La présentation est en train de télécharger. S'il vous plaît, attendez

La présentation est en train de télécharger. S'il vous plaît, attendez

Peut-on parler de causalité en sciences sociales?

Présentations similaires


Présentation au sujet: "Peut-on parler de causalité en sciences sociales?"— Transcription de la présentation:

1 Peut-on parler de causalité en sciences sociales?
Les approches contrefactuelle et mécaniste Daniel Courgeau (INED)

2 La causalité a soulevé et continue de soulever de nombreux débats en sciences physiques, biologiques et sociales. Il y a eu de nombreuses thèses concurrentes mais je ne vais aborder dans ce court exposé que les deux actuellement prépondérantes: la théorie contrefactuelle et la théorie mécaniste. I. La théorie contrefactuelle 1. Principes de cette théorie On trouve des prémisses de cette théorie chez Hume en 1748: Si le premier objet n’avait pas été, le second n’aurait jamais existé. Mais il n’explora jamais cette approche se contentant de la théorie classique.

3 C’est Lewis qui la développa dès 1973: elle va utiliser une théorie des mondes possibles et considère qu’ils sont aussi concrets que celui dans lequel nous vivons. Ainsi Pascal écrit: Le nez de Cléopâtre s’il eut été plus court toute la face de la terre aurait changé. On peut alors définir la dépendance contrefactuelle comme suit: Un événement e dépend de façon contrefactuelle d’un événement c si et seulement si c n’était pas survenu, e ne serait pas arrivé. Cette théorie a été l’objet d’intenses discussions entre philosophes tout au long de ces quarante dernières années. Je ne verrai ici en détail que l’application de cette théorie à la probabilité et aux sciences sociales et les critiques qui lui ont été faites dans ces domaines.

4 2. L’application aux probabilités et aux sciences sociales
L’article publié par Holland en 1986 en fournit une illustration dans le cas des probabilités et peut être étendu sans peine aux autres sciences sociales. Soit un individu u auquel on peut appliquer soit un traitement t , soit un traitement classique c. Si Yt (u) est sa réponse au traitement et Yc (u) sa réponse au contrôle, alors l’effet, supposé causal, du traitement relatif au contrôle est : Yt (u) - Yc (u). Mais, comme il n’est pas possible d’appliquer simultanément au même individu le même traitement, il est impossible d’observer l’effet du traitement sur un individu donné.

5 Le statisticien va essayer de tourner la difficulté en travaillant sur une population à laquelle il impose de strictes conditions. Supposons qu’il constitue deux groupes par tirage au hasard, tels que pour deux individus pris dans chacun des groupes, u1 et u2, Yt (u1) =Yt (u2) et Y c (u1) =Yc (u2) , c'est-à-dire que ces deux groupes sont strictement comparables. Alors on peut dire que l’effet causal du traitement est : Yt (u1) -Yc (u2) Il en résulte que, s’il peut constituer ces deux groupes par randomisation, il peut penser mettre en évidence un effet causal du traitement, avec une certaine plausibilité. Si une telle expérience peut être réalisée en épidémiologie, des considérations d’ordre éthique et matériel l’empêchent en sciences sociales. Cela n’a cependant pas empêché de nombreux chercheurs à l’appliquer à des études pour les quelles des conditions moins strictes permettraient, à leur avis, de répondre au problème de causalité (Rubin, 1974, 1977).

6 3. Critique de l’analyse contrefactuelle en démographie
Dans un premier exemple Smith (1990) indique : Comment le chercheur peut-il savoir que les variables convenables ont été incorporées dans l’étude expérimentale ? Les caractéristiques prises en compte ici ne sont pas forcément celles qu’il faudrait considérer, car le phénomène étudié n’a pas été suffisamment théorisé. Pour le second exemple, il reprend une condition donnée par Holland en 1986 comme fondamentale : il n’y a pas de causalité sans manipulation. Dans ce cas on voit difficilement quelles interventions pourraient permettre d’éviter les risques liés dans ce cas au séisme. Plus généralement nombre de caractéristiques intervenant dans ces types de modèles rend ce critère de manipulation impossible à réaliser.

7 Ainsi Smith écrit en 1997 : Le critère de manipulabilité pour l’inférence causale a été difficile à assimiler dans une discipline qui a coutume d’indiquer les effets causaux du sexe, de la race, et de l’âge, entre autres, sur les phénomènes étudiés. Il parait important d’éviter au maximum ces caractéristiques dans les analyses : ainsi lors d’une analyse biographique des migrations internes en 1985, j’ai montré que l’effet de l’âge, si prisé par nombre de démographes, disparaissait entièrement dés que l’on faisait intervenir des caractéristiques de l’individu sur lesquelles une action politique serait possible.  Cependant Smith va trop loin à mon avis lorsqu’il dit : Nous mesurons au niveau micro, mais nous intervenons au niveau macro. Il en conclut que les analyses au niveau individuel ne sont guère d’intérêt pour l’action.

