Nourrir les hommes Dessin de Chappatte (2014)
Le premier enjeu du développement durable
Le Brésil, un pays émergent Membres du G20 (1999-2010)
Le Brésil, un pays émergent
Les paradoxes de l’agriculture brésilienne Déforestation de la forêt amazonienne (Rondônia) Forêts, pâturages et cultures à Pastorinhas (Minas Gerais) Irrigation par pivot central à Petrolina (Pernanbuco) Les moissoneuses-batteuses de la Fazenda Santa Maria Da Amazônia de Sorriso (Mato Grosso) Enfant des rues à Sao Paulo (quartier Liberdade) Troupeau de zébus de Cacères (Mato Grosso)
Introduction Objectif premier du développement durable : sous-alimentation : 850 millions d’hommes malnutrition : 2 milliards d’hommes Etude de cas : le Brésil → pays émergent = situation agricole et alimentaire particulière - coexistence des exportations alimentaires / sous-alimentation et malnutrition des Brésiliens - coexistence de grandes exploitations / petites exploitations - poursuite des défrichements agricoles Comment le Brésil et la planète parviendront-ils à satisfaire les besoins alimentaires de leur population dans une perspective durable ?
Plan de la séquence I. Le Brésil, ferme du monde ? 1. Un géant agricole qui ne parvient pas à nourrir toute sa population 2. Deux systèmes agricoles opposés qui cherchent à produire plus 3. Des politiques mises en place pour rendre l’agriculture durable II. Nourrir toute l’humanité de façon durable 1. Une humanité plus nombreuse qu’il faudra nourrir 2. Des solutions inégales pour assurer la sécurité alimentaire 3. La difficulté à mettre en place des agricultures durables
I. Le Brésil, ferme du monde ?
Un géant agricole Champs irrigués sous rampe à pivot à Cristalina (Goias) en 2014 Culture irriguée Champs de soja Elevage Retenue d’eau Voie de communication
Un géant agricole La puissance de l’agriculture et de l’élevage au Brésil Production Exportation en millions de tonnes en % de la production mondiale rang mondial en % des exportations mondiales Café 64 34 1er 28 29 Orange 16 26 1.2 80 Sucre 33 21 20 42 Soja 59 25 2ème Viande bovine 9 13 2 32 Viande Volaille 12 3.5 39
Un géant agricole Le Brésil, premier exportation mondial de denrées agricoles
qui ne parvient pas à nourrir sa population Recul spectaculaire de la malnutrition au Brésil « En 2003, début du premier mandat de Lula, le Brésil a réuni sous le label « Faim Zéro » des dizaines de programmes sociaux qui vont de la construction de citernes dans des zones de sécheresse, au crédit rural et à la distribution de nourriture. Les plus importants, adoptés par la suite dans de nombreux pays d'Afrique et d'Amérique latine, sont la « Bolsa Familia » (Bourse famille), une allocation de 55 dollars mensuels attribuée aux familles les plus pauvres à la condition que leurs enfants aillent à l'école, et la distribution de goûters pour 37 millions d'enfants dans les écoles. Aujourd'hui 12,4 millions de familles reçoivent la Bolsa Familia, qui représentent le quart des 190 millions de Brésiliens. « De 2003 à 2008, la proportion de pauvres au Brésil est passée de 28% à 16%. Cela signifie que 19,3 millions de personnes sont sortis de la pauvreté », a expliqué à l'AFP Marcelo Neri, chef du Centre des politiques sociales de la Fondation Getulio Vargas. D'énormes problèmes structuraux persistent néanmoins. Géant de la production alimentaire et un des rares pays à posséder encore de grandes surfaces de terres cultivables, le Brésil reste paradoxalement une des nations les plus inégalitaires au monde et une de celles avec la plus grande concentration de la propriété, a dénoncé récemment le rapporteur de l'ONU pour le droit à l'Alimentation. » http://www.cyberpresse.ca/international/amerique-latine
qui ne parvient pas à nourrir sa population La persistance de la sous-alimentation
