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Histoire de France d’Ancien régime

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1 Histoire de France d’Ancien régime
Troisième cours : Les premiers Capétiens ( )

2 Troisième cours : 1 – Hugues 1er Capet ( ) et Robert II le Pieux ( ) 2 – Consolidation de la monarchie ( ) 3 – Le féodalisme 4 – Religion et culture

3 1 – Hugues 1er Capet (987-996) et Robert II le Pieux (996-1031)
1.1 – Une nouvelle dynastie Malgré la quasi-extinction des carolingiens, la succession entre les mains du descendant de Hugues le Grand n’était pas évidente. Sans la bénédiction du clergé, la succession aurait été beaucoup plus complexe : Adalbéron prit fait et cause pour Hugues et le proposa à titre de roi « temporaire », en attendant qu’une assemblée princière le confirme. Pour Adalbéron, Charles de Lorraine ne pouvant accéder au trône de France, le meilleur candidat était Hugues Capet.

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5 Après avoir été accepté par une assemblée princière, Hugues est sacré roi des Francs lors d’une cérémonie laïque tenue à Noyon, puis lors d’une autre, religieuse, à Reims, quelque part entre la mi-juin et la mi-juillet 987. Ce fut la dernière élection : quelques mois après son couronnement, en décembre 987, Hugues fera approuver son successeur, son fils Robert, malgré l’opposition de certains nobles, qui préféraient l’alternance des grandes familles sur le trône. Ainsi, deux traditions s’effacent : celle voulant que les rois soit élus, l’autre voulant que le territoire soit divisé entre les successeurs du roi défunt. À la place, on inaugure le principe de primogéniture. Ces changements permettront à la dynastie capétienne et ses branches collatérales des Valois et des Bourbons de se maintenir sur le trône de France près de 800 ans.

6 Pourquoi Hugues est-il choisi
Pourquoi Hugues est-il choisi ? Les prétendants sont nombreux et certains semblent nettement mieux placés. Les Grands de France ne sont pas à la recherche d’un monarque absolu qui serait à l’origine d’une dynastie. La faiblesse du clan capétien, dont les domaines sont modestes, semblait être un gage de docilité. Les grands féodaux cherchaient un monarque faible, qui ne pourrait empiéter sur leurs prérogatives. Hugues est directement lié aux Robertiens, dont certains représentants ont déjà ceint la couronne. De sorte que sa candidature est considérée comme garante de stabilité. Les Grands de France sont à la recherche d’une « médaille », d’un « roi potiche » alliant faiblesse politique à légitimité. Hugues est donc le candidat idéal, même si bien sûr il ne fait pas l’unanimité.

7 1.2 – Guerres féodales Malgré le couronnement, Hugues 1er est très contesté par certaines grandes familles et il s’en est fallu de peu pour que la dynastie n’existe jamais. L’essentiel des règnes d’Hugues 1er et de son fils Robert II est consacré à l’affirmation du pouvoir royal, à la consolidation dynastique et à l’accroissement du domaine royal. Ce domaine royal est extrêmement limité à l’avènement des Capétiens et se limite à la région de l’Île-de-France. Partout ailleurs, l’autorité du roi est plus morale que politique et ceux qui n’ont pas voté pour lui ne voient aucune raison de le reconnaître roi. Cela concerne avant tout Charles de Lorraine et ses partisans. Militairement faible, Hugues n’est pas en mesure de s’opposer à Charles (lequel s’empare de Laon en 988), comme en témoigne ses deux tentatives de reprendre la ville.

8 Le domaine royal en 995

9 La France en 987

10 Grâce à la trahison de l’évêque de Laon, qui ouvre les portes aux armées du roi et lui livre Charles en 991, Hugues parvient à mettre fin à cette concurrence. Le dernier descendant des Carolingiens est alors écroué et mourra dans les geôles du roi. Le prix à payer de cette dureté sera une diminution de l’influence déjà faible du roi dans le sud du pays, de même qu’auprès d’une partie du clergé, qui réprouve la méthode utilisée contre Charles. Hugues s’entourera pour gouverner de nombreux membres du clergé, ce qui contribuera à asseoir son autorité auprès d’une Église divisée. Les relations du roi avec le pape Jean XV sont d’ailleurs difficiles, Rome cherchant à étendre son influence en profitant de la faiblesse du nouveau roi. Puis c’est le comte de Blois qui s’oppose au roi, permettant la consolidation d’une alliance entre le roi, les Normands et les Angevins.

