LE SCULPTEUR D'EAU Je dédie ce diaporama à mon ami Jean-Jacques Mancardi, sculpteur et peintre. Dans une première partie, voici une histoire fantastique.

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Transcription de la présentation:

LE SCULPTEUR D'EAU Je dédie ce diaporama à mon ami Jean-Jacques Mancardi, sculpteur et peintre. Dans une première partie, voici une histoire fantastique de Jean-Michel Kellern, « Le sculpteur d’eau » http://ecrits-vains.com/global/ auteurs/kellern/sculpteur.htm et dans une deuxième partie présentation du site et des œuvres de Jean-Jacques Mancardi Attendez que la musique commence et cliquez pour avancer

Avec Max von Sydow dans le rôle du sculpteur Jorge-Arthurio Pymaël et Bibi Andersonn dans le rôle d’ Isa Kairnosky la « conseillère principale » du Conseil Communal de Viève sur la planète Actine.

Celui qui se présenta aux portes du village de Viève venait de parcourir à pieds les derniers kilomètres, et de longs mois de chute en espace profond. Vers dix heures du matin, on le fit entrer dans la salle des réunions du Conseil Communal, une pièce vaste et lumineuse aux murs d'écrans. Au centre, une table en arc de cercle supportait les 40 consoles utilisées par les membres du conseil pour assurer la gestion de la petite cité. Il était de taille moyenne, d'une physionomie assez ordinaire. Lorsqu'il fut à quelques mètres, un conseiller fit un geste et les consoles s'effacèrent sans bruit sous la surface luisante.

Une femme d'une trentaine d'année se leva alors et se mit à parler Une femme d'une trentaine d'année se leva alors et se mit à parler. - Jeune homme, dit-elle, je me nomme Isa Kairnosky, et voici les membres du Conseil Communal de Viève. D'un geste lent, sa main caressa l'espace désignant les conseillers, puis elle poursuivit. - Vous venez présenter ici une demande d'Accueillance, en accord avec l'usage Actinien, c'est bien cela ?

- Oui Sära, je voudrais m'établir sur le territoire de ce village…

- Bien, dit la conseillère en s'asseyant, je vais donc vous interroger - Bien, dit la conseillère en s'asseyant, je vais donc vous interroger. Vous répondrez … ou ne répondrez pas à mes questions, et le conseil au complet décidera ensuite s'il convient de vous accueillir parmi nous. Pour commencer, nous voudrions connaître votre âge et votre nom.

- Mon nom est Jorge-Arthurio Pymaël, et je suis âgé de vingt années standards. - Avez-vous un talent particulier ou un métier que vous avez appris et que vous voudriez exercer ici ? - Oui. Je suis Sculpteur.

- Vous suivez donc la Voie de la Forme - Vous suivez donc la Voie de la Forme ? … et à quel matériau va votre préférence ? - Je sculpte la pierre, l'os de Syrinx ou l'ambre avec le même plaisir. Mais je marque une préférence pour le bois, plus mouvant, plus vivant et plus chaud … - Le bois, dites-vous ? Seriez-vous venu ici attiré par nos forêts ? Le Sculpteur hésita un instant, avant de répondre. - Oui, dit-il, c'est un peu ça …

Photo boitatou

D'un rapide coup d'œil, Isa Kairnosky consulta l'assemblée de ses confrères avant de reprendre. - Comme vous avez pu le constater, je ne vous ai pas interrogé sur votre passé et je ne le ferai pas. Nous vous évaluons uniquement d'après les réponses que vous formulez, et sachez que les inflexions de votre voix sont aussi importantes que la signification de vos paroles. Votre passé vous appartient et seriez-vous un homme en fuite, nous vous accueillerions néanmoins sans hésiter si nous jugions pouvoir le faire avec profit pour le village et pour vous-même … Mais pour ce qui est des raisons exactes qui motivent votre demande d'Accueillance, il en va autrement. Je précise donc ma question : qu'est ce qui vous a poussé à vouloir vous installer ici ? Après tout, vous conviendrez avec moi qu'il existe des forêts ailleurs que sur Actine, et que vous pouvez trouver du bois pour vos sculptures sur presque toutes les planètes de la Ceinture Vitale.

- C'est juste, dit le Sculpteur après un instant de silence - C'est juste, dit le Sculpteur après un instant de silence. Mais la véritable raison de ma venue est assez difficile à croire, et je crains… - Vous n'avez rien à craindre de nous si vos raisons sont sincères, intervint la conseillère. Nous voudrions simplement connaître ces raisons … - Alors voilà … j'ai … j'ai eu un Rêve. - Un Rêve ? - Oui, c'était il y a environ un an, sur la planète où je suis né. Faut-il vraiment que je raconte tout ? - Oui, je vous en prie …

- Bien … c'était donc il y a un an et d'un gros bloc d'ambre bleu je venais d'extraire une forme. Comme vous le savez, l'ambre est une résine fossile extrêmement difficile à travailler, et j'oeuvrais sur ce bloc depuis de longues semaines. Aussi, le soir où j'achevai enfin cette sculpture, je m'endormis dans l'atelier, épuisé par mes derniers efforts. La forme que je venais de dégager représentait un paysage en relief : il y avait des rochers, une grotte creusée sous un promontoire, et une cascade qui coulait dans le bleu translucide de l'ambre …