8 L’exemple de l’analyse de la migration des agriculteurs norvégiens (2003) va nous montrer pourquoi cette conclusion n’est pas correcte. Si l’on désire agir sur la mobilité des agriculteurs, l’analyse au niveau macro pousserait à augmenter les primes de migration, pour les agriculteurs vivant dans des zones où ils sont en faible proportion. Mais l’analyse multiniveau montre qu’une telle mesure serait sans effet, car leur probabilité de migrer est en fait la même quelle que soit la région où ils vivent. Se placer aux divers niveaux permet donc de bien comprendre pourquoi l’analyse au niveau macro nous a trompés pour prendre une décision politique, car elle suppose le comportement individuel indépendant des régions où il vit.

9 4. Critique de l’analyse contrefactuelle en probabilité
Dawid en 2000 a poussé la critique de cette approche en probabilité avec des arguments, à mon avis, très pertinents. Dawid montre en premier lieu, qu’en recherchant l’effet des causes par la méthode contrefactuelle, l’analyse est alors basée sur une attitude qu’il appelle un fatalisme : Elle considère les différentes réponses potentielles Yi (u), lorsque le traitement i est appliqué à l’unité u, comme des attributs prédéterminés de l’unité u, attendant seulement d’être retrouvés par l’expérience. ... Notez que, parce que l’unité u est considérée comme individuelle et non répétable, il n’y a jamais aucune possibilité de tester empiriquement cette hypothèse fataliste, qui peut ainsi être considérée comme métaphysique.

10 En second lieu, en recherchant les causes des effets, l’intérêt va maintenant porter sur le fait suivant : pour un individu u0 donné, l’application du traitement, t, a-t’elle ou non causé la réponse observée . Il montre que cette inférence est encore plus problématique que la précédente : Il apparait que, pour s’attaquer à cette question, il n’y a d’autre alternative que de comparer la valeur observée y0 à la quantité contrefactuelle Yc (u0) , la réponse qui aurait dû résulter de l’application de c à u0. De façon semblable, l’inférence au sujet de l’effet individuel t (u0) = y0 - Yc (u0) est exigée. Cependant, le fait que cette inférence soit souhaitable, n’implique pas, en-soi, qu’elle soit possible. Il en conclut que cette approche contrefactuelle peut conduire dans la plupart des cas à des inférences qui ne sont pas justifiées sur la base de données empiriques et sont donc non scientifiques.

11 II. La théorie mécaniste 1. Principes de cette théorie
La conception mécanique de la nature a pris forme au XVIIème siècle. Psillos définit son approche par: Tous les phénomènes naturels résultent des interactions mécaniques des entités matérielles selon des lois mécaniques. A la fin du XXème siècle elle s’applique aux phénomènes physiques, biologiques et sociaux. On peut distinguer deux écoles. La première restreint les mécanismes à un modèle causal. Glennan écrit: Un mécanisme sous-jacent à un comportement est un système complexe qui produit ce comportement par l’interaction d’un certain nombre de parties selon des lois causales directes.

12 La seconde leur adjoint le concept d’organisation
La seconde leur adjoint le concept d’organisation. Illari et Williamson écrivent: Un mécanisme pour un phénomène se compose d’entités et d’activités organisées de telle sorte qu’elles soient responsables du phénomène L’application aux sciences sociales et à la probabilité La première étape est d’observer les phénomènes à expliquer. C’est ce que fait depuis 350 ans le démographe en explicitant son objet au travers de paradigmes: Sous le paradigme transversal, les faits sociaux ont une existence indépendante des individus et s’expliquent par les caractéristiques du moment de la société. Sous le paradigme longitudinal, on va s’attacher à étudier l’arrivée d’un événement au cours de la vie d’une génération, dans une population qui conserve tous ses caractères tant que le phénomène se manifeste.

13 Sous le paradigme biographique, on considère qu’un individu parcourt tout au long de sa vie une trajectoire complexe, qui dépend à un instant donné de sa trajectoire antérieure et des informations acquises dans le passé. Enfin le paradigme multiniveau permet de dépasser l’opposition entre holisme et individualisme méthodologique en considérant différents niveaux d’agrégation. Cette approche apporte une synthèse des paradigmes précédents. Comme l’indique Granger: le fait humain ne peut certes être scientifiquement connu qu’à travers une pluralité de géométrals, mais à condition toutefois que soit découverte l’opération contrôlable qui le restitue à partir d’eux stéréoscopiquement. Dans l’exemple précédent des agriculteurs, la contradiction que l’on pense observer entre analyse au niveau agrégé et au niveau individuel n’est qu’une mauvaise interprétation de l’analyse agrégée, qu’une analyse multiniveau vient corriger.

14 L’approche mécaniste permet d’aller plus loin
L’approche mécaniste permet d’aller plus loin. Sa seconde étape consiste à inférer de ces paradigmes les fonctions du mécanisme générateur des phénomènes à expliquer et à modéliser l’organisation des fonctions de ce mécanisme. En démographie il s’agit de rechercher la combinaison des trois fonctions fécondité, mortalité et migration. Pour le moment cette combinaison nous manque pour les sciences de la population. La troisième étape va modéliser la combinaison causale du mécanisme social qui génère le phénomène étudié à partir de la combinaison des fonctions inférées à la seconde étape. On pourra enfin mettre en évidence les causes du mécanisme: ce seront celles qui remplissent ses fonctions par certaines de leurs opérations. Elles peuvent varier selon le milieu contrairement aux fonctions du mécanisme.