11 Après la mort d’Hugues en 996, Robert lui succède
Après la mort d’Hugues en 996, Robert lui succède. Afin de s’appuyer sur la légitimité de la dynastie précédente et d’insister sur la continuité, il prend le nom de Robert II. Robert avait été associé à la politique de son père et il était bien au fait de la situation dans le royaume. La préparation de Robert à la gouvernance ne se limite pas à cette participation aux affaires de l’État et il a reçu dans sa jeunesse une éducation remarquable : maîtrisant parfaitement le latin, Robert est aussi amateur de musique. Il maîtrise les sciences de l’époque (arithmétique, géométrie, astronomie), en plus d’être à l’aise dans les débats théologiques. Robert poursuivra la politique de son père qui consistait à se rapprocher de l’Église en s’entourant de membres éminents du clergé et c’est de son vivant qu’il recevra le surnom de Robert le Pieux. Souverain généreux, il est aussi magnanime envers ses ennemis.

12 Paradoxalement, ce roi très pieux sera presque excommunié pour avoir épousé sa cousine Berthe de Bourgogne, ce qui l’obligera à répudier son épouse, avant d’aller chercher l’absolution à Rome auprès du pape. Le principal gain territorial de Robert sera la Bourgogne, qu’il soumettra, temporairement, par diverses campagnes militaires et intrigues au cours de la première décennie du XIe siècle.

13 2 – Consolidation de la monarchie (1031-1180)
2.1 – Henri 1er ( ) et Philippe 1er ( ) Les deux règnes qui suivent la mort de Robert le Pieux n’ont pas laissé une grande résonnance dans l’histoire. Non que ces règnes soient insignifiants, mais la personnalité de ces deux monarques, fils et petit fils d’un souverain remarquable, est passablement effacée. Le point le plus important pour la continuité capétienne, c’est la très longue durée de ces règnes de 29 et 48 ans. Cette stabilité contribuera à asseoir la légitimité encore fragile de la famille régnante. La succession de Robert aurait pu mal tourner : Henri, dont Robert a fait son successeur dès 1027, est peu apprécié de sa mère, l’intrigante Constance d’Arles.

14 Les premiers Capétiens

15 Celle-ci, avec l’appui de certains féodaux, préférerait que son frère cadet Robert accède au trône. Grâce à l’appui de la maison de Normandie, Henri parvient à s’imposer, mais il doit céder le duché de Bourgogne à son frère. Tuteur du futur Guillaume II de Normandie, fils de Robert le Magnifique, il se brouille avec lui après l’avoir soutenu en 1047 contre les seigneurs normands. Mais après avoir défait à quelques reprises le roi, Guillaume tourne son regard de l’autre côté de la Manche. Le règne d’Henri est constitué d’une multitude de batailles contre les seigneurs du royaume, guerres féodales locales au cours desquelles il perd, puis regagne de petits territoires. Son mariage avec Anne de Kiev témoigne de l’importance grandissante de la maison capétienne, Anne étant la petite fille de l’empereur de Byzance. De cette union naîtront deux garçons et deux filles.

16 L’ainé d’Henri, Philippe, est couronné roi en 1059, du vivant de son père, de sorte que lorsque le roi meurt en 1060, Philippe monte sans difficulté sur le trône. Philippe poursuit l’œuvre de ses prédécesseurs, ajoutant quelques morceaux à un domaine royal qui, tout en demeurant modeste, prend peu à peu de l’ampleur. Outre sa politique de conquête (et surtout de rachat de terres), Philippe s’emploi à améliorer les finances du royaume, s’en prenant entre autres à la richesse foncière de l’Église, ce qui n’est pas du goût du pape, pas plus que son recours fréquent à la vente de charges ecclésiastiques pour garnir les coffres de l’État. Les relations déjà mauvaises qu’il entretient avec Rome seront envenimées par son deuxième mariage, après la répudiation de sa première épouse. L’Église n’acceptant pas le divorce, procédera à son excommunication lors d’un concile en 1094.

17 Il s’en soucie bien peu dans un premier temps et ce n’est qu’en 1104, lors d’un concile à Paris, que les époux se soumettront et accepteront l’annulation du mariage. Ils poursuivront cependant leur vie commune. Lors de son passage à Paris en 1095 le pape Urbain II lancera son appel à la croisade pour libérer la ville sainte, tombée entre les mains des infidèles. Sur le plan extérieur, la victoire de Guillaume II à Hasting en 1066, par laquelle il devient roi d’Angleterre, met en place les conditions de la « première guerre de Cent Ans » entre Capétiens et Plantagenêts qui éclatera le siècle suivant. La situation est étrange car le roi d’Angleterre demeure vassal du roi de France. Cela ne l’empêche pas de livrer à son souverain une guerre dans les années 70 pour le contrôle de la Bretagne, guerre qu’il perdra d’ailleurs, alors que le roi des Francs s’emploiera pour sa part à exciter contre son père le fils de Guillaume.

