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1941 Les statues réquisitionnées
Dès 1941, le commissariat à la mobilisation des métaux non ferreux réquisitionne toutes les statues de France pour en récupérer le métal. Ainsi, un nombre incroyable de statues municipales ont disparues de leurs socles à cette époque. Celles de La Rochelles n’échappèrent pas à la règle. 7 novembre 1941 Le ministère de la production industrielle et du travail donne l’ordre à la municipalité de signaler les « statues et monuments en métal cuivreux » existant dans la commune. Chronique d’une réquisition bien organisée.
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La liste suivante est établie par les services de la ville:
8 novembre 1941 La liste suivante est établie par les services de la ville: Le buste de Réaumur, situé rue de la Noue, Le buste de Fleuriau, ainsi que son bas-relief, situé dans la jardins du Muséum d’histoire naturelle, Le buste de Napoléon III, situé au musée d’Orbigny-Bernon, Le réverbère de la cour de l’Hotel de ville, La statuette de Mercure qui orne la bureau du maire, La statue de l’amiral Duperré, La statue d’Eugène Fromentin, La statue de Jean Guiton. Le réverbère de la cour de l’Hotel de ville 27 novembre 1941 Le maire, René Godard, demande au Préfet de pouvoir « faire effectuer des moulages des monuments et des bas-reliefs avant leur enlèvement ».
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19 décembre 1941 Le comité institué au Commissariat Général des Beaux-Arts a arrêté définitivement la liste suivante : - Le buste de Réaumur, situé rue de la Noue, - Le buste de Fleuriau, ainsi que son bas-relief, situé dans la jardins du Muséum d’histoire naturelle, - Le buste de Napoléon III, situé au musée d’Orbigny-Bernon, - Le réverbère de la cour de l’Hotel de ville, - La statuette de Mercure qui orne le bureau du maire. (La statue de l’amiral Duperré, celle d’Eugène Fromentin et celle de Jean Guiton ne sont pas réclamées.) Le buste de Fleuriau de Bellevue et son bas-relief avant 1942
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1942 Les premières statues quittent La Rochelle
17 janvier 1942 Les bas-reliefs du socle de la statue de l’amiral Duperré ont été retirés mais n’ont pas été remis aux autorités. (Ils ne faisaient pas parti de la liste. Une note interne précise que les bas-reliefs devront être replacés sur le socle.) 2 Photographies prises lors du dépôt en 1943
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20 janvier 1942 Les pièces de bronze ont quitté La Rochelle pour un entrepôt de Rochefort. Le maire demande au préfet de permettre d’achever l’un des moules engagés. Le commissariat paie 30 Fr le kg de bronze. Comme le précise l’ingénieur de la Direction Générale des Industries Mécaniques et Electrique à Poitiers, ces 30 Fr seront attribués à la ville… …« à la condition que vous n’ayez pas demandé le remplacement des bustes de bronze par des monuments en pierre aux frais de l’état… » 2 avril 1942 Le maire écrit au préfet pour demander le montant de l’indemnité.
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2 avril 1942 Le « Mercure » a disparu dans le transport ! Dans un courrier, le maire s’inquiète qu’il n’apparaisse pas dans le procès verbal d’enlèvement. Mercure sur la cheminée du cabinet du maire
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1943 Duperré, Fromentin et Guiton disparaissent
13 janvier 1943 Un an après ce premier enlèvement, le secrétariat des Beaux-Arts commande au préfet celui des grandes sculptures de La Rochelle, Rochefort et Saintes. Le monument de Duperré, le Fromentin et le Guiton quittent la ville. 27 janvier 1943 L’architecte municipal fait réaliser une série de photographies des quatre faces de chaque sculpture et précise au maire que les prochaines sculptures en pierre ne pourront en aucun cas être des « plagiats » des bronzes. Il propose que Georges Chaumot, sculpteur à La Rochelle, fasse un moule en plâtre des statues comme il a fait celui du buste de Réaumur… bien que, hélas, le plâtre manque lui-aussi… Enlèvement du bronze de Jean Guiton photographié de l’Hôtel de ville
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29 janvier 1943 La municipalité essaye de conserver au moins la statue de Duperré et, dans une lettre adressée aux Beaux-arts, formule le vœu de conserver cette statue « Considérant que l’Amiral Duperré est une gloire nationale qui a commandé en chef les escadres qui ont transporté les troupes qui ont pris d’assaut la ville d’Alger ; Considérant que l’Amiral Duperré est un des fondateurs de l’empire colonial français et que dans les circonstances actuelles le monument élevé en son honneur à La Rochelle avec le bronze des boulets de la prise d’Alger prend une valeur de symbole encore plus marquée… » Rien n’y fait. 3 février 1943 Monsieur Texier, architecte en chef des monuments historique, conseille au maire de ne pas restituer les bas-reliefs du Duperré « parce qu’ils ne sont pas explicitement indiqués dans l’arrêté ministériel ». Il précise aussi que « le tonnage de ces bas-reliefs est insignifiant ».