Vous savez, lorsque j'ai commencé cette œuvre, je n'avais aucune idée de ce qu'elle deviendrait ! (la voix du jeune homme, hésitante au début, prenait de l'assurance). Les gens pensent généralement qu'un Sculpteur impose à la matière les formes qu'il imagine dans son esprit, mais la vérité est différente. Le Sculpteur n'impose rien du tout. Il ne fait que se conformer à une nécessité, car la forme qui se dégage peu à peu ne provient pas de son esprit. On pourrait dire que la forme existe déjà dans la matière. La sculpture est déjà là, dans le bloc informe. Elle n'attend que la sensibilité du Sculpteur pour être devinée, et son habileté pour être extraite de la matrice qui l'emprisonne. De même que la naissance difficile d'un enfant peut nécessiter la science d'un médecin, l'émergence d'une forme réclame l'art du Sculpteur. Mais celui-ci n'est pas davantage responsable de ce qui surgit entre ses mains. Le Sculpteur n'est pas un créateur. Il est un intermédiaire, un médium, et ses mains sont comme une porte entre le formel et l'informel

Auguste Rodin Danaé

Voilà pourquoi, pendant mon travail, je ne cessais de m'interroger sur ce qui naissait lentement au feu de mes outils. Que représentait ce paysage, apparu dans l'ambre bleu ? Pourquoi ces détails si précis, imprimés dans la matière ? Lorsque je m'endormis ce soir-là où l'œuvre fut achevée … Je vis une planète, verte et bleue dans l'espace. J'étais en chute libre, je tombais … La courbe de la planète se redressait, devenait un horizon qui montait et descendait au rythme fou de mon corps tourbillonnant dans l'air chaud. En dessous, jaillissant vers moi à toute vitesse, il y avait une forêt immense.

Soudain, il y eut une éclaboussure de lumière et sans transition je me retrouvai debout, flottant à quelques mètres du sol. J'étais dans une clairière, entourée par de grands arbres. Et en baissant les yeux, j'ai vu … mon propre corps … complètement désarticulé … Vous ne pouvez pas imaginer la violence de cette vision ! Mon sang … mon sang avait giclé partout, éclaboussant l'herbe verte… Enfin seulement je reconnus l'endroit : c'était le paysage de ma sculpture, ce paysage qui me hantait.

La grotte était là, ainsi que la cascade diffusant une lumière d'une beauté irréelle … puis j'entendis une voix, et une impossible forme, blanche et luisante, naquit de l'eau du bassin. C'était une entité vivante qui me parlait, et dont la voix sonnait comme un appel …

Lorsque je me suis éveillé dans mon atelier, je me souvenais précisément des paroles étranges que j'avais entendues, mais elles m'apparaissaient à présent dénuées de signification : ce n'était que des sons, que des bruits incohérents évoquant seulement la chute de l'eau sur les rochers … Et pourtant dans mon Rêve, ces paroles avaient eu un sens, et je m'en souvenais, tout comme je comprenais le symbolisme de ce Rêve : c'était un appel à l'aide. Cet être existait quelque part, ou plutôt il voulait exister. Cette entité m'implorait de la tirer de l'élément liquide où elle n'était encore qu'à l'état de probabilité. Elle voulait … que je la mette au monde … oui, c'est bien cela. Une forme blanche sortant de l'eau … comme cette ancienne divinité Terrestre au jour de sa naissance …

Photo JoshauKaitlyn

Pendant le long monologue du Sculpteur, les quarante conseillers l'avaient écouté avec une attention extrême. Voyant qu'il ménageait une pause dans son récit, un homme intervint alors. - Sär Pymaël, vous venez de nous dire que votre Rêve était symbolique. Dans ce cas, comment interprétez-vous cette vision de votre corps écrasé sur le sol ? - Je sais qu'avant d'aider à la formation de cette entité, il faudra que je me transforme moi-même … Les conseillers se consultèrent du regard, sans dire un mot. Puis un autre homme parla. - Bien. Mais quel rapport y-a-t-il entre votre Rêve et notre village ? - J'y arrive, Sär. Je vous ai dit tout à l'heure que les sculptures préexistaient dans la matière brute, et que l'artiste ne faisait que les en dégager d'une façon quasi automatique, comme un révélateur, un somnambule sensible et habile de ses mains.

Camille Claudel L’aurore

Troublé par ce Rêve, j'ai naturellement cherché à comprendre pourquoi j'avais sculpté ce paysage. Je suis alors allé voir la personne qui me procurait mes matières premières et lui ai demandé l'origine de ce bloc d'ambre bleu. C'est ainsi que j'ai appris l'existence de votre planète, Actine. Selon lui, c'est d'ici que venait l'ambre, car son fournisseur y avait fait un long séjour. J'ai aussitôt consulté le Catalogue Général des Terres Habitées et j'ai découvert l'article sur Actine. Et là, sur une holographie, j'ai immédiatement reconnu la planète de mon Rêve. En cherchant où se trouvaient les régions forestières, j'ai fini par tomber sur le nom de ce village : Viève. Viève … Dès lors, sans réfléchir davantage, j'ai réglé toutes mes affaires et j'ai vendu mes sculptures ainsi que mon atelier pour payer mon voyage jusqu'ici.

