Campagnes périurbaines : quels modes d’habiter pour demain Campagnes périurbaines : quels modes d’habiter pour demain ? Laurent Cailly FIG, St-Dié-des-Vosges, 4 octobre 2014.

Introduction. Le périurbain, une question vive « Adieu citoyen, bonjour propriétaire » « La communauté villageoise a laissé place à la « clubbisation » des communes périurbaines (…) où prévaut autarcie et entre soi » Le Monde, 2 juin 2012 « Une étude de 2005 a montré que les habitants des périphéries de Lille et de Paris produisent 2 fois plus de gaz carbonique que les habitants des centres de ces mêmes villes » (Charmes, 2009) « La France des marges s’est fait entendre le 22 avril » (J. Lévy, H. Le Bras, Le Monde, 25/04/2012) Le périurbain est jugé pathogène, insoutenable. Les périurbains, via leurs manières d’habiter, sont tenus responsables d’une « crise » de l’habitabilité urbaine.

1. La révolution périurbaine est toujours en marche Évolution de la densité de population entre 1990 et 2006 France Évolution de la population entre 2006 et 2011 dans l’aire urbaine de Tours Un regain depuis 2000 : + 1,3 %/an entre 1999 et 2006 contre + 0.96 %/an entre 1990 et 1999. Cœur Métropolitain : - 1340 hab. Couronnes périurbaines : + 12 475 hab. Part du cœur métropolitain dans la population de l’aire urbaine : - 3 points depuis 1999

2. Des leviers structurels intacts, ou presque « On va construire. On a un constructeur, on a trouvé un truc, le pass-foncier. C'est pas très connu, je l'ai trouvé par hasard sur internet. Au début de l'été on cherchait des locations en fait, puis je suis allée sur les maisons à vendre pour voir ce que ça donnait et c'est là-dedans que j'ai vu ça. Le pass-foncier en fait, c'est l'État qui vous paie la TVA (sic). Vous avez un prêt à taux zéro et le restant on paie à taux 4,5 fixe, par rapport au passe foncier. Donc c'est très avantageux car le constructeur s'occupe de tout. » Employée, 29 ans, locataire, Montlouis-sur-Loire Publicité mise en ligne sur le site d’un constructeur, 2013. « L’achèvement des rocades et des connexions interurbaines contribue toujours à une forte diffusion périurbaine »

3. Un modèle résidentiel bien ancré : à désingulariser ? Source : Raymond Depardon *Modèle résidentiel : système de valeurs, de normes et d’appétences en matière résidentielle qui orientent les choix d’habitat

3.2 Un modèle résidentiel à désingulariser Pourquoi vivre en périphérie ? La réponse d’une habitante d’Azay-sur-Cher (20 km de Tours) « En venant dans cette distance-là, on pouvait avoir un grand terrain parce que je ne me voyais pas avec des terrains qui faisaient 900 m² où on était obligé de mettre de la pelouse. C’est vrai qu’en même temps j’avais le souvenir, il y avait l’importance pour moi de faire un potager (…). Il y avait l’importance de la campagne. (…) A côté de ça, il y a des moments je m’interroge en me disant, avoir une maison dans Tours, c’est quelque chose qui me plairait. Je suis pas fermé à la ville. Mais la ville dans une rue calme, même avec une petite cour. J’ai des amis qu’ont des trucs en ville, c’est quelque chose qu’est sympa. Dans le sens où ici, quand on a envie de faire des activités, faut repartir le soir. Ca, c’est quelque chose qu’est plus difficile. J’ai l’impression à certains moments de perdre du temps dans mes trajets. Oui, ces trajets, parfois, ça me coûte, y’a une notion un peu de perte de temps. Mais en même temps, j’aime beaucoup sortir [dans la campagne]. Si j’ai envie d’aller faire un tour à pied et que j’ai quelqu’un avec qui le faire, à certaines périodes de l’année, c’est quelque chose de super. L’avantage de vivre à Azay, c’est justement ce côté rapport avec la nature. On peut faire le tour du Cher, on peut aller se balader par là, dans la campagne. Pour moi, c’est quelque chose de très important. On est dans une rue calme. Ca aussi. On n’entend pas de bruit.  » (Entretien mené en décembre 2003) Le sens de l’installation périurbaine diffère selon les revenus et la trajectoire résidentielle