18 2.2 – Louis VI le Gros ( ) Le fils ainé de Philippe, Louis, subit les conséquences de la répudiation de sa mère : dès le mariage de son père avec Bertrade de Montfort, il est relégué loin de la cour sur l’insistance de sa belle-mère. Mais dès 1098, après que Louis ait eu l’occasion de montrer sa valeur au combat, Philippe se rapproche de son aîné et le fait chevalier. Il joue un rôle important dans la défense des domaines royaux contre les vassaux normands très remuants. Malade, le roi Philippe décide en 1103 d’associer son aîné directement au trône et lui confie la direction effective du royaume en tant que roi désigné. Malgré tout, à la mort de son père en 1108, Louis doit agir rapidement pour assurer ses droits sur le trône, son demi-frère Philippe y ayant des prétentions.

19 Louis VI est couronné le 29 juillet à Orléans (ce qui est exceptionnel, puisque c’est à Reims que les Capétiens sont généralement couronnés), afin de prendre de vitesse Philippe. Certains vassaux contestent ce couronnement, mais ils se rallient rapidement. La personnalité de Louis VI, qui recevra le sobriquet de « gros » à la fin de sa vie, mais qui portera jusqu’à ce moment celui de « batailleur », est intéressante. Après les règnes des pieux Hugues et Robert et des diplomates Henri et Philippe, Louis donne à la dynastie capétienne son premier roi militaire, qui participe personnellement au combat, montant à l’assaut à l’avant-garde, payant de sa personne et donnant l’exemple à ses hommes. Les 29 ans du règne de Louis VI voient la poursuite de la consolidation du domaine royal : élimination des pillards d’Île-de-France, gestion intelligente de son domaine, avec l’appui de l’abbé Suger de Saint-Denis.

20 Il convient également de mentionner l’affranchissement d’une partie des serfs du domaine royal.
Il impose l’autorité royale, se posant en médiateur dans des conflits entre vassaux (Bourbonnais et Auvergne), malgré ses insuccès en Flandre et en Normandie. Il obtient l’appui du clergé réformateur en soutenant ses prétentions à soustraire les nominations cléricales de l’influence des seigneurs. Son prestige est si grand au sein des terres franques qu’il n’a aucune peine en 1124 à obtenir l’appui des grands féodaux dans son combat contre l’empereur germanique Henri V. En mariant son fils Louis à Aliénor d’Aquitaine, il rattache cet immense territoire au domaine royal. Devenu obèse, il meurt en 1137, ayant contribué plus qu’aucun autre Capétien avant lui à assoir l’autorité morale et la puissance du roi sur les territoires français.

21 2.3 – Louis le Jeune ( ) Louis n’était pas destiné à régner, mais suite à la mort de son frère ainé Philippe, il est couronné vice-roi dès et en 1137, il est couronné roi des Francs. Son mariage avec Aliénor d’Aquitaine fut malheureux, les deux époux n’ayant rien en commun. Mariage de raison par excellence, l’union apportait en dot un territoire immense au domaine royal, qui triplait sa superficie : Guyenne, Poitou, Gascogne, Limousin, Angoumois, Saintonge et Périgord, soit l’équivalent de dix-neuf départements actuels du sud-ouest. Plus pieux que son père, c’est naturellement que Louis VII répond à la demande du pape de prendre la tête de la seconde croisade. Il part alors accompagné de son épouse Aliénor, mais ils reviendront séparément de l’aventure.

22 À son retour, il pense se séparer de son épouse, mais le clergé parvient à réconcilier le roi et la reine temporairement. Après la mort de Suger en 1151, l’idée du divorce refait surface et grâce aux liens de parenté unissant les époux qui sont cousins au 9e degré, l’annulation du mariage est prononcée le 21 mars 1152. Cette querelle aura des conséquences funestes pour le royaume de France : reprenant sa liberté, Aliénor reprend aussi sa dot et l’apporte à son second époux, Henri II d’Angleterre, qui ajoute le sud-ouest à ses déjà très nombreuses possessions (il est en outre comte d’Anjou et duc de Normandie). Le feu qui couvait entre les Plantagenêts et Capétiens se transforme en incendie. C’est ce que l’on a nommé la « première guerre de Cent Ans », qui met en place les conditions pour que, à l’extinction des Capétiens directs en 1328, le conflit dégénère.

23 Ce long conflit, au cours duquel les batailles sont rares, impliquera la presque totalité des pouvoirs politiques et religieux de l’Europe occidentale. La piété du roi de France lui vaut le soutien inconditionnel de la papauté, alors qu’Henri II et Louis VII s’emploient à favoriser l’insubordination des vassaux de leur adversaire. Le caractère autoritaire d’Henri II va dresser contre lui ses fils Richard et Jean, lesquels seront soutenus par leur mère Aliénor. Malgré une trêve conclue au début de 1180, l’animosité demeure entre les deux clans. Le règne de Louis VII est dominé par ce conflit qui remet en question les gains des Capétiens au cours des 150 années précédentes. Les batailles coûtent cher à un trésor royal affecté par la croisade de Louis. Ainsi, à sa mort en 1180, Louis laisse à son fils Philippe un royaume en mauvais État et il faudra toute la force de caractère de celui-ci pour effacer les conséquences du difficile règne de son père.