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- Alors Sär Pymaël, si je vous suis bien, vous pensez que ce paysage se trouve réellement sur notre territoire ? - En fait je l'ignore, mais je sais que ma place est ici, dans la forêt près de ce village. Ma place … le lieu où je pourrai me transformer avant de donner naissance à l'entité qui m'a appelé …

Rompant le silence qui suivit, Isa Kairnosky reprit alors la parole Rompant le silence qui suivit, Isa Kairnosky reprit alors la parole. - Sär Pymaël, dit-elle, personnellement je constate avec plaisir que vous n'avez pas cherché à nous servir une banale histoire pour justifier votre demande d'Accueillance. Le caractère … assez étrange, vous m'excuserez … de votre récit m'incline paradoxalement à accorder crédit à votre sincérité. C'est l'une des choses qui comptent pour nous : votre sincérité. Nous n'avons pas à juger si vos raisons sont rationnelles ou pas. Ce qui importe, c'est qu'elles soient profondes et pleinement ressenties. Et à cet égard, les vôtres sont aussi valables qu'aucune autre, je tiens à vous rassurer sur ce point.

Une dernière chose, Sär : dans l'hypothèse où votre demande serait acceptée, que désirez-vous obtenir en tant que membre de notre communauté ? - Je voudrais tout d'abord rechercher cet endroit dont je vous ai parlé, quelque part dans la forêt. Lorsque je l'aurai trouvé, j'aimerais simplement pouvoir y installer un atelier et y vivre. - Bien. A présent, le conseil va construire sa décision au vu de vos réponses, et d'après l'analyse de vos empreintes vocales. Vous pouvez rester ici, je vous demanderai seulement quelques minutes de patience. Elle fit un geste, et les consoles resurgirent lentement de la grande table en arc de cercle. Puis on apporta un siège au Sculpteur, qui attendit le verdict en observant les conseillers.

Pendant dix minutes, aucun mot ne fut échangé Pendant dix minutes, aucun mot ne fut échangé. Seuls, les doigts couraient avec agilité sur les claviers. Le débat se déroulait par écrans interposés, à travers la médiation du système de simulation décisionnel … Finalement, Isa Kairnosky se leva à nouveau et déclara d'une voix forte : - Jorge-Arthurio Pymaël, par décision du Conseil Communal de Viève, votre demande d'Accueillance en ce village est acceptée. Elle ménagea une petite pause et ajouta d'un ton chaleureux : - Ami Sculpteur, sois le bienvenu parmi nous. Et puisses-tu découvrir ici l'objet de ta Quête … Tous les conseillers se levèrent à leur tour, et vinrent saluer le nouveau membre de la communauté.

Trois heures plus tard, le Sculpteur et Isa Kairnosky marchaient côte à côte dans les ruelles de Viève, à la découverte de la petite cité. Pourtant, tout en s'efforçant d'écouter la jeune femme lui raconter la vie qui animait ce village, Jorge-Arthurio Pymaël ne pouvait empêcher son esprit de vagabonder vers la forêt toute proche.

Enfin, n'y tenant plus, il dit : - Pardonne-moi de t'interrompre ainsi, mais il va falloir que je parte sans plus attendre. C'est la forêt, comprends-tu ? Cet endroit dont j'ai parlé tout à l'heure, je ressens sa présence réelle comme jamais encore. La Forme qui sortira de l'eau … Elle est là, près d'ici, dans le temps qui entoure le village. Il faut que je parte et que je trouve cet endroit. En entendant ces mots, la conseillère ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil inquiet vers le Sculpteur. - Je comprends…, finit-elle par dire. Elle réfléchit un instant, puis fouilla dans une poche de sa tunique et en sortit un petit disque noir orné d'un bouton bleu. - Tiens, prends ce localisateur. Lorsque tu auras trouvé ce que tu cherche, presse le bouton et je viendrai te récupérer … - Merci, dit le Sculpteur. Et crois-moi, je t'en prie, je ne suis pas fou ! - Je te crois, répondit-elle sincèrement. Alors va, et bonne chance …

Alors le Sculpteur s'en alla, seul, à la recherche du lieu où désormais il vivrait. Tranquille, il s'enfonça dans la grande forêt de Viève, fraîche et lumineuse … Il marcha longtemps, au hasard sur la roche et la mousse, faisant parfois d'importants détours pour éviter une colline ou un ravin. Par instants, il levait la tête, prêtait l'oreille aux murmures de la forêt, scrutait la cime des arbres et humait l'air comme l'aurait fait un animal … Vers 18 heures, après avoir franchit en quelques bonds un amas de rochers, le Sculpteur s'immobilisa soudain. Le paysage sculpté jadis dans l'ambre bleu venait d'apparaître devant lui.

