Dites, vous n'avez pas connu ma grand'mère, n'est-ce-pas? Ça m'étonnerait puisqu'elle a quitté cette terre alors que j'étais encore adolescent. Mais son souvenir est resté très vivace, surtout celui de ces belles journées ensoleillées dans son potager, à refaire les monticules affaissés par la pluie, à détourner les limaces des laitues et à enlever les mauvaises herbes des plates-bandes.
Je vous parle d'un temps où les cornichons serrés dans des bocaux de verre, les carottes réduites à la taille de cure-dents et les petits pois surgelés dans des enveloppes de cellophane n'étaient pas encore apparus dans les épiceries. En ce temps-là, les délices de la table venaient directement du jardin de grand'mère.
D'ailleurs, en ce temps-là, les épiceries vendaient des épices; les poissonneries vendaient des poissons; les boucheries vendaient de la viande; les beurreries vendaient du beurre... Les "super marchés" fourre-tout, y compris les clients, n'existaient pas encore, et autant Wallmart que Zeller ou Loblaw étaient des noms aussi inconnus que celui de mon député...
Alors grand'mère régnait comme la reine d'Égypte dans son potager, véritable paradis de fruits et de légumes les plus délicieux. Elle y passait chaque jour de longues heures, penchée sur ses trésors enracinés. Je crois bien qu'elle savait parler aux plantes...
Grand'mère disait souvent qu'il n'y a pas de mauvaises herbes. Il n'y a que des herbes qui poussent au mauvais endroit! Elle croyait que tout ce que le "bon Dieu" fait pousser est utile; si ce n'est pas bon pour les hommes, c'est utile aux animaux. Dans sa grande logique, elle disait que Dieu doit s'occuper de toutes les créatures; pas seulement les hommes!
En ce temps-là les fongicides, les insecticides et les pesticides n'avaient pas encore été inventés; du moins ils étaient inconnus de grand'mère. Pourtant les insectes étaient aussi nombreux qu'aujourd'hui! Grand'mère connaissait toutes sortes de trucs pour les éloigner. Elle ne les tuait pas. Elle les détournait de ses plantations.
Dans un coin retiré du potager, grand'mère accumulait des légumes avariés ou trop mûrs sur un tas d'humus et de feuilles. C'était la table des insectes, disait-elle. Ceux- ci pouvaient se délecter à leur aise sans avoir à envahir les plates- bandes du potager. Puis elle entourait la base des plantes de cendre. Elle savait que le potassium contenu dans la cendre éloigne les vers et les insectes rongeurs.
Il y avait dans le potager de grand'mère des petits coins secrets, par exemple le "carré à soupe". Dans ce carré de terre noire, bien grasse, elle cultivait tout ce qui est bon pour la soupe; les fines herbes, les échalotes, le persil, les petits légumes bien tendres... Il ne manquait que l'os à soupe, mais ça le boucher du village s'en occupait!
Je me suis souvent demandé si, dans les "champs du seigneur", où se trouve maintenant grand'mère, il y a quelques pièces de bonne terre grasse et riche en humus, réservées pour les potagers? Si tel est le cas, je suis sûr que grand'mère est parfaitement heureuse de cultiver ses fruits et légumes, en compagnie des anges...
Sweetest Memories Frankie Carle Orchestra Création Florian Bernard Tous droits réservés – 2005
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