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PLOTIN ( ) Pierre Baribeau (2007)

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1 PLOTIN (205-270) Pierre Baribeau (2007)
«Essayer d’emmener le dieu en vous au divin dans l’univers.» (Vie 2, 26-27) Professeur- tuteur de ma Lecture Dirigée I: Sara Magrin LES NÉO-PLATONICIENS

2 Introduction aux Ennéades L’ontologie subversive de Plotin (d’après Alain Panero)
«Il est presque banal aujourd’hui de lire les Ennéades. Plotin ( ) figure depuis quelques années sur la liste des philosophes étudiés dans les classes […], tout comme Platon, Descartes ou Kant. L’œuvre difficile car métaphysique de Plotin – la connaissance des hypothèses du Parménide de Platon est un réquisit pour étudier sérieusement Plotin – est souvent présentée comme une sorte d’élargissement et de parachèvement du rationalisme grec, comme un système de pensée si vaste qu’il peut satisfaire à la fois notre besoin de croyance et notre désir de savoir […]

3 Introduction aux Ennéades L’ontologie subversive de Plotin
[…] On sait que chez l’Alexandrin, quels que soient les niveaux ou les degrés d’étantité, de l’Un jusqu’à la matière, il n’y a qu’un seul et même principe, une seule et même origine. Au fond, l’univers plotinien, à l’instar de celui de Spinoza, est d’un seul tenant. En lui, tout est compris, la pensée comme la matière, l’être comme le néant, un point c’est tout. Toute extériorité ou toute altérité absolu est interdite. Si l’Un a bel et bien, dans sa liberté hyperbolique, le pouvoir de se déprendre de lui-même, et d’échapper ainsi à toutes les déterminations possibles et imaginables, c’est pour mieux se retrouver lui-même. Aucun résidu, pas même…

4 Introduction aux Ennéades L’ontologie subversive de Plotin
…la pure multiplicité de la matière, ne peut subsister indépendamment de l’Un, qui est le fonds sans fond, l’au-delà de tous les au-delà, le dehors de tous les dedans et le dedans de tous les dehors, l’Un, qui, à l’instar peut-être de ce que les phénoménologues nomment aujourd’hui un champs transcendantal, déborde tout et auquel tout participe. Le maximum de transcendance garantit ainsi le maximum d’immanence, ce qui est le propre de la vie de l’absolu conçu comme infini. Mais ce n’est pas assez de dire que l’absolu est l’autoposition de l’infini…

5 Introduction aux Ennéades L’ontologie subversive de Plotin
…Tant que l’on raisonne ainsi, à l’intérieur d’un cadre où la raison et le concept demeurent souverains […] on ne pressent pas le caractère subversif de l’ontologie plotinienne. On se figure encore qu’une pensée de l’infini est une pensée maîtrisée, une pensée en quelque sorte héroïque, consciente de ses limites et les dépassant par cette conscience même. Mais justement, tant que l’on se représente les choses ainsi dans une sorte de perspective hégélienne […] on lit les Ennéades idéalisées. En fait, l’absolu chez Plotin, ce qu’il nomme l’Un, défie…

6 Introduction aux Ennéades Le langage est un instrument impuissant
…irrémédiablement et par avance toutes nos capacités d’analyse et de synthèse […] L’Alexandrin retrouve donc – mais ce n’est pas sûr – l’inspiration du Platon des dialogues aporétiques ou de la Lettre VII: «Voilà le motif [la perspective d’un langage qui ne serait qu’un instrument impuissant] pour lequel quiconque réfléchit n’aura jamais la hardiesse de déposer dans le langage les pensées qu’il a eues, et cela, de le faire dans une chose immuable, telle qu’est précisément celle qui est constituée par des caractères écrits (Lettre VII, 343 a)».

7 Introduction aux Ennéades L’Un
[…] l’idéal d’une pensée pure, d’une objectivité absolue, d’une sagesse infinie comme science rigoureuse ne peut plus être celui de Plotin. Les Ennéades sont une sorte de testament philosophique de la raison, d’un logos qui sait désormais que son avenir n’est plus dans la maîtrise et la «pensée de la pensée». Car la liberté hyperbolique de l’Un, son infini puissance d’échappement interdisent toute pensée de survol. Il y a donc chez Plotin une manière inhabituelle de lâcher prise. Mais cela ne doit pas être assimilé à un pur et simple abandon mystique. Il s’agit plutôt de déconstruire les évidences des philosophies éternitaristes du plein.

8 Introduction aux Ennéades Influences de Platon
Parmi ces matériaux d’origine platonicienne, on trouve avant tout la notion de conversion, epistrofh, de retournement, notion que connaissent ceux qui étudient l’allégorie de la caverne: «Quand l’un de ces hommes aura délivré et forcé soudainement à se lever, à tourner le cou, à marcher, à regarder du côté de la lumière (République, livre VII, 515 e)». La conversion philosophique, c’est l’effort héroïque d’un homme qui, seul contre tous, et à ses risques et périls, détourne soudain les yeux des ombres et des illusions séduisantes du monde sensible.

9 Introduction aux Ennéades Influences de Platon
Chez les deux auteurs, l’epistrofh ne doit pas être confondue avec cette autre conversion que l’on nomme metanoia et qui évoque le repentir de l’âme pécheresse qui est de l’ordre de la foi. Or, ni Platon ni Plotin n’en appellent à la foi. Tel est leur point commun. La notion plotinienne de conversion est avant tout définie par rapport à deux notions fondamentales, celles de procession et de purification. La notion de conversion n’évoque plus chez Plotin la simple image d’un prisonnier se libérant de ses chaînes. C’est désormais une notion difficile.

10 Introduction aux Ennéades La conversion
Si la notion de conversion, qui implique à la fois l’image d’un retournement et l’idée d’une rupture décisive c’est surtout parce qu’elle est une catégorie clef de la métaphysique plotinienne. La conversion peut être définie comme la phase de substantialisation des différents niveaux de réalité à partir de l’Un. La deuxième hypostase (l’intelligence ou le Noyq), procédant de l’Un, se retourne vers lui, et ce n’est que dans ce mouvement même de conversion qu’elle se substantialise en tant qu’Intelligence: elle devient alors le principe d’une nouvelle procession: l’Âme universelle.

11 Introduction aux Ennéades L’Âme universelle
L’Intelligence engendre l’Âme universelle qui, se retournant vers l’hypostase dont elle procède, se substantialise et vaut à part entière comme nouvelle hypostase. Toute multiplicité qui se retourne s’unifie et se hisse à un degré ontologique supérieur. «Il [l’Un] surabonde et cette surabondance produit une chose différente de lui. La chose engendrée se retourne vers lui, elle est fécondée, et tournant son regard vers lui, elle devient l’Intelligence (V, 2,1, l. 8-12)». «Au moment où la vie dirige vers lui ses regards, elle est illimitée; une fois qu’elle l’a vu, elle se limite […] la vie qui a reçu une limite est l’intelligence (VI,7,17)». «elle [l’Intelligence] s’épanche comme l’Un […] Cet acte, qui procède de l’être, est l’âme […] en se tournant vers l’être d’où elle vient, elle [l’Âme] est fécondée (V,2,1, l.15-19)»

12 Introduction aux Ennéades intemporalité
«L’âme de l’univers doit contempler les êtres excellents et se porter toujours vers la nature intelligible et vers Dieu; elle s’en remplit, et quand elle s’en est une fois remplie, il naît d’elle une image, qui est à sa limite inférieure; cette image est la puissance productrice de toutes choses (c’est-à-dire la Nature)» (II,3,18, l. 8-13). Cette genèse et ce rythme sont intemporels: «et que le devenir dans le temps ne soit pas pour nous une difficulté alors que nous traitons de réalités éternelles; en paroles, nous attribuons le devenir à ces réalités afin d’exprimer leur lien causal et leur ordre, de fait il faut dire que ce qui vient de l’Un en vient aussi sans qu’il y ait mouvement» (V, 1,6, l ). La conversion de l’intelligence est le mouvement de constitution d’une unité multiple et celle de l’Âme universelle le mouvement de constitution d’une totalité.