Ici. C'était ici, il n'y avait aucun doute Ici. C'était ici, il n'y avait aucun doute. Il reconnaissait la clairière, déchirure d'or dans l'émeraude de la forêt. Il reconnaissait les blocs de granit sous lesquels, il le savait, une grotte avait été creusée par le temps et par l'eau … Il reconnaissait l'atmosphère de l'endroit, son odeur et sa couleur si particulière, et surtout sa voix, voix des oiseaux dans les arbres tout autour, cris aigus et battements d'ailes parmi les feuilles se mêlant au bruit de la cascade, comme un chant de pierre et de cristal liquide, ruissellement glacé de l'eau sur la roche tout en bas …

Enfin, le Sculpteur descendit vers sa demeure Enfin, le Sculpteur descendit vers sa demeure. La clairière occupait une cuvette elliptique d'une cinquantaine de mètres de diamètre, creusée au pied de la colline dont il venait de contourner le flanc. Le torrent qui avait engendré cette dépression prenait naissance plus haut, près des crêtes. Après quelques détours et quelques chutes, il surgissait d'un promontoire rocheux et s'abattait en une étincelante cascade dans une sorte de bassin à l'extrémité nord de la clairière qu'il traversait avant d'aller se perdre plus bas, sous la fraîcheur des arbres …

Photos Xerion81, runarut, chrischrz, spevacek, Bill Adams et Aliaaaaa Photos internet Akaka fall

Tout était là, semblant attendre le Sculpteur Tout était là, semblant attendre le Sculpteur. Tout était là, comme dans son Rêve lointain. Au-dessus de sa tête, le ciel lui parut d'un bleu plus sombre, presque mauve par contraste sans doute avec le vert profond de la petite prairie qui tapissait la clairière. A sa droite, sous le surplomb rocheux, Jorge-Arthurio Pymaël découvrit la grotte toute auréolée dans la luminosité diffuse d'un étrange anneau de diffraction, ouverture quasi-circulaire trouant la paroi de pierre aux reflets de lichen. Au bord du bassin de réception des eaux, là où dans son Rêve avait surgit la Forme, une minuscule plage d'arène granitique recueillait la froide caresse de l'onde … Mais le plus beau, dans cette oasis de verdure perdue dans le foisonnement de la forêt, était sans doute la cascade elle-même : offerte aux scintillements de la lumière solaire, elle semblait descendre du ciel en ondulant sur un rythme vivant, comme une longue chevelure, dans un souple éclatement de mèches blanches …

Photo luerna Photo Erik Pronske

Escaladant quelques rochers, le Sculpteur s'approcha d'elle Escaladant quelques rochers, le Sculpteur s'approcha d'elle. Les pieds bien à plat sur la pierre glissante, il tendit les deux mains en avant qui tremblèrent au contact de l'eau, faisant gicler autour de lui des gouttes petites et claires comme des diamants. A cet instant, tandis que le froid se refermait sur ses doigts, Jorge-Arthurio Pymaël sentit que cet appel puissant qui l'avait attiré jusqu'ici s'apaisait, laissant seulement la place à une impression diffuse, chaleur vibrante dans tout son corps, toute de calme et de sérénité … La Forme qui sortirait un jour de l'eau savait qu'il était là. - Pour Toi mes doigts de sang vont chanter la chanson de l'eau, murmura-t-il aux myriades de gouttelettes qui flottaient devant ses yeux.

Photo hellolaulo

Alors ses mains de Sculpteur se firent musiciennes Alors ses mains de Sculpteur se firent musiciennes. D'avant en arrière et de haut en bas, ses doigts commencèrent à glisser entre les filets d'eau glacée, tissant une trame d'écume jusqu'à la surface bouillonnante du bassin tandis que naissaient et résonnaient dans la clairière les gerbes fragmentées d'une musique, sans accord ni harmoniques, vrombissement cristallin sur l'herbe, sur la pierre et sur l'eau. Seul dans la clairière, petite tache de lumière au milieu de l'immense forêt de Viève, le Sculpteur joua jusqu'à la nuit sur les cordes irisées de sa harpe liquide … Photo Mélanie-Négri

Le mois qui suivit, Jorge-Arthurio Pymaël le consacra à l'installation de son atelier. Il était membre du village, à présent. Aussi lorsqu'il eut besoin d'aide alla-t-il voir le Conseil, et sa demande fut transmise à tous les habitants. Ils furent une quinzaine à répondre à son appel, une quinzaine parmi les artisans les plus habiles … Le Sculpteur avait décidé de ne toucher ni à la cascade ni au bassin de réception des eaux. Seule la grotte qui lui servirait d'habitation devait être aménagée.

Photo masazil

Ses parois furent donc vitrifiées, puis enduites d'un revêtement électroluminescent, tandis que le sol était égalisé et recouvert d'un plancher en bois d'Orfréon, matériau vivant qui avait la propriété d'absorber continuellement les poussières et les débris organiques. Ensuite, prolongeant la grotte de façon naturelle, l'atelier fut bâtit. On amena par héliplaneur de grandes plaques de marbre synthétique, et on les assembla sur place, les emboîtant les unes aux autres et les soudant aux jointures sous l'action d'un courant électrique. Aussitôt l'assemblage terminé, on disposa les machines-outils destinées à compléter la palette d'instruments manuels que possédait déjà le Sculpteur, puis un électronicien vint procéder au câblage d'un terminal, reliant ainsi la grotte à l'ensemble du réseau d'Actine.

