A l’époque des gros...
Ah! La belle époque des trains à vapeur! Toute mon enfance a été baignée par le roulis et les cliquetis des roues d’acier sur les rails, avec ces longs sifflements qui déchiraient la nuit...
Combien j’aimais ce long sifflement un peu triste, la nuit, des trains traversant l’obscurité. C’était autre chose que le cri strident et sans charme des diésels actuels... Ah! Ramenez-moi mes trains à vapeur!
Rien ne remplacera jamais la beauté monstrueuse de ces énormes machines noires suant, soufflant, crachant, écumant, mais auxquelles on finissait par s’habituer, Même les vaches dans les champs ne levaient même pas la tête au passage des monstres d’acier...
Ah! Mon Dieu qu’elles étaient coquettes les petites gares qui sillonnaient la campagne, comme un chapelet, tout au long des voies ferrées. A l’intérieur seul le cliquetis régulier de la clé du télégraphe morse rompait le silence des heures avant le passage du prochain train...
Nos vies étaient réglées par le passage des trains aux différentes heures du jour ou de la nuit. Point n’était nécessaire d’avoir une horloge; le train de 19 heures marquait le temps de traire les vaches; celui de 21 heures était le signal du chapelet en famille et celui de 6 heures nous sortait bruyamment du lit!
En ce temps-là les routes n’étaient jamais encombrées. On pouvait se promener gentiment le dimanche sur le chemin royal sans se faire pousser dans le dos par les voitures. Le train traversait la campagne, au hasard des vallons, des prés et des collines, transportant les voyageurs et les marchandises. Ah! C’était le bon temps!
Mon pays ne serait pas ce qu’il est, s’étendant d’une mer à l’autre, s’il n’y avait eu les trains à vapeur qui ont relié tous les villages et toutes les villes depuis l’Atlantique jusqu’au Pacifique. A mare usque ad mare...
Bon, ça suffit! Voilà que je fais de la politique maintenant! Allez! Tout le monde descend! Vous êtes rendus chez moi!
Création Florian Bernard – 2004 Tous droits réservés