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Publié parCosette Hernandez Modifié depuis plus de 10 années
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Pour une approche anthropologique du soin
Mohamed Mebtoul GRAS-Université d’Oran SEMINAIRE-ATELIER ethique et sante octobre 2012 Dakar
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Nos recherches socioanthropologiques menées depuis vingt ans, ont tenté de montrer la pertinence du regard centré sur les personnes malades singulières, mais aussi porteuses d’une histoire sociale, qui ne se réduit pas à la maladie en soi. Le regard anthropologique : comprendre du dedans pour aboutir à décrypter dans toute sa complexité les logiques sociosanitaires déployées par la personne face à la maladie, la santé et la médecine.
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Quelle posture anthropologique ?
Importance d’une posture de proximité, d’écoute et de respect de la parole de la personne, nous conduisant à une transformation de soi, en relativisant des « vérités » produites dans une logique de distanciation à l’égard de la personne malade. Bensa (2010 ) : « s’ouvrir l’accès aux motivations d’autrui en respectant ses façons de les exprimer ».
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Objet de notre communication
-préciser dans un premier temps, la prégnance des logiques qui sont celles des patients conduits à produire un ensemble de significations vis-à-vis de la maladie et des soins. Insister sur la notion de soins comme rapport social qui permet la rencontre entre deux subjectivités, celles des professionnels de la santé et des patients, porteurs de compétences plurielles et diversifiées, mais qui sont loin de s’opposer, comme on le pense souvent.
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Les significations produites par les patients et leurs proches à l’égard de la maladie.
-Redonner sens aux réseaux de significations (Massé, 1995) construits par les patients et leurs proches parents qui sont la quête de sens et de soins. Production d’un discours métaphorique pour dire le mal : « Ma tête boue » ; «l’électricité traverse mes jambes ». -Mettre en exergue le travail interprétatif des familles et du malade que l’anthropologue tente de restituer à partir d’itinéraires thérapeutiques et de récits de patients. Complexité et flexibilité caractérisent les récits des malades (identification du mal, diagnostic profane, arbitrages familiaux autour des soins à dispenser, acquisition totale ou sélective des médicaments, etc.).
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La famille productrice de soins
- La dynamique sociosanitaire profane émerge dans l’espace familial - Les premières interprétations du mal, les premiers soins, les décisions de recours aux différentes offres thérapeutiques, le travail de santé assuré en partie par les femmes, l’administration des traitements : autant d’éléments indiquant que la famille est productrice de soins. - La famille du malade est un « groupe organisateur de la thérapie », bien décrit par Janzen (1978) en Afrique.
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Complexité et diversité des trajectoires de la maladie
Le regard anthropologique met en exergue la complexité et la diversité des trajectoires de la maladie chronique, dévoilant les errances thérapeutiques des malades, des discontinuités et des ruptures dans leur prise en charge par une multiplicité de professionnels de la santé ; mais aussi leur forte implication dans le processus thérapeutique, en assurant un véritable travail médical (Strauss, 1992).
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A partir de ces trajectoires, il est possible d’indiquer que les personnes malades sont des acteurs sociaux qui peuvent, pour de multiples raisons - absence de confiance à l’égard du thérapeute, évaluation négative du traitement qui n’est pas sans liens avec la façon dont il a été accueilli par les professionnels de la santé, logique autonome à l’égard du praticien de la santé, les conduisant à tester sous l’influence de du réseau familial ou de voisinage, tel aliment ou traitement étiqueté comme ayant fait ses preuves – s’inscrire dans une logique de contournement de la rationalité médicale.