Lorsque ces travaux furent achevés, le Sculpteur grimpa sur les rochers face à l'atelier pour contempler enfin sa demeure. La nouvelle construction s'intégrait de façon parfaite à la beauté de la clairière, d'autant mieux que le marbre – blanc au départ – avait fini par prendre en quelques jours la couleur de son environnement, par un effet de mimétisme inattendu. Du marbre caméléon. Les bâtisseurs d'Actine connaissaient bien leur art …

Longtemps, les yeux du Sculpteur caressèrent l'harmonie de la clairière. Cet endroit perdu au cœur de la forêt lui ressemblait, comme si un accord définitif s'était établi entre lui et son âme. Dans cette clairière, sphère claire et verte dans l'océan végétal, près de cette eau frissonnante qui courait devant l'atelier, le Sculpteur allait enfin pouvoir initier l'alchimie de son Œuvre …

Alors les mois passèrent, et les saisons changèrent Alors les mois passèrent, et les saisons changèrent. Lentement les couleurs de la forêt se mirent à danser et de nombreux arbres perdirent leurs feuilles, ainsi que le voulaient les lois cycliques régissant leur croissance. Et peu à peu, la clairière se peupla des formes immobiles qui naissaient dans l'atelier. Chaque jour, sans jamais se lasser, le Sculpteur répétait les mêmes gestes, faisait sauter les éclats de pierre ou de bois, sciait les excroissances stériles de la matière ou polissait les surfaces… Quand il sentait qu'une sculpture venait enfin de naître sous ses doigts, il la portait dans la clairière, en pleine lumière à côté de ses sœurs. Il la contemplait un instant sans bouger, et parfois sur son visage s'éclairait un sourire. Pour lui, les sculptures n'étaient jamais vraiment achevées lorsqu'elles sortaient de l'atelier. Elles y naissaient seulement, et leurs vies s'épanouissaient ensuite dans la clairière.

La Vie … C'était bien cette impression qui régnait lorsqu'on voyait ces sculptures, lorsqu'on se promenait parmi elles. Une impression de vie … mais une vie interne et sur le point d'éclore. Leurs formes étaient souvent pleines, arrondies et pulpeuses comme des Vénus néolithiques. Les lignes en étaient courbes et généreuses, les surfaces sensuelles et charnelles. Chair animale douce et chaude, chair végétale à la saveur juteuse…

http://www.sculpturebois.eu/index.html

Ici c'était un fruit gorgé de sucre et d'eau, placé près d'une larve d'insecte à l'abdomen translucide. Là c'était une énorme goutte de lait, immobilisée comme par magie dans sa chute avant l'éclatement en myriades de petites perles blanches et grasses. Ailleurs c'était un œuf de cristal, encore gonflé de rêves. Plus loin, un ventre de femme, la peau dorée déjà tendue laissant deviner la petite boule de vie qui grandit en silence … Formes de la Vie, promesses sans cesse renouvelées d'une naissance, d'une métamorphose à venir …

Jorge-Arthurio Pymaël passait des heures et des heures dans son atelier, travaillant sans relâche comme si à chaque fois c'était l'œuvre de sa vie. Cependant, comme il le disait lui-même, le plus important pour lui n'était pas ces sculptures. Lorsqu'on l'interrogeait parfois sur le sens de ses œuvres, il tenait des propos bien étranges. Il prétendait être une sorte d'alchimiste, alchimiste de la forme et de l'espace cherchant à transmuter l'esprit caché dans le désordre de la matière. Il disait que la clef de sa métamorphose, c'était dans l'exercice patient de son art qu'il saurait la trouver. Il disait que les fragments qui se détachaient de la pierre ou du bois quand il travaillait étaient aussi de petits fragments inutiles de son "moi", qui peu à peu se dissociait, forme perdant sa forme quand la matière se transformait …

http://www.sculpturebois.eu/index.html

Mais en l'écoutant parler ainsi, ses visiteurs ne savaient trop s'il plaisantait ou non, car dans le même temps ses yeux et son sourire semblaient totalement se moquer de ce que disait sa voix … Aussi dans l'ensemble, les gens préféraient-ils se contenter d'admirer son travail sans demander d'explication car ils avaient souvent bien du mal à attacher un sens définitif à ses paroles …

D'ailleurs, si les discours du Sculpteur déconcertaient, le mystérieux cérémonial auquel il se livrait chaque jour le rendait également bien étrange aux yeux des villageois qui parfois y assistaient. Chaque matin, en effet, alors que le soleil s'allumait à peine sur la forêt, Jorge-Arthurio Pymaël sortait de son atelier pour se diriger vers la cascade et le bassin où flottaient encore des écharpes de brume … Lentement, comme pour éviter de troubler le désordre, il avançait jusqu'à la taille dans l'eau glacée et là, pendant un long moment, il restait immobile, scrutant simplement les profondeurs liquides qui s'ouvraient devant lui. Enfin, tandis que la lumière du levant se répandait dans le ciel, il caressait du bout des doigts la surface de l'onde, en de lents mouvements circulaires, comme si c'était une peau fraîche et sensible qu'il osait à peine effleurer. De temps à autre pourtant, il recueillait un peu de liquide dans ses mains réunies en coupelles et il l'élevait à hauteur de ses yeux, le laissant peu à peu glisser entre ses doigts et retomber en gouttes miroitantes dans la lumière …

Bien vite, les paroles du Sculpteur, sa manière de vivre et de travailler, lui donnèrent une réputation d'original un peu dérangé, un peu mystique. Pourtant, s'il garda cette réputation tout au long de sa vie, il n'en souffrit jamais car chacun le respectait. Il n'était pas de nature très sociable et quittait rarement sa grotte perdue en forêt, mais pourtant ne manquait pas d'amis tant à Viève que dans d'autres villages d'Actine, et il ne se passait guère de semaine où il ne reçut au moins une fois la visite de quelqu'un.