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25 3 – Le féodalisme 3.1 – Définition et développement
Le système féodal se caractérise par une dissolution de l'autorité centrale et répond à un état de la société et de l'économie fondée sur l'exploitation de la paysannerie par l'aristocratie dans le cadre de la seigneurie. À partir du IXe siècle, des relations de patronage s’introduisent dans les structures de l'État et avec l'affaiblissement du pouvoir central, ces relations devinrent la seule armature des rapports politiques. Le pouvoir de commander, de punir et de taxer les gens du commun se répartit entre de petites cellules autonomes construites autour des châteaux, lesquels se multiplient à partir du début du Xe siècle.

26 Au XIIe siècle, le pouvoir du roi reprend vigueur, mais ces progrès s’inscrivent dans un cadre féodal, qui peu à peu se structure et se rationalise sous la forme d’une pyramide qui fait converger vers le roi l'hommage et le service des vassaux et des arrière-vassaux. Le terme de féodalité n’apparut qu’au XVIIe siècle pour qualifier ce qui se rattache au fief, le vestige alors le mieux conservé du système médiéval. Par extension, il sert à définir tout ce qui subsistait de ce système. À la révolution, le terme prit un sens péjoratif, qui lui est resté dans l'usage, servant à définir le mépris de l'autorité publique au profit d'intérêts privés. L'hommage et le serment de fidélité instituent entre le vassal et son seigneur des devoirs de non-agression et d'assistance et réunit les deux hommes leur vie durant, sauf manquement de la part de l'un ou de l'autre. C'est par la cérémonie de l'hommage que se nouaient les liens de la vassalité.

27 La contrepartie de l’hommage du vassal à son seigneur est l’octroi du second au premier d’un fief, d’une terre. Au début, cette règle souffrait des exceptions, les vassaux étant souvent non fieffés, mais à partir du XIe siècle, il devint exceptionnel que le vassal ne fût pas le feudataire de son seigneur. Le lien vassalique a pour fonction d'établir une garantie de sécurité, où le devoir de ne pas nuire s'accompagne d'exigences positives d'aide et de conseil : le vassal s’engage à prêter main-forte à son seigneur par les armes, mais aussi à se rendre auprès du seigneur lorsque celui-ci convoque sa cour, occasion de consolider la camaraderie entre eux. Théoriquement solide, ce lien en venait fréquemment à se rompre, surtout dans le contexte de l’anarchie et la violence caractéristiques du Xe et XIe siècle.

28 Lorsque le vassal trahissait son seigneur, celui-ci était en droit de faire prononcer par sa cour féodale, qui réunit ses vassaux, la confiscation de son fief. La généralisation de la transmission héréditaire des terres à partir du IXe siècle complique la situation, car même si elle oblige l’héritier à prêter serment de fidélité à un seigneur qu’il ne connait pas, le lien de camaraderie n’est plus guère qu’une formalité. Assez rapidement, des vassaux en vinrent à prêter serments de fidélité à différents seigneurs pour différents fiefs et il leur devenait parfois difficile d'accomplir le service d'aide et de conseil, en particulier lorsque les maîtres se trouvaient eux-mêmes en conflit. C’est la défaillance de la monarchie qui a entraîné le développement de la féodalité, mais tout en entravant la puissance royale, elle n’est pas parvenue, particulièrement en France, à éliminer la royauté.

29 Ainsi et peu à peu, le développement économique de l'Europe, l'essor des échanges et le rétablissement de la circulation monétaire effacèrent les conditions qui avaient favorisé la pulvérisation du pouvoir. Il devint alors plus aisé de commander à distance et l'octroi d'une terre cessa d'être le seul moyen de récompenser un serviteur. On put rétribuer les fonctionnaires par des gages en argent et lever des troupes de combattants salariés, des combattants « soldés », c’est-à-dire des « soldats ». C’est ainsi que des principautés régionales se reconstituèrent, mais, dans un premier temps, cette restauration de l'État s'opéra dans le cadre des institutions féodales.

30 3.2 – Aperçu de l’organisation de la société féodale
Au XIe siècle, l’évêque Adalbéron divise la société en trois ordres : oratores, bellatores et laboratores. Clercs, guerriers et paysans vivent toujours dans un monde christianisé, mais la division de la société n'est plus binaire (clercs et laïques), mais ternaire. Au-dessus de tous se trouve le roi, dont le rôle ne consiste plus à commander, mais plutôt à contrôler. Ou à tout le moins, à tenter de le faire… Les Grands portent le titre de Domini, de seigneurs, ce qui met en évidence le fait que le pouvoir politique est basé sur le contrôle de la terre. La seigneurie est la forme du pouvoir local sur les terres qui en font partie. Elle place sur le même pied, les grands et les puissants, anciens aristocrates et officiers carolingiens d’un côté, de l’autre les abbés et les évêques possédant des immunités.