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Réfuter le dogme de la cruche vide
-Réfuter le « dogme de la cruche », signifie ici le refus de considérer les patients comme des récepteurs passifs de connaissances et d’attitudes émises par les professionnels de la santé. -Indiquer au contraire la prégnance de la réflexivité des patients et leurs proches parents à l’égard des soins, particulièrement quand ils ne s’inscrivent pas dans leurs horizons d’attente ou peu adaptées à leurs conditions locales d’existence. « Les gens n’agissent pas comme on s’attend à ce qu’ils le fassent parce que les attentes qu’on a à leur égard sont fausses » (Olivier de Sardan, 1990
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Les programmes de santé en Algérie, produits de façon uniforme, centralisée et verticale ont été souvent « greffés » sur des réalités sociosantaires plurielles et diversifiées sous-analysées. Les concepteurs de ces programmes ont implicitement ou explicitement considéré le tissu social comme une cruche vide qu’il suffit de remplir de connaissances, pour transformer les logiques sanitaires des patients.
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Les proches parents et les malades n’ont pas été reconnus comme des « agents réflexifs », construisant en permanence un rapport actif à la maladie, s’appuyant sur des savoirs populaires relatifs à la maladie, à la santé et à la médecine, profondément enracinés dans la société. Massé (1995), définit ces savoirs comme « un véritable système culturel parallèle, n’étant aucunement réductible à un sous-ensemble de connaissances médicales. Tout en intégrant des éléments du savoir scientifique dominant, il s’impose comme un savoir authentique, véhiculant son propre bagage de croyances ».
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La maladie amputée de la dimension psychologique et sociale
La sous-estimation des significations attribuées par le patient et sa famille à la maladie et aux soins, par une majorité de professionnels de la santé, est en grande partie liée au fait que le patient est réduit à sa maladie organique, pourtant vécue par celui-ci et ses proches comme un évènement et non pas uniquement comme un état. Chaque détail est important pour le malade. Il opère grâce à l’observation, un recensement précis des gestes et des actes techniques et sociaux assurés par les professionnels de la santé. Toute leur gestualité, leur silence et leur distance, sont décrits de façon plus libre dans l’espace familial qui essentiel pour comprendre les logiques des malades et de leurs proches parents.
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Une réappropriation active par le patient et de ses proches, de la façon dont s’est nouée la relation thérapeutique au sein de la structure de soins. « Elle a examiné la gorge, le ventre et écouté le cœur. Elle n’a pas pris la température. J’ai demandé au médecin, sa maladie. Il ne m’a pas répondu » (mère de 45 ans, fille malade).
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Le soin comme rapport social
Il semble donc important de rappeler que les malades et leurs familles sont aussi des producteurs de soins. Ils sont partie prenante du travail médical, particulièrement face à la maladie chronique. Autrement dit, les soins ne sont pas le monopole des professionnels de la santé.
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Dans une perspective anthropologique, le soin ne se réduit pas, loin s’en faut, à sa dimension technique, mais signifie surtout prendre soin de la personne (care en anglais). Les soins sont bien indissociables de notre vie quotidienne. Avant d’être technique, le soin est un rapport social qui permet la rencontre de deux subjectivités porteuse de compétences diversifiées mais non opposées.
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Le médecin construit son activité médicale à partir du savoir social du patient et de sa famille qui lui transmettent les informations sur l’état de la maladie. « La frontière en soins professionnels et soins profanes est fluctuante et imprécise ». Le savoir profane ou d’expérience recouvre un savoir social (Arborio, 2001), un savoir-juger d’un ensemble de situations sociosanitaires.
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Un travail de soins invisible et peu reconnu
-Un travail de soins invisible et peu reconnu, assuré par les proches parents du malade : Les soins intègrent donc toutes -Soutien affectif et cognitif liées à leurs expériences sociosanitaires acquises avec leurs plus grands enfants.
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Tâches paramédicales assurées par la mère qui administre les différents traitements.
-Micro-négociations assurées par les proches parents avec les professionnels de la santé : la bouteille de sérum est vide, tel traitement n’a pas eu les effets escomptés, sortie temporaire du malade de l’hôpital, etc.
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Les attentes du patient
Les attentes des proches parents du malade sont focalisées sur la dimension sociale et humaine des soins (accueil, relations, etc.). Quête d’une interaction de proximité : elle indique précisément une exigence de reconnaissance sociale de la personne malade et de ses proches. Refus explicite d’être considérée comme un corps objet sans dignité sanitaire.