Parmi ces visites, il en était une qui le réjouissait tout particulièrement : c'était celle des enfants de Viève, qui partaient par bandes de dix ou quinze jouer dans l'immense forêt entourant le village et parvenaient souvent au cours de leurs aventures jusqu'à la clairière du Sculpteur. Là – c'était devenu un rite - Jorge-Arthurio Pymaël se faisait un devoir d'offrir le déjeuner à ses amis, sur l'herbe au milieu des sculptures … Alors, pendant quelques heures, c'était la fête autour de la cascade et la forêt résonnait des rires des enfants qui s'aspergeaient dans l'eau froide du bassin ou se poursuivaient jusque dans les arbres tout proches …

Peu à peu, le temps passa ainsi pour le Sculpteur, et les années s'écoulèrent, harmonieuses comme le chant de l'eau glissant sur la pierre. Et chaque jour, Jorge-Arthurio Pymaël se rendait devant le bassin où avait surgit en rêve cette Forme blanche dont le souvenir habitait sa mémoire. Chaque jour, pendant des années et des années, ses yeux pâles en sondaient les profondeurs … Or un soir, tandis que le soleil couchant noyait la forêt, Jorge-Arthurio Pymaël eut une vision qui lui causa un choc profond. Alors qu'il allait rentrer dans sa grotte et qu'il saluait la clairière d'un dernier regard, il réalisa brusquement une chose : toute la surface du pré était à présent recouverte par les sculptures qu'il avait déposées là depuis l'âge de vingt ans.

Il regarda ses œuvres, plus vivantes les unes que les autres, qui s'étaient écoulées de ses mains au fil des années, et que ses outils avaient matérialisées, coagulées dans la pierre, l'os ou le bois. Ses œuvres qui baignaient à présent dans la lueur écarlate du soleil couchant : SES SCULPTURES ETAIENT SON PROPRE SANG, ECLABOUSSANT L'HERBE VERTE … Cette image mentale absurde jaillit irrésistiblement, s'imposa à lui comme une évidence, et réveilla dans sa mémoire une autre image, celle de son vieux Rêve …

Longtemps, le Sculpteur resta debout, figé sur place par la vision qui venait de s'emparer de lui. Cette nuit là, ses songes furent remplis d'éléments qu'il ne comprenait pas. Puis lorsque revint le jour et qu'il se dirigea comme chaque matin vers le bassin, il eut conscience que quelque chose avait changé. Contrairement à son habitude, il n'entra pas tout de suite dans l'eau mais obéissant à une impulsion, il se baissa, souleva une de ses pièces de bois et la tenant à bout de bras, s'approcha enfin de la petite plage. Là, il avança dans le bassin, s'arrêta et regarda devant lui un long moment. Puis il projeta la sculpture en avant …

Pendant une interminable seconde, celle-ci tournoya lourdement dans l'air avant de se glisser vers l'eau, à quelques mètres devant lui. Alors, comme si une boucle se nouait le long du temps, les images parurent cristalliser devant les yeux du Sculpteur et dans un incroyable ralentissement, il vit la forme de bois et son reflet se rapprocher l'une de l'autre. Lorsque la fusion eut lieu, toute la surface de l'onde se plissa comme un film de verre. Sous la lourde masse, un trou s'était creusé comme si l'eau se retirait d'elle-même pour accueillir la forme… Et le temps parut s'interrompre. Moment d'immobilité totale, posé sur l'œil liquide grand ouvert.

Enfin, lentement au début puis de plus en plus vite le trou noir se referma en cernant sur son centre le reflet de la forme engloutie. Alors de ce centre gonflé naquit une lourde gerbe, irrésistiblement expulsée, déployant ses rondeurs d'argent aux milliards de facettes. Luisante et tourmentée de multiples remous, Jorge-Arthurio Pymaël vit cette gerbe se dresser devant lui, sculpture d'eau suspendue dans l'espace. La Forme était là, un instant immobile. Presque parfaite.

Photo Miguel Herrera

La Forme un moment esquissée dans l'illumination liquide, mais qui retombait déjà, s'affaissant sur elle-même, disloquée, massive éclaboussure rappelée vers le bas et qui allait se dissiper de nouveau en vagues incohérentes à la surface troublée du bassin…

De ce jour, Jorge-Arthurio Pymaël cessa totalement de sculpter le bois, l'ambre ou l'os de Syrinx. Il rangea ses outils, débrancha ses machines et passa ses journées et une partie de ses nuits assis sur la plage étroite, à observer comme s'il les comprenait les mouvements fous à la surface de l'eau. Et chaque matin, il renouvelait le même geste. Il se laissait choisir par une sculpture et la jetait à l'eau, faisant renaître la Forme éphémère. Peu à peu, celle-ci devenait plus fidèle au souvenir que lui avait laissé le Rêve, il lui semblait aussi qu'elle gagnait en permanence et que chacune de ses apparitions se faisait plus durable : même si elle finissait toujours par se dissoudre, la Forme paraissait se nourrir de chaque nouvelle sculpture sacrifiée au bassin … La naissance attendue venait de commencer.