Un géant agricole en difficulté Brésil, puissance agricole mondiale : - productions majeures exportées (café, sucre, orange) - balance agroalimentaire excédentaire (52 milliards de $) Sécurité alimentaire assurée pour 65% des Brésiliens : - 35% des Brésiliens sont sous-alimentés - Nordeste et Nord, régions les plus touchées Persistance de la faim au Brésil : - productions non nutritives pour les hommes - productions nutritives majoritairement exportée - augmentation de la population - maintien de la pauvreté structurelle
Deux systèmes agricoles opposés Le contexte agricole du Brésil « Selon le dernier recensement, le pays compte environ 5 millions d’exploitations dont 85% sont considérées comme étant familiales, d’une dimension moyenne de 26 hectares et responsables de 10% du PIB total. Ces exploitations touchent toutes les filières de productions agricoles : viande (porc, poulet, bœuf), lait, maïs, haricot, soja, manioc, etc. essentiellement destinées pour une part à l’autoconsommation et pour l’autre part à la commercialisation sur les marchés domestiques brésiliens. Les 15% restant sont des exploitations industrielles basées sur la monoculture (canne à sucre, soja, eucalyptus). Elles occupent 70% du territoire et atteignent une dimension moyenne de 430 hectares. Mais ces chiffres ne révèlent pas les tendances plus récentes, dont la forte expansion dans la région Centre Ouest qui se réalise grâce à un prix de la terre dérisoire. Là, les propriétés de plus de 1 000 hectares se multiplient. Cette reconcentration des terres s’explique également par le soutien renouvelé des pouvoirs publics à l’agronégoce au début des années 2000, suite à la crise financière mondiale. En 1999 le Brésil a été contraint de dévaluer sa monnaie et le gouvernement de Cardoso a tenté par tous les moyens de maintenir un certain équilibre budgétaire notamment en boostant les secteurs exportateurs.
Deux systèmes agricoles opposés Le contexte agricole du Brésil « Deux grandes questions sociales se posent au sud du Brésil, la très forte concentration foncière et le sous-emploi rural qui ont généré un exode rural et une rapide croissance urbaine (mégalopole tel São Paulo). L’agriculture familiale est asphyxiée par l’expansion de l’agriculture patronale, basée sur la monoculture. Le développement des biocarburants pourrait encore accentuer le phénomène. Deux grandes politiques sont mises en œuvre au Brésil depuis le Gouvernement Lula, la réforme foncière et le soutien à l’agriculture familiale. Les budgets de soutien de l’agriculture familiale ont été multipliés par quatre. Il faut cependant reconnaître que dans le même temps les soutiens destinés à l’agriculture patronale ont également été fortement augmentés. Face à ce constat, le Gouvernement brésilien tente de mettre en œuvre deux politiques principales : la réforme foncière et le soutien à l’agriculture familiale. » http://www.fetrafsul.org.br
agriculture commerciale Deux systèmes agricoles opposés Le contexte agricole du Brésil Exploitation familiale industrielle ou patronale Dimension moyenne (hectare) Produits cultivés Marchés alimentés Type d’agriculture 26 430 à 1 000 viande (porc, poulet, bœuf), lait, maïs, haricot, soja, manioc monoculture (canne à sucre, soja, eucalyptus) - autoconsommation - marché domestique brésiliens marché international (exportations) agriculture vivrière agriculture commerciale
Deux systèmes agricoles opposés Le contexte agricole du Brésil Mato Grosso
Deux systèmes agricoles opposés Le contexte agricole du Brésil Bagé Au Brésil, la réforme agraire pour une répartition plus équitable des terres, inscrite dans la constitution, n’est pas appliquée. Pour faire pression sur le gouvernement, MST (mouvement des sans terre) entreprend des actions pour donner des terres aux agriculteurs qui en sont dépourvus. Les familles s’organisent alors pour défendre une agriculture à échelle humaine respectueuse de l’environnement.