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17 février 1943 Face au mécontentement général, Monsieur Abel Bonnard, Ministre Secrétaire d’état à l’éducation nationale précise à Inter France : « Le métal recueilli en France est entièrement employé en France. Ensuite, je demande aux français de comprendre, en cela comme le reste, la simplicité tragique des exigences auxquelles il nous faut répondre. Voulons-nous, oui ou non, qu’il y ait du sulfate de cuivre pour que nos vignes produisent encore quelque chose qui ressemble à une récolte ? Voulons-nous, oui ou non, disposer d’une petite quantité d’étain qui est absolument indispensable pour les travaux de soudure les plus nécessaires ? Voilà à quoi répond l’enlèvement des statues » (…) « Cet enlèvement répond à des nécessités économiques nationales. Toutes les célébrités authentiques seront remplacées, et la commande de statues en pierre encouragera les artistes dans un temps où ils sont particulièrement éprouvés. Toutes les vieilles gloires refleuriront dans la France nouvelle. » (Rappelons que ce même ministre négociait alors avec les nazis, le pillage organisé des collections d’art des juifs expatriés)
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7 août 1943 La municipalité reçoit Frs pour le Duperré, le Fromentin et le Guiton. Le 28 septembre, elle reçoit Frs pour les 268 Kg de bronze pour la réception des bustes de Réaumur, de Fleuriau, et de Napoléon III. 12 octobre 1943 La disparition du « Mercure » est l’occasion d’un échange de courrier avec l’entreprise d’enlèvement. Celle-ci prétend que la pièce est parvenue cassée, qu’elle était un plâtre patiné bronze. Ce que le maire réfute « à la rigueur un plâtre galvanisé en bronze » Il s’inquiète surtout du poids de bronze de la pièce en vu de son indemnisation (30 Fr le kilo, ne l’oublions pas). Il est bien stipulé que ces sommes doivent être tenues à la disposition du secrétariat des Beaux-arts « à titre de participation aux frais d’élévation de nouveaux monuments en pierre. » Le « Mercure » photographié sur la cheminée du bureau du maire pourrait être une réduction du « Mercure attachant ses talonnières » de Pigalle exposée au Louvre (photo ci-dessous).
