Quelle prospérité ? L’Union et la gestion de la crise économique Jean-François Jamet Union européenne, enjeux et grands débats (Nicole Gnesotto) 12 janvier 2011
Introduction : du discours de la prospérité au discours du déclin L’économie comme moyen : solidarités de fait et intérêts économiques commun La prospérité et la solidarité, guide de l'adhésion des Européens au projet de la Grande Europe Le compromis entre liberté et régulation (Jabko) L’angoisse du déclin : le triomphe des inquiétudes individuelles et collectives 2
Introduction : état d’urgence Les principaux moments de la crise économique ( ) L’électrochoc de la crise grecque Les tergiversation du Conseil : la zone euro au bord du chaos « Plus jamais ça ? » 3
Introduction : gouvernance ou gouvernement ? Gouvernance L’enjeu de la répartition du pouvoir de décision Une gouvernance complexe (multiniveaux, polycentriques, à géographie variable) La « coordination » : de quoi parle-t-on ? Un problème de crédibilité et de légitimité Le gouvernement économique européen : un tabou brisé ? Un projet français ? Ce que reflète la notion de gouvernement : augmenter la légitimité et l’efficacité de la gouvernance européenne L’enjeu de la gestion des biens publics européens Un gouvernement européen sans Etat fédéral ? 4
Des défis multiples Raréfaction des ressources productives (vieillissement, ressources naturelles) Crise de l’Etat providence (difficulté des finances publiques) Ralentissement de la croissance potentielle Emergence de nouvelles puissances économiques Un discours qui ne mobilise plus l’opinion publique Critiques de l’euro et des effets pervers de l’intégration Echec de la Stratégie de Lisbonne Epuisement d’un discours sur l’Europe par les résultats 5
Le choix ou la règle : des cultures différentes selon les Etats membres La culture des règles L’expérience historique : le cas allemand Les apports de la théorie économique (rules Vs discretion, Kydland et Prescott 1977) La gouvernance comme surveillance ? Le rôle des choix discrétionnaires Circonstances conjoncturelles Gestion de crise Un cadre à géométrie variable : UE Vs Zone euro 6
7 1.Des divergences révélées par la crise 2.La gouvernance économique actuelle et ses limites 3.Innovations de crise et débats actuels
8 1.Des divergences révélées par la crise
La divergence des finances publiques des Etats membres Le pêché originel de l’UEM Dette publique : Italie & Belgique 114% en 1999, Grèce 103% en 2001 Pourquoi les critères de Maastricht n’ont pas été respecté dès le début Des infractions répétées Un pouvoir de contrôle confié à ceux-là mêmes qui doivent s’y soumettre La dérive des finances publiques de certains Etats membres : des explications diverses Retournement brutal de la conjoncture (Irlande, Espagne) Rattrapage, création d’un Etat providence, ralentissement de la croissance, incapacité politique à réaliser l’ajustement avant que le risque de défaut se matérialise (Italie, Grèce) 9
Avant la crise (2006)… 10
Pendant la crise (2009)… 11
Après la crise (2011)… 12
L’impact de la dette publique sur la croissance Effet de seuil Reinhart and Rogoff (2010) BCE – Checherita & Rother (2010) À partir d'un taux d'endettement de 90% PIB, perte de croissance de l'ordre de 1 à 1,5 point par an Dans la phase de croissance de la dette publique la dépense publique sert surtout à financer dépenses courantes et transferts Explication (i) Épargne privé; (ii) investissement public; (iii) productivité et (iv) charge des intérêts sur la dette 13
Les divergences de compétitivité au sein de l’Union La divergence des coûts unitaires du travail Rapport entre les salaires et la productivité Secteur protégé/non protégé + niveau de négociation des salaires Impact sur le taux de change effectif et la balance commerciale Forte progression en Irlande, Portugal, Grèce, Espagne Faible progression en Allemagne, Autriche, Finlande Sous-optimalité de la politique monétaire La divergence des demandes intérieures et des balances des paiements courants Stratégie nationale (Allemagne) Effets pervers de l’entrée dans la zone euro et bulel du crédit (Espagne, Irlande, Grèce) Ajustement brutal (chômage, dette publique, salaires) 14
Les divergences de compétitivité au sein de l’Union 15
Les divergences de compétitivité au sein de l’Union 16
La gestion des chocs asymétriques en union monétaire Les mécanismes d’absorption des chocs asymétriques La théorie des zones monétaires optimales – Mundell, 1961 (mobilité des facteurs, flexibilité des prix et des salaires, transferts fiscaux) Inadaptation de la politique monétaire en cas de chocs asymétriques Le coût des ajustements structurels 17