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Constat de la fragilité de la relation thérapeutique nouée dans une majorité des services de santé. « Pourquoi les personnes qui travaillent dans la santé, nous regardent d’en haut, comme si on était des mouches ? Pourquoi, ils ne nous considèrent pas ? Es-ce que parce que nous sommes des pauvres, ou parce que nous sommes des illettrés, ou parce qu’on se laisse faire ? Essayer de répondre à cette question dans votre étude ».
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La reconnaissance sociale et politique de la personne malade est indissociable de la prise en considération de sa parole. La majorité des proches parents des malades anonymes (sans capital relationnel) évoquent l’absence d’écoute et de dignité sanitaire, signifiant l’impossibilité de recevoir les réponses à leurs questions et à leurs appels face à la maladie de leurs proches. « On ne nous regarde même pas » ; ou encore : « Ils nous ont tué par leur silence ».
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Sélection des « bons » malades selon le capital relationnel
A contrario, les proches parents du malade, recommandés par un membre du personnel de la santé sont accueillis et soignés rapidement. La relation thérapeutique se construit ici dans une logique de proximité sociale et de prise en considération de la personne.
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L’empathie et l’écoute des professionnels de la santé à l’égard de ces familles privilégiées, permet de caractériser la consultation médicale comme une interaction construite différemment selon le capital relationnel détenu par les proches parents du malade (Mebtoul, 2007).
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Le soin est un rapport social, loin de se réduire à un ensemble d’actes techniques en soi, dévoile au contraire que leur mise en œuvre est profondément relationnelle impliquant des postures de distanciation sociale ou de proximité à l’égard de l’autre.
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Conclusion Nous avons tenté de montrer : - L’importance du réseau de significations sur la maladie et les soins produits par les patients et leurs familles à partir de leur vie quotidienne, s’appuyant sur le réseau familial et de voisinage ou tout autre élément déterminé par le contexte familial et social du malade. -La prégnance des patients-acteurs qui opèrent en permanence une réflexivité sur les pratiques professionnelles des praticiens de la santé, se focalisant sur la dimension sociale et relationnelle des soins.
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Quelques références bibliographiques
Augé M., 1984, « Introduction », in : Augé M., Herzlich C. (eds.), Le sens du mal, Paris, Editions des Archives Contemporaines, 9-13. Cresson G., 1995, Le travail domestique de santé, Paris, L’Harmattan. Giddens A., 1987, La constitution de la société, Paris, PUF. Jaffré Y., 1990, « Comprendre les mots des malades », in : Fassin D., Jaffré Y., (eds.), Sociétés, Développement et Santé, Paris, Ellipses/Aupelf, Janzen J.M., 1978, La quête de la thérapie au Bas-Zaire, Paris, Karthala, 1978. Massé R., 1995, Culture et Santé publique, Gaëtan-Morin. Mebtoul M., 2005, Médecins et Patients en Algérie, Oran, Dar-El-Gharb. Mebtoul M., 1994, Une anthropologie de la proximité, les professionnels de la santé en Algérie, Paris, L’Harmattan. Geneviève Cresson et Mohamed Mebtoul, 2010, Famille et santé, Presses de l’EHESP, Rennes. Jean-Louis Olive & Mohamed Mebtoul, (2010), Le Soin, Sociomorphose, Editions Presses Universitaires de Perpignan. Mohamed Mebtoul, 2011, Les prestations de soins de santé essentiels en Afrique. Réalités et perceptions communautaires: Cas de l’Algérie, Rapport de recherche réalisée par 23 chercheurs associés du laboratoire GRAS et soutenue par OMS/APOC, Août 2011.