4. Un modèle résidentiel au bord de l’éclatement… Périurbain « d’élection » vs « périurbain de relégation Périurbain « d’installation » vs « périurbain d’ancrage » Périurbain « néo-rural » vs « périurbain néo-citadin »

4. Un modèle résidentiel au bord de l’éclatement… St-Martin d’Uriage, à 20 mn de Grenoble, les résidents de la vue… Montlouis-sur-Loire, à 15 mn de Tours, le (petit) jardin comme principale nature…

5. Un modèle résidentiel à l’épreuve… Les contraintes liées à l’éloignement et aux faibles densités sont mieux identifiées par les ménages. En conséquence, le modèle résidentiel périurbain se « suburbanise » : les premières couronnes les plus accessibles et les mieux dotées sont particulièrement convoitées. C’est à partir d’elles que se fixe en grande partie la chaine de valeur, et donc de sélection sociale, au sein des espaces périurbains. Après vingt ans dans le parc social de Tours, un projet : faire construire à la campagne, proche de la ville : « Dans 20 ans, [je me vois] avec ma femme, mes enfants et ma maison ! Pas en ville (…), moi c’est vraiment la campagne. A la campagne mais proche quand même d’une agglomération, d’une grande ville pour pouvoir avoir tous les accès, soit les salles de concert, les centres commerciaux, les gares (…) [Propriétaire] Oui, c’est ce que je souhaite (…) moi j’ai vécu tout le temps en appartement, c’est vrai qu’on rêve tous… Enfin, moi je rêve d’avoir une maison à moi avec mon jardin… Enfin, moi, chez moi. Vraiment une maison à moi ». Serveur, 21 ans, locataire du parc social, Montlouis. Après la primo-accession en maison de ville, gagner en confort sans perdre en accessibilité : «  On avait pris cette maison-là parce qu’elle n’avait qu’un côté mitoyen et non deux, c’est-à-dire que l’on ne se retrouvait pas en sandwich entre deux maisons. (…) Bon, on va dire que le défaut, c’est le côté mitoyen ; (…) On déménage, à côté, pour avoir plus grand, en maison individuelle. Là c’est mitoyen. (…) On a racheté une maison plus grande avec un plus grand jardin ». Stéphanie, 31 ans, Informaticienne, Montlouis, propriétaire d’une maison mitoyenne Pour devenir propriétaire, être obligé de quitter le périurbain proche pour un espace moins amène : « Donc là, vraiment, c’est bien, moi j’aime bien Montlouis en plus. C’est une bonne petite ville. C’est entre la ville et la campagne, c’est pas complétement perdu, j’aime bien moi (…) Mais là, on a pour projet d’acheter une maison. On construit [une maison individuelle] à Possé. Mais c’est pas encore fait, on attend la banque. Mais c’est en bonne voie. C’est pour ça que si l’on s’en va d’ici c’est que l’on achète. (…) Ici ça m'agace car c'est trop collé. Je m'entends très bien avec mes voisins mais c'est trop collé. C'est pas du tout insonorisé, je m'en suis rendue compte depuis que j'ai mes nouveaux voisins. On entend tout quoi. (…) C'est ça qui me dérange puis le jardin aussi. Quand on est dehors tout le monde regarde ce que vous faites quoi ». Employée, 29 ans, locataire, maison mitoyenne

Les ménages multi-motorisés en France en 1999 6.1 L’automobile au cœur des modes d’habiter : une inertie des comportements Les ménages multi-motorisés en France en 1999 Dans l’aire urbaine de Tours, la distance parcourue au quotidien est 2 fois plus élevée dans le périurbain proche et 4 fois plus élevée dans le périurbain lointain comparée à la ville-centre (ATU, 2010) Une mobilité intense, des lieux de vie éclatés, une structure rhizomique. Luynes, cardiologue, 33 ans

6.2 Quel avenir pour la mobilité périurbaine ? Des changements timides Un site de covoiturage informel en périphérie de Caen, tel qu’ils se sont développés aux marges de toutes les villes Gare de Lancey, 7h00 du matin, un groupe de collègues monte dans le train http://www.calvados.equipement.gouv.fr/etude-exploratoire-sur-le-co-a1025.html