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Chapitre 7 La monnaie et la politique monétaire
Mario Fortin MBA pour cadres Université de Sherbrooke Automne 2011
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7.1 Les rôles de la monnaie et la création monétaire
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A quoi sert la monnaie? La monnaie joue trois fonctions : moyen universel de paiement, étalon et réserve de valeur. Ces trois rôles sont reliés de la manière suivante. Pour que l’échange fonctionne, les deux doivent accepter la même monnaie (moyen universel de paiement). L’unité monétaire ($C) permet d’établir la valeur du bien (étalon), donc la quantité de monnaie à offrir pour acheter le bien. Pour que la monnaie soit acceptée par le vendeur il est nécessaire qu’elle préserve son pouvoir d’achat (réserve de valeur) pendant un certain temps. Presque toutes les économies utilisent de la monnaie. Ce sont des économies monétaires par opposition à des économies de troc où les échanges se font biens contre biens.
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Qu’est ce que la monnaie?
Pour le grand public, la monnaie prend la forme de billets et de pièces. C’est la forme qu’on appelle le numéraire. Cependant, la monnaie dans son sens large est constituée de tous les actifs généralement utilisés pour payer. Dès qu’on le prend ainsi, on fait immédiatement apparaître le dépôt bancaire. C’est en effet le dépôt qui est transféré entre les personnes physiques ou morales lorsqu’on paie par chèque, par carte bancaire, ou par ordre de virement électronique. Seul le numéraire a cours légal. Le cours légal indique que le vendeur ne peut exiger un autre actif en cas d’offre de paiement avec des billets ou des pièces en Euro, même si les parties peuvent s’entendre sur d’autres moyens de paiement. Cette forme de monnaie est créée uniquement par le réseau de banques centrales. Le dépôt bancaire ne jouit pas de cette protection légale. Pour autant, la plupart préfèrent les paiements électroniques pour leur commodité. Afin de mesurer la quantité de monnaie, ce qu’on appelle aussi la masse monétaire, on doit additionner la valeur du numéraire (appelée monnaie hors banque MHB) et la valeur de certains types de dépôts.
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La mase monétaire est un agrégat
Le système monétaire européen définit les agrégats suivants Étroit : M1 = MHB + dépôts à vue Intermédiaire : M2 = M1 + dépôts d’un terme d’au plus deux ans + dépôts à préavis d’au plus 3 mois. Large : M3: M2 + prises en pension1 + fonds du marché monétaire + titres de créance d’un terme d’au plus deux ans. Un agrégat monétaire étroit contient des actifs très liquides qui sont des moyens de paiement. Plus on élargit, plus les dimensions de réserve de valeur prennent de l’importance et la liquidité des dépôts et de leurs substituts diminuent. Une croissance rapide des agrégats monétaires indique que les moyens de paiement sont abondants, ce qui crée une plus forte demande globale et stimule les pressions inflationnistes. Afin de contenir l’inflation il faut contrôler la création monétaire. 1 Une prise en pension est un accord en vertu duquel un actif est vendu au comptant mais un engagement de rachat est pris simultanément à un prix plus élevé. La différence entre le prix de vente et le prix de rachat représente le coût pour obtenir la liquidité pendant la période où le titre est cédé (En anglais repurchase agreement)
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Les agrégats monétaires (milliards d’Euros)
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La base monétaire Les banques centrales sont les banques des banques. La monnaie créée par la banque centrale, celle qui a cours légal, est appelée la base monétaire. La base monétaire est composée de la monnaie en circulation (billets et pièces) et de la réserve encaisse des banques commerciales à leur banque centrale. Les banques conservent une réserve encaisse en monnaie légale pour répondre aux besoins de liquidité. La réserve encaisse est fractionnaire car elle correspond seulement à une fraction r de la valeur des dépôts. Cela suffit en général car les déposants ne retirent pas tous à la fois. Cela rend cependant les banques vulnérables à une ruée sur les guichets (bank run) comme la Northern Rock a vécu en septembre 2007. Dans un système de réserve fractionnaire, un euro de base monétaire permet de créer plusieurs euros de masse monétaire. Le rapport entre la base monétaire et la masse monétaire est appelé le multiplicateur monétaire.
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La ruée sur les guichets de la Northern Rock
(Reproduction autorisée)
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Le multiplicateur monétaire
En mars 2011, la base monétaire de la zone euro s’établissait à 1061 milliards d’Euros, dont 821 milliards pour la monnaie hors banque et 240 milliards en réserve encaisse des banques. Puisque la masse monétaire M2 valait 8420 milliards, le multiplicateur monétaire de M2 était d’environ 8 (8420/1061). La formule exacte liant la mase monétaire à la base monétaire est un peu complexe mais retenez que si r est le coefficient de réserve encaisse, la masse monétaire varie inversement avec le coefficient de réserve encaisse : si le taux de réserve augmente, le multiplicateur diminue et vice versa. A l’approche de Noël, les retraits plus fréquents forcent les banques à augmenter leur réserve encaisse. De même pendant la crise, les banques ont toutes cherché à détenir plus de réserve encaisse. Le multiplicateur tend alors à diminuer. Si la banque centrale n’augmente pas la base monétaire, la masse monétaire sera forcée de se contracter.
