présente
J’appartiens à la génération de ceux dont les trains à vapeur ont bercé l’enfance. Ces énormes machines dont le passage laissait sur le visage un crachin de cambouis sillonnaient la verte campagne de mes jeunes années. Ils représentaient l’évasion, la liberté, l’aventure. J’étais le robinson en culottes courtes, envoûté par la magnifique puissance de ces brutes!
Oui, je sais, ces monstres énormes roulaient dans un fracas d’enfer, puaient la houille et crachaient des fumées noires, mais je les aimais et je les aime toujours... C’est un peu l’histoire de la belle et de la bête. Par allégorie, mon enfance fut peut- être la belle et les trains à vapeur furent la bête, mais une bête sympathique dont j’ai gardé une profonde nostalgie.
Je me souviens de leurs longs sifflements langoureux perçant les sombres nuits froides de novembre, entre mer et champs, alors que les monstres filaient à vive allure sur la crête des falaises, vers une destination qui me faisait rêver. Le roulement sourd de leurs roues d’acier et le son répétitif de leur cliquetis sur les rails me sortaient du sommeil, mais c’était un bruit que j’aimais et que j’aime encore...
Nos têtes d’enfants émergeaient joyeusement des hautes herbes et des joncs chevelus lorsque nous allions, en joyeuses ribambelles, saluer le passage de «l’Océan Limitée», qui faisait la liaison quotidienne depuis Montréal et entre Matapédia et Gaspé. Il filait à travers les labours, les vallons, les prés et les escarpements des terres rougeâtres gaspésiennes, pour finalement atteindre l’Atlantique. Quel voyage!
J’aimais l’ambiance de foirail des petites gares bondées de voyageurs, avec leurs montagnes de bagages hétéroclites, aux grandes époques de l’année, attendant l’arrivée du monstre d’acier. On y voyait tous les métiers et toutes les classes sociales, depuis les bonnes soeurs en tenue de pingouins jusqu’aux marchands bedonnants, chargés de malles pleines d’échantillons. La gare avait une allure de souk!
Puis, le train entrait finalement en gare. Les premiers débarqués étaient non pas les voyageurs, mais les énormes sacs de courrier aux armes de Sa Majesté du Dominion du Canada. On jetait les sacs avec fracas sur le quai, où des préposés s’empressaient de les récupérer. Puis un conducteur à l’air débonnaire apparaissait au marchepied d’une voiture, en criant : «All Aboard Ladies and Gents»! Ah ! Comme j’enviais le sort de tous ces grands voyageurs qui montaient à bord de l’Océan Limitée!
Le train à vapeur rythmait la vie de la campagne. C'est lui qui annonçait l'arrivée du courrier, qui sonnait en hiver l'heure de la traite des vaches, qui annonçait les tempêtes du côté des grandes mers. On le guettait du haut des terres et on suivait des yeux son parcours à travers les champs et les landes. C'était le plus fidèle des compagnons.
C'est le bon vieux train à vapeur qui transportait vers la ville les grands malades, qui ramenait du collège les enfants en vacances, qui apportait chaque printemps les semences et les caisses de poussins à peine sortis des couvoirs, qui transportait les défunts vers le village de leur naissance...
Ah! Ramenez-moi les sympathiques monstres à vapeur de mon enfance!
Train of Love - Lawrence Welk Mixage audio F.Bernard Texte et création Florian Bernard Tous droits réservés – 2005
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