15 Les probabilités et les sciences sociales sont nées presque ensemble au XVIIème siècle et sont inséparables. Mais les probabilités sont maintenant solidement axiomatisées, même si elle revêtent des formes différentes: objectives, subjectives ou logiques. La probabilité répond bien aux critères de l’approche mécaniste. Comme le disent Glymour et Cheng: les modèles probabilistes sont des manifestations des mécanismes causaux. Est-il dès lors possible de pousser plus avant une théorie mécaniste des sciences de la population? Elles ont commencé à exister lorsque l’on n’a plus considéré la vie d’un individu comme un secret des dieux. L’individu statistique est la notion qui fonde ces sciences.

16 Ainsi Jaques Bernoulli, fondateur des probabilités écrit: si par exemple par une expérience faite sur trois cent hommes semblables à Titus, de même âge et de même complexion, tu observais que deux cent d’entre eux ont déjà trouvé la mort avant dix ans, tu pourras conclure qu’il y aura deux fois plus de chances que Titus meure avant dix ans, qu’il puisse franchir ce terme. Il montre clairement le rôle que peut jouer l’individu statistique, semblable à Titus, pour fonder les sciences de la population. Cette notion est liée à celle d’échangeabilité de de Finetti. Une autre base pour ces sciences se trouve dans les modèles de simulation. Ces modèles partent d’hypothèses sur les comportements humains, pour en inférer le comportement d’une population. Mais en l’absence d’une théorie solide sous-jacente, que fournirait l’approche mécaniste, ils ne permettent pas encore d’assurer leurs résultats.

17 3. Avantages de l’approche mécaniste
Elle permet de savoir si les variables convenables ont été introduites dans l’étude et ouvrirait à des mesures politiques efficaces, sans utiliser les effets de sexe, d’âge, etc. Elle évite l’erreur de Smith, qui préconise de travailler au niveau macro. Seule une analyse multiniveau permet de raisonner correctement. Elle évite l’attitude fataliste de celui qui utilise l’approche contrefactuelle. Dans la mesure où l’on a découvert les mécanismes en jeu, les assomptions arbitraires posées par l’analyse contrefactuelle n’ont plus de raison d’être. Cet avantage est renforcé par le meilleur repérage des causes.

18 4. Critiques de l’approche mécaniste
Nombre d’auteurs considèrent que le premier problème posé par cette approche est lié aux faits de forme négative. Par exemple un moment d’inattention d’une personne surveillant un enfant peut être la cause de sa mort. Ces auteurs soutiennent que l’on ne peut trouver un mécanisme pour relier ces faits, alors qu’on ne peut douter que le premier en soit la cause. Franck fait valoir qu’un fait de forme négative est néanmoins un événement. Dans ce cas si l’on observe que l’inattention a été à l’origine de l’accident la relation était causale; si non elle n’est pas causale. Nombre d’auteurs ont mis en évidence une circularité dans la définition d’un mécanisme causal. Mais lorsqu’on y adjoint le concept d’organisation, la circularité disparaît.

19 III Conclusion générale
Deux concepts de causalité différents: Le premier, contrefactuel, considère que deux événements sont causalement reliés si et seulement si un changement dans l’un introduit une différence appropriée pour l’autre. C’est le concept de boite noire que l’on utilise ici pour définir la notion de dépendance qui permet de prévoir et d’essayer de contrôler l’arrivée d’un événement. Le second, mécaniste, considère que deux événement sont causalement reliés si et seulement si, ils sont reliés par un mécanisme. Il va alors observer le mécanisme à l’intérieur de la boite noire pour définir la notion de production qui permet d’expliquer l’arrivée de l’événement étudié.

20 L’attitude des philosophes devant ces théories est très variée:
Ceux que l’on peut nommer les monistes vont considérer qu’une seule de ces théories est valable. Ceux que l’on peut nommer les pluralistes vont considérer ces théories comme complémentaires et concluent qu’aucune ne prévaut sur l’autre. Enfin d’autres ont cherché à englober ces théories dans une théorie plus générale de la causalité, par exemple épistémique (Williamson) On peut conclure que la causalité est au cœur de bien des débats en sciences sociales et en philosophie. J’espère vous avoir fait partager mes questions sur ce problème, qui est à la fois si passionnant et si difficile à résoudre.

21 Avant de terminer, je tiens à remercier vivement le philosophe Robert Franck, qui dirige avec moi la Methodos Series chez Springer, pour sa lecture critique et approfondie d’une première version de cette communication. Mais bien entendu les propos tenus ici restent sous mon entière responsabilité. Je vous remercie pour votre attention.


Télécharger ppt "Peut-on parler de causalité en sciences sociales?"

Présentations similaires


Annonces Google