13 Introduction aux Ennéades Conversion des choses sensibles
Peut-on parler d’une conversion des choses sensibles. En III,8,1,l. 2, Plotin nous dit que: «tous les êtres désirent contempler». Les choses sensibles, êtres parmi les êtres, tendent à s’unifier. Si les réalités sensibles sont tenues pour illusoires, on doit plutôt penser que ces dernières ne sont pas le moteur même de leur conversion. Toujours est-il que la consistance des choses sensibles ne peut pas être purement et simplement assimilée à celle de la matière. La conversion est le mouvement même de constitution des deuxième et troisième hypostase. Quant à l’Un, qui est «au-delà de l’essence», peut-on dire qu’il opère une conversion? En vérité, puisque cette notion suppose une référence à un principe immédiatement antérieur, on ne peut envisager une conversion de l’Un qui «cause de la cause» (VI, 8,18, l. 38) est antérieur à tout principe. Le principe universel n’a pas de principe (VI, 8, 11, l. 8-9).

14 Introduction aux Ennéades L’Un est tourné vers lui-même
«Sur ce sujet, on doit toutefois être prudent. À deux reprises, Plotin dit que l’Un est tournée vers lui-même: «si une chose vient après lui , elle ne peut venir à l’existence que s’il est éternellement tournée vers lui-même» (V,1,6, l.17-19). Et un peu plus loin: «Mais l’Un n’est pas l’intelligence. Comment donc engendre-t-il l’Intelligence? Parce qu’il voit en se tournant vers lui-même; et cette vision est l’Intelligence» (V,1,7, l. 4-6). En fait, la question du rapport de l’Un à lui-même est inséparable de celle du passage de l’Un au multiple. Ce point qui, d’une certaine façon, est le point crucial de l’analyse plotinienne est aussi, du moins en première analyse, la tache aveugle de sa métaphysique. Aussi les choses paraissent-elles plutôt décevante: …

15 Introduction aux Ennéades La générosité absolue
…«dès qu’un être arrive à son point de perfection, nous voyons qu’il engendre; il ne supporte pas de rester en lui-même» (V,4,1, l ). Ou encore: «étant parfait, l’Un surabonde et cette surabondance (yperplhphq) produit une chose différente de lui» (V,2,1, l.8-9) […] En réifiant le passage de l’Un à ce qui n’est pas lui, on laisse entendre que le «donateur» (l’Un) et le «donataire» (ce qui n’est pas l’Un) sont deux termes autonomes liés par un contrat. En réalité, il faut imaginer la surabondance de l’Un comme un élan de générosité absolue. Cette générosité constitue de part en part le donataire. Mais comparaison n’est pas raison […] comment l’Un peut garantir l’unité? C’est la difficile question de l’univocité de l’être, la question de la participation du sensible à l’intelligible, et, en l’occurrence, de l’intelligible à l’Un. Autant dire qu’un tel «savoir» ne saurait être transmis au moyen d’une simple formule.»

16 Introduction aux Ennéades Cosmologie
Si la procession s’arrêtait au niveau de l’Âme universelle, nous serions de part en part dans l’intelligible. Mais l’Âme universelle, toujours tournée vers le Noyq, est la source d’une nouvelle procession. Son rayonnement démiurgique produit le monde. Du reste, cette production n’est nullement artisanal: à aucun moment l’Âme n’a à détourner son regard de l’Intelligence pour contrôler ce qu’elle fait. En ce sens, l’image d’une fabrication artisanale employée dans le Timée de Platon ne peut satisfaire Plotin. Pour rendre compte de la continuité de la procession, Plotin distingue plusieurs plans: l’Âme universelle (toy pantoq), qui «est toujours dans la région supérieure» (IV, 3,4, l.21-22) et dont la fonction est la contemplation des idées, …

17 Introduction aux Ennéades De l’Âme universelle à la Nature
…s’épand pour devenir l’âme du monde (toy kosmoy) puis la Nature qui est également une âme […] «La partie de l’âme qui est la première, est en haut; toujours au sommet, dans une plénitude et une illuminations éternelles, elle reste là-bas, et elle participe la première à l’Intelligible; l’autre partie de l’âme qui participe à la première, procède éternellement, seconde vie issue de la première vie, activité qui se projette de tous côtés et qui n’est absente nulle part. L’âme, en procédant, laisse sa partie supérieure au lieu intelligible que sa partie inférieure quitte» (III, 8, 5, l ) […] En fait, l’âme du monde et la Nature ne font qu’un puisqu’elles procèdent du même principe. D’autant que leurs fonctions cosmologiques se complètent.

18 Introduction aux Ennéades La multiplicité indivisible
L’âme du monde, qui «se distribue dans la sphère des fixes et les sphères des planètes selon la diversité de ses puissances» (III,4,6, l.24-26), anime la région céleste qui est la plus divine du monde. «Si le ciel est ce qu’il y a de meilleur dans le lieu sensible, il est contigu aux derniers des êtres intelligibles; donc les êtres célestes sont les premiers à recevoir la vie du monde intelligible, à cause de leur plus grande aptitude à y participer» (IV,3,17, l. 3-6). La Nature, dont le rayonnement est plus faible, mais tout aussi continu, produit la multiplicité indivisible des choses d’ici-bas: «Ce qu’on appelle Nature est une âme; elle est le produit d’une âme antérieure animée d’une vie plus puissante qu’elle; elle contient en elle une contemplation silencieuse, qui n’est dirigée ni vers les êtres dans haut ni vers les choses d’en bas.

19 Introduction aux Ennéades La Nature n’est pas démiurge
Restant à son propre niveau, dans le repos et la connaissance d’elle-même, elle voit, grâce à cette intelligence et à cette connaissance qu’elle a d’elle-même, les choses qui sont après elle, autant qu’il lui est possible de les voir, et sans autre recherche, elle produit d’un coup l’objet de sa contemplation, avec toutes ses splendeurs et toutes ses grâces» (III,8,4, l ). Notons que cette production, qui n’est pas la production d’un Tout à partir d’un assemblage de partie, n’est pas non plus artisanale: «Elle [la Nature] n’a évidemment ni mains ni pieds, ni instrument naturel ou acquis […] La Nature n’emploie pas de leviers pour produire des êtres (III, 8, 2, l. 1-4)

20 Introduction aux Ennéades Les Âmes particulières
L’Âme universelle est faite d’une multiplicité d’âmes particulières. Ainsi, les âmes des hommes sont des âmes particulières ou individuelles. L’âme des astres, des animaux ou des plantes, sont également des âmes individuelle. L’étude des rapports de l’Âme universelle aux âmes particulières est délicate. Plotin souligne la difficulté de ce sujet: «l’argumentation demande de quelle manière elles [les âmes particulières] font une âme unique […] Mais comment un être [l’Âme universel], en restant ce qu’il est pourrait-il tirer de lui plusieurs êtres? Invoquons le secours d’un dieu pour montrer comment, s’il y a plusieurs substances, il faut qu’il y ait d’abord une substance unique et comment des substances doivent venir de la substance unique (IV,9,4, l.2&5-8).

21 Introduction aux Ennéades De substance unique à substances multiples
Il s’agit de décrire un Tout qui n’est pas seulement un ensemble de parties. «Dans les sommes d’unités et dans les figures géométriques, aussi bien que dans les corps, le tout est nécessairement diminué par sa division en parties, et chaque partie est plus petite que le tout […] Or le mot partie ne peut être pris en ce sens, dans le cas de l’âme; car l’âme n’est pas une quantité» (IV,3,2, l.24-27&29-30). Autrement dit, l’Âme universelle ne peut exister postérieurement aux âmes particulières., à la manière d’une somme résultant de l’addition de ses parties. Une telle totalisation ne peut avoir de pertinence ontologique chez Plotin.

22 Introduction aux Ennéades L’âme particulière à une responsabilité individuelle
Plotin assigne à chacun d’entre nous une responsabilité individuelle. L’âme conçu comme force organisatrice des corps et l’âme conçu comme siège de la destinée. Certaines âmes, plus méritantes que d’autres, sont éminentes (cf III,2,18). La hiérarchisation des âmes ne présuppose pas ici d’intentions politiques. Il ne s’agit pas de distinguer les meilleurs âmes dans le but de leur confier la direction des affaires publiques. Contrairement à Platon, Plotin n’entend pas fonder la division du travail et des classes sociales sur une métaphysique de la différenciation des âmes. En relativisant être et non-être, en faisant du non-être l’autre de l’être, Platon confère au non-être un être et admet au niveau de l’être même le principe d’une altérité défaisante: certaines âmes plus aliénés valent moins que d’autres.

