LES USINES (extraits) Emile Verhaeren.

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1 LES USINES (extraits) Emile Verhaeren

2 Se regardant avec les yeux cassés de leurs fenêtres

3 Et se mirant dans l’eau de poix et de salpêtre

4 D’un canal droit, marquant sa barre à l’infini,

5 Face à face, le long des quais d’ombre et de nuits,

6 Par à travers les faubourgs lourds

7 Et la misère en pleurs de ces faubourgs,

8 Ronflent terriblement usine et fabriques.

9 Rectangles de granit, et monuments de briques,

10 Et longs murs noirs durant des lieues,

11 Immensément, par les banlieues :

12 Et sur les toits, dans le brouillard, aiguillonnées

13 De fers et de paratonnerres,

14 Les cheminées.

15 Se regardant de leurs yeux noirs et symétriques,

16 Par la banlieue, à l’infini,

17 Ronflent le jour, la nuit,

18 Les usines et les fabriques.
…… /……..

19 ….. / ….. Ici, sous les grands toits où scintille le verre,

20 La vapeur se condense en force prisonnière :

21 Des mâchoires d’acier mordent et fument ;

22 De grands marteaux monumentaux

23 Broient des blocs d’or sur des enclumes,

24 Et dans un coin s’illuminent les fontes

25 En brasiers tors et effrénés qu’on dompte.
….. / …..

26 ….. / ….. Au long du vieux canal à l’infini

27 Par à travers l’immensité de la misère

28 Des chemins noirs et des routes de pierre,

29 Les nuits, les jours, toujours,

30 Ronflent les continus battements sourds,

31 Dans les faubourgs,

32 Des fabriques et des usines symétriques.

33 L’aube s’essuie

34 À leurs carrés de suie

35 Midi et son soleil hagard

36 Comme un aveugle, errent par leurs brouillards ;

37 Seul, quand au bout de la semaine, au soir

38 La nuit se laisse en ses ténèbres choir,

39 L’âpre effort s’interrompt, mais demeure en arrêt

40 Comme un marteau sur une enclume,

41 Et l’ombre, au loin, parmi les carrefours, paraît

42 De la brume d’or qui s’allume.

43 Jean-Louis Roques - Les Machines

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