L’art de la première moitié du XXème siècle Le fauvisme, L’expressionnisme, L’art non-objectif Le cubisme, le néoplasticisme, le suprématisme L’imaginaire : l’art fantastique, Dada, le surréalisme, le réalisme magique
Les -ismes de l’art du XXème siècle En abordant l’art de la première moitié du XXème siècle et ses nombreux -ismes, nous avons pour nous y orienter, parlé de trois grands courants auxquels tous ces -ismes peuvent se rattacher: l’expressionnisme, mettant l’accent sur l’attitude émotionnelle de l’artiste (envers lui-même et le monde extérieur), avec le fauvisme en France (Henri Matisse) et les expressionnistes allemands (les groupes Die Brücke (Kirchner) et Der Blau Reitter (l’art non-objectif de Vassili Kandinsky); l’art abstrait, préoccupé par la structure formelle de la réalité et de l’œuvre d’art: nous avons parlé du cubisme de Picasso, Braque, Léger, puis de ses aboutissements les plus radicaux avec le néoplasticisme de Mondrian. Nous avons aussi mentionné le mouvement futuriste en Italie, et touché aux utopies artistiques du début du XXème siècle en Russie avec le suprématisme de Kazimir Malevich. Nous abordons aujourd`hui le troisième de ces grand courants, que nous avons appelé l’art fantastique ou imaginaire, explorant l’imagination, la pensée spontanée, non-reprimée, irrationnelle de l’artiste, son monde intérieur, subjectif, ses rêves, souvenirs, fantasmes.
Ainsi en parlant de l’art abstrait, qui analyse la réalité visible pour la rendre au moyen de ses éléments de base, nous en somme arrivés à des toiles comme celles-ci: Picasso, Homme à la guitare 1910, Malevich, Suprématisme, 1918, Carré blanc sur fond blanc, Mondrian 1921 Leur auteurs prétendent y rendre la réalité: Picasso en saisissant les difféerents points de vus et réduisant les formes à ses éléments de base,Mondrian affirmant cette réalité être un équilibre, Malevich la trouvant transcendante…
Ou, en parlant de l’expression, à celles-là: la couleur peut être expressive en soi (Matisse, Kandinsky), mais aussi exprimer l’angoisse, la peur, la critique (expressionnisme allemand)… Matisse, Danse, 1910, Picasso, Trois musiciens,1921, Mondrian, 1936, Vertical Composition with Blue and White,
Et nous ne sommes pas encore arrivé à l’art imaginaire… Comme vous pouvez vous en rendre compte, cette classification ne peut trancher net entre différentes tendances, et toutes les œuvres présentent en effet ces trois aspects à la fois: toute peinture analyse et abstraie la réalité visible, toute œuvre est expression de son auteur, et toute met en scène le travail de l’imaginaire de son auteur…
L’art imaginaire: fantastique, métaphysique, dada, surréaliste, magique, paranoïaque… Cette troisième tendance de l’art de la première moitié du XXème siècle est moins définie que les deux précédentes car c’est plus un état d’esprit qu’un style formel… Le point commun à ces artistes est leur conviction que l’imagination, et « l’œil intérieur » de l’artiste sont plus importants que le monde visible, extérieur… Cette approche gagne en importance après 1900. Des artistes semblables ont toujours existé, mais sont minoritaires, en marge des grand courants de l’art de leur temps. Comment cette approche devient-elle majoritaire au XXème siècle? La nouvelle position de l’artiste, plus indépendante, mais aussi plus précaire, isolée et vulnérable, favorise l’introspection… Le culte romantique de l’artiste aussi. La psychanalyse, de l’autre côté, nous apprend que nous partageons les mêmes mécanismes psychiques, d’où la relevance universelle de notre imaginaire.