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15 octobre 1943 Le maire écrit au ministre pour lui demander le remplacement du monument de l’amiral Duperré. 23 octobre 1943 Le ministère de l’Education Nationale, direction des Beaux-Arts, annonce au maire que la commande d’une statue de Fromentin a été demandée au sculpteur Francis Pellerin 26 octobre 1943 Pascal Boureille, statuaire, « prisonnier de guerre, rapatrié d’Allemagne » (comme il aime à le préciser) informe le maire qu’il vient de recevoir la commande d’une statue de Duperré. 5 novembre 1943 Le maire demande au Secrétariat Général des Beaux-Arts le remplacement de Guiton et de Fromentin et recommande l’emploi d’artistes locaux tels messieurs Chaumot et Vinet (Francis Pellerin, sera désigné pour réaliser le Fromentin malgré les protestations du conseil municipal.) décembre 1943 La Commission Extra municipale d’embellissement et d’extension de la ville réfléchit déjà sur de nouveaux emplacements pour cette prochaine sculpture de Fromentin car « la proximité des maisons d’habitation ne constitue pas un fond très heureux… » Cette commission note aussi « la gène apportée par cette statue pour le stationnement des voitures sur la petite place »…
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10 décembre 1943 Le maire demande au Secrétariat Général des Beaux-Arts que le buste de Réaumur soit lui aussi remplacé. 15 décembre 1943 Le Groupement Industriel d’importation et de répartition des métaux et la municipalité se mettent d’accord sur « la contre-valeur bronze » du Mercure, à savoir 5 Kgs à 30 Frs le Kg = 150 Frs. 23 décembre 1943 A propos de la future sculpture en pierre de Fromentin, le maire reçoit une lettre enflammée de l’un de ses administrés, grand admirateur du cheval arabe: « (…) Mais… ici permettez à un qui a connu Fromentin (j’avais 15 ans à sa mort, et il était alors mon voisin d’en face, et c’est dans son atelier que j’ai vu (en mannequin) mon premier arabe, bien avant ceux que j’ai fréquentés, en Algérie, Tunisie (1881), Maroc, Liban, Palestine Syrie (…) Si le groupe des survivants est clairsemé, il y a des lecteurs de son Sahara, et ceux de ses Sables, il y a… tous nos africains, il y a tous les administrateurs du cheval arabe, tous les hommes de cheval, et notre cher grand peintre et grand écrivain ayant glorifié le cheval arabe (et le goum) participe à sa gloire – Attendons que la reconstruction en bronze soit possible. – Ne nous installons pas dans la défaite. (…) »
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1944 De la pierre contre du bronze
6 Janvier 1944 Francis Pellerin envoie ses premières esquisses. 12 janvier 1944 Les membres du Conseil Extra municipal pour l’embellissement et l’extension de la ville et le sculpteur Francis Pellerin se rencontrent pour déterminer ensemble l’emplacement de la future statue de Fromentin. L’artiste précise qu’il a « renoncé à faire entrer dans sa composition des éléments anecdotiques, se bornant à faire figurer sur les faces du socle, des bas-reliefs symbolisant « la méditation poétique et l’inspiration créatrice » … …L’œuvre pourrait mesurer 2,50 m de hauteur sur un socle de 3 m. Les membres présents se mettent d’accord pour installer la sculpture en bas du mail. 14 janvier 1944 Le Ministère de l’Education National, Secrétariat des Beaux-Arts donne son accord pour remplacer le buste de Réaumur. janvier 1944 La municipalité reçoit 150 Fr d’indemnité pour son « Mercure ». Statuette dont on ne sut jamais rien depuis le jour de sa réquisition.
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Plâtre du Réaumur proposé plus tard par Georges Chaumot
février 1944 Georges Chaumot, sculpteur rochelais alors domicilié à Paris, reçoit la commande du buste en pierre de Réaumur. Commande faite par l’administration des Beaux-arts (Ministère de l’Education) sur proposition du Conseil Municipal « à un artiste local ». Dans un courrier au maire le sculpteur précise que le buste devrait mesurer 80 cm de haut. (C’est Georges Chaumot qui avait réalisé le moule du Réaumur avant son enlèvement). Plâtre du Réaumur proposé plus tard par Georges Chaumot
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9 Mai 44 La commission extra municipale d’embellissement et d’extension de la ville critique le projet Fromentin présenté par Francis Pellerin. Monsieur Jean Béraud, architecte, lui reproche l’importance de la femme représentant « la pensée de l’artiste ». Il propose que cette femme soit nue ou vêtue d’un drapé à l’antique. Monsieur Gaston Balande, directeur du Musée de peinture, estime que la pensée représentée par cette femme est trop imposante, que les bas-reliefs devraient plus exprimer la valeur de l’œuvre d’Eugène Fromentin, à la fois peintre, romancier et critique. 6 Juin 1944 Le débarquement des alliers com-mence en Normandie.
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1945 Coup de théâtre ! 11 ou 12 mai 1945 De façon officieuse, Monsieur Guillet, capitaine des FFI rencontre le maire et lui révèle que les trois statues, Le Duperré, le Fromentin et le Guiton sont intacts. Pendant deux ans au sein de l’entrepôt dont il était l’adjoint du directeur, il a veillé sur elles en les cachant continuellement sous d’autres sculptures. Cet homme, rochelais de naissance, les avait tout de suite reconnues dès leur arrivée au dépôt des métaux non ferreux.