Les divergences politiques entre les Etats membres Désaccords franco-allemands Sur la stratégie économique de long terme Sur les solutions à apporter à la crise (solidarité /mécanismes de contrôle) Sur l’avenir de la gouvernance économique européenne Le bal des diplomaties : la prévalence de l’intergouvernementalisme La méfiance des Etat vis-à-vis d’une intégration plus poussée 18
19 2.La gouvernance économique actuelle et ses limites
Pourquoi l’euro ? Empêcher des réactions en ordre dispersé (dévaluation compétitives) en cas de chocs symétriques Faciliter les échanges, les comparaisons de prix, en supprimant les coûts liés aux opérations de change Favoriser l’intégration du marché des capitaux Limiter l’exposition des économies européennes à l’inflation importée les échanges de biens et de service avec l’extérieur représentent une partie plus faible du PIB Le rôle protecteur de l’euro 20
Le rôle de la BCE face à la crise Injections de liquidités Coordination avec les autres banques centrales Achat de titres de dette publique sur le marché secondaire Quelques zones d’ombres: Retard dans l’abaissement des taux d’intérêt (dernière hausse en juillet 2008) Règles d’acceptation des titres de dette publique comme collatéral des banques Stress test tardifs Volatilité de l’euro 21
22 L’instabilité du taux de change
23 Les instruments de la BCE La BCE pilote les taux d ’ int é rêt à court terme
24 Pourquoi une banque centrale indépendante ? Rules versus discretion : ne pas dépendre de la logique électorale Crédibilité des engagements pour stabiliser les anticipations d’inflation et ainsi l’inflation elle-même Cohérence de la politique monétaire dans le temps
25 Un rôle contracyclique ?
La supervision budgétaire et le pacte de stabilité La politique budgétaire Une coordination nécessaire (Mundell,1963 & Fleming, 1962) Le risque du passager clandestin Principe de non-corresponsabilité de la dette (art. 125 TFUE) Qu’est-ce que suppose la coordination budgétaire ? Un accord… Sur les faits (situations économiques respectives) Sur les objectifs et les intérêts partagés Sur les externalités des décisions de chacun Sur les instruments à mettre en oeuvre Sur la communication politique Sur les modalités de règlement des différends Sur le contrôle de l’exécution des décisions L’Eurogroupe, un organisme encore trop faible 26
27 Le Pacte de stabilité et de croissance Un outil de coordination des politiques budgétaires nationales dans le cadre de l’UEM (l’UEM relâche la contrainte monétaire sur la politique budgétaire : une augmentation du déficit national n'entraîne pas nécessairement une hausse des taux au niveau de la zone euro) Déficit < 3% Dette publique < 60 % Equilibre budgétaire à moyen terme
28 Pourquoi ces seuils ? Quelques notions d’arithmétiques budgétaires Critère de stabilisation/réduction de la dette publique : déficit public ≤ (inflation+croissance) x (ratio dette/PIB de l’année précédente) Pour une inflation de 2% et une croissance de 3%, le niveau de déficit permettant de stabiliser la part de la dette dans le PIB à 60% est 3%
29 L’application du Pacte de stabilité Surveillance multilatérale préventive : Les États de la zone euro présentent leurs objectifs budgétaires à moyen terme dans un programme de stabilité actualisé chaque année (GOPE) Le Conseil adopte des conclusions et des recommandations Procédure pour déficit excessif : En cas de non respect des règles du pacte, le Conseil émet des recommandations et prend éventuellement des sanctions Dépôt auprès de la BCE qui peut devenir une amende (de 0,2 à 0,5 % PIB) Une procédure engagée mais jamais appliquée Aménagements apportés en 2005 : le pacte vidé de son contenu ? Déficit > 3% autorisé en cas de récessions Allongement des délais de réduction du déficit (2 ans au lieu d’1) Prise en compte de « facteurs pertinents » (ex : RD, réformes structurelles)
EU 2020 : Lisbon reloaded? L’échec de la Stratégie de Lisbonne Une logique d’objectifs (croissance, R&D, taux d’emploi) Des objectifs non atteints (croissance potentielle= 1-1,5%, R&D = 1,9% PIB, taux d’emploi = 65%) Ralentissement de la croissance de la productivité dans la zone euro (80s: 2,3%, 90s:1,8%, : 1,2%) Difficulté d’une logique intergouvernementale guidée par une obligation de résultats trop abstraite car irréaliste More of the same ? De nouveaux objectifs À transformer en objectifs nationaux 30
EU 2020 : Lisbon reloaded? 31
EU 2020 : Lisbon reloaded? 32
EU 2020 : Lisbon reloaded? 33