Giorgio de Chirico (1888-1978): La peinture métaphysique En parlant de nos mécanismes psychiques, nous sentons bien l’aspect sinistre dans la rêverie romantique de Mystère et mélancolie d'une rue, 1914, de De Chirico. 1909-1919 période métaphysique la nostalgie de l’infini, de chirico mystere et melancolie d'une rue 1914 Arianne, 1913 Arianne, 1913
Son but: non pas reproduire la réalité extérieure, mais évoquer ces sensations d’étrangeté que nous éprouvons parfois, même au contact des objets les plus quotidiens… Freud parle du «Das Unheimliche »… il nous reste à analyser ses mécanismes… De Chirico, Gare Montparnasse-La mélancolie d’un départ, 1914 De Chirico L’incertitude du poète
De Chirico y arrive en combinant dans une même scène les objets insolites, incompatibles, rendus dans une perspective incohérente, irrationnelle, l’horizon souvent bloqué par un train qui passe… De Chirico, Chanson d’amour, 1914 et Gare Montparnasse - La mélancolie d’un départ, 1914
De Chirico va inspirer les surréalistes, au moment même où il se détourne de l’art moderne, et reprends les techniques des vieux maîtres… Sa période métaphysique n’aura duré que de 1909 à 1919. Chanson d’amour, 1914 La nostalgie de l’infini La nostalgie de l’infini
Marc Chagall (1887-1985), juif russe venu s’installer à Paris en 1910, va utiliser le langage cubiste pour peindre les tableaux empreints de nostalgie, ressuscitant les souvenirs de son enfance, les contes et proverbes populaires se mêlent aux scène de la vie rurale de sa Russie natale… le langage cubiste: « tubisme » à la Leger Le village et moi, 1911
Un autre peintre essaye de retrouver le monde de l’enfance: c’est le peintre suisse-allemand Paul Klee (1879-1940), qui étudie l’art populaire, le dessin enfantin, les pictogrammes, dans le but d’y trouver un langage pictural universel… Le Don Juan Bavarois, 1918 Le Don Juan Bavarois, 1918
Paul Klee, Machine à gazouiller, 1922: comme dans le dessin humoristique, le titre est important dans l’œuvre de Klee, il participe au « déclic » que ses signes sont sensés déclencher…
Un autre artiste attache de l’importance au titre: c’est Marcel Duchamp (1887-1968), que nous avons vu adopter la décomposition du corps cubiste pour donner l’idée du mouvement, de vitesse dont on avait parlé avec le futurisme. 1911-12, Nude (Study), Sad Young Man on a Train (Nu [esquisse], jeune homme triste dans un train), Oil on cardboard, 100 x 73 c 1911, Moulin à café 1912, Nu descendant un escalier 1911-12, Jeune homme triste dans un train
Marcel Duchamp (1887-1968) avec ses frères Jacques Villon et Raymond Duchamp-Villon Jacques Villon, Raymond Duchamp-Villon
Le titre de ce tableau « cubo-futuriste » est Jeune homme triste dans un train, 1911-12. Pourquoi en parler dans le contexte de l’art imaginaire? Parce qu’il est jeune et triste, et dans un train? Comme Klee, Marcel Duchamp va chercher à élaborer un langage, mais à la différence de Klee, qui cherche un « langage de signes » universel, Duchamp va développer un répertoire de représentations à l’origine très personnelles, voir hermétiques, que nous allons pourtant apprendre à connaitre…
Nous voyons dans cette toile de 1912 le début de ce qui sera le lent développement du répertoire de ses motifs, qu’il va réunir dans son œuvre majeure, appelée Le Grand verre ou La mariée mise à nu par ses célibataires, même La mariée, 1912 et La mariée mise à nu par ses célibataires, même (Le grand verre) (1915-1923)
Le répertoire: La mariée…
Neuf moules malic (qui vont devenir les célibataires)
La broyeuse de chocolat, 1914, « un célibataire broie lui-même son chocolat » (L’érotisme comme langage universel)
Glissière contenant un moulin à eau, 1913-15
La mariée mise à nu par ses célibataires, même (La boîte verte), 1934
Le hasard, et l’artiste comme son metteur en scène: Trois stoppages étalon 1913-14…
Marcel Duchamp restera pourtant gravé dans l’histoire de l’art pour un autre procédé qu’il a inventé: le Ready Made, objet tout fait, et la désignation de l’artiste, disant « ceci est une œuvre d’art »… comme geste de promotion de l’objet usuel, quelconque, « esthétiquement indifférent » en œuvre d’art. In Advance of a broken arm, Roue de bicyclette, 1913 Séchoir à bouteilles, 1914 In Advance of a broken arm, 1915
