Les troubles bipolaires du jeune adulte Didier Papéta Psychiatre des Hôpitaux des Armées 29240 BREST ARMEES
Évolution des idées De la « bile noire » d’Hippocrate à la folie circulaire de FALRET La folie maniaco-dépressive de KRAEPELIN (1899) devient la PMD (DENY et CAMUS – 1907) Après LEONHARD distinction unipolaire / bipolaire DSM IV et CIM 10 Classification d’ AKISKAL
Classifications actuelles DSM IV TR et CIM 10
Le trouble bipolaire de type I (BP I)
Le trouble bipolaire de type II (BP II)
Le trouble bipolaire non spécifié
Critères DSM IV de l’hypomanie
Critères DSM IV de l’hypomanie (2)
Quelques particularités du BP chez le jeune adulte L’existence fréquente de comorbidités complique souvent le diagnostic et la thérapeutique Le premier épisode maniaque et le premier épisode dépressif surviennent en moyenne de 3 à 5 ans plus tard chez la jeune femme que chez l’homme Dans 35 à 45% des cas diagnostiqués chez le jeune adulte les premiers signes sont apparus dès l’adolescence, ce qui constitue un facteur prédictif de sévérité Il existe probablement un sous-groupe de formes à début précoce biologiquement distinct
Caractéristiques du BP chez le jeune adulte et l’adolescent Prévalence élevée : 1% BP I ou II, 5,7% de BP non spécifié(1) Plus grande fréquence que chez l’adulte de manies mixtes, de cycles rapides (surtout chez la jeune femme) et de symptômes psychotiques associés (2) Périodes dépressives plus marquées par l’irritabilité que la tristesse(3) Comorbidités : THADA, abus de substances, troubles des conduites, troubles anxieux(1)
Pourquoi un dépistage chez le jeune adulte ? (1)
Pourquoi un dépistage chez le jeune adulte ? (2)
Mortalité des troubles bipolaires
BP I : une vignette clinique (1) Erwan, 18 ans, hospitalisé pour un premier épisode délirant ; étudiant moyen jusqu’en 2nde, redouble sa 1ère ; hyperactif depuis la rentrée avec des résultats qui étonnent ses professeurs (1er de la classe) ; délire polymorphe d’apparition brutale juste après la Toussaint 2003; est bcp sorti et a peu dormi, a découvert le cannabis récemment. Thèmes du délire congruents à l’humeur agitation marquée lors de moments d’exaltation, quelques symptômes évoquant la discordance.
Vignette clinique (2) Entretien avec la famille : ATCD de suicides familiaux (GP et oncle paternels), mère dépressive Selon la mère aurait redoublé sa première car il était « déprimé comme elle » Notion de rupture sentimentale pendant les vacances, sa copine le trouvant trop fêtard Traité par divalproex 2 x 500 mg/j et cyamémazine 200 mg/j dès l’entrée
Vignette clinique (3) Amélioration clinique nette dès le 8ème jour Sort du service 5 semaines plus tard, arrêt de la cyamémazine 3 mois plus tard. Observance bonne jusqu’à son admission en terminale mais poursuit les consultations. A l’été 2004, reprise du cannabis, de nouveau hospitalisé pour un accès maniaque typique au cours duquel il veut participer au Tour de France Reprise du traitement thymorégulateur avec réponse thérapeutique de moindre qualité et nécessité d’un AP2G maintenu depuis
BP I : aspects cliniques (1) Le plus facile à repérer : la PDA (+ fréquente que la manie aiguë) Diagnostic différentiel avec la schizophrénie parfois difficile (caractéristiques psychotiques) Monothérapie souvent insuffisante, association avec AP classiques ou AP2G et parfois AD Importance des comorbidités (usage de substances psychoactives) Récidive fréquente en raison d’un abandon de la prise en charge
BP I : aspects cliniques (2) : l’Épisode dépressif majeur Quelquefois accès mélancolique typique de l’adulte avec caractéristiques psychotiques Mais plus souvent EDM d’intensité moyenne sans éléments délirants avec début précoce, et clinique marquée par l’irritabilité, l’hypersomnie, l’hyperphagie, les troubles des conduites (gestes suicidaires, bagarres, automutilations), l’agitation voire l’excitation psychique (état mixte), survenue en post-partum, caractère saisonnier
BP II : aspects cliniques souvent trompeurs Épisode dépressif majeur (cf BP I) : le masque le plus fréquent (60 % des bipolaires ont eu antérieurement ce diagnostic)1, avec récidives, comorbidités fréquentes (usage de SPA, troubles de la personnalité) Il existe souvent des symptômes de mixité Un repérage précoce d’éventuels ATCD personnels d’hypomanie (même brève), d’ATCD familiaux de suicide ou de BP, pour permettre une prise en charge adaptée 1
BP II : autres aspects cliniques trompeurs Troubles anxieux : trouble panique avec ou sans agoraphobie, trouble anxieux généralisé, TOC, phobie sociale… S’agit-il d’un masque clinique réel, d’une comorbidité ou d’une modalité évolutive ? Épidémiologie : on retrouve 24(1) à 42%(2) de troubles anxieux chez les BP et 13 à 23%(3) des sujets présentant un trouble anxieux sont BP(3) Risque d’accroître la vulnérabilité par prescription d’AD (1) Henry et al, 2003 ; (2) McElroy et al, 2001 ; (3) Freeman et al, 2002
BP II : autres aspects cliniques trompeurs Personnalités pathologiques : cluster B des personnalités du DSM IV et en particulier les personnalités « borderline » Clinique plus marquée par la colère, l’impulsivité et l’agressivité que par la tristesse, avec réactivité aux événements Labilité extrême de l’humeur Fréquence des automutilations Cependant les 2 entités ne peuvent être superposées totalement (1) (1) Magill, 2004
BP II : autres aspects cliniques trompeurs Addictions : alcool, toxiques, troubles des conduites alimentaires Pour alcool et toxiques relations complexes Chez le sujet jeune plus grande fréquence de toxiques illicites (cannabis mais aussi cocaïne et ecstasy) Cependant association alcool-toxiques de plus en plus fréquentes TCA : surtout boulimie (prévalence vie entière 4% vs 2% pour l’anorexie(1) (1) McElroy, 2001
Les aspects thérapeutiques chez le jeune adulte Il existe des recommandations pour le BP I dans les pays anglo-saxons mais pas de conférence de consensus en France 2 temps : le traitement des épisodes aigus puis traitement de maintenance à visée préventive des récidives Association pharmacothérapie – psychoéducation – psychothérapies à privilégier
Les aspects thérapeutiques chez le jeune adulte (2) (1) Littérature peu abondante concernant les adolescents et le jeune adulte sauf en ce qui concerne l’usage du lithium Les recommandations habituelles sont d’utiliser des doses moindres chez l’adolescent Il semble que les monothérapies par thymorégulateurs soient souvent insuffisantes (association fréquente aux AP2G) Après un épisode aigu traitement minimal de 18 mois avec diminution progressive (1) Maurel, 2005
Pour conclure : quelques questions en suspens …. Liens avec le THADA ? Quid des traitements des manies de l’enfant ? Intérêt d’un découpage nosographique de plus en plus large (AKISKAL)? Existence de facteurs prédictifs de la réponse aux thymorégulateurs ?