Les déterminants de la compétitivité Porter (1990) et l’importance de l’environnement économique 34
La supervision financière De la crise financière aux 4 autorités de supervisions européennes : Banques Assurances Marchés financiers Risques systémiques (BCE) Les limites des réformes conduites jusqu’ici Moins complet que la législation américaine (trading pour compte propre) Limites aux pouvoirs des autorités européennes Stress tardifs et incomplets 35
Tableau récapitulatif 36 CoordinationCommunautarisation (zone euro) Communautarisation (UE) RèglesPacte de stabilité Politique monétaire (BCE) Marché intérieur et harmonisation réglementaire Choix discrétionnaires Politique budgétaire et fiscale, UE 2020 EurogroupeBEI, budget communautaire Variables d’ajustement Finances publiques, Compétitivité Taux d’intérêt, taux de change Localisation des entreprises, inégalités régionales
37 3.Innovations de crise et débats actuels
Innovations de crise L’échec du plan de relance européen La coopération avec le FMI (Hongrie, Lettonie, Roumanie) Le plan d’assistance à la Grèce : une infraction à la règle de non bail-out? Le fonds européen de stabilisation financière : vers un fonds monétaire européen Renforcement d’Eurostat 38
L’enjeu de la convergence La convergence économique, nécessaire pour qu’une politique économique commune soit pertinente La nécessité d’une convergence politique entre Etats membres : vers une culture de gouvernement partagée ? Parler d’une seule voix : renforcer l’UE / la zone euro dans le pilotage de l’économie mondiale Exemple de la politique de change 39
Vers une surveillance renforcée Papier franco-allemand sur le gouvernement économique (2010): règles de droit internes garantissant le retour à l’équilibre des finances publiques avis de la Commission sur les budgets nationaux, élargissement de la surveillance aux divergences de compétitivité, aux réformes structurelles, à la dette privée et à la stabilité financière, l renforcement de la transparence des comptes et des statistiques. Imposition d’un dépôt portant intérêt aux Etats faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif possibilité de cesser le versement des fonds structurels aux Etats ne respectant pas les règles budgétaires communes. sanctions politiques sous la forme d’un retrait du droit de vote au Conseil d’un Etat membre enfreignant de façon grave et répétée les engagements communs. 40
Accroître la croissance potentielle Mise en œuvre d’UE 2020 Relancer l’investissement dans un contexte d’austérité Le recul de l’investissement, une source d’inquiétude Réallocation de la dépense publique Des projets européens ? L’exemple de l’énergie Le rôle de la BEI Le rôle de la politique de change: vers une diplomatie de l’euro (Jouyet) ? Convergence fiscale (France/Allemagne) 41
Fédéralisme budgétaire Trichet (2010): pour une fédération budgétaire Une dette commune ? Eurobonds Blue bonds Initiative privée (paquets de créances) Un impôt commun ? Proposition du commissaire au budget (Janusz Lewandowski) 42
L’élargissement de la zone euro 43 Des cas particuliers: Royaume- Uni, Danemark (clauses d’exemption), Suède Les « tests » britanniques (cycle, flexibilité, investissement, compétivité du secteur financier, impact sur la croissance): une convergence et une flexibilité insuffisante en cas de difficulté malgré les gains pour l’investissement, le commerce, les services financiers, la croissance et l’emploi (2003) Le cas des nouveaux Etats-Membres But: éviter les brusques sorties de capitaux en cas d’incertitudes financières, supprimer le risque de change Risque d’une brutale entrée de capitaux et d’un dérapage des prix et des salaires (=> détérioration de la compétitivité) Convergence réelle nécessaire mais insuffisamment définie
La répartition des pouvoirs et du leadership entre les institutions existantes Le rôle croissant du Conseil et de la BCE en matière macroéconomique Quel rôle pour la Commission et le Parlement ? L’étrange relation entre le Parlement et la Commission Un rôle préservé sur les questions microéconomiques / règlementaires 44
Conclusion Des progrès à l’occasion de la crise Mais décrochage de l’opinion publique La task force d’H. Van Rompuy : des attentes qui risquent d’être déçues Plus de coordination Relance de projets existants Pas un changement de nature de la gouvernance économique européenne Des questions qui restent en suspens: Politisation de la gouvernance économique Garanties budgétaires réciproques au sein de la zone euro Convergence économique et politique Apprendre à vivre avec une croissance de 1,5% par an… 45