23 Introduction aux Ennéades Récompense et châtiment
Si la justice existe réellement, alors le «méchant» doit être châtié et le «juste» doit être récompensé. Cette exigence implique tout un système métaphysique de peines et de gratifications. La procession des âmes humaines semble obéir à une loi supérieure: «La loi divine ne peut être évitée, et elle a en elle-même le pouvoir d’accomplir ce qu’elle a évitée, et elle a en elle-même le pouvoir d’accomplir ce qu’elle a décidé; sans le savoir, le coupable est transporté aux lieux où il convient qu’il subisse sa peine emporté par un mouvement incertain, flottant partout, il finit après bien des errements, et après s’être beaucoup fatigué à une vaine résistance, par tomber au lieu convenable» (IV,3,24, l.10-15).

24 Introduction aux Ennéades La dépolitisation de la morale
Constatant les maux qui sévissent ici-bas Plotin après Platon: «Aussi faut-il, le plus vite possible s’enfuir d’ici là-bas» (Théétète 176 a) dit clairement qu’«il faut nous enfuir d’ici» (I, 2, 1, l.3). Plotin exprime seulement le dégoût et l’étonnement de celui qui découvre le mal. Il décrit la crise existentielle ou la conversion de celui qui devient le philosophe, qui «dépouillant le vieil homme» opère une rupture avec sa vie passée. Il constate que l’homme, souvent prisonnier des passions, poursuit seulement l’agréable et mène une vie désordonnée en ignorant le bien véritable, comme le suggère l’image des tonneaux percés dans le Gorgias (493 e-494c). En s’attachant de façon excessive aux inclinations de sa nature sensible (appétits, désirs, passions), l’homme oublie sa vocation intelligible.

25 Introduction aux Ennéades L’opinion
L’opinion, qui n’accorde de valeur qu’à l’évidence sensible, ne parvient même pas à soupçonner la possibilité d’une existence tout autre. Mais le sens commun, rebelle aux conseils du philosophe, sait parfois faire preuve de bon sens. Le philosophe, qui n’est évidemment qu’un homme comme les autres, et parfois, un sophiste comme un autre, peut très bien parler au nom d’intérêts obscurs (ambition, crainte, croyance, besoin de consolation, etc.). Comment, dès lors, se connaître si l’on est à la fois juge et parti? La fameuse maxime «connais-toi toi-même» n’est pas si aisée à mettre en œuvre. Il est bien difficile d’être impartial sur les questions morales, surtout si le bien commun, c’est-à-dire le bien de la cité, est en question.

26 Introduction aux Ennéades L’imitation de Dieu
Dieu, c’est-à-dire l’Intelligence – mais aussi «l’être qui est sans forme» (l,2), c’est-à-dire l’Un – n’a pas à être vertueux puisqu’il est pure. Aussi Plotin soutient-il une thèse pour le moins paradoxale: «nous devenons semblables à Dieu par nos vertus propres, même si Dieu n’a pas de vertus» (I, 2, 1, l.30-31). L’idée de devenir semblable à Dieu est empruntée au Théétète de Platon: «Or, la fuite consiste à se rendre, dans la mesure du possible, semblable à la Divinité; et se rendre semblable à elle, c’est être devenu juste et pieux avec l’accompagnement de la pensée (176 b). Quant à celle d’un «Dieu qui n’a pas de vertus», elle se trouve chez Aristote: «Mais quelles sortes d’actions devons-nous leur [aux dieux] attribuer? Est-ce les actions justes? Dieu est meilleur que la vertu.

27 Introduction aux Ennéades Dieu est meilleur que la vertu chez Aristote
«Même raison d’écarter ce qui a rapport à l’idée. En admettant même, en effet, qu’il y ait un seul Bien comme prédicat commun à tous les biens, ou possédant l’existence séparée et par soi, il est évident qu’il ne serait ni praticable, ni accessible à l’homme, alors que le bien que nous cherchons présentement c’est quelque chose qui soit à notre portée. Peut-être pourrait-on croire qu’il est tout de même préférable de connaître le Bien en soi, en vue de ces biens qui sont pour nous accessibles et réalisables: ayant ainsi comme un modèle sous les yeux, nous connaîtrons plus aisément les biens qui sont à notre portée, et si nous les connaissons, nous les atteindront […] Cet argument […] semble en désaccord avec la façon dont procède les sciences: si toute les sciences tendent à quelque bien et cherchent à combler ce qui les en sépare encore, elles laissent de côté la connaissance du bien en soi» (I, 4, 1096 b a 1-6)

28 Introduction aux Ennéades La notion de purification
Les vertus civiles restent aux yeux de Plotin des vertus inférieures. Elles manifestent une unification et par là même une ressemblance avec Dieu; mais d’un autre point de vue, il ne s’agit là que d’une ressemblance contestable puisque l’imitation, si elle n’est pas purification, unification ou simplification véritable, peut n’être qu’une simulation. «Celui qui a les vertus sous la forme supérieure possède nécessairement en puissance les vertus sous leur forme inférieure» «Mais celui qui possède celles-ci n’a pas nécessairement celles-là» (I,2,7, l ) […] Le philosophe «ne vit pas de la vie de celui qui, au jugement de la vertu civile, est un homme de bien; il abandonne cette vie, il en choisit une autre qui est celle des dieux; car il veut devenir semblable aux dieux et non aux gens de bien.

29 Plotin Porphyre Porphyre, l’élève de Plotin, en écrivant la Vie de Plotin (Vita Plotini), voulait montrer qu’il avait été investi par le maître de la tâche d’éditer son œuvre. Il publia la Vie de Plotin et les Ennéades au début du quatrième siècle ap. J-C. environs trente ans après la mort de Plotin. Les 21 traités que Plotin composa entre 254 et 263 sont, insinue Porphyre, des œuvres de jeunesse, tandis que ceux écrits après le départ de Porphyre de Rome en 269 reflètent un certain déclin (Vie 6, 28-37). Plotin entreprit l’étude de la philosophie à l’âge de 28 ans à Alexandrie en Égypte. Il fut inspiré par un maître, Ammonius Sakkas et resta avec lui pendant 11 ans.

30 Plotin L’empire romain
Il rejoignit ensuite l’expédition militaire de l’empereur Gordien III contre les Perses en 242. Au cours de l’expédition, l’empereur fut tué par ses propres soldats (244). Plotin fuit à Antioche et se rendit à Rome où il s’installa. Il n’est pas impossible que Plotin ait été un Égyptien doté d’une solide culture hellénique. Le grand âge de l’empire romain, une époque de stabilité politique, de sécurité militaire et de développement économique et social, avait pris fin avec la dynastie des Sévères ( ). Plotin fut le témoin d’une succession d’empereurs dont les règnes, généralement de quelques mois, s’achevaient habituellement par un assassinat.

31 Plotin Enseignement D’incessantes guerres civiles accompagnaient des invasions fréquentes et souvent catastrophiques de l’empire depuis la Perse et l’Europe du Nord. Ceci portait de sérieux dommages à l’agriculture: disette, nombreuses épidémies, dépeuplement, interruption du commerce, sérieuse inflation, lourdes taxes, militarisation accrue de l’administration. Plotin commença à enseigner à Rome au milieu d’un cercle d’amis et d’élèves. Son cercle comprenait des sénateurs et d,autres hommes politiques, des médecins, des hommes de lettres, un certain nombre de femmes, tous venant de milieux différents: Égyptiens, Syriens, Arabes, Italiens et Romains. Les liens de Plotin avec le pouvoir romain permirent une amitié avec l’empereur Galien ( ) et sa femme.

32 Plotin Le cercle de Plotin
Plotin tenta de profiter de cette occasion pour fonder en Campanie une cité, qui se serait appelé Platonopolis et aurait été gouverné, semble-t-il, d’après les idées politiques de Platon. Cependant, le projet rencontra l’opposition de la Cour et ne fut pas réalisé. L’activité principale du cercle de Plotin était la discussion philosophique. Les réunions étaient ouvertes à tous. Une menace plus sérieuse était l’influence exercée sur certains membres de son cercle par un mouvement religieux connu sous le nom de «Gnosticisme» chez les spécialistes modernes. Le Gnosticisme était un mouvement religieux qui habituellement prenait la forme d’une hérésie chrétienne. Se répandant à travers l’empire romain dans les premiers siècles après J-C., il promettait le salut aux rares privilégiés qui étaient en possession d’une révélation ou connaissance spéciale.