Photos jazzpic, Mats&Muffi, Esteban16000, Rauperez

Et chaque jour, le bassin se mit à accueillir davantage de sculptures Et chaque jour, le bassin se mit à accueillir davantage de sculptures. Lentement, la clairière se vida. Lorsque les fruits d'une cinquantaine d'années de travail eurent été engloutis, il ne demeura plus devant l'atelier qu'un petit nombre de pièces. Le Sculpteur se souvenait avoir offert ou échangé certaines de ses œuvres à des habitants des communautés Actiniennes. Aussi avec appréhension lança-t-il un appel général pour demander que toutes les sculptures manquantes lui soient rendues.

http://www.sculpturebois.eu/index.html

Depuis longtemps, il était devenu pour les Actiniens une figure un peu légendaire. Son appel en urgence ne surprit donc personne, ni ceux qui voyaient en lui un hermite un peu fou, ni ceux qui le savaient engagé dans une Voie personnelle. Mais chacun entendit sa demande, et tous ceux qui se trouvaient dépositaires d'une de ses œuvres lui répondirent favorablement. Par chance, aucune sculpture n'avait quitté Actine … Ainsi, une à une, les pièces manquantes retrouvèrent leur place originelle dans la clairière, attendant que le Sculpteur s'engage dans la phase finale – le jour de la Naissance – comme il disait lui-même à ses amis qui, de plus en plus nombreux l'avaient rejoint dans l'attente, eux aussi …

Un matin enfin, alors que le Sculpteur sortait de sa demeure, il vit que de nombreuses personnes avaient formé un cercle, tout autour du bassin. Il les regarda et sourit. Avertis par le chant de la cascade et de l'eau, ses amis savaient déjà. Le moment était venu.

Il restait sur la prairie une cinquantaine de Sculptures Il restait sur la prairie une cinquantaine de Sculptures. Suivant le même rituel inlassable, Jorge-Arthurio Pymaël les projeta dans l'eau claire du bassin. A chaque fois, la Forme apparut. Elle se dressait à la surface, immobile et bouillonnante, dominant de sa masse les amis du Sculpteur. A chaque fois aussi, elle finissait par s'effondrer en silence, lentement, comme à regret, tandis que la foule tout autour semblait murmurer : " Elle ne vit pas … Elle ne parle pas … Elle ne vit pas encore …" Ainsi dura toute la journée, sans que l'Entité nouvelle parvienne à quitter le chaos de tourbillons et d'écumes.

Vers le soir finalement, alors que la lumière du couchant enflammait les hautes cimes, Jorge-Arthurio Pymaël s'arrêta devant une sculpture, sans doute la plus lourde de toutes. La dernière … Il caressa un moment du regard et des mains la masse translucide, puis réunissant ses forces la souleva de terre et la porta vers le bassin. Comme la foule de ses amis s'écartait une dernière fois pour lui offrir le passage, il pénétra dans l'eau et demeura immobile, soudé à la sculpture… Seul mouvement perceptible, sa poitrine se soulevait au rythme lent de l'air qu'il inspirait et retenait de longues secondes … Enfin, dans un cri venu du plus profond de son ventre, il projeta la sculpture en avant. Lorsque la Forme s'éleva de nouveau à la surface du bassin, les appels des oiseaux, le vent dans les arbres, l'eau de la cascade tombant de pierre en pierre, tous les sons dont vibrait la forêt s'éteignirent et un silence total engloutit la clairière.

Dominant le Sculpteur et la foule pétrifiée, l'énorme masse liquide se déployait majestueusement de tous ses tourbillons, ses remous argentés et ses courbes, silhouette au cœur d'écume, d'harmonie et de chaos. Longtemps, longtemps, la Forme se dressa ainsi au centre du bassin. Mais plus le temps passait, plus il était visible qu'elle luttait pour ne pas retomber. Elle luttait contre la mort, contre l'entropie, le désordre même dont elle était issue, et les lois du hasard qui la condamnaient à l'incohérence de l'eau… Lorsqu'elle s'effondra, et que de lourdes vagues rejetèrent Jorge-Arthurio Pymaël sur la plage, il n'y eut qu'un seul cri, de stupeur et de sanglots mêlés…

Photo Esteban16000

Puis très vite, on releva le Sculpteur, on chercha à l'entraîner loin du bassin. Mais sans dire un mot, il se dégagea avec douceur des bras de ses amis et revint s'asseoir au bord de l'eau, les yeux fixés où venait de disparaître la Forme. Isa Kairnosky, la conseillère qui l'avait accueillie sur Actine et accompagnée durant toutes ces années, lui demanda alors doucement : - Jorge, est-il possible qu'il manque une sculpture ?

Jorge-Arthurio Pymaël se tourna vers les amis qui l'entouraient Jorge-Arthurio Pymaël se tourna vers les amis qui l'entouraient. - Non, dit-il enfin, il y a quelque chose qui manque en effet, mais ce n'est pas cela … Il hésita, avant de poursuivre : - Comment vous faire comprendre ? … Elle m'a appelé ici voilà plus de cinquante ans, pour que je lui donne naissance. Je l'ai nourrie de mes mains, et du sang de mes mains : mes sculptures. Moi, chaque jour, je lui ai enseigné les cristaux de la pierre, les cellules du bois, les structures de la matière, les formes de la Vie … mais seulement ses formes.