L’exemple le plus connu du « ready made », le tout fait, est Fountain, que Duchamp envoie de façon anonyme, signé R.Mutt, au Salon de la Société des artistes indépendants américaine, dont il est co-fondateur. Le Salon, selon son statut, ne peut refuser une œuvre, mais l’expose cachée derrière un paravent… C’est l’année où l’Amérique entre en Première guerre mondiale, et où un groupe d’intellectuels et d’artistes à Zürich, révoltés par la guerre, crée le mouvement Dada. la Society of Independent Artists Fountain, 1917, photo Alfred Stieglitz Fountain 1917, Replica 1964 (original perdu)
Le mouvement Dada (1916-1924) Succédant à des révoltes individuelles et solitaires contre la civilisation occidentale, cristallisée par l'épreuve du conflit de 1914-1918, Dada est un mouvement intellectuel, littéraire et artistique qui, pendant la Première Guerre mondiale, se caractérise par une remise en cause de toutes les conventions et contraintes idéologiques, artistiques et politiques. Le terme est inventé en 1916 à Zurich (Suisse) par les poètes Hugo Ball, Tristan Tzara et le peintres Jean Arp, et Sophie Taeuber-Arp (café littéraire et artistique « Cabaret Voltaire »). L’explication la plus courante de l'origine du mot est celle du hasard ludique : un dictionnaire ouvert au hasard et un coupe-papier qui tombe sur le mot « dada ». Ce mouvement met en avant l'esprit d'enfance, le jeu, l'extravagance, la dérision et l'humour et rejette les conventions, la raison et la logique. Ses artistes se veulent irrespectueux, extravagants. Ils recherchent la plus grande liberté de création, pour laquelle ils utilisèrent tous les matériaux et formes disponibles. Ils recherchaient également cette liberté dans le langage, qu'ils aimaient lyrique et hétéroclite.
Duchamp est une figure mythique pour les dadaïstes français, qui l’accueillent à son arrivée à Paris en 1919. Pour eux, Duchamp exécute L.H.O.O.Q., « Elle a chaud au cul », le « ready made rectifié », modification explicative et irrévérencieuse de la Joconde, ornée de moustaches renvoyant aux discussions sur l’homosexualité présumée de Léonard mais aussi aux questions de genre, que Duchamp va reprendre en créant son alter-ego féminin…
Rros Sélavy, 1921: « Eros, c’est la vie », l’alter-ego féminin de Duchamp, photographié par Man Ray (et sur le flocon de son « Belle Haleine, Eau de Voilette» , au titre illustrant bien ses jeux de mots irrespectueux, dada).
Film à voir: Entr'acte, René Clair, 1924, Duchamp et le photographe américain Man Ray jouant aux échecs sur le toit… Les célibataires?
Un autre artiste est associé au mouvement dada, c’est Jean Arp (Hans Arp), (1887-1922), qui va exploiter le hasard dans son travail, comme dans ces exemples de collages arrangés suivant les lois du hasard, à partir de 1916… Le rôle de l’artiste, « courtiser la muse du hasard ». Il appellera le résultat « concrétions organiques ». Enterrement des oiseaux et papillons, 1916-17 Objets Arrangés suivant la loi du hasard, 1930
Le surréalisme (1924-1966*) Dada, absolu dans sa dénonciation, ne survit pas à une querelle relative à l'engagement politique suscitée par la Révolution soviétique et le risque d'une nouvelle guerre; Ainsi naît en 1924 un autre mouvement, le surréalisme, avec la publication du premier Manifeste du surréalisme d'André Breton (*mort en 1966), se basant sur la psychanalyse de Freud, les idées de Karl Marx (« transformer le monde ») et la poésie (« changer de vie » par la poésie, Rimbaud). Les surréalistes cherchent à libérer l'inconscient. Pour ce faire, ils utilisent les diverses techniques, comme l'écriture automatique (la technique du «cadavre exquis »). Les peintres surréalistes cherchent l’analogie visuelle de l’écriture automatique, en recherchant les techniques pour exploiter les lois du hasard, libérant la créativité des contraintes du contrôle rationnel et aussi de l’héritage culturel du passé…