33 Plotin Gnosticisme Cette connaissance (gnosiq) affirmait que le monde dans lequel nous vivons est l’ouvrage de forces mauvaises et ignorantes, un monde dans lequel des fragments d’un monde supérieur, un monde de divinités bonnes, sont emprisonnés. En tant qu’éléments divins immergés dans le corps, nous attendons d’être libérés de notre corps et des puissances du mal. Tandis que les ennemis chrétiens du Gnosticisme le considéraient comme une hérésie engendrée en partie par la puissance corruptrice de la philosophie grecque, Plotin y voyait une lecture arrogante et perverse de Platon. L’empereur Galien fut assassiné en 268 et l’anarchie générale continua. Durant les deux dernières années de sa vie, Plotin écrivit davantage sur des questions morales: le mal, la providence, le bonheur.

34 Ennéades IV 7 L’immortalité de l’âme (d’après Dominic O’meara)
«L’un des premiers écrits de Plotin est consacré à la démonstration de l’immortalité de l’âme. Platon l’avait soutenue dans le Phédon et dans le Phèdre (245 ce). L’affirmation de Platon que l’âme est une réalité incorporelle, non composée et non sujette à la destruction est rejetée par Aristote. Pour Aristote, l’âme, en tant que structure (ou forme) responsable des diverses fonctions d’un corps vivant, ne peut échapper à la mort. Néanmoins une fonction vitale, l’intellect, semble être une exception: dans l’optique d’Aristote, la pensée n’est pas la fonction d’un organe corporel particulier. L’intellect semble ainsi avoir quelque prétention à l’immortalité (De anima II,2,413 b 24-27;III,4-5) […] Les Stoïciens dans l’ensemble n’admettaient qu’une sorte d’immortalité limitée et impersonnelle: après la mort, les âmes des sages peuvent s’unir à l’esprit divin…

35 Ennéades IV 7 L’immortalité de l’âme
…immanent au monde pour ne faire qu’un avec lui. Les Épicuriens, fidèles à leur théorie que tout n’est qu’un assemblage momentanée d’atomes dans le vide, concevaient l’âme comme un agrégat d’atomes (particulièrement fins), sa vraie nature la destinant par conséquent à la désagrégation. Dans le traité IV 7, Plotin soutient la position de Platon en réfutant les théories d’Aristote, des Stoïciens et des Épicuriens […] Plotin montre rapidement comment la question de l’immortalité implique une autre question, celle de la nature de l’âme. Car si nous sommes composés de corps et d’âme, il est clair que c’est seulement au niveau de l’âme que l’on peut trouver une réelle chance de survivre à la mort. Mais cela signifierait que l’âme ne peut être un corps et doit être capable d’exister sans corps. Plotin argument contre l’affirmation stoïcienne et épicurienne que l’âme est un corps […] l’âme n’est pas un corps et ne dépend pas du corps quant à son existence.

36 Ennéades IV 7,2-8 L’âme n’est pas un corps
«La plupart des arguments utilisés par Plotin contre les thèses de ceux, principalement les Stoïciens, qui identifie l’âme au corps, ne sont pas nouveaux. On peut les trouver déjà dans le Phédon de Platon, dans le De anima d’Aristote. La stratégie d’ensemble suivie par Plotin se résumerait ainsi. Toutes les parties engagées dans le débat convienne que par «âme» elles entendent la cause responsable de la vie dans certains corps (ceux des plantes et des animaux et les êtres humains); La nature du corps est telle qu’il est incapable d’agir comme cette cause. Plotin est en mesure de conclure que l’âme ne peut être de nature corporelle. Le second point est établi à la fois quant à la vie en général et quant à la diversité des fonctions vitales spécifiques.

37 Ennéades IV 7,2-8 L’âme n’est pas un corps
Si l’âme est la source de vie dans un corps vivant, elle doit elle-même posséder la vie. Si elle est un corps, alors elle l’est en tant qu’un ou plusieurs des quatre constituants (ou éléments) fondamentaux des corps: feu, air, eau et terre, ou en tant qu’un composé produit à partir de ces éléments. Mais les éléments eux-mêmes sont sans vie. Et les choses composée à partir de ces éléments dépendent d’autre chose, d’une cause qui les assemble. Mais cette autre chose est ce que l’on appelle l’âme. Par conséquent, l’âme ne peut être un corps, qu’il s’agisse d’un élément ou d’une combinaison d’éléments. Quant à la diversité des fonctions vitales spécifiques, Plotin suit la liste qu’en donne Aristote, une liste qui nous aide à concrétiser ce qui est signifié par «vie»: vivre c’est être capable d’assurer une ou plusieurs des fonctions de nutrition, de croissance, de reproduction, de locomotion, de sensation…

38 Ennéades IV, 7, 2-8 L’âme n’est pas un corps
…,d’imagination, de mémoire, de pensée. Dans l’optique de Plotin, on peut montrer que l’âme, en tant que cause responsable de ces fonctions particulières, ne peut être un corps: «Comment nous rappelons-nous et comment reconnaissons-nous ceux qui sont proches de nous si nos âmes ne restent jamais les mêmes?» (5, 22-24) c’est-à-dire, comment puis-je avoir une identité qui persiste à travers le temps si mon âme est un corps et si tout corps est en flux perpétuel? Et quand je perçois en tant que sujet unique, et non en tant qu’une multitude de parties différentes. La puissance de sensation agit comme une unité tout en étant présente à travers les différentes parties du corps. Mais un corps ne peut pas être en différents lieux sans perdre son unité. Par conséquent l’âme en tant que faculté de sensation ne peut-être un corps.»

39 Ennéades IV 7, 84-85 L’âme ne dépend pas du corps
«Ayant réfuté à son avantage la thèse que l’âme n’est pas un corps, Plotin passe ensuite à la thèse que l’âme, quoique incorporelle, dépend néanmoins de sa relation au corps pour exister. Discutant l’idée que l’âme est un certain ordre harmonieux des parties du corps, Plotin demande ce qui est responsable d’organiser ainsi les parties: est-ce l’âme? Mais dans ce cas l’âme n’est pas l’ordre, mais plutôt ce qui crée l’ordre. Et si l’âme est la forme ou la structure d’un certain type de corps, comme l’affirme Aristote, alors qu’en est-il de la pensée, fonction vitale qu’Aristote lui-même ne considère pas comme la fonction d’une partie corporelle spécifique? Plotin suggère que même les fonctions biologiques inférieures ne sont pas rattachés à des organes corporels particuliers en tant que leurs fonctions propres. L’exemple qu’il donne est celui d’une plante qui peut conserver ses différentes…

40 Ennéades IV 7, 84-85 L’âme ne dépend pas du corps
…puissances biologiques dans ses racines quand bien même les parties de son corps correspondant à ces puissances ont dépéri […] Après la longue lutte contre le matérialisme stoïcien, il se hâte vers la fin désirée, la conclusion que l’âme, en tant que source de vie dans les corps, n’est pas un corps et ne dépend pas du corps quant à son existence. Ceci nous amène à l’immortalité de l’âme. Plotin est prompt également à transformer la distinction qu’il a établie entre l’âme et le corps en une distinction générale entre réalité intelligible et réalité sensible […] entre ce qui est vraiment et éternellement et ce qui est sujet à un changement perpétuel. L’argument en faveur de l’immortalité concerne-t-il l’âme prise en générale ou aussi chaque âme individuelle? Si l’âme est séparé du corps, comment se fait-il qu’elle soit dans le corps?»