Deux systèmes agricoles opposés - secteur agroalimentaire (latifundia) → agriculture commerciale - petite agriculture (minifundia) → agriculture vivrière Un objectif : augmenter les rendements - irrigation - front pionnier de défrichement - produits phytosanitaires Une conséquence : la dégradation de l’environnement - assèchement des cours d’eau - destruction de l’écosystème amazonien - pollution des cultures, des sols, des nappes phréatiques
Rendre l’agriculture durable La déforestation de l’Amazonie en recul « L'Amazonie brésilienne, la plus grande forêt tropicale de la Terre, a perdu 7.000 km2 en un an, mais cela représente tout de même un ralentissement du déboisement de 45% par rapport à l'année précédente, a annoncé l'Institut national d'enquêtes spatiales (INPE). Relevé sur une année jusqu'à juillet 2009, ce chiffre « est de loin le meilleur résultat depuis 1988, quand l'INPE a commencé à calculer les taux de déforestation », a déclaré le porte-parole de l'institut, Gilberto Camara, rappelant qu'en 2004, 27.000 km2 de forêt avaient disparu en Amazonie. La marge d'erreur des calculs de l'INPE est de 10%. « Depuis 2004 nous avons constaté une chute significative de la déforestation, année après année », a souligné M. Camara devant le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et le ministre de l'Environnement Carlos Minc. Cette baisse a été attribuée en partie au programme Terra legal, qui réunit 43 villes amazoniennes engagées dans un développement agraire durable. Ce programme régularise également les titres de propriété de la terre en Amazonie. Le gouvernement brésilien a fait d'une réduction de la déforestation de l'Amazonie un de ses principaux objectifs dans la lutte contre le réchauffement climatique et s'est engagé à réduire le déboisement de 80% d'ici 2020. » AFP 12/11/2014 (http://www.lefigaro.fr)
Rendre l’agriculture durable Des résultats ambigus « A quelques jours du sommet de Copenhague, Lula ne ménage pas ses efforts afin que le Brésil y joue un rôle de premier plan. Mais il a une attitude plus qu’ambiguë vis-à-vis de la préservation de la forêt amazonienne et du climat. D’un côté le gouvernement brésilien a promis de réduire de 72% le déboisement de l’Amazonie d’ici 2018, mais un rapport de Greenpeace France prouve clairement que « 90% de la déforestation annuelle en Amazonie est illégale, tandis que des lois régularisant de facto des terres accaparées illégalement pour l’élevage ont été adoptées récemment. Le gouvernement est l’un des principaux bailleurs de fonds et actionnaires du secteur de l’élevage en Amazonie, ce qui fait de lui un véritable promoteur de la déforestation amazonienne. L’élevage est responsable à 80% de la déforestation amazonienne, ce qui représente 14% de la déforestation annuelle de la planète. La destruction progressive de la forêt amazonienne, par abattage et brûlis, fait du Brésil le quatrième émetteur mondial de gaz à effet de serre. Mais il est le premier exportateur mondial de bœuf et de cuir et son gouvernement entend voir sa part sur le marché mondial doubler d’ici à 2018 ». Cela va être très difficile de concilier ces deux exigences. » Monique Langevin, 1er mars 2014 (http://www.alterinfos.org)
Rendre l’agriculture durable Confronter deux positions contradictoires Questions Article 1 Article 2 Le problème évoqué ? La thèse défendue ? Le % de réduction de la déforestation visé ? Les chiffres du déboisement avancés ? Un résultat positif ?... … obtenu grâce à quelle action ? Le problème de la déforestation en Amazonie brésilienne Recul de la déforestation Avancée de la déforestation 80% en 2020 72% en 2018 7000 km² déboisés d’où un ralentissement de 45% du déboisement par rapport à l’année précédente 90% de la déforestation amazonienne est illégale : 80% de cette déforestation est attribué à l’élevage Oui Non 1er exportateur mondial de cuir et de bœuf, actionnaire principal du secteur (régularisation des terres accaparées illégalement) Programme Terra légal (43 villes amazoniennes)
Rendre l’agriculture durable La réalité de la déforestation amazonienne Opérationnelle depuis 1986 avec le lancement de Spot 1, la famille des satellites de Spot Image est un excellent outil pour suivre les évolutions de l'environnement sur le long terme. La série d'images illustre l'importance de la déforestation de la forêt amazonienne sur une durée de vingt ans. Elle correspond à trois extraits d'images de la même zone dans la région du Rondônia, protégée par le programme Terra legal. 1988 1998 2008