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Publications récentes du GRAS
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Famille et santé Sous la direction de Geneviève Cresson et Mohamed Mebtoul, Presses de l’EHESP, Rennes, 2010 Famille et santé : deux valeurs fortes, deux institutions en interaction constante. Comment les aborder ensemble sans inféoder l’une à l’autre – sans faire de la famille une auxiliaire des professionnels de la santé ? Conjuguant la pluralité des perspectives théoriques et la variété des préoccupations liées aux interventions sociales auprès de publics fragilisés, cet ouvrage collectif traite des situations les plus diverses : naissance, handicap, soins palliatifs, éducation aux risques, prise en charge de la douleur, recherche d’information sur le web… Les contributions sont réunies en trois parties. La première est consacrée à la division politique du travail de soin entre familles et professionnels. La deuxième s’intéresse aux situations de crise qui amènent les familles à assurer un travail médical soutenu. La troisième aborde la production des liens familiaux lors des événements de santé : car si la famille produit des soins et de la santé, les événements de santé et de maladie produisent des liens familiaux, les réaffirment ou les distendent. Geneviève Cresson est professeure de sociologie à l’Université de Lille1, membre du CLERSE-CNRS. Mohamed Mebtoul, sociologue, est professeur à l’Université d’Oran et directeur du Groupe de rechercher en Anthropologie de la santé (GRAS).
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Editions Presses Universitaires de Perpignan, 2010
Le Soin, Sociomorphose Jean-Louis Olive & Mohamed Mebtoul Editions Presses Universitaires de Perpignan, 2010 Donnant suite aux programmes de coopération euroméditerranéenne qui engagent les Universités de Perpignan Via Domitia et d’Oran Es-Sénia, en réseau Averroes, ces journées ont permis aux enseignants et étudiants des deux rives de développer un axe d’échanges interculturels, afin de valoriser les travaux des différents chercheurs au travers de doctorats en cotutelle. La place du médecin dans les sociétés modernes, l’évolution des métiers infirmiers ou la question du genre dans les métiers de la santé, les rapports entre la technicité et les rites et croyances attachés au corps, les espoirs, les peurs et les phobies sanitaires… Sous ces formes diverses, le concept du soin est questionné ici comme une relation, à travers la transformation des pratiques et des métiers de soignant (ici appelée sociomorphose). Il s’agit d’une approche originale et transdisciplinaire du soin, entendu dans un sens large, comme lieu de recomposition des rapports sociaux et comme processus d’invention du lien social. Par la lecture croisée des origines et des parcours diversifiés des auteurs, le lecteur reconnaîtra des problématiques communes à des terrains divers : en Algérie et en France, mais aussi au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Congo et jusqu’au Cambodge.
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Sous la direction de Mohamed Mebtoul
Les prestations de soins de santé essentiels en Afrique Réalités et perceptions communautaires. Cas de l’Algérie Sous la direction de Mohamed Mebtoul L’objectif de la recherche est focalisé sur les perceptions de la population à l’égard des soins de santé essentiels en Algérie. Il s’agissait de comprendre, de décrire et d’analyser concrètement leurs visions de la santé, des prestations de soins de santé essentiels, de mettre en exergue leurs attentes et les contraintes multiples, qui semblent freiner leur implication et leur participation aux prestations des services de soins de santé essentiels. En investissant la question des perceptions ou des représentations sociales, fortement documentée dans les recherches théoriques menées notamment par Moscovici (1961, 1976), Jodelet (1989), Herzlich (1969), Abric (1987) et Seca (2001), sa pertinence se situe dans l’importance accordée à la construction sociale d’une réalité par les différents agents sociaux. Autrement dit, l’étude des perceptions permet d’indiquer la prégnance d’un système de savoirs et de connaissances pratiques de la population (opinions, images, attitudes, préjugés, stéréotypes, croyances). Ce système de savoirs résulte des multiples expériences sociales acquises et partagées par plusieurs personnes, au cours de leurs interactions au quotidien, constamment interprétées et évaluées par ces dernières. Présentation des résultats de la recherche multi pays réalisée par 23 chercheurs associés du laboratoire GRAS et soutenue par l'OMS Afrique Réalisée par Le Groupe de Recherche en Anthropologie de la Santé (GRAS – Université d’Oran). Soutenue par l’OMS Afrique Soutenue par OMS/APOC, Août 2011
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