41 Ennéades IV 7 Le concept d’âme
«Chez Plotin l’âme se comporte plutôt comme la force de vie cosmique des Stoïciens qui pénètre la matière passive, lui donnant structure, cohésion, ordre à tous égards. En outre les fonctions spécifiques exercées par cette cause dynamique correspondent à celles inventoriées par Aristote. En même temps, Plotin s’éloigne du Stoïcisme et de l’Aristotélisme. Le corps en général, en tant qu’élément fondamental inanimé ou en tant que composé […] est caractérisé par la passivité, l’incapacité d’auto-organisation que les Stoïciens n’attribuaient qu’à un seul aspect de la nature corporelle. C’est pourquoi la force dynamique sans laquelle le monde ne pourrait exister doit […] être incorporelle et indépendante du corps. Quant à l’Aristotélisme, Plotin ne restreint pas le domaine de l’âme aux choses organiques, comme le fait Aristote: l’âme est responsable de la…

42 Ennéades IV 7 Le concept d’âme
…structure de l’univers tout entier. Plotin ne comprend pas non plus les différentes fonctions exercées par l’âme comme existant nécessairement seulement en tant que fonctions des organes corporels correspondants. L’âme peut agir de différentes manières en relation avec différents organes du corps. Mais elle ne dépend pas de ces organes quant à son existence. Ceci pourrait suffire pour le moment comme ébauche préliminaire de la conception plotinienne de l’âme.

43 Ennéades IV 4-5,22-23 Comment l’âme est-elle présente dans le corps?
«[…] Étant donné la distinction plotinienne entre âme et corps, on peut se demander pourquoi l’âme, puisqu’elle est si différente du corps, se trouve dans le corps, et même comment l’âme peut être présente dans le corps […] La distinction entre l’âme et le corps implique une très grande différence de nature entre les deux entités. Le corps est composé de quatre éléments de base: feu, air, eau et terre, eux-mêmes constitués de forme et de matière. En tant que composé, le corps tend par nature à la désagrégation […] L’âme en revanche est non composée, non sujette à la désagrégation, et, en tant qu’incorporelle, elle n,a ni taille ni masse. Elle n’est pas non plus localisée, ou rattachée à un lieu […] Dans le traité VI,4,2 Plotin relie le problème de la présence de l’âme dans le corps à la question plus générale…

44 Ennéades IV 4-5,22-23 Comment l’âme est-elle présente dans le corps?
…de la présence de la réalité intelligible dans le monde sensible. Il est conscient qu’en faisant ceci il se trouve confronté à l’un des problèmes les plus difficiles qui se posent à tout Platonicien. Parmi les difficultés présentées par Platon dans son Parménide concernant la théorie des Formes se trouve celle de la présence d’une Forme unique dans une multitude d’objets sensibles particuliers (131ac): comment une forme (par exemple la forme du Beau) peut-elle être présente en de nombreuses (belles) choses sans être divisée en elles? La présence de la Forme dans une multitude semble impliquer la destruction de la Forme comme tout, comme unité. Ceci ne peut être vrai. Mais pour sauver l’unité de la Forme, on doit renoncer à la possibilité d’une présence dans de nombreuses choses. Ceci aussi est inacceptable.»

45 Ennéades IV 4-5,22-23 Comment l’âme agit-elle sur le corps?
«Les Stoïciens affirmaient que seul un corps pouvait agir en tant que cause sur un corps. Ce principe avait déjà été formulé par Aristote. D’après lui, un objet, pour agir sur un autre, doit en général être en contact avec lui […] En ce sens l’âme, en tant que réalité incorporelle, ne peut agir sur le corps. Il n’est pas surprenant qu’Aristote (De anima I 3) trouve que Platon, en faisant de l’âme une réalité séparée du corps, est incapable d’expliquer comment l’âme agit sur le corps […] Un premier point relevé par Plotin est que l’action par laquelle l’âme agit sur le corps est à distinguer du changement produit dans le corps suite à cette action: «Car la partie de l’âme responsable de la croissance, en causant la croissance, ne croît pas, de même qu’en apportant une augmentation elle n’augmente pas, de même qu’en général en causant le mouvement elle ne se meut pas avec le mouvement.

46 Ennéades V 9,1-4 L’âme et l’intellect
«La distinction entre les réalités intelligible et sensible a été abordé du point de vue de la différenciation entre l’âme et le corps. Le traitement de problèmes que tout Platonicien doit affronter, ainsi que les critiques faites par les Aristotéliciens et les Stoïciens, a conduit Plotin à une nouvelle façon de considérer la séparation et la relation entre âme et corps […] il croyait que l’âme constituait seulement une partie de l’être intelligible […] Les Stoïciens conçoivent leur dieu organisateur immanent comme rationnel, comme logos, dont nous sommes, en tant qu’esprits, des fragments. Ce logos garantit que le monde qu’il structure est ouvert à la compréhension, donc rationnel […] Chez Aristote, la substance divine immatérielle imitée par les corps célestes est décrite par Aristote comme un intellect qui pense…

47 Ennéades V 9,1-4 L’âme et l’intellect
…nous pouvons dire que, bien que la plupart des philosophes de l’Antiquité aient postulé l,existence d’un intellect divin d’importance cosmique, il y eut beaucoup de divergences entre eux sur la manière dont cet intellect doit être décrit: «Dès lors il est peut-être ridicule de se demander s’il y a un intellect, quoique certains puissent arguer à ce sujet. Notre tâche est plutôt de dire si l’intellect est comme nous disons qu’il est, s’il y a un intellect séparé et s’il est l’être véritable et si la nature des Formes est là.» (V 9,3,l. 4-8) […] Si nous revenons à l’affirmation que l’âme organise le monde, cette activité présuppose un «art», à savoir un ensemble de connaissances, une sagesse, qui la guide. Plotin démontre que la sagesse dont fait preuve l’âme dans son organisation des choses n’appartient pas à l’âme par nature.

48 Ennéades V 9,5-8 L’intellect et les Formes
Il y a eu des divergences considérables parmi les Platoniciens au temps de Plotin au sujet de la relation entre l’intellect et les formes. L’occasion du débat fut fournie par le Timée de Platon: «L’intellect, dit [Platon], voit les Formes qui sont dans l’animal [idéal]. Puis le fabricant [le démiurge], dit-il, déduit que ce que l’intellect voit dans l’animal [idéal], cet univers doit aussi l,avoir. Veut-il dire que les Formes existent antérieurement à l’intellect, et que l’intellect les pense alors qu’elles existent déjà? (III, 9, 1, l. 1-5) L’enjeu est ici l’indépendance des Formes. L’interprétation dont Plotin fait mention considère les Formes comme antérieures à l’intellect divin, c’est-``a-dire qu’elles existent indépendamment de l’intellect qui les pense. Elles sont hors de l’intellect […] Si l’intellect divin pensait un autre que (hors de) lui-même,…

49 Ennéades V 9,5-8 L’intellect et les Formes
…, cela voudrait dire que l’intellect à un certain point saurait seulement potentiellement ce qui est autre que lui. Mais aucune potentialité ne peut s’introduire dans ce qui par nécessité doit être pure activité. Plotin se détache cependant d’Aristote lorsqu’il prétend que cette pensée de soi-même dans l’intellect divin est une pensée des Formes. Il affirme ceci parce que l’intellect fonctionne pour lui comme l’origine de la sagesse, ou des modèles, guidant l’âme dans sa production du monde. Une telle sagesse ne peut être dérivée du monde, puisqu’elle est le modèle du monde, elle ne peut ni se trouver originellement dans l’âme, qui l’acquiert, ni être acquise par l,intellect comme quelque chose d’autre que lui, car ce serait admettre la potentialité dans l’intellect divin […] L’indépendance des Formes peut être préservée si la pensée divine est comprise comme l’activité des Formes.»