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13 mai 1945 L’adjoint Délégué, membre du Comité Rochelais de libération réclame à la société de récupération des métaux les trois statues. 19 mai 1945 Cette nouvelle ne fait pas que des heureux. Le président de l’Automobile-club de la Charente-Inférieure, apprenant par la presse que les trois statues sont de retour, forme le vœu que celles-ci ne soient pas réinstallées aux mêmes endroits « afin de ne pas gêner le stationnement des véhicules et la circulation des industriels… »
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29 mai 1945 Le Groupement d’importation et de répartition des métaux se donne soudain des airs de résistants et dans une lettre au maire : « (…) Grâce aux mesures clandestines prises d’accord avec le commissariat à la mobilisation et le chef de section des métaux non ferreux, notre groupement a pu préserver un certain nombre de monuments. Parmi ceux-ci figure la statue de Guiton qui ornait une des places de votre ville (…) Nous avons été autorisés par la production Industrielle, de restituer les statues aux municipalités auxquelles elles appartenaient à condition toutefois, que notre groupement soit remboursé des sommes qu’il aurait versées pour l’acquisition de ces statues, et les frais de transport et de repose restent à la charge de la municipalité (…)» 8 juin 1945 En réponse, le maire rappelle aussi l’existence du Duperré et du Fromentin. 13 juin 1945 Le Groupement d’Importation et de répartition des métaux consent à restituer les trois statues contre remboursement des sommes versées et à la condition que la ville prenne en charge le transport et, grand seigneur, le groupement prend à sa charge « les frais de magasinage » avec l’accord, il est vrai, du Ministère de la production industrielle.
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16 juin 1945 Francis Pellerin, sculpteur du Fromentin en pierre, s’alarme dans un télégramme adressé au maire : « Attends suite urgence excuses remerciements, Pellerin » 13 octobre 1945 Election du nouveau maire de La Rochelle, Franck Lapeire. 25 octobre 1945 Les trois grandes statues de Duperré, de Fromentin et de Guiton sont de retour à La Rochelle. Plus exactement au Château de Lafond. Le 8 mai 1945, à 6h00, Jour de capitulation de l'Allemagne, Schirlitz, dans son poste de commandement de Lagord, se rend sans conditions.
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1946 Duperré, Fromentin et Guiton réapparaissent
8 mai 1946 Le maire Franck Lapeyre inaugure le retour sur leurs socles des trois statues. Symboliquement celles-ci sont situées exactement comme elles l’étaient avant la guerre. Ce jour est aussi le premier anniversaire de la fin de « la poche de La Rochelle » donc de la guerre. 30 mai 46 Le maire refuse poliment au boulanger Trugné, officiant dans la rue de la ferté, qu’on grave au pied de la statue de Jean Guiton le poème qu’il a composé en son honneur. Inauguration du 8 mai 1946
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L’histoire se terminera en… 1967
13 février 1957 La Société des Sciences naturelles de la Charente Maritime adresse deux vœux au maire, René Bernard de Saint-Affrique, dont celui de voir à nouveau le buste de Réaumur dans le petit square devant le Musée d’Orbigny-Bernon (…le second vœux concernait la surveillance active des gardiens de la paix pour interdire aux enfants l’usage de la fronde qui détruit « les petits oiseaux si utiles et qui font l’agrément de nos parcs… ») 5 mars 1958 L’Académie des Belles-lettres, des Sciences et des Arts de La Rochelle renouvelle le vœu de revoir le buste de Réaumur en lieu et place. 1900 le buste de Réaumur, œuvre du sculpteur Le Moyne, devant le Musée d’Orbigny-Bernon.
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20 novembre 1967 68 ans après sa première inauguration (23 sept 1899), 26 ans après sa réquisition, le nouveau buste en bronze de Réaumur, l’œuvre du sculpteur Le Moyne moulé par Georges Chaumot pendant la guerre puis refondu par la fonderie d’art Susse, est inauguré. Cette inauguration scelle la fin d’une époque où l’on pouvait se marier sous l’œil attendri d’un réverbère qui n’eut pour seul défaut que d’être en bronze...
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