31 Il y a plusieurs types de seigneurie
Il y a plusieurs types de seigneurie. La première est nommée seigneurie domestique ou personnelle : le seigneur exerce son pouvoir économique sur les hommes dépendant de lui. Il contrôle uniquement des réserves, gérée avec des esclaves. Elle renvoie à un pouvoir essentiellement économique et personnel. Deuxième type, la seigneurie foncière se distingue par son ampleur. En plus d’affirmer son pouvoir sur les terres, elle exerce son empire sur tous les hommes qui y travaillent et y habitent, esclaves, serfs et tenanciers. C'est le modèle du grand domaine. Elle est fréquemment géographiquement éparse et peu cohérente. Certaines sections sont contrôlées avec plus d'attention, protégée par un château et formant un noyau central avec un début de pouvoir politique local. Enfin, la seigneurie politique constitue une innovation du XIe siècle et est en quelque sorte l’évolution naturelle du système féodal.

32 Dans ce cas, on parle de domination politique du territoire, plutôt que de domination économique. Cette seigneurie ne comprend pas seulement les terres contrôlées en propre par le seigneur, mais aussi les autres terres dépendant d'autres seigneurs. Le XIe siècle voit la multiplication des centres de pouvoir. Il suffit de posséder de la terre pour exercer le pouvoir. La noblesse se caractérise alors précisément, mais pas exclusivement, par cette possession terrienne, qui octroie en outre le ban, le pouvoir de commander et de lever une armée. La noblesse du XIe est différente de celle des siècles postérieurs, car elle n'est pas juridiquement précisée et ne constitue pas un ordre fermé et héréditaire. En face se trouvent les paysans, pour lesquels le clivage juridique de l'esclavage disparaît peu à peu au profit d'un clivage social.

33 Libres ou serfs, ils sont dépendants du seigneur
Libres ou serfs, ils sont dépendants du seigneur. Entre le XIe et XIIe siècle, la majorité des paysans passent sous la protection d'un seigneur. Les paysans-serfs dépendent de leur seigneur, celui qui possède les terres qu'ils travaillent. Mais ce ne sont pas des esclaves, leur statut les oblige à acquitter des redevances : chevage, formariage, mainmorte, etc. Les tenanciers doivent acquitter des taxes foncières et banales et participer à la corvée, mais ils n’ont pas à acquitter les redevances particulières aux serfs. Le tenancier travaille une terre qu’il loue au seigneur, mais il garde sa liberté personnelle, tout en bénéficiant de la protection du seigneur. Puis il y a les artisans, plus favorisés. Ils obtenaient un atelier et une maison de la part d’un seigneur et devaient lui fabriquer des outils en contrepartie (des armes en général), tout en demeurant des hommes libres.

34 4 – Religion et culture 4.1 – La crise de l’Église et la réforme grégorienne Le déclin carolingien a eu des conséquences sur l’Église. Le développement de l’anarchie et du chaos social et la dislocation des structures d’autorités, alliés aux invasions (Sarrasins, Hongrois, mais surtout Normands) a augmenté l’insécurité sur le territoire, contraignant tout un chacun à préserver son fief, favorisant ainsi le cloisonnement et la perte du sens de la collectivité et de l’unité de l’État. La principale conséquence de cette situation, c’est la féodalisation du clergé : la démarcation entre clercs et laïcs s’efface, alors que certains représentants de l’Église deviennent ni plus ni moins des seigneurs.

35 Les préoccupations temporelles prennent le pas sur le domaine spirituel. Cela va jusqu’à entraîner la participation des religieux à la chose militaire, comme lors de la bataille de Hasting en 1066. Deux phénomènes concomitants à cette sécularisation du clergé sont inacceptables pour la haute hiérarchie de l’Église : le nicolaïsme et la simonie. La qualité intellectuelle du clergé diminue, la dislocation de l’autorité centrale entraîne une régionalisation du processus de nomination et ce sont les seigneurs locaux qui nomment le bas clergé. La connaissance des textes et l’orthodoxie spirituelle cèdent le pas à des considérations temporelles, au premier chef la fidélité au maître politique. Une autre conséquence manifeste de la perte d’autorité de l’Église, c’est la multiplication des hérésies, par rejet de la hiérarchie religieuse et par voie d’une lecture différente des textes sacrés.

36 L’une d’entre elles, le catharisme, deviendra importante dans le Midi.
La base commune à toutes ces hérésies, c’est le refus de l’autorité de l’Église et de son monopole de l’interprétation des textes et en corollaire, un culte des apôtres et des saints à l’extérieur du dogme officiel. Dans les villes, on assiste à la naissance du mouvement pataria (d’abord en Italie), qui s’oppose à la simonie et critique le laxisme de l’Église. Tous ces phénomènes, qui remettent en question l’autorité de l’Église, vont finir par entrainer un retour de bâton, surtout lorsqu’ils seront conjugués avec l’accroissement de l’indépendance, donc du pouvoir, de l’évêque de Rome. Mais ce n’est pas Rome qui le premier réagit à cette décadence des institutions religieuses, la voie étant tracée plus tôt, dès le début du Xe siècle, avec la fondation de l’abbaye de Cluny (909).