Mais en dehors de moi, elle n'est que chaos, que mouvement désordonné de l'eau dans le bassin… Elle, chaque jour, m'a enseigné le désordre, la fluidité sans entrave, l'écoulement spontané du souffle et de la pensée. Mais en dehors d'elle, je reste un petit maître de la forme, de la structure et de l'ordre. Vous comprenez à présent ce qui manque ? Moi je suis encore trop solide, et Elle … n'est que d'eau …

Le Sculpteur se leva alors, et reprit : - En vérité, cet être dont je parle, vous ne l'avez jamais vu. Ce que vous avez vu, cette chose dans le bassin, c'est seulement ce que je lui ai donné : sa forme, seulement sa forme. Quant à lui donner la Vie, je dois encore le faire …

Photo yalil

Un lourd silence succéda à ses paroles Un lourd silence succéda à ses paroles. Puis, peu à peu dans la foule, les visages s'éclairèrent d'un sourire. De joie chez les uns, de tristesse chez les autres … Mais lorsque Jorge-Arthurio Pymaël avança vers les rochers, nul n'essaya de le retenir. Assurant fermement ses prises sur la pierre humide, il se mit à escalader la cascade. Au-dessus du bassin …

Fin de cette première partie et de cette histoire fantastique de Jean-Michel Kellern, « Le sculpteur d’eau » http://ecrits-vains.com/global/auteurs/kellern/sculpteur.htm Les autres textes de Jean-Michel Kellern sont là: http://ecrits-vains.com/global/auteurs/kellern/

Si vous ne connaissez pas Jean-Jacques Mancardi , sculpteur et peintre, vous pouvez découvrir dans cette deuxième partie les images et les textes de son site dont voici ci-après le lien : http://www.mancardisculpture.com/

« Le sculpteur » Jean-Jacques Mancardi http://www. mancardisculpture « Le sculpteur » Jean-Jacques Mancardi http://www.mancardisculpture.com/ Né à Antibes en 1968 Maréchal ferrant forgeron de métier, compagnon du tour de France, pendant plus de dix ans il sillonne la France et réalise ses premières sculptures en acier. Suite à un accident du travail, il se met au dessin et à la sculpture sur bois, très rapidement après une visite à Carrare, où il côtoie les sculpteurs sur marbre. Il est attiré par la noblesse de cette matière et crée ses premières œuvres en taille directe. Sa principale inspiration il la trouve chez la femme, il dit d'ailleurs : « Dans chaque corps de femme, une partie d'elle éveillera ma créativité... »

Naissance d’une Sculpture en marbre noir de Belgique

Atelier portes ouvertes 21 et 22 novembre 2009 Les nouveautés Marbres

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Les Bétons

« Le Peintre » Jean-Jacques Mancardi Il peint à l'huile d'après modèle vivant, des situations actuelles avec une ambiance XIXème siècle, avec des teintes chaudes et feutrées, toutes en sensualité, jouant avec la couleur, la lumière,la transparence et la profondeur que permet cette matière.

Atelier portes ouvertes 21 et 22 novembre 2009 Les études

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Carrés et double-carrés

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Expos A l'Atelier, Quartier Silvacane 13640 La Roque d'Anthéron Le samedi 21 et dimanche 22 novembre 2009 de 10h à 19 h Présentation de ses nouvelles sculptures sur marbre, sans oublier ses peintures Sur le thème de l'érotisme : "Tout feu tout femme" Roiseland - du 11 juillet au 15 août 2009- Vernoux en Vivarais En permanence en galerie : * Galerie Alice Dhomont - 35 Bd Marceau - 13210 Saint Rémy de Provence * Les Ateliers d'Artistes - 14 rue Henri de Savornin - 84160 Lourmarin * Galerie Nicole Olivieri - rue des boeufs - 84 Bedoin * Le Zèle des Anges - rue du Temple - 84160 Lourmarin (sculptures) Ses oeuvres ont été exposées : à New-York chez Donna Karan, Madison Avenue, à Atlanta, Alliance Française en Belgique à Bruxelles , Galerie Granero ,place des Sablons, en République Tchèque à Prague, The Prague Gallery, Lazenska 7, en Suisse à Bâle Ainsi qu'en France: Marseille, Monaco, La Rochelle, Blois, Lyon, Valbonne, St Paul de Vence et Paris en expositions personnelles et salons internationaux depuis 1998.

Vous pouvez le contacter à son atelier : Quartier Silvacane 13640 La Roque d'Anthéron - France Tél. : 04 42 50 53 12 et 06 62 56 57 05 Site : mancardisculpture.com E-mail : mancardisculpture@wanadoo.fr Artiste représenté en salle des ventes sur Paris et la région Parisienne, par Lauranne Bar « Artefact » Cotation de l'artiste sur Drouot Cotation et l'Akoun Artiste inscrit à la Maison des Artiste : M273640 Siret : 423 040 013 00017 APE : 923A Copyright © 2009. Tous droits réservés. mancardisculpture@wanadoo.fr

Musique: extrait du Concerto pour violon n°1 en sol min Op Musique: extrait du Concerto pour violon n°1 en sol min Op.26 de Max Bruch Photos Internet et site de Jean-Jacques Mancardi http://www.mancardisculpture.com/ Daniel, La Roche-Posay le 26/11/2009 danielvillaperla@gmail.com Ce diaporama littéraire numéro 67 est strictement privé (je n’ai pas de site, donc si vous souhaitez recevoir un de mes précédents diaporamas littéraires envoyez moi un @mail). Tous mes diaporamas sont à usage non commercial