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La base monétaire
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L’expansion de la base monétaire fait baisser les taux d’intérêt
La base monétaire est le principal poste au passif de la banque centrale. Elle est demandée par les banques et le public pour fournir des services de liquidité. La quantité demandée de monnaie de banque centrale diminue lorsqu’il en coûte plus cher de la détenir. Détenir de la liquidité fait perdre des revenus d’intérêt car on renonce à détenir des titres productifs d’intérêt. En conséquence, la demande de monnaie de banque centrale dépend négativement des taux d’intérêt. Si la banque centrale prend des mesures qui ont pour effet d’augmenter la taille de son bilan, cela fait augmenter l’offre de monnaie de banque centrale, et il faut que le taux d’intérêt diminue pour que la quantité demandée de monnaie augmente. À l’inverse, si la demande de monnaie de banque centrale s’accroît, le taux d’intérêt tend à augmenter, à moins que la banque centrale augmente l’offre.
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Le marché de la monnaie de banque centrale
- Si la base monétaire augmente de O0 à O1 le taux d’intérêt diminue de i0 à i1. - Notez que si le taux d’intérêt est proche de zéro, la banque centrale n’arrive plus à diminuer davantage le taux d’intérêt.
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Bilan schématique des banques commerciales
ACTIF Prêts Liquidités (Bons du Trésor, effets commerciaux...) Titres (obligations...) Dépôts à la banque centrale Numéraire (billets et pièces) détenu par les banques PASSIF + AVOIR Dépôts des particuliers et des entreprises Dépôts du gouvernement Avoir net Réserve encaisse
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Les opérations financières de banque centrale
Toute opération favorisant une expansion (contraction) du bilan de la banque centrale tend à augmenter (réduire) la réserve encaisse des banques. Les opérations permettant d’augmenter la valeur du bilan sont celles où la banque centrale achète des titres. On appelle ces opérations : Open market : achat de titres sur le marché par la banque centrale; Opérations de refinancement : divers types d’octroi de financement des banques commerciales (prêt par la banque centrale, facilités de dépôt auprès de la banque centrale, etc.) Prises en pension : titre acheté au compte par la banque centrale et revendue à terme a un prix supérieur. Pour hausser les taux d’intérêt la banque centrale fait des opérations inverses : vente sur l’open market, cessions en pension, réduction des montants de financement octroyés aux banques.
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La réserve encaisse excédentaire et l’expansion du crédit et des dépôts
Les banques doivent conserver une réserve encaisse qui est une certaine proportion des dépôts. Cette encaisse étant improductive, les banques en veulent le moins possible et cherchent à placer tout excédent en titres liquides (Ex. bons du Trésor, papier commercial). La banque centrale fait une gestion de la réserve encaisse des banques pour influencer la direction que prennent les taux d’intérêt. S’il y a excédent d’encaisse, les achats de titres tendent à en faire monter le prix. Puisqu’il y a une relation inverse entre le prix des titres et le rendement à l’échéance, les achats de titres font baisser les taux d’intérêt, ce qui accélère la création de crédits. Au contraire, s’il y a insuffisance d’encaisse, les banques doivent vendre des titres, ce qui fait monter les taux d’intérêt et ralentit la création de crédits. Ainsi, les changements du taux d’intérêt directeur influencent tous les autres taux d’intérêt, dans des proportions variables.
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7.2 La gestion des taux d’intérêt et la conduite de la politique monétaire
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Objectifs de la politique monétaire
Sachant que le PIB tend à retourner à long terme à son potentiel, les banques centrales se concentrent sur les objectifs que la politique monétaire peut atteindre, soit des objectifs de contrôle à long terme de l’inflation. L’objectif explicite ou implicite de la plupart des banques centrales est de maintenir l’inflation telle que mesurée par la hausse de l’IPC autour de 2%. Cela oblige à maintenir la demande globale (domestique plus étrangère) prévue à un niveau suffisant pour que le PIB demeure près du potentiel. Pour réaliser cette tâche la banque centrale manipule les taux d’intérêt à court terme. Elle les baisse (monte) pour augmenter (réduire) les dépenses désirées. En général, elle souhaitera des taux d’intérêt élevés (bas) et un $C fort (faible) lorsque la demande prévue est forte (faible). Empiriquement, le taux d’intérêt réagit à deux éléments : l’écart au potentiel et la différence entre le taux d’inflation observé et la cible inflationniste.