37 Afin de s’immuniser contre les dérives séculières, cette abbaye fut placée dès sa fondation sous l’autorité directe du pape. Ce n’était pas la première fois, mais c’était encore un phénomène rarissime. Les fondateurs de Cluny, dont certains sont des laïcs conscients de la dégénérescence des institutions religieuses, désirent revenir à l’orthodoxie bénédictine. Rapidement, Cluny devient le centre et le modèle d’un renouveau monastique qui prend une forme internationalisé, détachée du pouvoir séculier. Sa puissance et son rayonnement vont croître tout au long du Xe siècle, au point de devenir un ordre à part entière. Au milieu du XIe siècle, la papauté commence à s’émanciper du pouvoir séculier. Le phénomène débute en 1049, avec la nomination de Léon IX par l’empereur Henri III, fervent partisan de l’indépendance papale.

38 Léon s’entoure de conseillers partageant son point de vue et s’employant à élaborer l’idée de la suprématie de l’évêque de Rome sur les autres, car successeur de Saint-Pierre. Dès Nicolas II (1059), l’élection du pape est confiée aux cardinaux, éliminant l’influence du pouvoir séculier sur le processus de nomination du pape. Même si les réformes commencent avant le pontificat de Grégoire VII et se poursuivront après lui, c’est son nom qui restera attaché à l’ensemble des réformes visant à accroître l’autorité pontificale et par voie de conséquence, l’autonomie politique et morale de l’Église. La base des réformes sera en 1075 la publication des 27 propositions du Dictatus Papae, dont la plus radicale propose une inversion des rapports entre le pouvoir politique et religieux : le haut Moyen-âge se distinguait par la subordination de l’Église au pouvoir politique, la réforme grégorienne réclame l’inversion, car l’Église seule représente Dieu sur terre.

39 La réforme ne s’imposera pas automatiquement et suscitera de multiples mouvements d’oppositions, surtout de la part des pouvoirs séculiers, mais la puissance théologique dont se pare à ce moment-là la papauté va peu à peu transformer l’Europe religieuse. À la confédération lâche des Églises « nationales » succèdent un empire moral basé sur le christianisme, dont le centre, la Cité de Dieu, devient Rome, qui disposera du monopole des nominations, retirant au pouvoir séculier toutes possibilités d’ingérence dans les affaires religieuses. Sous Innocent III, cette réalité s’imposera à tous, ou presque. La fondation de l’abbaye de Cîteaux en 1098 par Robert, sur la base de la règle de Saint-Benoît et le développement du mouvement cistercien à partir de 1112, alors que Saint-Bernard rejoint l’ordre, constitue un autre phénomène s’inscrivant dans la logique de la réforme, visant à l’indépendance du spirituel.

40 4.2 – La Paix de Dieu Le mouvement dit de la Paix de Dieu participe lui aussi à ce renouveau religieux. Cette initiative du clergé eut pour cause la dislocation de l’État carolingien et la croissance de l’insécurité, qui se traduisait entre autres par des pillages d’églises et de monastères, mais aussi par des massacres de populations. C’est une époque où les bandits de grand chemin font la loi. Cette dislocation de l’autorité centrale fit en sorte d’accroître les conflits interrégionaux, les seigneurs se battant continuellement les uns contre les autres pour agrandir leurs possessions. S’inspirant d’un capitulaire de Carloman et d'autres dispositions légales qui alourdissaient les peines pour le pillage des lieux sacrés, des évêques réunit à Clermont en 958 proclament cette « Paix de Dieu ».

41 Ils réclament des seigneurs la fin des exactions contre les biens religieux, puis peu à peu la fin des guerres féodales et la protection des gens. Périodiquement, et dans diverses régions du sud de la Loire, des assemblées du même type surviennent sur une période d’un demi-siècle. Le mouvement éprouve des difficultés à se développer au nord de la Loire, car il y est moins nécessaire dans cette zone, le pouvoir royal étant tout de même plus affirmé et la parcellisation féodale, moins avancée. Mais les moyens dont disposent les religieux pour faire cesser ces conflits sont très limités et conséquemment, la réalité de cette « Paix de Dieu » n’est guère évidente. Cette inefficacité entraîne peu à peu le désintérêt du clergé à participer aux Assemblées de Paix, et le mouvement s’essouffle peu à peu à la fin du Xe siècle.

