« Sois forte ! » lui avait chuchoté maman à l’oreille lorsqu’elle était montée dans la carriole, son maigre baluchon à côté d’elle; alors Honorine ravala ses larmes et leva les yeux. Et oublia qu’elle partait pour être placée pendant un an dans une famille, une maison qu’elle ne connaissait pas. Mais elle qui n’était jamais sortie de son village resta bouche bée !
Jamais elle n’aurait pu imaginer qu’il existât de si belles maisons, de si beaux jardins que ceux que longeait la carriole du Père Victor ! Pour la première fois, elle se demanda comment serait la maison où elle allait habiter, elle qui jusqu’à présent avait simplement espéré tomber sur des maîtres pas trop sévères et exigeants…
« Voilà la ville ! » dit le Père Victor. Il soupira. Il déplorait la dureté de la vie, qui obligeait les fillettes de son village à aider les parents, d’abord, puis à se placer pour ne pas être une bouche de plus à nourrir… Mais Honorine était médusée, tétanisée par la beauté de ce qu’elle voyait. En aurait-elle des choses à raconter aux petits ! Mais la réalité la rattrapa : les petits… Elle ne les reverrait que dans un an….
Elle soupira en pensant à son village, à la chaumière où, le soir, avec les sept frères et sœurs, ils s’asseyaient autour de la table présidée par le père, pendant que la mère leur servait la soupe, souvent seul plat du repas… Mais il était pris dans les rires et la bonne humeur…
Et leur belle petite église ! Elle était toujours heureuse de préparer les petits pour les emmener à la messe, le dimanche, et fière lorsqu’on la complimentait sur leur sagesse…
Mais, de nouveau, la beauté des maisons lui fit oublier ses idées noires… Comment aurait-elle pu imaginer une telle magnificence ? Chaque maison lui paraissait un palais digne des Mille et Une Nuits…
La beauté, la luxuriance des parcs entrevus la transportaient dans un monde de contes de fées… Farfadets et lutins habitaient-ils de telles merveilles ? Dansaient-ils, au clair de lune, dans ces délicates gloriettes ?
Peut-être… peut-être ces magnifiques demeures abritaient-elles quelque princesse endormie qu’un prince viendrait réveiller par un doux baiser ?
« C’est ici ! » Dit le Père Victor, après avoir contrôlé sur le papier que lui avait remis la maman de Victorine. Ils pénétrèrent dans une propriété merveilleuse, parcoururent une allée…
D’autres allées, d’autres portails paraissaient ouvrir sur des jardins ou des parcs certainement aussi beaux que le paradis même ! Honorine se demandait si les anges descendaient pour y jouer…
De la maison jaillirent des chiens impétueux qu’un jeune garçon vint calmer. Le Père Victor fit descendre sa jeune passagère et lui remit son baluchon. Au même moment, une jeune dame, belle comme les anges dont rêvait Honorine, sortit de la maison. Elle s’approcha d’ Honorine… et elle l’embrassa ! Le cœur du Père Victor en fut tout réchauffé, Et celui d’Honorine, donc !!!
Le Père Victor repartit le cœur plus léger, heureux d’aller rapporter aux parents le bon accueil qui avait été fait à leur fille, et Honorine, le cœur plus léger elle aussi,, suivit la dame dans la belle maison, pour commencer sa nouvelle vie…
Peintures : Kinlade Texte : Jacky Musique : Chopin, nocturne pour violon et piano. Diaporama de Jacky Questel, ambassadrice de la Paix