50 Ennéades V 5, 1-2 Le problème de la vérité
«[…] Plotin traite le problème de la vérité, c’est-à-dire la question de savoir si nous pouvons prétendre à l’acquisition d’une connaissance vraie […] Le Gnosticisme exerçait une influence de plus en plus grandes sur les esprits de certains membres de l’école de Plotin. Pour combattre cette influence […] il critiquait lui-même le Gnosticisme: il le considère comme une lecture perverse de Platon […] le Gnosticisme est une attitude de revendication orgueilleuse, de refus de comprendre, d’ignorance délibérée […] Dans le traité V 5,l. 1-2, il cherche à comprendre la nature de la vérité […] Les Sceptiques avaient attaqué les philosophes, en particulier les Stoïciens et les Épicuriens, qui pensaient que la sensation produit la connaissance vraie. Comment, demandaient les Sceptiques, si la sensation est un processus par lequel nous acquérons des images…

51 Ennéades V 5, 1-2 Le problème de la vérité
…représentant les objets, pouvons-nous être sûrs de la vérité de ces images? Les images pourraient refléter des aspects de nos organes sensoriels plutôt que de donner une représentation fidèle des objets. Et nous ne pouvons pas vérifier la vérité des images perceptives, puisque cette vérification dépendrait elle-même d’images perceptives. […] Plotin semble considérer les arguments des Sceptiques comme valides. Mais il ne se sent pas obligé d’aboutir aux mêmes conclusions, puisque les arguments reposent sur une hypothèse qu’il rejette. Les Sceptiques (et leurs adversaires) supposent que l’objet connu est extérieur au sujet qui connaît […] d,après Plotin, nous devons rejeter cette supposition. La possibilité d’une connaissance vraie peut être réalisée si l’objet connu est identique au sujet connaissant: «Ainsi la vérité s’accorde, non avec un autre, mais avec elle-même, et ne dit rien d’autre de plus qu’elle-même…

52 Ennéades V 5, 1-2 Le problème de la vérité
…, mais ce qu’elle dit, elle l’est, et ce qu’elle est, elle le dit.» (V 5,2,18-20) En d’autres termes, la possibilité de la vérité dépend de la thèse qu’il existe un intellect divin dont l’objet de pensée est soi-même. Cette thèse est un postulat nécessaire si l’on veut défendre la prétention de connaître quelque chose contre les critiques des philosophes sceptiques. Plotin abandonne en effet le type de connaissance dont la vérité est en question, notre connaissance des choses extérieures, afin de défendre la possibilité d’une connaissance vraie sous une autre forme, à savoir la coprésence immédiate du connaissant et du connu dans l’intellect divin. Sa démarche ressemble plus à une retraite face à l’assaut des Sceptiques qu’à une contre-attaque, puisque le type de connaissance dont la vérité nous intéresse est la connaissance du monde extérieur.»

53 Ennéades V 3, 1-6 Le problème de la connaissance de soi
«Un autre problème, qui nous ramène à la thèse de l,unité de l’intellect et de son objet (les Formes) est celui de la connaissance de soi. La connaissance de soi est un thème fondamental dans la philosophie grecque, depuis Socrate, qui voyait la connaissance en soi comme le point de départ de la philosophie, jusqu’à Aristote, dont le dieu est la connaissance de soi dans sa forme absolue, et aux Stoïciens, qui rattachaient le bonheur à la capacité chez l’homme de se connaître soi-même ainsi que sa place dans la nature […] L’argument sceptique contre la possibilité de la connaissance de soi se résume ainsi. Si quelque chose se connaît soi-même, alors il connaît soit comme un tout, soit comme une partie. S’il connaît en tant que tout, alors il ne reste rien en lui qui puisse être l’objet connu. Et s’il connaît en tant que partie, alors une partie de lui connaît une autre partie de lui…

54 Ennéades V 3, 1-6 Le problème de la connaissance de soi
…Mais ceci n’est pas une connaissance de soi. Donc la connaissance de soi est impossible […] Dans le traité V 3, l. 2-4, Plotin discute les moyens par lesquels notre âme connaît. Elle cherche à connaître les choses autres qu’elle-même par la sensation et la pensée, dans laquelle des images perceptives sont comparées et jugées par rapport à différents critères ou normes […] Nous ne connaissons pas en tant qu’âme; nous connaissons ce qui est autre que nous, des images perceptives d,objets extérieurs et des normes conceptuelles que nous reconnaissons comme venant à nous d’ailleurs, c’est-à-dire d’un intellect en complète activité qui est la source de ces normes et qui les pense comme les Formes […] Toutefois, on ne trouve une véritable connaissance de soi que dans l’intellect qui se pense lui-même: «Tout sera en même temps un: l’intellect, l’intellection…

55 Ennéades V 3, 1-6 Le problème de la connaissance de soi
…, l’objet de l’intellection. Si donc son intellection (c’est-à-dire de l’intellect) est l’objet d’intellection, et cet objet est (l’intellect), l’intellect se pensera alors lui-même. Car il pensera avec intellection, ce qu’il est, et pensera son objet, ce qu’il est. Ainsi sous deux aspects il se pensera lui-même, dans la mesure où l’intellection est lui-même, et dans la mesure où l’objet de l’intellection est lui-même, qu’il pense avec intellection, qui est lui-même.» (V 3,5,l.43-48) […] Ce que nous connaissons (très imparfaitement) de ce qui est extérieur à nous est un forme de connaissance de soi aliénée et déficiente. En cherchant à connaître les choses autour de nous, nous cherchons indirectement à nous connaître nous-mêmes […] La véritable connaissance de soi se trouve seulement au niveau de l’intellect divin qui ne fait qu’un avec son objet de pensée. Nous devons alors nous unir avec lui.»

56 L’intellect et l’Un La priorité du simple
«Le «Principe de l’Antériorité du Simple» occupe une place importante dans la philosophie de Plotin […] La recherche des facteurs responsables de la constitution du monde l’a conduit à parler, comme les Stoïciens, d’une force psychique organisant tout. Cette force est guidée par des modèles: elle est inspirée par une sagesse qu’elle reçoit de l’intellect divin dont l’unique activité, sa pensée, est cette sagesse […] Pour Plotin l’intellect divin ne pourrait pas être absolument simple; à certains égards, malgré son degré élevé d’unité, il est composé. Appliquant le Principe de l’Antériorité Simple, Plotin parvient à la conclusion que nous devons postuler, au-dessus et au-delà de l’intellect divin, une cause ultime qui serait absolument simple, l’Un […] «Car il doit y avoir quelque chose d’antérieur à toutes choses, qui soit simple, et ceci doit être différent de tout ce qui vient après lui…

57 L’intellect et l’Un La priorité du simple
…, étant par lui-même, non mélangé avec ceux qui viennent de lui, et pourtant étant capable d’être présent dans les autres d’une manière différente, étant véritablement un, et non autre chose qui est aussi un…Car ce qui n’est pas premier a besoin de ce qui est antérieur à lui, et ce qui n’est pas simple a besoin de ceux qui sont simples en lui afin qu’il puisse être à partir d’eux» (V,4,1,5-15). Le principe de l’Antériorité simple implique davantage. Il inclut (1) la thèse que les éléments constitutifs des composés existent aussi indépendamment de ces composés et sont différents d’eux, et (2) la thèse que la division des composés en leurs éléments ramène finalement à un élément fondamental qui est absolument simple et indépendant de tout ce qui découle de lui […] «Mais il doit être unique, s’il doit être vu dans les autres. A moins qu’on veuille dire qu’il a son existence en étant…

58 L’intellect et l’Un La priorité du simple
…avec les autres. Mais alors il ne sera pas simple, et ce qui est formé de plusieurs parties n’existera pas, et s’il n’y a pas de simple, ce qui est formé de plusieurs parties n’existera pas» (V,6,3,10-15) […] Platon voyait la production de la réalité comme une sorte de progression mathématique, dans laquelle le point est un élément de la ligne tout en la produisant, tout comme la ligne est un élément de la surface qu’elle produit, celle-ci produisant à son tour un solide. De cette manière, toute la réalité découle de deux éléments fondamentaux, l’un et la dyade indéfinie […] De tels textes montrent comment Plotin aurait été emmené à accepter le Principe de l’Antériorité Simple, dans la variante proposée ici, comme authentiquement platonicien. Et cette variante, particulièrement dans l’usage d’une série mathématique, entraîne la réduction du monde multiple à un nombre toujours décroissant d’éléments.»