42 La Paix de Dieu

43 Il reprend autour de 1033 sous la forme d’une « trêve de Dieu » : incapable de faire cesser les luttes féodales et les exactions, le clergé se contente de demander des périodes de trêves : lors des fêtes religieuses et chaque semaine, du vendredi au dimanche, les combats devaient cesser. Ici encore, les possibilités de faire respecter ces trêves étaient très limitées pour le clergé. Le mouvement se poursuivra au long du XIIe siècle, pour aboutir enfin en 1155 à la récupération politique du mouvement, lorsque Louis VII proclamera la Paix du Roi. Survenant à un moment où le pouvoir des capétiens se consolide, ce décret aura plus de valeur et d’efficacité que les mouvements précédents, sans cependant que cela soit suffisant pour enrayer cette calamité du Moyen-âge que furent les guerres féodales.

44 En fait, ce n’est que la prise de contrôle par l’État central, encore lointaine en ce XIIe siècle, qui permettra cette pacification. Indépendamment des résultats concrets de cette politique, elle témoigne de l’accroissement du rôle du clergé et de l’importance du renouveau religieux de ce XIe siècle, qui trouve une illustration remarquable dans le phénomène des croisades.

45 4.3 – Les premières croisades
En novembre 1095, de passage en France, le pape Urbain II prend la parole à Clermont devant une foule immense. Depuis 1078, les Seldjoukides contrôlent la ville sainte et s’opposent au passage des pèlerins. C’est officiellement la raison pour laquelle Urbain réclame de la population assemblée en ce jour de partir pour Jérusalem, afin de libérer la ville sainte des musulmans. Suivant les chroniques, le peuple répond « Dieu le veut! » Pendant deux cents ans, la chevalerie, mais aussi parfois le peuple et les rois d’Europe, tenteront de reprendre, puis de conserver les lieux saints. Sans grand succès d’ailleurs. En fait, la seule croisade à connaître un succès sera la première ( ).

46 La croisade s’inscrit dans le mouvement religieux de l’époque
La croisade s’inscrit dans le mouvement religieux de l’époque. L’une des conséquences de ces dernières sera un renouveau de la ferveur religieuse, laquelle se manifeste dans toutes les couches sociales. Les Croisades vont permettre l’essor d’une unité du monde chrétien contre les musulmans et entraîner une accalmie eu Europe occidentale : occuper à occire les « mécréants », les seigneurs chrétiens auront moins de temps et d’énergie pour s’entretuer. Cela ne va pas dire que les conflits internes cessent, mais d’une façon générale, la population pourra profiter d’un environnement un peu moins sanglant. Bien que les Croisades aient été un mouvement européen, ce sont les Francs qui y ont occupé les premiers rôles, au point où pour les habitants musulmans de la Terre sainte, les mots « francs » et « croisés » sont alors synonymes.

47 D’autant qu’à cette époque, les principales figures de la politique anglaise sont des Plantagenets, donc des Francs eux-aussi (comme l’un des grands héros de la troisième croisade, Richard Cœur de Lion). On a aussi identifié des motifs économiques à ces croisades : la production agricole étant très faible, il y a surpopulation et manque de terre. De ce point de vue, les Croisades peuvent être considérés comme un mouvement de colonisation, mais aussi de contrôle de la population : les terres étant insuffisantes pour les fils de la noblesse, une partie de celle-ci devait aller chercher fortune ailleurs. L’accélération économique compte parmi les conséquences : l’équipement de milliers d’hommes va donner une impulsion à l’industrie métallurgique, la construction navale va connaître un développement spectaculaire et la conquête de territoires va permettre l’ouverture de nouvelles routes commerciales.

48 Le financement de ces aventures militaires va aussi entraîner la formation de corporations de commerçants et d’investisseurs, etc. Les conséquences apparaissent assez évidentes à terme : le déclin du Moyen-Orient et l’essor d’un Occident qui prend conscience de son unité. Au moment où s’ouvre le conflit, l’arriération du monde occidental par rapport à l’Orient est une évidence. Ces guerres de civilisations vont influencer le développement de l’Europe, grâce à ce contact avec les musulmans et permettre une révolution culturelle et technique. Un exemple parmi tant d’autres : le contact avec les Arabes et les Turcs permettra à l’Occident de découvrir la Grèce antique et ses philosophes. La première Croisade est la plus intéressante, et pas seulement parce qu’elle est la seule à avoir une issue positive.

49 Si les croisades subséquentes furent surtout affaire de noblesse et de royauté, la première vit la participation des masses populaires et cette première croisade est en fait une double croisade, celles des « gueux » et celle des « barons ». Le pape avait fixé avait fixé à l’été 1096 le départ de l’expédition, mais des dizaines de milliers de personnes se mirent en route avant la date prévue, sans la moindre protection armée. Dès mars 1096 partirent de France, sous la conduite de Pierre l’Hermite, plus de 12 000 personnes, femmes, paysans, enfants et vieillards, convaincus de pouvoir faire tomber les remparts de Jérusalem par la prière. Cette équipée ne comptait que 8 chevaliers… De plus petits groupes venus d’Allemagne se joignirent à eux. Presque désarmée et sans ravitaillement, cette troupe fut une calamité pour les villages où elle passa, pillant ce qu’elle pouvait et massacrant les Juifs.

