Primo Levi « Si c’est un homme… » Poème liminaire ayant donné son nom au récit autobiographique dans lequel Primo Levi raconte son expérience des camps.

Biographie rapide de Primo Levi Naissance : Turin (Italie) 1919 Famille : juive mais peu pratiquante 1943 : entre dans le mouvement de Résistance (Giustizia et Liberta) 13 décembre 1943 : arrestation, à 24 ans, par la milice fasciste Camp de Carpi-Fossoli gardé par des italiens (frontière autrichienne) Février 1944 – Le camp passe sous administration allemande : déportation à Auschwitz, matricule 174 517 27 janvier 1945 – Libération par les soviétiques 1947 – Primo Levi raconte son expérience dans « Si c’est un homme… » Il n’aura de cesse de témoigner et de lutter contre l’indifférence et le révisionnisme. Le 11 avril 1987, profondément déprimé, il se donne la mort.

Schèma (traduction française de l’original italien) Shemà Vous qui vivez en toute quiétude Bien au chaud dans vos maisons, Vous qui trouvez le soir en rentrant La table mise et des visages amis,  Considérez si c'est un homme Que celui qui peine dans la boue, Qui ne connaît pas de repos, Qui se bat pour un quignon de pain, Qui meurt pour un oui pour un non. Considérez si c'est une femme Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux Et jusqu'à la force de se souvenir, Les yeux vides et le sein froid Comme une grenouille en hiver. N'oubliez pas que cela fut, Non, ne l'oubliez pas : Gravez ces mots dans votre cœur. Pensez-y chez vous, dans la rue, En vous couchant, en vous levant ;  Répétez-les à vos enfants. Ou que votre maison s'écroule, Que la maladie vous accable, Que vos enfants se détournent de vous.

Une prière Schèma : « Ecoute », 1er mot de la prière hébraïque par laquelle le Prophète Moïse invite le peuple d’Israël à se rappeler les commandements et en transmettre la mémoire. Autre caractéristique de la prière : rythme particulier (anaphores comme « vous qui », pronoms relatifs « qui », ou les répétitions de verbes à l’impératif « considérez », « gravez », « N’oubliez pas », « pensez » - citer les vers)

Les destinataires de cette prière Apostrophes « vous qui » + verbes à l’impératif Opposition de la vie des lecteurs à celle des déportés : Les destinataires L’homme et la femme déportés quiétude chaleur du foyer nourriture et chaleur humaine Souffrance physique (« peine dans la boue », « ne connaît pas le repos ») Solitude, violence et manque de nourriture (« se bat pour un quignon de pain ») Danger permanent (« qui meurt pour un oui pour un non ») Deshumanisation (yeux vides et sein froid)

La déportation On note qu’à aucun moment du poème les mots « déportation » ou « camps de la mort » ne sont présents. Pronom « cela » : expérience innommable dont on ne pourra comprendre toute l’horreur qu’en lisant le témoignage qui suivra.

Le devoir de mémoire Les ordres donnés à l’impératif présent par Primo Levi dans les anaphores « N’oubliez pas », « Gravez ces mots », « répétez-les » insistent sur un devoir de mémoire Une « malédiction » est même lancée contre ceux qui oublieraient, en témoigne l’accumulation de malheurs formulés au subjonctif présent : « que votre maison s’écroule », « que la maladie vous accable », « que vos enfants se détournent de vous ». > Si les hommes ne se souviennent pas, la même chose risque de se reproduire et de leur arriver à eux.

Conclusion – un poème marquant Un lecteur interpellé Prise de conscience par la comparaison entre les conditions de vie du lecteur et celles des déportés Un ordre clair et répété : se souvenir de ce qui s’est passé et y réfléchir Référence à une sanction possible en cas d’oubli Une vision très engagée de la littérature : « si la littérature n’est pas écrite pour rappeler les morts aux vivants, elle n’est que futilité » (jugement de l’académicien Angelo Rinaldi qu’on peut lire sur la 4e de couverture de l’édition Pocket)