59 L’intellect et l’Un L’intellect divin en tant que composé
«La nécessité d’aller au-delà de l’intellect divin dans la recherche de la cause ultime de la réalité découle du Principe de l’Antériorité Simple appliqué à l’affirmation que l’intellect divin est composé […] Avec elle Plotin se sépare des Platoniciens et des Aristotéliciens qui soutenaient que l’unité de l’intellect divin avec son objet de pensée est telle qu’il est absolument simple et donc fondamental […] On peut trouver des arguments démontrant que l’intellect est composé (V 4, V 6). Le traité V 4,2 suggère que l’intellect divin est composé de deux manières: (1) il est un composé de l’activité et de l’objet de pensée; l’activité de penser (noesis) et l’objet qui définit cette activité (noeton) forment l’intellect; (2) l’objet lui-même est multiple […] Cependant Plotin, dans le traité V,6,1-2, prétend que l’analyse (aristotélicienne) de la pensée implique au contraire que tout pensée…

60 L’intellect et l’Un L’intellect divin en tant que composé
…y compris la pensée de soi-même, comporte nécessairement une dualité entre la pensée et l’objet de pensée. La raison en est que la constitution de l’intellect dépend de l’existence préalable de l’objet de pensée afin de rendre possible l’actualisation de la puissance de penser. Ainsi l’objet de pensée existe à la fois dans l’intellect, en tant qu’élément constitutif, et antérieurement à lui, comme ce en relation avec quoi la pensée est réalisée. Donc si l’intellect se pense lui-même, il est en même temps simple, dans la mesure où il se pense lui-même, et double, dans la mesure où il pense quelque chose. Toute pensée, y compris la pensée de soi-même, est constitué par une dualité d’activité et d,objet de pensée.; et l’objet, en tant que constitutif de la pensée, doit exister antérieurement à la pensée aussi bien que dans la pensée.»

61 Ennéades La fabrication du monde dans le Timée
«Timée, le personnage principal du dialogue de Platon, raconte un «mythe vraisemblable» à propos de la genèse du monde […] de même que l’artisan humain produit un objet en prenant une matière appropriée, en donnant forme à cette matière d’après l’intention ou le modèle, ainsi il existe un artisan divin (le démiurge) qui utilise un modèle (les Formes éternelles) qu’il imite, produisant dans un certain milieu (le réceptacle) une imitation, c’est-à-dire le monde (Timée 28a-29d) […] Pour les Stoïciens, la force divine productrice travaille dans, et non sur, la matière. Les Épicuriens tournaient en ridicule l’idée d’un dieu travaillant durement (avec quels outils?) pour produire le monde. Le monde résulterait plutôt selon eux des mouvements irrationnels et arbitraires des atomes dans le vide.»

62 Ennéades III 8, 1-7 La production comme contemplation
«Plotin se montre conscient des difficultés que comporte la comparaison de la genèse du monde avec la production artisanale d’un objet. Il admet l’affirmation aristotélicienne selon laquelle les processus naturels sont de loin supérieurs à l,art humain: la nature n,a pas besoin de calculer et de délibérer; elle ne peine pas sur son ouvrage. Comment le monde est-il donc produit? «C’est pourquoi notre âme, dit-il [Platon], si elle est avec l’âme parfaite, étant perfectionnée, «parcourt le ciel et gouverne tout l’univers» (Phèdre 246c); quand elle cesse d’être dans des corps ou d’appartenir à un corps, alors, comme l’âme du monde, elle prend part au gouvernement aisé de l’univers…Car la prise en charge de l’univers est double, une organisation générale par le commandement non engagé du gouvernement royal, et un soin particulier par l’action personnelle appliquée au moyen du contact avec l’agent avec ce qui est fait.» (IV 8,2,19-30)

63 Ennéades III 8, 1-7 Nature, temps et matière
1. La nature, en tant que force productive, est peut-être le mieux conçu comme cet aspect du pouvoir de l’âme dont l’activité correspond à l’organisation fondamentale du monde. L’âme comprend une gamme de puissances ou d’activités qui se manifestent dans les diverses fonctions vitales caractérisant la présence de l’âme dans le corps; la nature fait partie de cette gamme de puissances. En ce sens, la nature n’est pas une réalité séparée de cette gamme de puissances. En ce sens, la nature n’est pas une réalité séparée de l’âme de la même manière que l’âme est une réalité séparée de l’intellect […] Plotin établit une distinction entre l’âme et ses puissances inférieures d’une part, et entre l’intellect et l’âme d’autre part, en décrivant l’âme comme se mouvant en produisant ces fonctions inférieures et l’intellect comme immobile dans sa production de l’âme. Si la nature est…

64 Ennéades III 8, 1-7 Nature, temps et matière
…, en tant que force productive, une partie intégrante de l’âme, l’effet que l’âme a sur la matière, la vie qu’elle prête à la matière et qui constitue avec celle-ci un corps vivant, peut-être décrite comme une image de l’âme. 2. Le monde dérive éternellement de l’âme tout comme l’âme et l’intellect dérivent éternellement de l’Un. En produisant le monde, l’âme agit de telle manière que le temps apparaît comme caractéristique du monde. Le temps, conclu Plotin, est produit par l’âme qui, non contente de rester en contemplation de l’intellect, exprime cette contemplation en un mouvement qui est un morcellement et un éparpillement successif de la vie unifiée de l’intellect. Ce fractionnement de la vie unifiée en moments successifs est le temps: «le temps est la vie de l’âme dans le mouvement de passage d’un mode de vie à un autre» (11,43-45).

65 Ennéades III 8, 1-7 Nature, temps et matière
3. Certains lecteurs modernes de Plotin ont pensé que la manière dans laquelle l’âme engendre le monde est indépendante de l’âme, préexistant à la fabrication du monde par l’âme […] Or si tel était vraiment le cas, Plotin ne serait pas conséquent dans l’application du Principe de l’Antériorité du Simple qui implique que tout dérive, directement ou indirectement, de l’Un […] «De même que tout ce qui fut engendré antérieurement à ceci fut engendré sans forme et fut formé en se tournant vers le générateur et fut nourri, pour ainsi dire, de même en effet fut la matière, quand elle fut engendrée, non plus une forme de l’âme, étant sans vie, mais une complète indétermination. Car si l’indétermination se trouve aux niveaux supérieurs, elle est indéterminée dans la forme, n’étant pas quelque chose de complètement indéterminé, mais indéterminé par rapport à sa perfection. Mais elle est maintenant une indétermination totale.» (III, 4,1,8-15)

66 Ennéades V,9, 1-14 Sur l’intelligence, les idées et l’être
-Il existe trois types d’homme : -Les uns en restent là et, leur vie durant, ils croient que les choses sensibles sont les premières et les dernières, ils pensent que la douleur et le plaisir qu’elles provoquent sont le mal et le bien; ils croient qu’il suffit de ne pas cesser de poursuivre l’un et d’écarte l’autre (les Épicuriens); -Les autres s’élèvent un peu au-dessus des choses inférieures parce que la partie supérieure de l’âme les porte de l’agréable à l’honnête. Mais incapables de voir la région supérieure, et parce qu’ils n’ont pas d’autre point fixe, ils retombent, avec leur mot de vertu, dans l’action pratique, dans le choix entre les choses d’en bas, au-dessus desquels ils avaient d’abord voulu s’élever (les Stoïciens);

67 Ennéades V,9, 1-14 Sur l’intelligence, les idées et l’être
-Il y a une troisième race d’hommes, hommes divins par la supériorité de leur pouvoir et la pénétration de leur vue; ils voient d’un regard perçant la lumière éclatante d’en haut; ils s’y élèvent, au-dessus des nuages et des ténèbres d’ici-bas; ils y séjournent en regardant de haut toutes les choses d’ici-bas : ils se plaisent en cette région de vérité qui est la leur, comme des hommes, revenus d’une longue course errante, se plaisent dans une patrie bien gouvernée (les Platoniciens). -Qu’est donc cette région? Comment y arriver? -On y arrivera si l’on est de nature amoureuse, et si dès le début on a les dispositions d’un vrai philosophe; il appartient à l’amant d’être en travail pour enfanter le beau; mais il ne se contente pas de la beauté des corps; il s’enfuit vers les beautés de l’âme, la vertu, la science, les occupations honnêtes et les lois;…

68 Ennéades V,9, 1-14 Sur l’intelligence, les idées et l’être
…il remonte encore à la cause des beautés de l’âme, et encore plus haut à ce qui est antérieur à cette cause, jusqu’à ce qu’il arrive au beau par lui-même. -Mais comment monter? D’où lui viendra ce pouvoir? Quel discours lui enseignera cet amour? -La beauté des corps sont acquises; elles sont en eux comme des formes dans une matière. Car le sujet de la beauté change et, de beau, devient laid. Ils sont donc beaux par participation; -Qu’est-ce qui a produit la beauté dans les corps? -En un sens, c’est la présence de la beauté; en un autre, c’est les âmes qui les façonne et met en eux la beauté; -L’âme, d’elle-même, est-elle donc belle?