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Le système européen de banques centrales
Le traité de Maastricht a créé le Système européen de banques centrales (SEBC) qui comprend la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales (BCN) des pays membres. La BCE choisit les taux directeurs des opérations d’octroi de crédit des banques centrales ainsi que la quantité de liquidité à allouer aux banques, la cible à long terme de la politique monétaire. L’Eurosystème doit également conduire les opérations de change et à assurer le bon fonctionnement du système de paiement. La BCE est la seule à pouvoir émettre des euros. Ce sont cependant les BCN qui approvisionnent les banques commerciales en monnaie légale, qui effectuent les opérations de règlement ultime entre les institutions financières ainsi que des opérations de change au nom de la BCE. Certaines BCN sont aussi agent financier de l’état, visant à faciliter notamment son financement.
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La conduite de la politique monétaire
La banque centrale exerce un contrôle direct sur les taux d’intérêt à très court terme mais son effet sur l’inflation est indirect et fait appel à une série de réactions dont les délais et l’ampleur peuvent être anticipés mais ne sont pas connus avec précision. Lorsqu’elle change les taux d’intérêt à court terme, deux principaux canaux sont affectée, celui du crédit et celui du change. Une hausse du taux directeur tend à faire augmenter les taux d’intérêt et à faire apprécier la monnaie. La combinaison de ces deux mouvements est appelée « conditions monétaires ». Ces deux variables ont une influence sur la demande globale. Les taux d’intérêt affectent le coût de l’investissement et de la consommation. Le taux de change affecte pour sa part les exportations nettes. L’effet sur la demande globale prend de 6 à 12 mois. La demande globale influence pour sa part l’inflation mais cet impact prend jusqu’à 12 à 18 mois. Au total, l’impact sur l’inflation des décisions de politique monétaire prennent jusqu’à deux ans.
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Le mécanisme de transmission de la politique monétaire
Source :
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L’obligation de prévoir
Étant donné les longs délais d’action la banque centrale ne peut pas attendre de voir l’inflation s’accélérer pour agir. Il sera alors trop tard. Afin de prévenir les mouvements de l’inflation la banque centrale doit se doter de moyens de prévoir les mouvements futurs. Pour ce faire elle utilise des modèles de prévision, des enquêtes et des jugements humains. Même conduite avec les meilleurs experts, les erreurs sont inévitables. Néanmoins, depuis que ce cadre opératoire a été adopté, en Nouvelle Zélande tout d’abord (1990), au Canada (1991) pour, ensuite, être généralisé, les succès des banques centrales à contenir l’inflation près de 2% sont indéniables. La crise financière mondiale a constitué un test gigantesque et a poussé les banques centrales à poser des actions différentes pour réagir à un contexte exceptionnel.
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La règle de Taylor John Taylor a résumé la conduite de la FED (banque centrale américaine) sous forme d’une règle pour déterminer le taux des avances à 1 jour (federal funds rate). Le taux s’élève (diminue) si le PIB augmente (diminue) par rapport au potentiel ou si l’inflation augmente (diminue) par rapport à la cible de 2%. Si le PIB est au potentiel est l’inflation à 2 %, le taux des fonds fédéraux devrait être à 4%. Chaque dépassement de 1% du PIB par rapport au potentiel fait augmenter le taux des fonds fédéraux de 0,5%. Chaque fois que l’inflation dépasse de 1% la cible, le taux des fonds fédéraux augmente de 1,5%. Ex. si l’inflation est 4% et le PIB dépasse le potentiel de 2%, le taux sera de 4% + 0,5×1 1,5×2 = 8%. Rien n’oblige le taux d’intérêt cible à être positif. Si un pays a besoin d’un taux négatif, comme ce dernier ne peut être atteint il faut davantage jouer sur le taux de change, donnant lieu à une « race to the bottom » des banques centrales, chacune voulant dévaluer sa monnaie par rapport à celle des autres.
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Règle de Taylor sur une carte d’affaire
Source :
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Les taux d’intérêt de court terme bougent plus que ceux de long terme
La politique monétaire exerce un contrôle sur les taux de très court terme (taux du financement à un jour). Son impact sur les taux à plus long terme est indirect et complexe. La théorie de la structure par terme nous enseigne que les taux d’intérêt de long terme sont une moyenne géométrique des taux de court terme anticipés, additionnés d’une prime de terme. En général les taux de long terme sont donc plus élevés que les taux de court terme. Une politique monétaire restrictive fait monter les taux de court terme qui peuvent même dépasser les taux de long terme. La différence taux court –taux long mesure la pente de la courbe des rendements. C’est un indicateur avancé de la croissance annuelle du PIB réel.
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Les taux d’intérêt de court terme bougent plus que ceux de long terme
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Resserrements et relâchements de la politique monétaire
Source : yardeni.com
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Une inversion de la courbe des rendements annonce les récessions
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L’écart entre le taux à 3 mois et celui à 10 ans annonce un an d’avance la croissance du PIB
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