Breton parle de l’émotion esthétique provoquée par « la rencontre sur une table de dissection d’un parapluie et d’une machine à écrire ». Les surréalistes apprécient tout particulièrement la peinture de la période métaphysique de de Chirico, où ils retrouvent ces qualités: De Chirico, Chanson d’amour, 1914 et Gare Montparnasse -La mélancolie d’un départ, 1914
Max Ernst dada: dessins et collages aux titres loufoques C’est Max Ernst, après les titres loufoques de ses dessins et collages dada (comme ici le titre de son dessin de 1920, Figure ambigüe (1 plat de cuivre 1 plat de zinc 1 vêtement en caoutchouc 2 compas 1 télescope 1 homme fumant la pipe) qui invente la technique du frottage, comme un équivalent visuel de l’écriture automatique, dans les résultats desquels il cherche à voir les représentations oniriques… Max Ernst dada: dessins et collages aux titres loufoques 1920, Figure ambigüe (1 plat de cuivre 1 plat de yinc 1 vêtement en caouchouc 2 compas 1 téléscope 1 homme fumant la pipe) 1927 Forêt et colombe 1920, Figure ambigüe 1923, Ubu roi
Max Ernst surréaliste: frottages comme un équivalent visuel de l’écriture automatique: l’artiste cherche à y voir des scènes, y «projette» une histoire.. 1927, La forêt et la colombe 1941, Alice en 1941 1934, La ville entière
Rorschach Inkblot test (1921): test projectif de la personnalité (psychologie)
René Magritte et Salvador Dali rejoignent le groupe plus tard, et donnent rapidement un autre style visuel au mouvement surréaliste. Nous parlons de réalisme magique avec René Magritte (1898-1967): « exposer la vérité psychologique en éliminant l’importance des objets ordinaires afin de créer une image au-delà de l’ordinaire ». Pour ce faire, Magritte revient aux techniques traditionnelles de peinture occidentale, en rendant de façon réaliste les paradoxes de la perception et de la représentation visuels. en 1929? L Magritte, Le faux mirroir, 1928
Magritte, L’image trompeuse, 1929 Le réalisme magique de René Magritte (1898-1967) « expose la vérité psychologique » en rendant les objets ordinaires avec précision, mais « crée des images au-delà de l’ordinaire » en créant des paradoxes visuels, rendant la vérité poétique des objets représenté mais aussi de la représentation elle-même. Magritte, L’image trompeuse, 1929 La condition humaine, 1933
Salvador Dali (1904-1989) crée des images délirantes et cauchemardesques: ici ses « formes liquides »: La persistance de la mémoire, 1931... Dali lui même parle de méthode paranoïaque-critique, « méthode spontanée de connaissance irrationnelle basée sur l’objectivation critique et systématique des associations et interprétations délirantes »… Guerre d’Espagne à paris, puis New York, de retour en Espagne catholicisme,
Chez Juan Miro (1893-1983), catalan s’installant à partir de 1920 à Paris, nous trouvons une autre expression picturale des idées surréalistes: il développe son langage à partir du graphisme réaliste, semblant parfois naïf, se transformant en calligraphie, et les représentations combinées librement selon les processus psychiques spontanés acclamés par les surréalistes. …Le Champ de Llaurat notamment. C'est une allusion à La Ferme dans laquelle sont ajoutés des éléments surréalistes tels qu'un œil et une oreille à côté d'un arbre. La ferme, 1921-22 La terre labourée, 1923-24
Suite aux désaccords avec la prise de positions politiques de Breton, adhéré au parti communiste français en 1927 (« transformer le monde » de Karl Marx vs. « changer de vie » de Rimbaud) Miro s’éloigne du groupe. Ses recherches se poursuivent, résultant, suite à ses expériences avec la lithographie, en un langage de formes simples rejoignant les « concrétions biomorphiques » de Arp. Miro Dutch-Interior-I-1928, La poètesse, 1940, Breton, adhéré au parti communiste français en 1927, (il va en être expulsé en 1933)
Jusqu’à la simplification extrême et la monochromie (Bleu II, 1961)… Chanteuse mélancolique Chanteuse mélancolique
Les -ismes de la première moitié du XXème siècle Le fauvisme L’expressionnisme La Peinture non-objective Le cubisme: précubisme, analytique, synthétique, post-cubisme… Le néoplasticisme Le futurisme Le suprématisme Le Constructivisme La Peinture métaphysique Dada Concrétions biomorphiques, collages, frottages Le ready-made Le surréalisme Le réalisme magique, la méthode paranoïaque-critique…