69 Ennéades V,9, 1-14 Sur l’intelligence, les idées et l’être
-Non, puisque certaines âmes sont prudentes et belles, d’autres insensées et laides. C’est donc de la prudence que vient la beauté dans l’âme; -Qu’est-ce qui donne la beauté à l’âme? -C’est la véritable Intelligence qui est belle par elle-même; -Faut-il s’arrêter à elle comme à un premier terme, ou aller encore au-delà? -L’Intelligence est placée en avant du principe premier par rapport à nous, elle nous fait connaître toutes choses; car tout est en elle; mais elle est comme une empreinte du Bien dans le multiple, tandis que le Bien reste absolument dans l’unité; -Il faut examiner cette nature de l’intelligence, qui, selon la raison, est l’être réel et l’essence véritable;…

70 Ennéades V,9, 1-14 Sur l’intelligence, les idées et l’être
…il faut chercher si elle est telle que nous disons, s’il y a une intelligence séparée, si cette intelligence est identique aux êtres, et si elle contient les idées. -Nous voyons que ce qu’on appelle un être est un composé; aucun être n’est simple, qu’il soit fabriqué par l’art ou constitué par la nature. -Les êtres artificiels n’ont pas leur réalité pleine; -Parmi les composés naturels, les uns sont très complexes; on les appelle des combinaisons, et ils se résolvent dans les éléments combinés et la forme. -L’on demandera si l’âme, à son tour, est un être simple, ou s’il y a en elle quelque chose comme la matière et quelque chose comme la forme. -Transportant les mêmes principes à l’univers, on remontera là aussi à une intelligence, …

71 Ennéades V,9, 1-14 Sur l’intelligence, les idées et l’être
…dont on fera le véritable créateur et démiurge. -L’âme ajoute aux quatre éléments la forme du monde; mais c’est l’intelligence qui lui fournit des raisons séminales. Il y a une intelligence qui est la forme de l’âme, celle qui opère selon la forme; et il y a une intelligence qui lui fournit la forme. -Ce qu’elle donne à l’âme est donc voisin de la réalité vraie; mais ce que le corps reçoit est déjà une image et une imitation. -Pourquoi donc faut-il remonter au-delà de l’âme et ne pas la considérer comme le terme premier? -D’abord l’intelligence est différente de l’âme et supérieure à elle. Car il n’est pas vrai que l’âme, arrivée à sa perfection, engendre l’intelligence. -D’où viendrait qu’un être en puissance devienne être …

72 Ennéades V,9, 1-14 Sur l’intelligence, les idées et l’être
…en acte, s’il n’y avait pas de cause qui le fît passer à l’acte? -Il faut admettre que les êtres premiers sont en actes, qu’ils se suffisent à eux-mêmes, et qu’ils sont parfaits; les êtres imparfaits leur sont postérieurs, ils reçoivent la perfection de leurs générateurs, nés imparfaits. -Ils sont une matière par rapport à leur premier créateur, et cette matière, étant informée, s’achève en un être complet. -Si donc l’âme est passive, il faut bien qu’il y ait aussi quelque chose d’impassible; il faut donc qu’il y ait quelque chose avant l’âme. De plus, puisque l’âme est dans le monde, et puisqu’il faut admettre quelque chose en dehors du monde, il s’ensuit encore qu’il y ait quelque chose avant l’âme.

73 Ennéades V,9, 1-14 Sur l’intelligence, les idées et l’être
-Car puisque ce qui est dans le monde est en un corps et une matière, rien n’y reste identique à soi-même; l’espèce humaine et les raisons séminales ne seront ni éternelles, ni identiques à elle-mêmes. Donc, l’intelligence est nécessairement antérieure à l’âme. -Si l’on prend le mot intelligence en son véritable sens, il faut comprendre par là non pas une intelligence en puissance, mais l’intelligence en acte et éternellement existente. -Puisque la pensée n’est pas en elle une acquisition, elle a par elle-même toutes ses pensées, et elle possède par elle-même tout ce qu’elle possède. Mais puisqu’elle pense d’elle-même et par elle-même, elle est cela même qu’elle pense. -Si en effet elle est une réalité et si ce qu’elle pense…

74 Ennéades V,9, 1-14 Sur l’intelligence, les idées et l’être
…est une autre réalité, sa propre réalité ne sera pas pour elle objet de pensée; elle sera en puissance et non en acte. Il ne faut donc pas séparer ces réalités l’une de l’autre. -Quel est donc l’être qui agit ou pense, de manière qu’on admette qu’il est cela même qu’il pense? -Il est évident que c’est l’intelligence véritable; elle pense les êtres et les fait exister. Elle est donc ces êtres mêmes. Car elle les pensera ou bien comme existant ailleurs, ou bien comme existant en elle en étant elle-même. Ailleurs c’est impossible. -Où donc en effet? -Donc, elle se pense elle-même et les pense en elle. Car elle ne les pense pas dans les choses sensibles, comme on le croit.

75 Ennéades V,9, 1-14 Sur l’intelligence, les idées et l’être
-La forme qui est intérieure à la chose sensible dans la matière, est une image de la forme réelle. Toute forme qui est en une chose est venue en cette chose d’une autre forme, et elle est l’image de cette autre forme. -Si l’intelligence doit être créatrice de l’univers, elle ne pourrait penser les êtres, afin de les produire dans cet univers, puisqu’il n’est pas encore. Donc, ces êtres doivent exister antérieurement au monde. -Ils sont l’essence même de l’intelligence. -l’habitude, la nature et l’âme ne sont qu’en puissance. -L’intelligence est donc les êtres réels eux-mêmes, et ne les pense pas tels qu’ils sont ailleurs. -Être et penser, c’est la même chose.

76 Ennéades V,9, 1-14 Sur l’intelligence, les idées et l’être
-La science des êtres sans matière est identique à son objet. -Disons donc que l’Intelligence est la même chose que les êtres; elle les contient tous en elle, non comme en un lieu, mais parce qu’elle se contient elle-même et qu’elle est pour eux une unité. -Là-bas, tous les êtres sont ensemble et néanmoins séparés. -L’Intelligence est immobile et en elle-même; elle est tout à la fois; et ce n’est pas parce qu’elle pense à une chose qu’elle la fait exister. Ce n’est pas lorsqu’elle pense à Dieu, que Dieu existe, ni lorsqu’elle pense au mouvement, que le mouvement existe. -Par conséquent il n’est pas exact de dire que les idées sont des pensées.

77 Ennéades V,9, 1-14 Sur l’intelligence, les idées et l’être
-Si donc la pensée est pensée d’un objet intérieur à l’intelligence, cet objet intérieur est une forme. -Qu’est donc l’idée? -Une intelligence ou une substance intellectuelle; chaque idée n’est point différente de l’intelligence. -L’intelligence complète est faite de toutes les idées, et chacune des idées, c’est chacune des intelligences. -Tout ce qui est forme dans le monde sensible, vient de là-bas; tout ce qui n’est pas forme n’en vient pas. -Y-a-t-il là-bas seulement les êtres correspondant aux êtres sensibles ou y en a-t-il encore plusieurs autres? -Il faut examiner la question des objets artificiels : car il n’y a pas de mal là-bas.

78 Ennéades V,9, 1-14 Sur l’intelligence, les idées et l’être
-Le mal en notre monde vient en effet d’un manque, d’une privation, d’un défaut, il est la manière d’être d’une matière ou d’une chose assimilable à la matière, qui échoue dans son effort pour atteindre la forme. -Il y a là-bas une idée de l’homme, il y a aussi une idée de l’être raisonnable et de l’artiste, et les arts y sont aussi puisqu’ils sont des produits de l’intelligence. -Y a-t-il là-bas seulement les modèles des êtres sensibles? -Il ne faut pas croire que tout ici-bas est l’image d’un modèle. -Les idées ne sont pas localement séparées de nous; donc, dès que l’âme s’est dégagé du corps, elle est là-bas comme les idées.

79 BIBLIOGRAPHIE Alain Panero: «Introduction aux Ennéades: l’ontologie subversive de Plotin, éditions l’Harmattan, ouverture philosophique, 2005, 242p. Dominic O’meara: «Plotin: une introduction aux Ennéades, édition Cerf Paris, Academic Press Fribourg Suisse, 2e édition, 2004, 183p.


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