre des salariés assurant le service de jour etqu'elle a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les sixième, neuvième et douzième branches du moyen, que cette organisation était de nature à compromettre la santé et la sécurité des travailleurs concernés et que sa mise en oeuvre devait en conséquence être suspendue ; (Cass. soc. 5 mars 2008, société Snecma, pourvoi n° 06-45.888, FS-P+B+R, Bull 2008, V, n° 46, Droit social, mai 2008, n° 5, p. 605-608, note P. Chaumette)

SUSPENSION JUDICIAIRE DU BENCHMARK DANS UNE ORGANISATION DU TRAVAIL le Tribunal de Grande Instance de Lyon a interdit le benchmark au sein de la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes Sud. Ce jugement, très pédagogique, explique en quoi ces méthodes d’évaluation ont pour objet ou pour effet de compromettre la santé des salariés. Le système du benchmark, ou benchmarking, consiste en « une évaluation permanente » des salariés, cette organisation du travail n’imposant pour eux officiellement aucun objectif, que « le seul objectif qui existe est de faire mieux que les autres ». On comprend très vite qu’un tel système va créer de fortes tensions et un « stress permanent » au sein de l’entreprise, dans la mesure où les salariés ont une rémunération variable basée sur les objectifs de chacun, et que « les outils informatiques permettent à tout le monde de suivre en direct, depuis chaque poste, ce que fait chacun des commerciaux de toute la banque ».   Ce dispositif recèle donc intrinsèquement un risque de bouc-émissairisation des salariés les moins performants, et des comportements déloyaux entre salariés. Dans cette décision, le lien de causalité entre ce type d’organisation et la détérioration de la santé mentale des travailleurs est établi par le juge dans la mesure où plusieurs acteurs, internes ou externes à l’entreprise (un cabinet d’expertise, la médecine du travail et l’inspection du travail) avaient déjà alerté la société des effets pervers du benchmarking : « Attendu que fin 2008 le cabinet ARAVIS chargé d’une expertise en accord avec la défenderesse, elle-même, a alerté sur les risques psychosociaux d’un tel système, Attendu que les médecins du travail tant dans leur rapport pour l’année 2008, 2009 ou 2010 ont stigmatisé le benchmark comme un facteur de risques psychosociaux, et que certes ces risques existaient avant le benchmark mais ont été accentués par la mise en place de ce système de gestion, Attendu que le constat de l’inspection du travail (courrier du 10 novembre 2008) est le même comme celui des assistantes sociales, (Suite page suivante >>>)

SUSPENSION JUDICIAIRE DU BENCHMARK DANS UNE ORGANISATION DU TRAVAIL (suite) Attendu que toutes ces instances notent : -une atteinte à la dignité des personnes par leur dévalorisation permanente utilisée pour créer une compétition ininterrompue entre les salariés, -un sentiment d’instabilité du fait qu’il n’y a aucune possibilité de se situer dans l’atteinte d’objectifs annuels puisque le résultat de chacun est conditionné par celui des autres, -une culpabilisation permanente du fait de la responsabilité de chacun dans le résultat collectif, -un sentiment de honte d’avoir privilégié la vente au détriment du conseil du client, -une incitation pernicieuse à passer outre la règlementation pour faire du chiffre, -une multiplication des troubles physiques et mentaux constatés chez les salariés, troubles anxio-dépressifs, accidents cardio-vasculaires, troubles musculo-squelettique. »  Le Tribunal de Grande Instance de Lyon rappelle en outre et à juste titre qu’il faut attaquer le problème à sa source. Ainsi, l’employeur ne peut pas prétendre avoir rempli son obligation de prévention en rapportant la preuve qu’il a mis en place un observatoire des risques psychosociaux, un numéro vert et un plan qualité du travail ; mesures jugées insuffisantes et qui « ne visent pas à supprimer le risque à la source, mais à intervenir à posteriori une fois que le risque est révélé. » En effet, conformément à l’article L4121-1 du code du travail, « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. » Cette formule, rédigée au présent de l’impératif, suppose donc que l’employeur ne puisse pas se contenter de remplir les obligations de préventions expresses imposées par le code du travail, ou d’appliquer au sein de l’entreprise des mesures superficielles, dès lors que celles-ci n’ont pas pour ambition d’éliminer le risque. La mesure doit être « nécessaire ». TGI Lyon 4 septembre 2012 ; RG 1105300

LA RECONNAISSANCE DE LA FAUTE INEXCUSABLE DEVANT LE TRIBUNAL DES AFFAIRES DE LA SECURITE SOCIALE La problématique de la santé liée à l’organisation du travail est également une question essentielle lorsqu’il s’agit de faire reconnaitre, au profit du salarié victime d’une maladie professionnelle, le caractère inexcusable de la faute commise par l’employeur. Cette faute est caractérisée lorsque l’employeur « avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. » (Arrêt amiante soc 28 février 2002). Une telle reconnaissance va permettre au salarié de percevoir des indemnités pendant la durée de son arrêt de travail à hauteur du préjudice subi. L’article L452-1 du code de la sécurité sociale dispose en effet que : « Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants » (Suite page suivante >>>)

LA RECONNAISSANCE DE LA FAUTE INEXCUSABLE DEVANT LE TRIBUNAL DES AFFAIRES DE LA SECURITE SOCIALE (suite) A titre d’illustration, un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendu en date du 17 février 2011 a reconnu la faute inexcusable de l’employeur en raison de l’organisation du travail qu’il avait mis en place dans l’entreprise. La Cour de cassation a relevé que le CHSCT avait déjà constaté une modification des cadences et avait noté l’augmentation importante sur une période donnée du nombre d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ; ainsi qu’une augmentation du nombre de TMS, une dégradation des conditions de travail et un réel manque d’effectif. La Cour de cassation ajoute : « qu’il est donc établi que dès cette époque la société S pouvait prendre conscience du danger auquel elle exposait ses salariés ; qu’en excluant cependant la faute inexcusable au motif que dès qu’il a pu avoir connaissance du danger auquel était exposé le salarié soit au cours de l’année 2002, l’employeur a pris les mesures pour l’en préserver, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et partant a violé les dispositions des articles 1147 du code civil et de l’article L451-2 du code de la sécurité sociale. » Les mesures préventives prises par l’employeur ne permettent pas ici non plus d’écarter la qualification de faute inexcusable. Pour conclure, le travail doit ainsi nécessairement être organisé de façon à respecter la santé des salariés au sein de l’entreprise. Dans le cas contraire la responsabilité de l’employeur serait nécessairement engagée, selon les différentes façons exposées. (Suite page suivante >>>)

LA RECONNAISSANCE DE LA FAUTE INEXCUSABLE DEVANT LE TRIBUNAL DES AFFAIRES DE LA SECURITE SOCIALE (suite et fin) Si le juge contrôle l’organisation du travail et condamne certaines mesures, il demeure cependant que l’organisation du travail incombe toujours à l’employeur ; que ni les juges, ni les institutions représentatives du personnel, ni les syndicats, ne peuvent à ce jour se substituer à son pouvoir de gestion ; la loi et la jurisprudence n’admettant pas encore que leur soit réservée une place dans la détermination de l’organisation du travail au sein de l’entreprise. Les décisions de justice nous disent quels sont les types de méthodes managériales contraires au respect de la santé des salariés, mais ne disent rien quant aux mesures efficientes à mettre en place. Cass, Soc. 17 février 2011, n°09-70.968

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