Deux systèmes agricoles opposés Politiques mises en place pour corriger le déséquilibre alimentaire : - programme Fame zero (réduction mortalité infantile) - programme Terra legal (régularisation des terres occupées et limitation de la déforestation amazonienne) Résultats ambigus : - Réduction effective de la mortalité infantile (12% → 4%) ; mais elle n’a pas disparu (fortes inégalités régionales) - Stabilisation de certaines fronts pionniers (Mato Grosso) ; mais la déforestation continue de manière illégale
Une agriculture durable ? Amérique du Nord I. Une puissance agricole mondiale où la faim persiste encore Nord Flux d’exportation de produits agricoles Europe Nordeste Région où la sécurité alimentaire est globalement assurée Centre-Ouest Nord Sudeste Océan Pacifique Région où la sécurité alimentaire n’est pas encore assurée Sud Sud Océan Atlantique
Une agriculture durable ? II. Les systèmes agricoles brésiliens : deux logiques opposées Nord Agriculture commerciale et élevage intensif Nordeste Agriculture vivrière Centre-Ouest Forêt amazonienne Sudeste Océan Pacifique Irrigation intensive Sud Océan Atlantique Progression du front pionnier Zone récemment déboisées
Une agriculture durable ? III. Des systèmes agricoles qui ont du mal à devenir durables Nord Tendance globale à la diminution de l’insécurité alimentaire (programme Fame Zero) Nordeste Centre-Ouest Région où le programme Terra legal est appliqué Sudeste Océan Pacifique Sud Océan Atlantique
Conclusion de l’étude de cas Le Brésil peut donc être la "ferme du monde" si l'on considère les tonnages produits, le dynamisme de ses producteurs et ses potentiels de croissance Ce secteur d’activité, traversé de contradictions et de conflits, est en constante mutation Son dynamisme conquérant ne va pas sans poser de graves problèmes sociaux et environnementaux
II. Nourrir toute l’humanité de façon durable Dessin de Plantu paru dans Le Monde (2008)
Une humanité toujours plus nombreuse Une ressource alimentaire suffisante mais mal répartie
Une humanité toujours plus nombreuse L’enjeu des pays du Sud : la « food security »
Une humanité toujours plus nombreuse L’enjeu des pays du Nord : la « food safey »
Une humanité toujours plus nombreuse Ressource moyenne de 2 800 calories pour jour par hab. mais inégalités d’accès flagrantes : - sous-alimentation des pays du Sud - malnutrition des pays du Nord et du Sud Défi alimentaire : accroitre la production agricole d’au moins 1 milliard de tonnes en 2050 pour maintenir la portion moyenne (330 kg céréales/an/hab.) Demande plus importante : urbanisation du monde - alimentation plus carnée - transition alimentaire → multiplication des calories végétales par 2 pour l’Asie et l’Amérique latine et par 5 pour l’Afrique
Des solutions inégales Une nécessité : augmenter les productions
Des solutions inégales La souveraineté alimentaire
Des solutions inégales Agriculture vivrière (Amérique latine, Afrique, Asie du Sud) : - production de céréales et de légumes en faible quantité - emprunte écologique limitée (pas d’intrants ; déforestation) → sécurité alimentaire non assurée Agriculture commerciale (pays émergents et développés) : - production industrielle pour exporter - empreinte écologique forte (intrants, OGM) → sécurité alimentaire assurée (surpoids et obésité) ; dépendance alimentaire de certains pays du Sud (PMA)
La difficile mise en place des agricultures durables Triple défi du développement durable : - produire plus et mieux → pilier social - revenus et prix corrects → pilier économique - ne pas épuiser les ressources → pilier environnemental Création de labels agricoles : - label AB (agriculture biologique) - label AOC (appellation d’origine contrôlée) - label commerce équitable Objectifs contradictoires : - produire plus avec moins d’eau et de produits chimiques ? - agriculture durable, accessible à tous ? → agriculture de pays riches pour une population riche
Conclusion Etude de cas sur le Brésil : persistance de la faim dans un grand pays agricole - minifundias : faibles productions - latifundias : exportations massives → enjeux environnementaux cruciaux Echelle mondiale : humanité mieux nourrie mais un milliard d’être humain souffre de la faim → défi alimentaire majeur à relever (augmentation de la population) ; solutions plurielles et locales