50 Malgré tout, la majeure partie de ces pèlerins enragés parvint à Constantinople, puis à Nicée, place forte turque, où quelques centaines d’archers suffire pour les arrêter. Il n’y eut que très peu de survivants. Parallèlement, la vraie croisade se mit en marche à l’automne 1096. L’histoire l’a retenue sous le nom de croisade des seigneurs, car aucun roi n’y participa. En tout, c’est près de 30 000 hommes qui participèrent. Après s’être emparés de Nicée et d’Antioche, semant la dévastation et la mort, 12 000 hommes parvinrent 3 ans plus tard sous les remparts de Jérusalem. Grâce aux divisions entre musulmans, à leur supériorité numérique écrasante (la ville comptait à peine 1 000 défenseurs) et à une sauvagerie remarquable, même pour l’époque, les Croisés parvinrent le 15 juillet 1099 à entrer dans la ville, où ils se livrèrent au pillage et au massacre systématique de la population.

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52 Pour garantir l’accès aux lieux saints de la chrétienté, quatre « États francs » furent fondés au Proche- Orient : les comtés d’Édesse et de Tripoli, la principauté d’Antioche et le royaume de Jérusalem. Afin d’assurer la sécurité de ces territoires, des ordres de chevalerie dédiée à cette tâche furent aussi fondés : l’Ordre des Chevaliers de Malte, l’Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem et surtout, l’Ordre des Chevaliers du temple, mieux connu sous le nom de « Templiers ». La perte d’Édesse en 1144 incita le pape à réclamer une nouvelle croisade, qui débuta en 1147, sous la direction de l’empereur Conrad III et du roi Louis VII. Cette croisade ne donna aucun résultat : incapables de reprendre Édesse, les combattants tentèrent sans succès d’assiéger Damas, où ils furent décimés et obligés de rentrer en Europe. L’enthousiasme de la première croisade avait alors déjà disparu.

53 Les États francs d’Orient

54 4.4 – L’an mil Pendant longtemps, les historiens ont été convaincus que l’approche de l’an mil avait suscité de grandes craintes chez la population. Cette perception est aujourd’hui largement critiquée, grâce à la découverte de témoignages variés de l’époque, qui remettent en question la réalité d’un « millénarisme apocalyptique ». Cette croyance reposait sur des textes postérieurs à la période, principalement sur une chronologie du XIIe siècle, diffusée à l’époque de la Renaissance. C’est l’une des nombreuses déformations que le XVIe siècle a apportées à l’étude de « l’Âge moyen » et comme toutes les autres, elles visaient à mettre de l’avant les singularités de ce « renouveau » par rapport à l’âge sombre qui l’avait précédé.

55 L’origine du mythe repose dans la structure eschatologique du christianisme : le concept de « fin du monde » est indissociable du principe de rédemption à la base de la morale chrétienne. La « fin du monde » n’est pas conçue comme une catastrophe, mais comme l’avènement d’une ère intemporelle, permettant un retour à l’univers « d’avant la chute ». La grâce ou la damnation distribuées lors du Jugement dernier servent ainsi de récompenses ou de punitions pour les bonnes ou les mauvaises actions commises lors du passage sur terre. Mais eschatologie n’est pas millénarisme. Déjà dans sa « Cité de Dieu », Saint-Augustin développe l’idée que dans son « Apocalypse », Saint-Jean évoque « mille ans » comme figure métaphorique pour désigner une longue durée et qu’il n’a pas en tête précisément « mille ans » après la naissance du Christ.

56 Dès le 5e siècle, le concile d’Éphèse avait d’ailleurs condamné cette conception littérale du millénarisme. L’argument le plus probant contre cette conception repose sur l’illettrisme de la population, dont celui du bas clergé. Rares sont ceux capables de calculer l’année exacte et de s’en soucier. C’est le rythme des jours et le passage des saisons qui constitue les marqueurs temporels et la notion d’année a peu d’importance. S’il y a eu crainte de l’an mille, elle s’est manifestée essentiellement chez les quelques lettrés, qui nous ont légué les témoignages dont nous disposons. Il y a eu des guerres et des épidémies à l’aube de l’an mille, mais probablement pas plus qu’à l’habitude à cette époque violente et insalubre, sauf qu’aux yeux de ces lettrés, elles pouvaient sembler annonciatrices de cet « an mil », dans une sorte de logique typique des prophéties auto réalisatrices.

57 Ainsi, pour le commun des mortels, il ne pouvait y avoir de peur de l’an mil, puisque les paysans ne savaient même pas ce que c’était une année : ils passèrent donc sans s’en rendre compte de l’an 999 à l’an 1000…Et de l’an 1000 à l’an 1001…


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