Comme viennent de l’expliquer nos camarades, face à la menace de déflation, les moyens conventionnels habituellement utilisés par la BCE pour rectifier les déséquilibres économiques au sein de la zone euro ont été inefficaces. L’établissement de taux directeurs historiquement bas censés relancer la consommation et surtout l’investissement n’a pas eu les effets escomptés.
Depuis mars 2015, BCE met en œuvre des mesures non conventionnelles et notamment le « quantitative easing » est une mesure exceptionnelle qui marque une rupture historique dans la politique monétaire européenne, et qui a été qualifiée de « bazooka monétaire ». Cette fois la BCE ne va pas agir sur le marché monétaire en modulant ces taux directeurs, mais directement sur le marché obligataire secondaire. La BCE va massivement racheter des titres de dettes aux institutions financières de la zone euro, dont des obligations souveraines (les emprunts des Etats) entre autres. Le montant de ces achats sera de 60 milliards d’euros par mois jusqu’en septembre Au total elle rachètera plus de 1000 milliards d’euros d’obligations et elle affirme qu’elle poursuivra ses achats tant que l’inflation ne se redressera pas suffisamment. Par son action, la BCE va alors massivement créer de la monnaie qui va alors circuler dans toute l’économie. Cet « argent frais » injecté grâce au quantitative easing est un peu la « planche à billet » des temps modernes.
Quels sont les objectifs de la BCE ? Cette injection massive de monnaie est censée être la réponse aux différentes difficultés économiques rencontrées dans la zone euro. D’une part, l’injection massive de liquidités devrait nous éloigner du précipice de la déflation et de nous rapprocher de notre objectif : 2% d’inflation. En effet, une telle augmentation de la masse monétaire est censée pouvoir relancer la demande et donc entrainer une hausse des prix (selon les lois de l’offre et de la demande). Suite au rachat de tous ces titres, la BCE augmente donc la quantité de monnaie dont disposent désormais ceux qui possédaient ces titres (épargnants, investisseurs, banques, Etats) qui pourront alors alimenter la demande globale (consommation, investissements).
D’autre part, en rachetant massivement des obligations, la BCE fait baisser le rendement de celle-ci et incite alors les investisseurs à placer leurs capitaux ailleurs, dans d’autres placements. Par exemple, la BCE espère qu’ils seront davantage inciter à financer les entreprises comme les PME ou les Start-up plutôt que les Etats. Enfin, concernant la monnaie européenne, cet importante accroissement de la masse monétaire entraine une diminution de la valeur de l’euro par rapport aux autres monnaies et notamment au dollar. Cette diminution pourra entre autre, « doper » la compétitivité prix des entreprises de la zone euro sur la scène internationale. Cela engendrera donc une augmentation des exportations qui devrait tirer la demande globale et donc encourager la reprise de la croissance.
Evolution du taux de change euro/dollar
Cela peut-il fonctionner ? On peut en effet s’attendre à ce que ça fonctionne et à ce titre certains signes positifs sont encourageants. Néanmoins, comme la souligné Mario Draghi, le Quantitative Easing ne peut fonctionner sans l’appui des Etats de la Zone euro. Si les Etats ne mettent pas en place des politiques budgétaires nationales en adéquation avec les objectifs de la BCE et si ceux-ci ne coopèrent pas entre eux dans la mise en place de ces politiques, les objectifs du quantitative easing ne seront que très difficilement et partiellement atteints. L’investissement, même après l’action de la BCE, est toujours en berne, en France notamment. Les politiques d’austérité qui ont déjà été évoquées ont durement comprimé la demande et l’investissement est aujourd’hui faible voire en panne dans de nombreux pays.
Comment peut-on relancer la croissance dans la zone euro si les pays ne mettent pas en place des politiques budgétaires nationales visant elles aussi à relancer leur économie ? Combiner un plan de relance mis en place par la BCE et des politiques d’austérités nationales (les Etats ont-ils vraiment le choix ?) ne semble pas être la solution la plus pertinente pour relancer l’économie de la zone. Même si le quantitative easing permet d’alléger le poids des dettes sur les Etats (rachat 900 milliards de titre publics au cours des 18 prochains mois), cela ne permettra surement pas d’investir davantage étant données les marges très limitées imposées par le Pacte de Stabilité de Croissance.
En plus du quantitative easing, le plan Juncker, qui est un plan d’investissement de 315 milliards d’euros prévu pour 2015 jusqu’en 2017, relance encore plus la question de la coordination des politiques budgétaires de la zone : à quoi va vraiment servir cet argent si les Etats ne coordonnent pas leur politique budgétaire ? Une coordination de tous les Etas concernant leur politique serait profitable pour la croissance de la zone euro. La demande de chaque Etat stimulant les exportations de ses partenaires, ce serait alors un jeu à somme positive en quelque sorte, qui aurait des effets bénéfiques collectifs dans toute la zone.
Quels sont les risques ? Toutefois, le quantitative easing soulève des questions concernant les risques qu’il présente. En effet, il y a des chances que la spéculation prenne le pas sur les objectifs premiers qui ont encouragé l’injection massive de liquidité par la BCE. Cela serait le cas si une partie importante des 1000 milliards, censés être injectés dans la consommation et l’investissement, se retrouvait massivement sur les marchés financiers. Ceux-ci pourraient alimenter des comportements spéculatifs à l’origine de bulles spéculatives aux effets dévastateurs sur les économies. (Ce sont les marchés financiers qui ont d’ailleurs mis en 2007, puis jusqu’en 2009, la zone euro dans cette situation chaotique).
Ce n’est pas encore gagné … La politique mise en place par Mario Draghi est donc « révolutionnaire » pour la zone euro. Le QE devrait donner des perspectives de croissance à la zone euro en entrainant une dévaluation de l’euro et en essayant tant bien que mal de stimuler l’investissement. Toutefois sans une coordination des Etats et sans une réévaluation des engagements pris par les Etats concernant le PSC, l’action de la BCE aura du mal à rétablir la croissance économique dans la zone. Par ailleurs, l’hypothèse d’une bulle spéculative en formation ne doit pas être considérée à la légère. On constate tout de même les bienfaits de la politique de la BCE sur la croissance de l’UEM. Selon certaines estimations, celle-ci pourrait revenir plus rapidement et la France pourrait ramener son déficit sous la barre des 3% dès La zone euro a encore un long chemin à faire pour vraiment retrouver une croissance économique solide et dynamique.